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25 juillet 2020 6 25 /07 /juillet /2020 09:35

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- Joseph -

       En 1961, Joseph rentre d’Algérie dans son petit village. Mal accueilli par son père et son frère Jules, il voit aussi presque la totalité des villageois lui tourner le dos. Et pour cause : certains hommes ont déjà laissé leur peau là-bas, en Afrique et lui, Joseph, s’est « planqué » dans un travail de paperasses et de bureau, loin des combats. Père et frère lui en veulent aussi parce qu’ils ont dû gérer seuls la ferme familiale. L’urgence et la masse de travail ont même provoqué un accident de tracteur : Jules se retrouve dans un fauteuil roulant. Pourtant Joseph, avec son visage si doux, cache un secret qui va faire pencher la balance en sa faveur… La jolie Mathilde qui était son amoureuse, le fuit aussi mais le retour d’un soldat va changer la donne.

         C’est une histoire à la fois tragique et belle qu’on nous raconte là. Avec sobriété, les auteurs nous présentent les affres du retour de guerre, le jugement porté sur ceux qui sont partis, le décalage entre le village qui a continué à vivre et les soldats qui ont vu de telles horreurs qu’ils sont changés à jamais. L’intrigue est bien menée et on ne s’ennuie pas une seconde. Il y a une certaine douceur qui contraste avec la chute et la dimension tragique de l’album. Quand on arrive à la dernière planche, on saisit à quel point la couverture est également une belle réussite. Un petit dossier fort intéressant en fin de BD évoque les films et les œuvres traitant de cet après-guerre et du retour des soldats. A lire donc !

 

                                            Afficher l’image source  

 

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20 juillet 2020 1 20 /07 /juillet /2020 13:04

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       Cela fait à peu près un an que lire cette histoire tellement connue me tente. J’ignorais que le roman, dans sa totalité, faisait pas loin de mille pages. Voici donc une première partie.

       En Géorgie, en 1861, Scarlett O’Hara est l’aînée de trois enfants et, à 16 ans, elle fait ce qu’elle veut. Elle séduit les hommes des alentours, établit de fins stratèges pour être la plus jolie, mène son cher père par le bout du nez mais, malheureusement, n’arrive pas à s’opposer aux fiançailles du seul qu’elle aime : Ashley qui s’entête à épouser une frêle cousine timide. Le conflit entre Yankees et Sudistes gronde et les rumeurs d’une bataille enflent. Peu importe, ce sera l’histoire de quelques jours. Scarlett avoue son amour pour Ashley et, par défi, épouse Charles qu’elle n’aime pas du tout. Il mourra deux mois plus tard, faisant de Scarlett une veuve qui peut désormais oublier les robes colorées, la danse, les fêtes et les jeux de séduction. La victoire garantie n’arrive pas et les combats se durcissent, obligeant Scarlett à rejoindre la ville d’Atlanta, fraîchement fondée, où elle retrouve un peu les joies de la convivialité. C’est Rhett Buttler, un bel homme fort et critiqué qui va la pousser à s’émanciper davantage. Alors que la Guerre de Sécession atteint son acmé, une étrange relation faite d’ironie, de séduction, d’orgueil va lier les deux êtres.

       Après un début un peu lent, le roman prend de l’ampleur, le contexte historique conjugué à l’histoire personnelle de cette demoiselle O’Hara devient passionnant. Scarlett est agaçante par certains côtés, trop capricieuse, égoïste, à l’« esprit retors », parfois méchante, presque toujours hypocrite (mais dans une société qui le réclame bien !), pourtant, elle est souvent une des plus lucides, se moquant de cette « Cause » si chère aux Sudistes, se révoltant contre ces traditions sclérosées qui enferment la femme dans une cage qui n’est même pas dorée. La femme mariée est reléguée dans un coin, elle n’a que peu de liberté mais la veuve peut carrément mettre une croix sur sa vie, contrainte de porter un voile noir pendant trois ans (au terme desquels, ce voile noir, atteignant les pieds, peut être raccourci au niveau des genoux !)

       Une chaîne américaine a retiré le film suite aux mouvements anti-racistes de juin 2020. J’admets que certains passages sont insupportables, les Noirs sont relégués aux tâches inférieures, on le savait, mais ils sont constamment mis tous dans le même sac (par exemple « avec la fourberie aimable propre à sa race » …). Tous ces ingrédients réunis font de cette lecture un passe-temps très agréable et captivant !

