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28 avril 2025 1 28 /04 /avril /2025 16:19

L'étranger

Il était une fois une maman qui lisait des livres à sa petite fille. Quelques années passèrent et la petite fille alors pré-ado savait lire aussi bien que sa maman, et c’est la série Sauveur & fils, drôle, intelligente, douce et attendrissante qui les tint serrées l’une contre l’autre si souvent. La jeune fille devint jolie jeune femme et les lectures s’espacèrent et par conséquent devinrent encore plus agréables. J’ai eu l’immense joie de co-lire ce roman de Camus avec mon ado de fille, Danaé, 16 ans.

                Meursault vit à Alger et vient d’apprendre la mort de sa mère. Il se rend à l’hospice de Marengo et veille son corps, entouré de quelques amis de la défunte. Puis rentre chez lui, reprend son travail, ses habitudes entre un voisin, Salamano qui bat son chien avant de pleurer sa disparition, et Marie, celle qui l’aime et qu’il veut bien épouser. Il n’exprime pas grand-chose notre bonhomme, semble se laisser porter par les événements et les aléas de sa vie. Il voit des copains au bar chez Céleste, il suit le mouvement pourrait-on dire aujourd’hui... au point de participer à un conflit qui ne le regarde pas, celui de Raymond et de deux Arabes. Parce qu’on lui a confié un pistolet, parce que l’Arabe face à lui a sorti un couteau, parce qu’il était aveuglé par la lumière, Meursault a tiré sur l’homme. Puis il a tiré quatre coups sur le corps désormais inerte. Meursault arrêté n’explique pas son acte, ne se repent pas non plus, ... il s’ennuie. Il chasse l’aumônier qu’on lui assigne, réfléchit un peu à cette sentence qu’est la guillotine, un peu à la mort qui l’attend prochainement.

                L’absence totale de sentiments de la part de ce narrateur qui vit sa vie comme une succession d’instants subis à la manière d’un robot peu intelligent effraye parfois, fait sourire à d’autres moments : il n’a jamais d’avis tranché, tout lui est égal et les événements glissent sur lui sans que son esprit fasse de quelconques choix. Le style se distingue par sa simplicité, ses phrases courtes voire lapidaires, ce ne sont que des constats et l’auteur se garde bien d’émettre un avis ou de juger son personnage. C’est évidemment un récit déroutant qui exprime déjà (c’est le premier roman de Camus) l’absurdité du monde et la place ridicule de l’homme dans un univers qui le dépasse. Meursault est un étranger pour lui-même dans un monde qui lui est étranger, il ne parle pas la même langue que les autres, ne sait pas réellement se couler dans leur moule (il rejette la religion à quelques heures de sa mort). Ma fille avait parlé du roman au lycée, elle n’a donc pas été tant surprise que ça. Elle a beaucoup apprécié (comme moi) le style de l’écrivain, cette manière d’aller à l’essentiel sans s’encombrer de futilités. On a parfois ri face à l’indifférence totale et l’impassibilité de Meursault (pauvre Marie, quand même !). L’occasion était belle pour ouvrir des discussions multiples et variées sur le regard de l’autre, la peine de mort, la religion, entre autres. J’ai très envie de lire et relire d’autres titres de Camus.

Je participe avec plaisir au challenge Les Classiques c'est fantastique de Moka qui met, ce mois-ci, le XXe siècle à l'honneur. J’aime tellement ce siècle en littérature (et en peinture aussi !) que je proposerai une seconde lecture dans quelques jours.

L'excellente adaptation BD de Ferrandez.

« Aujourd’hui j’ai beaucoup travaillé au bureau. Le patron a été aimable. Il m’a demandé si je n’étais pas trop fatigué et il a voulu savoir aussi l’âge de maman. J’ai dit « une soixantaine d’années », pour ne pas me tromper et je ne sais pas pourquoi il a eu l’air d’être soulagé et de considérer que c’était une affaire terminée. »

Peu avant le crime : « Le bruit des vagues était encore plus paresseux, plus étale qu’à midi. C’était le même soleil, la même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici. Il y avait déjà deux heures que la journée n’avançait plus, deux heures qu’elle avait jeté l’ancre dans un océan de métal bouillant. A l’horizon, un petit vapeur est passé et j’en ai deviné la tache noire au bord de mon regard, parce que je n’avais pas cessé de regarder l’Arabe. »

 

L’Étranger d’Albert Camus
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19 avril 2025 6 19 /04 /avril /2025 18:54

Un avenir radieux (Grand format - Broché 2025), de Pierre Lemaitre |  Calmann-Lévy

Troisième volet de la tétralogie « Les Années glorieuses ».