 

La femme ne doit montrer aucune étincelle d’intelligence face à un homme et Scarlett s’interroge : « Pourquoi faut-il donc qu’une jeune fille soit si bête pour dénicher un mari ? » / « Tu ne crois pas qu’après leur mariage les hommes sont tout étonnés de voir que leurs femmes ne sont pas sottes ? »

La première rencontre : « A l’écart, dans un coin du vestibule, il la dévisageait avec une insolence qui lui procura en même temps ce plaisir qu’éprouve toute femme remarquée par un homme et la sensation gênante que sa robe était trop décolletée par-devant. Il avait l’air vieux ; il portait au moins trente-cinq ans. Il était grand, bâti en force. Scarlett pensa qu’elle n’avait jamais d’épaules si larges, si musclés qu’elles en étaient presque trop fortes pour appartenir à un homme du monde. »

« Avec les vieilles dames, il s’agissait d’être gentille et naïve, de paraître aussi simple d’esprit que possible, car les vieilles dames avaient l’œil vif et guettaient les jeunes filles comme des chats, toutes prêtes à bondir au moindre écart de langage ou de tenue. Avec les vieux messieurs, il s’agissait d’être hardie, bavarde, un tantinet coquette, afin de chatouiller la vanité de ces vieux fous. Ça les rajeunissait, ils se sentaient tout ragaillardis, alors ils vous pinçaient la joue et déclaraient que vous étiez une coquine. »

« la vertu est bête »

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17 juillet 2020 5 17 /07 /juillet /2020 11:33

Amazon.fr - Une vie à coucher dehors - Tesson, Sylvain - Livres  

        Une route qu’on goudronne, des porcs qu’on engraisse, des terrains qu’on démine, un journal de bord d’un ermite sur le point de rejoindre la civilisation, deux gardiens de phare – un Russe et un Breton – qui fêtent Noël ensemble, des femmes qui se révoltent contre leur statut d’esclave, des naufragés qui sont heureux grâce à un conteur menteur, un fantôme qui profère des insultes, …. Je ne vais pas vous résumer dans le détail les 15 nouvelles de ce recueil mais sachez qu’il nous trimballe à travers les âges mais aussi, surtout, nous fait voyager sur le globe terrestre avec une légère préférence des îles grecques et de la Russie.

        Ce recueil a obtenu le Prix Goncourt de la nouvelle en 2009 et il le mérite amplement ! Chaque histoire est insolite et passionnante ! Qu’elle soit longue ou courte, elle nous emmène ailleurs. Rondement construite, on y trouve toujours un peu d’humour ou un peu de cynisme, une bonne dose de tragique, mais aussi, je pense, les valeurs chères à l’auteur : l’écologie, un pessimisme face à l’humain, une méfiance vis-à-vis de l’islam. La plupart des nouvelles comportent une chute magistralement menée. Oui, j’ai adoré et j’en fais un coup de cœur ! 

A lire également le formidable Dans les forêts de Sibérie ou un autre très très bon recueil de nouvelles, S'abandonner à vivre.

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14 juillet 2020 2 14 /07 /juillet /2020 15:45

Juliette | Actes Sud

Les fantômes reviennent au printemps

         Juliette est une jeune femme un peu dépressive et hypocondriaque. Elle fuit un temps la vie parisienne pour rejoindre sa ville natale mais sa famille ne l’aide pas vraiment à aller mieux : sa grande sœur Marylou n’en pouvant plus de la vie de famille a pris un amant qu’elle retrouve dans la serre du jardin tous les jeudis ; son père, divorcé, a du mal à sortir de sa vie pépère et trop tranquille ; sa mère – c’est tout l’inverse – elle cumule les amants plus jeunes et mène une vie délurée. Quand Juliette rencontre Pollux, un gars un peu veule qui tombe amoureux d’elle, elle parvient à confier ses angoisses mais le célibataire maladroit ne va peut-être pas la combler pour autant. Entre l’adoption d’un canard, les accidents au sens propre comme au sens figuré, le bar « Le Tropical » où les désœuvrés se retrouvent le temps d’une bière, les souvenirs du passé, les palpitations de Juliette, les rendez-vous adultères dans la serre (l’amant vient toujours déguisé, en ours, en lapin, en fantôme… d’où le titre… c’est très drôle !) la vie ordinaire suit son petit bonhomme de chemin.

         C’est une jolie découverte d’une autrice dont je n’avais jamais rien lu. Récits de la vie de tous les jours, parcours de personnages auxquels on peut s’identifier et surtout, traitement drôle et léger des soucis quotidiens. J’ai parfois bien ri, j’ai bien aimé la justesse des sentiments des personnages – on n’est pas dans un univers manichéen feel good, et surtout, j’ai apprécié me laisser surprendre par les dessins. Relativement naïves, colorées voire enfantines pour la plupart, certaines planches cèdent la place à des aquarelles plus grandioses aux couleurs plus douces. J’ai trouvé que c’était un beau mélange entre les rondeurs d’un Botero et l’exubérance d’un Douanier Rousseau. Et puis, ça parle de nous, on s’y retrouve, on l’a vécu, on voudrait ne pas le vivre … bref on est dans le vrai, quoi !

Pollux s’occupe de la chienne de la tenancière du bar, il n’aime pas le caniche : « Oh je ne la déteste pas vraiment. Je trouve qu’elle pue, qu’elle est moche et qu’elle ne sert à rien, mais je pourrais dire la même chose de pas mal de gens que je connais et je les aime quand même. »

Marylou en grande conversation avec sa copine :  « Tu te rappelles de la petite tête de mort que je m’étais tatouée juste là ? Ben elle a disparu. Je voulais la montrer à l’amant l’autre jour et pouf… Elle n’était plus là… et puis d’un coup j’ai aperçu un bout bleu… Alors j’ai tendu la peau du ventre… Et elle était là… coincée entre deux bourrelets. Le peu de jeunesse qui me restait. Noyée dans la graisse… »

Camille Jourdy : entretien avec l'autrice des Vermeilles - Comixtrip

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10 juillet 2020 5 10 /07 /juillet /2020 18:10

Lire le premier chapitre de «La vie parfaite» - Le Soir Plus

         Après Marina Bellezza et D’acier qui furent des lectures plus que plaisantes, il me tardait de retrouver cette plume italienne.

Adèle est une jeune fille de dix-sept ans qui vit seule avec sa petite sœur et sa maman débordée et grosse fumeuse dans ce quartier misérable de Bologne. Elles vivent ou plutôt survivent dans un petit appartement car les fins de mois sont difficiles. Adèle se retrouve enceinte de Manuel, le gars intelligent qu’elle aime mais qui file du mauvais coton.

Dora essaye de tomber enceinte depuis des années. Au bord de la rupture avec son mari Fabio pour cette raison, elle songe enfin à adopter.

Zeno n’habite pas loin d’Adèle et cela fait des années qu’il l’épie, qu’il écrit en l’observant.

         Ces personnages vont se croiser, s’affronter, s’aimer, se haïr dans une Italie défaillante et colorée. S’il m’est difficile de résumer ce roman dense, foisonnant et virevoltant, c’est que la narration elle-même, faite de digressions, de retours en arrière, m’a parfois fait cogiter. Ce serait le seul bémol que j’aurais à formuler. Le roman est très beau, passionnant et bouleversant, étouffant aussi parfois, avec juste ce qu’il faut de tension pour apprécier retrouver ces personnages attachants. Je commence à repérer les thèmes de prédilection de l’écrivaine : la figure du père, raté et plutôt absent ; la tentation de la drogue, de l’alcool ; ce milieu social défavorisé mais grouillant de vie ; ce désir d’évasion, d’ailleurs, de meilleur. Dans ce livre-là, les thèmes de la maternité et de l’adoption sont un atout supplémentaire, très fort. Mention spéciale pour Zeno, cet être « parfait », altruiste et érudit, amoureux des livres. Je suis d’accord avec la quatrième de couverture (cette fois-ci) : « Avec un souffle prodigieux et une écriture incandescente, Silvia Avallone compose un roman poignant sur la maternité et la jeunesse italienne écartelée entre précarité et espoir. »

         Si je devais établir un classement, Marina Bellazza garderait sa 1ère place mais je crois que La vie parfaite m’a plus fait vibrer encore que D’acier.

« Son corps construisait un autre corps. Il terminait en ce moment les quatre cavités d’un cœur. Devant Jessica et Zeno qui la considéraient avec étonnement, elle se pelotonna dans un coin du canapé, comme une perle dans sa coquille, et s’endormit. »

« la douleur ne rend pas meilleur »

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6 juillet 2020 1 06 /07 /juillet /2020 17:58

Claudine à l'école - Classiques et Contemporains | Magnard Enseignants

         Des romans de Colette, j’en ai pas mal lu adolescente (j’ai des souvenirs de lecture dans un bus scolaire). C’est le film éponyme de Wash Westmoreland dévoilant la vie très particulière de l’autrice qui m’a donné envie de me replonger dans un de ces romans. Ici, c’est un spécimen que j’ai reçu, destiné à une éventuelle étude avec des 3ème.