1959. Louis et Angèle Pelletier, les doyens de la famille, ont décidé de rentrer en France après avoir vécu un paquet d’années à Beyrouth à gérer une savonnerie. C’est à Plessis-sur-Marne qu’ils élisent domicile dans une demeure qui réunit régulièrement leurs trois enfants. Jean n’a pas changé, il est toujours soumis et écrasé par son odieuse épouse, Geneviève, qui essaie subrepticement de lui subtiliser la place de patron dans l’entreprise Dixie. Il n’a pas non plus réussi à apaiser ses pulsions meurtrières (je n’en dis pas plus).  Hélène, quant à elle, décide d’innover dans son boulot à la radio, elle aura désormais une émission nocturne destinée à donner la parole aux auditeurs, mais quel parcours du combattant elle a dû réaliser pour parvenir à ses fins ! L’émission est d’emblée un grand succès. Quant à François, c’est un peu le héros de ce roman : il accepte d’aller en voyage à Prague et de permettre à un espion tchèque de s’extraire du pays... mais tout ne va pas se passer comme c’était prévu et il va être accusé d’espionnage. Enfin, et c’est peut-être l’événement qui cristallise tous les autres : Louis a eu une attaque, il s’en sort mais diminué, ce qui tend à modifier ses rapports aux autres. A commencer par la vive et intelligente Colette, la fille de Geneviève avec qui elle entretient de perverses relations ; à dix ans, la petite va connaître un événement dramatique et traumatisant.

Je trouve ce roman différent des deux précédents, peut-être parce qu’on s’attache davantage à certains personnages, peut-être parce qu’une place importante est faite à cette histoire d’espionnage (Lemaitre revendique une référence et un hommage à John Le Carré) : le voyage de François à Prague paraît comme en décalage avec les petites histoires du quotidien des autres membres de la famille. Même si finalement toutes les anecdotes et tous les personnages du roman ont un caractère outrancier ... et complètement jouissif. Avec un abus sexuel en début de roman, c’est un air plus grave et moins cocasse qui donne le ton de ce 3e opus. Qu’on ne s’y méprenne pas, Lemaitre est suffisamment doué pour qu’on passe par différentes émotions et qu’on se laisse totalement embarquer dans cette histoire – ces histoires. Certaines scènes sont attendrissantes : la complicité entre le grand-père et la petite fille, la solidarité muette entre Colette et Philippe (le garçon est passé du statut de prince adoré et détestable pour sa mère à celui d’enfant rejeté et pitoyable), la détermination de Nine pour sauver son mari (une héroïne, celle-là !). La plongée dans cette fin des années 50 se révèle d’une justesse et d’une authenticité admirables ; sont évoqués : le danger des pesticides, le communisme, la guerre froide, le nucléaire, la montée du capitalisme, les services de renseignement français, et j’en passe. Je ne vous cache pas que j’ai attendu tout le long du livre que l’ignoble Geneviève se prenne enfin la raclée de sa vie, et j’ai été comblée ! Cette lecture a encore une fois été passionnante de bout en bout (un pavé qu’on termine sans soulagement, on rempilerait facilement pour 500 pages), il me tarde de lire la suite et fin (sortie prévue : janvier 2026).

Je participe encore une fois au challenge de MokaQuatre saisons de pavés. (574 pages)

« Louis Pelletier paraissait parfois avoir l'âge de sa maison, s'accrochant à des broutilles, répétant, répétant encore et encore les mêmes anecdotes, les mêmes histoires, les mêmes traits d'esprit vieux comme le monde dont il était le seul à rire sans s'apercevoir de l'effet douloureux qu'il provoquait autour de lui. Ainsi trouva-t-il le moyen de renouer avec la tradition de la « procession Pelletier » qui chaque année, à Beyrouth, avait commémoré la création de la savonnerie. À la « maison de la famille » du Plessis-sur-Marne, chaque repas dominical était précédé, à l'heure de l'apéritif, d'une visite du verger au cours de laquelle les enfants devaient s'émerveiller de la belle santé des arbres fruitiers. »

« Jean s’était permis un nombre étonnamment faible de ces entorses et petits mensonges qui sont le lot ordinaire de bien des couples. Geneviève régnait en maîtresse sur sa vie, occulter le moindre détail le mettait si mal à l'aise qu’il préférait s'en dispenser. Il n'était même pas parvenu à lui cacher ce que, dans son for intérieur, il appelait ses « mouvements d'humeur ». A mots couverts, bien sûr et à quelques exceptions près, elle aurait pu dresser la liste des malheureuses jeunes filles qui, depuis leur départ de Beyrouth et leur arrivée à Paris, avaient payé au prix fort les soudains emportements de son époux. Elle ne l'exprimait pas mais elle constituait une terrible menace. »

Un avenir radieux de Pierre Lemaitre
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16 avril 2025 3 16 /04 /avril /2025 10:39

Page des Libraires

Contes de l’indigène et du voyageur

J’avais découvert cet auteur en lisant A son image qui, je trouve, n’a vraiment rien à voir avec Nord Sentinelle, court roman qui devrait être le premier d’une trilogie.