         Claudine, la narratrice, a 15 ans et elle raconte ses journées d’école à Montigny, un village de province. Musicienne, amoureuse de la nature, grande lectrice, elle est plus mature et intelligente que ses camarades de classe. Elle vit avec son père qui lui laisse une grande liberté, bien plus occupé à étudier les limaces. Dévergondée et parfois insolente, Claudine séduit sans scrupules Aimée, la jeune assistante de l’austère institutrice, Mademoiselle Sergent. Alors qu’Aimée lui donne des cours particuliers d’anglais, propices aux rapprochements tactiles, Mlle Sergent, trop jalouse, lui ordonne d’arrêter et fera de la jolie Aimée sa maîtresse. Les deux femmes cachent de moins en moins leur amour devant les élèves. Mais l’examen du brevet élémentaire se profile à la fin de l’année et les jeunes filles doivent travailler entres autres composition française, géographie ou encore problèmes mathématiques. Les élèves se rendent dans le chef-lieu et vont passer l’écrit puis l’oral, Claudine continue à faire preuve d’une désinvolture extrême. La fête de fin d’année scolaire est couronnée cette année-là par la venue du ministre de l’Agriculture et l’école comme le village tout entier se doivent d’être présentables et festifs. Ça y est les dernières heures à l’école sont passées et Claudine craint déjà de s’ennuyer pendant les longues semaines de vacances avant de rejoindre Paris…
 

         Quelle sensualité dans ce roman ! Je n’avais pas le souvenir que les sous-entendus ou même les allusions plus directes à l’homosexualité des jeunes filles étaient aussi présents. Ils donnent une espièglerie et un charme assez inédits à ces histoires qui semblent aujourd’hui désuètes. Colette prend une liberté de ton qui a fait scandale à l’époque - féministe avant l’heure elle s’insurge, par exemple, contre « ce pays primitif où la femme cesse de danser sitôt mariée. »  Moi ça m’a parfois amusée, certains passages comme l’examen du brevet m’ont intéressée et d’autres plutôt ennuyée comme celui des préparatifs de la fête de fin d’année. Je lirai peut-être la suite, Claudine à Paris, que je suis certaine de ne jamais avoir lu.

« Ma maîtresse d’anglais me semble adorable ce soir-là, sous la lampe de la bibliothèque, ses yeux de chat brillent tout en or, malins, câlins, et je les admire, non sans me rendre compte qu’ils ne sont ni bons, ni francs, ni sûrs. Mais ils scintillent d’un tel éclat dans sa figure fraîche, et elle semble se trouver si bien dans cette chambre chaude et assourdie que je me sens déjà prête à l’aimer tant et tant, avec tout mon cœur déraisonnable. »

 

Le père de Claudine est un spécialiste en malacologie – l’étude des mollusques : « Comment voulez-vous que l’espoir naissant de pareilles constations laissent à un passionné malacologiste le sentiment de paternité, de sept heures du matin à neuf heures du soir ? C’est le meilleur homme et le plus tendre, entre deux repas de limaces. Il me regarde vivre, quand il a le temps, avec admiration, d’ailleurs, et s’étonne de me voir exister, « comme un personne naturelle ».

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3 juillet 2020 5 03 /07 /juillet /2020 09:55

 

Saga de Grimr

Après avoir moyennement aimé, contre l’avis général, Penss et les plis du monde du même auteur, j’ai bien fait de persévérer…

Grimr est un garçon miraculé, seul survivant d’une coulée de lave lors d’une énième éruption volcanique en Islande. Recueilli par le « valeureux Vigmar » mi-ange mi-voleur, il grandit avec ce précepte « S’il y a une chose d’immortelle en ce monde, s’il y a une chose qui reste après ton existence, Grimr, c’est ta réputation. » Oui mais celle de Grimr est menacée quand il se défend contre un émissaire du roi violeur de jeunes filles et qu’il est accusé du meurtre de son mentor. Celle qui s’est offerte à lui lui est enlevée et il est condamné à mort. Mais de la chance et une âme charitable en décideront autrement.