Sur un port corse, un beau soir d’été, Alexandre Romani poignarde un étudiant en médecine, Alban Genevey, « devant une foule attentive de témoins avinés » avant de prendre la fuite. Pourquoi ce geste ? Alexandre s’était senti menacé quand Alban avait introduit dans son restaurant une bouteille de vin qu’il buvait en cachette (et si Alban l’avait fait, c’est parce qu’il s’était vexé : il avait trouvé que la veille, le vin commandé qui n’était pas encore à la carte, était bien trop cher). La « blague » n’a pas plu à ce descendant de famille de riches dont les membres rivalisent d’arrogance depuis des décennies et détiennent le pouvoir dans ce coin de l’île. Le narrateur, un ami de la famille, par des bonds dans le temps, comble les vides et raconte l’histoire de cette famille qui a du mal avec la conception de « l’étranger » et où l’argent facile coule à flots.

Si le sous-titre comporte le mot de « contes », c’est que l’auteur, de manière subtile et adroite, démarre chaque chapitre (qui s’apparente à une nouvelle) comme une nouvelle histoire pour finalement retrouver le fil de l’intrigue entamée précédemment. Finalement, on retombe sur nos pattes, les pièces du puzzle s’imbriquent avec brio et le récit est rondement mené. Dans un méli-mélo de genres, avec des phrases longues à n’en plus finir, l’auteur se veut à la fois enquêteur, poète, conteur, historien, chroniqueur et il parvient même à saupoudrer le tout d’humour. Si je n’ai pas été particulièrement charmée par cette histoire, le style de Ferrari m’a beaucoup plu. Corrosif à souhait, il nous embarque à travers les siècles, de la tragédie grecque au tourisme de masse de notre millénaire pour évoquer des thèmes allant de l’altérité au sentiment d’appartenance en passant par l’amitié. J’ai beaucoup aimé et je reviendrai vers cet écrivain, je veux bien que vous me conseilliez des titres (avec de l’humour si possible, parce qu’il me semble qu’il n’y en avait pas dans A son image).

La mère d’Alexandre « a décidé de garder le fruit de leurs sordides et insignifiantes copulations et de le porter jusqu'à complète maturation pour offrir au monde un Romani supplémentaire, c'est-à-dire, comme on pouvait le prévoir dès sa conception, un parasite alangui, violent et oisif, un être irresponsable, charmeur et dénué de tout scrupule, comme le furent - en vertu, non de l'hérédité, mais d'une solide culture familiale consistant en l'absence totale de principes éducatifs élémentaires alliée à un colossal sentiment de supériorité - tous ses ancêtres, à commencer par l’heureux père, Philippe, ce que j'étais bien placé pour savoir qui, puisqu'il était, depuis toujours, mon meilleur ami - tant il est vrai que nous ne choisissons pas plus nos amis que notre famille. »

Une épidémie de folie meurtrière s’empare de la plupart du bétail et des animaux sauvages : « Après le taureau meurtrier, les cochons carnivores et l'âne anthropophage on évoquait ainsi un renard grignoteur qui aurait vicieusement mâchouillé, dans les gîtes d’étapes,  les orteils de randonneurs déjà épuisés par les attaques vampiriques des punaises de lit, des scorpions agressifs qui, dissimulés dans l'obscurité humide des salles de bains, piquaient les imprudents sans qu'il fût besoin de leur marcher dessus ou se cachaient sciemment sous l'abattant des toilettes, des boucs et des mouflons kamikazes et même une redoutable mouette énucléeuse semant la terreur sur des plages où, pendant plusieurs jours, personne n'osa plus retirer, fût-ce pour un instant, ses lunettes de soleil. »

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9 avril 2025 3 09 /04 /avril /2025 14:51

Le Chant du prophète - Paul Lynch - Albin Michel - Grand format - Tropismes  Bruxelles