  Cet album fait partie de ces livres dont il n’en faut point trop en dire mais simplement les lire. Des aurores boréales, une île aussi belle que dangereuse, un homme roux aux dimensions de géant, des abris de pierre construits si vite qu’une légende se bâtit autour du nom de Grimr, une saga. Les magnifiques dessins rendent un hommage bouleversant au climat rude de l’Islande, à ses paysages aux mille couleurs, à cette histoire grandiose, épique, tragique et marquante. Et la fin magnifie le tout ! Ah que c’était bien !

« Meurent les biens, meurent les parents, et toi tu mourras de même… mais je sais une chose qui jamais ne meurt… le jugement porté sur chaque mort. »

La saga de Grimr – de Jérémie Moreau (Delcourt) – ça sent le book

Bonnes vacances ! 

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29 juin 2020 1 29 /06 /juin /2020 21:22

En lieu sûr - Wallace Stegner - éditions Gallmeister

         Après avoir tellement aimé Une journée d’automne, il me tardait de lire un autre roman de ce grand auteur américain (Prix Pulitzer 1971) souvent appelé le « doyen des écrivains de l’Ouest ». Celui-ci compte 414 pages.

Deux couples : Sally et le narrateur Larry Morgan, d’une part, pauvres, amoureux, bûcheurs ; d’autre part : Sid et l’extravagante Charity qui adore mener à la baguette son petit monde. Une amitié lie les quatre personnages depuis leurs années d’études à Madison, dans le Wisconsin, alors que Larry démarre une carrière d’écrivain. Les quatre baignent dans un univers fait de littérature et de culture

J’ai retrouvé les caractéristiques de l’écriture de Stegner que j’avais tant aimées dans Une journée d’automne : une belle fluidité, une grande élégance, une certaine classe liée sans doute à une époque révolue et je rajouterai, pour ce livre-là, un humour discret et une lucidité mordante. L’auteur signe là son dernier roman et on sent la sagesse de l’écrivain mûr qui a appris des relations aux autres et qui évoque la mort avec plus ou moins de sérénité. La fin m’a complètement bouleversée. Ce qui est bluffant, c’est cette histoire d’amitié qui a duré entre les deux couples, belle, forte, généreuse. Au début du roman, je me suis plu à imaginer qu’il s’agissait d’un thriller : Sally est infirme et pendant des dizaines de pages, on s’attend à connaître les raisons de son état. Pourtant, ce n’est pas l’essentiel, ces quatre personnages ont été bien trop occupés à vivre et à aimer qu’à s’attarder sur un corps plus défaillant qu’un autre. Pour couronner le tout, la nature occupe une belle place et la réflexion sur l’écriture (voir 2ème citation) en charmera plus d’un. Surlignez bien ce nom d’écrivain !

« Orphelins venus de l’Ouest, nous avions échoué à Madison et les Lang nous adoptèrent au sein de leur nombreuse, riche, influente et rassurante tribu. Nous nous aventurâmes, telle une paire d’astéroïdes, dans leur univers newtonien bien réglé, et ils nous capturèrent par un effet de leur gravitation, firent de nous des lunes et nous placèrent en orbite autour d’eux. »

L’écrivain au travail : « Face à mon mur aveugle, tournant le dos aux tentations et autres dissipations, je passais mes matinées au Nouveau-Mexique, univers d’invention et de souvenirs mêlés où je me déplaçais avec la liberté d’un dieu. Je commandais au climat. Je connaissais chaque mesa, chaque pueblo, chaque route, rue et maison, car c’était moi qui les avais placés là. Je connaissais les pensées, les émotions et l’histoire de tout le monde. Je pouvais prévoir et même projeter le moindre événement, prédire et même dicter la moindre espérance. »

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26 juin 2020 5 26 /06 /juin /2020 10:11

La faille souterraine et autres enquêtes - Babelio

       On ne plaisante pas avec Henning Mankell, c’est mon auteur de polars préféré, l’indétrônable, l’unique, superpuissant dans mon cœur. J’ai presque lu tous ses policiers mettant en scène Wallander, il m’en restait deux sur douze. Celui-ci est très particulier puisqu’il renvoie à la période qui précède les autres romans de la série Kurt Wallander et se compose de cinq nouvelles classées par ordre chronologique.

       - Dans « Le coup de couteau », Wallander n’est encore qu’un simple flic de 21 ans dont la tâche consiste à faire de monotones rondes à Malmö. C’est la mort d’un voisin qui lui apprend à enquêter car il a du mal à croire à la thèse du suicide. Il vient de démarrer une liaison avec Mona, celle qui deviendra sa femme et qui lui reproche déjà de ne pas être assez présent.

      -  « La faille » nous projette six ans plus tard, Wallander, lors d’une vérification de routine, se retrouve ligoté dans une supérette. Il est marié et a une petite fille de 5 ans, Linda.

      - Dans « Un homme sur la plage », un type entre dans un taxi et meurt brutalement quelques minutes plus tard. On le voyait souvent marcher sur une plage. Wallander est désormais un commissaire bien installé à Ystad.

       - « La mort du photographe » : comme son nom l’indique, le photographe de quartier, celui que tout le monde avait connu pour immortaliser communions ou mariages, est assassiné dans sa boutique. L’homme cachait bien des secrets…

      - Dans « La pyramide », Wallander est confronté à deux tragédies : celle d’un crash d’un avion répertorié nulle part, tuant les deux hommes à son bord, et celle de l’explosion d’une mercerie tuant les deux vieilles femmes propriétaires du magasin où chaque habitant d’Ystad était venu au moins une fois. Il se trouve que les deux affaires sont liées. Wallander a 40 ans, il est désormais séparé de Mona, il a une liaison qui ne le satisfait pas et son père lui cause tant de soucis qu’il doit le chercher au Caire.

 

Dans toutes ces nouvelles, Wallander risque sa peau mais révèle aussi sa méthode peu orthodoxe qui est celle de souvent faire cavalier seul. C’était passionnant pour moi de voir l’évolution du personnage et aussi l’immuabilité de sa personnalité, il est le même à 21 ans qu’à la retraite. Les nouvelles se lisent très bien, elles sont suffisamment longues (le livre fait 514 pages) pour qu’on s’imprègne de chaque enquête. Je cherche à vous expliquer pourquoi j’aime tant cette série et je peine à trouver des arguments. Je crois que j’apprécie que les enquêtes prennent du temps, j’aime comprendre toute la sensibilité de Wallander, ses failles et ses défauts. J’aime même quand il va remplacer sa voiture brinquebalante ou qu’il râle parce qu’il se nourrit décidément trop mal. Je me suis complètement attachée à lui. J’ai tout de même deux consolations : j’ai encore à lire un polar sur les 12 de la série, Meurtriers sans visage ; l’autre : il reste tant d’œuvres de Mankell à découvrir ! Ses pièces de théâtre notamment m’intriguent…

Une réflexion récurrente, celle de la société suédoise en déclin : « Que se passait-il ? Une faille souterraine avait brusquement fait surface dans la société suédoise. Les séismographes radicaux, les plus sensibles, l’enregistraient. Mais d’où venait-elle ? L’évolution perpétuelle du crime n’avait rien de surprenant en soi. »

« Il n’y a plus de frontières. Ni pour les avions, ni pour les criminels. Autrefois, Ystad était à la périphérie du monde. Ce qui arrivait à Stockholm n’arrivait pas ici. Et même Malmö : ce qui arrivait à Malmö n’arrivait pas dans une petite ville telle que Ystad. Ce temps-là est révolu. »

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23 juin 2020 2 23 /06 /juin /2020 09:17

Intrus à l'Etrange

        A la mort de son grand-père, Martial retrouve de mystérieuses lettres d’amour mais aussi de lourdes valises fermées qui l’emmèneront loin de Paris, à Magnat-l’Etrange, un petit village perdu de Creuse. Il rencontre la vieille dame à l’origine des lettres d’amour mais a un mal fou à mettre la main sur ce Félix Larose, destinataire des grosses valises. Il faut dire que le village semble plutôt méfiant à l’égard des inconnus. Depuis des années, les villageois déversent leur haine sur un certain Linlin devenu bouc émissaire, un type en marge qu’on peut tabasser sans vraiment craindre les représailles policières. La fille de Linlin, Ariane, est elle aussi une originale qui permettra à Martial de découvrir la vérité. Il sera question de chauve-souris, d’expériences insolites, de microcosme enfoui dans la campagne.

        J’ai beaucoup aimé cette enquête quasi policière associée à une balade des plus oniriques qui m’a fait penser au Grand Meaulnes. Martial tombe sur un univers abandonné, laissé aux mains de Dame Nature, le rendu est vraiment réussi. Un voyage initiatique aux frontières du fantastique qui va chambouler la personnalité du héros. Le trait rond m’a rappelé quelque chose et effectivement, Simon Hureau a été le dessinateur de Crève Saucisse de Rabaté. J’émettrais tout de même de petites réserves, l’ensemble souffre de quelques longueurs et pour jouir un peu plus de cet Eden abandonné, j’aurais aimé des couleurs !

Intrus à l'Etrange

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