A Dublin, la famille Stack vit son petit train-train heureux dans un contexte pourtant déjà particulier puisque la ville est placée en état d’urgence, qu’il y a un couvre-feu et que des rumeurs sur les privations de liberté de certains circulent... Un voisin a d’ailleurs mystérieusement disparu. Le père de famille, Larry, adjoint de la secrétaire du syndicat des enseignants, est prévenu par la venue de deux hommes d’une police secrète, le GNSB, qu’il ferait mieux de changer d’activités. Puis il est arrêté, accusé d’« incitation à la haine contre l’Etat » et disparaît à son tour. Eilish, la mère de famille, microbiologiste, tente de s’occuper seule de ses quatre enfants âgés de 1 à 17 ans mais aussi de son père vieillissant qui habite à quelques pâtés de maisons de chez eux et qui tend à se laisser emporter par une démence sénile. Les nouvelles sont de plus en plus mauvaises d’où qu’elles viennent : la presse est sous le contrôle de l’Etat, les arrestations injustifiées se multiplient, on entonne l’hymne national, le cœur sur la main, à un mariage, une sévère enquête administrative est lancée quand on veut aller à l’étranger... Mark, l’aîné, refuse de se cacher pour éviter d’être enrôlé dans l’armée et décide de rejoindre le camp des rebelles. Eilish est virée de son boulot, l’électricité est souvent coupée, l’eau du robinet n’est plus potable, au supermarché il manque les produits de première nécessité... La sœur d’Eilish qui vit au Canada conseille à la famille de la rejoindre au plus vite mais quitter le pays devient une gageure et Eilish ne sait pas si elle peut abandonner Larry dont elle n’a plus de nouvelles depuis des mois.

Le réalisme effrayant et la dimension prémonitoire font de cette histoire un roman que j’ai parfois (souvent) pris avec appréhension entre les mains. Passé cet aveu qui tient à l’actualité anxiogène, j’ai trouvé que ce livre atteignait une sorte de perfection dans son genre, sachant tout à la fois faire monter la tension avec une police secrète comparable à la Stasi et des restrictions de plus en plus drastiques, rendre les personnages attachants, la maison familiale familière (c’est presqu’un huis clos) et le contexte glaçant. L’étau se resserre au fil des pages, l’écriture parfaitement maîtrisée participe à cette oppression ambiante : les paragraphes se font rares, les phrases s’allongent. La grande réussite réside aussi dans ce personnage féminin de mère auquel on s’identifie très vite, Eilish est tour à tour une héroïne et une anti-héroïne, elle se démène pour les siens, perd souvent le contrôle, voit son mari en rêve et ne finira plus que par subir les événements atroces. Il y a évidemment matière à réflexion, ici c’est un petit pays parmi tant d’autres qui est concerné et la Terre n’arrête pas de tourner pour autant, on se dit qu’on a vite fait d’arriver à une situation identique et qu’on peut tous endosser le statut d’exilé. Un grand roman, donc, puissant, brillant même, pour lequel il faut tout de même se préparer psychologiquement. (Pour vous dire, j’ai ressenti le même genre d’émotions à la lecture de La route.)

Le nouveau parti « s’efforce de transformer ce que toi et moi appelons la réalité, ils entretiennent la confusion, et si l’on prétend qu’une chose en est une autre et qu’on le répète assez longtemps, eh bien, elle finit par le devenir, et il suffit de le répéter indéfiniment pour que les gens l’acceptent comme une vérité. »

C’est la voisine qui raconte : « j’ai commencé à saisir ce qu’ils nous font, c’est tellement intelligent, comme méthode, ils te prennent quelque chose et ils le remplacent par le silence, et toi tune vis plus, tu es constamment face à ce silence, tu n’es plus qu’une chose confrontée à ce silence, une chose qui attend que ce silence s’achève, une chose à genoux qui le supplie à voix basse, une chose qui attend qu’on lui restitue ce qu’on lui a enlevé pour pouvoir reprendre le cours de sa vie, mais ce silence n’a pas de fin, tu comprends, ils te laissent espérer que ce qui te manque te sera un jour rendu et toi tu restes là paralysée, amoindrie, émoussée comme un vieux couteau, et ce silence ne finit jamais parce qu’il est la source de leur pouvoir, sa signification secrète. »

« (...) jamais de la vie, je ne comprenais pas ceux qui décidaient de partir, s'en aller comme ça, du jour au lendemain, en laissant tout derrière eux, en abandonnant leur vie d'avant, tout ce qui faisait leur existence, à l'époque on ne l'envisageait même pas, et plus j'y réfléchis, plus je me dis qu'on ne pouvait rien faire en réalité, vous voyez, on était coincés quand on nous a proposé ces visas, c'est difficile de s'en aller quand on a tant d'engagements et de responsabilités, et le jour où la situation a empiré on n'avait plus aucune marge de manœuvre, ce que j'essaie de vous expliquer, c'est qu'avant je croyais au libre arbitre, si vous m'aviez posé la question avant que tout ça arrive, je vous aurais répondu que j'étais libre comme l'air, mais aujourd'hui je n'en suis plus aussi certaine, je doute qu'il existe un quelconque libre-arbitre quand on est pris dans quelque chose d'aussi monstrueux (...). »

Et il semblerait bien que ce soit ma 4e participation au challenge Objectif SF 2025 de Sandrine !

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6 avril 2025 7 06 /04 /avril /2025 18:20

Un voisin trop discret

Il me tardait de revenir vers cet auteur dont j’ai tout aimé.

Jim est un bonhomme tranquille qui, à soixante ans, fait quelques heures en tant que chauffeur Uber. Lorsque sa nouvelle voisine, Corina, emménage juste à côté de chez lui (les murs fins vont avoir leur rôle à jouer ...), il se lie d’amitié avec elle. Disons plutôt qu’elle cherche à créer des liens car de son mari militaire, un certain Grolsch, il ne faut plus rien attendre, c’est un rustre qui, les rares fois où il est présent, dilapide l’argent dans l’alcool. En parallèle, Kyle, affecté aux Forces Spéciales, a une demande particulière à faire à une amie d’enfance, Madison : voudrait-elle l’épouser en sachant qu’il est gay, qu’elle lui servirait d’une couverture parfaite en échange d’une vie confortable et des soins médicaux pour son fils malade ? Tout ce beau monde va finir par se retrouver autour d’un mort, de liasses d’argent et d’histoires de sniper.

C’est une lecture bien agréable et divertissante dans un univers où rien n’est jamais grave, où toutes les solutions même les plus loufoques sont envisageables, où le thème de l’armée et de la vie des militaires et de leurs proches prend une place essentielle. De morale, il n’y en a pas vraiment même si les personnages les plus sombres en ont tout de même pour leur compte. L’auteur semble être du côté des femmes, il rend leur vie plus douce et plus confortable et les dote d’un fort caractère, très appréciable. Bref, si ce n’est pas le meilleur des Levison, j’ai passé un excellent moment de lecture, Levison aimant égratigner cette organisation inattaquable qu’est l’armée, retournant les codes habituels (le vieux type bedonnant a toutes ses chances, l’ancienne strip-teaseuse aussi, l'homosexuel n'est pas en reste). C’est jouissif et juste ce qu’il faut d’irrévérencieux. (Dans le même registre, Incardona tape encore plus fort, c’est pour cela que mon avis peut paraître un peu terne). Un auteur à lire absolument si vous ne l’avez pas déjà fait.

Du même auteur :

Trois hommes, deux chiens et une langouste,

Ils savent tout de vous,

Un petit boulot.

« La dernière fois que Jim avait dîné chez quelqu'un, il y avait un président différent. Et la fois d'avant, encore un autre président. Jim a une moyenne d'un dîner par administration, et il trouve même que c'est excessif. Les deux dernières fois qu'il a accepté une invitation à dîner, ça a été comme pour celle-ci parce qu'il estimait se faire moins remarquer en le faisant. Si vous acceptez une fois et refusez ensuite toutes les autres invitations, vous n'êtes qu'un grincheux. Mais si vous n'acceptez jamais, vous passez pour un excentrique ou quelqu'un de secret, et les autres se posent des questions sur vous. L'astuce, c'est de ne jamais rendre les gens curieux. »

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1 avril 2025 2 01 /04 /avril /2025 14:30

Un don, de Toni Morrison (2008) | L'ourse bibliophile

J’ai une seule expérience de cette grande autrice et qui n’a pas été concluante : j’ai découvert Home en livre audio et, (l’aventure ne s’est jamais renouvelée), j’ai été tellement hypnotisée par la belle voix de la lectrice que je n’ai rien compris à l’histoire.

                Début du XVIIè siècle. Jacob Vaark, fermier et commerçant, propriétaire d’une vaste terre, se voit plus ou moins contraint de choisir des esclaves : Florens, une petite fille noire, viendra compléter le trio des femmes esclaves (Lina l’Indienne et Sorrow la Blanche) et devrait ainsi contenter sa femme Rebekka, qui n’a jamais gardé un enfant. La famille vit en autarcie, isolée des baptistes et des presbytériens. Les femmes, surtout Lina et Rebekka, se comprennent et se rapprochent pour s’entraider. Certains chapitres se font entendre à la première personne, c’est Florens qui s’exprime et, entre rêves, craintes et espoirs, nous laisse entendre sa petite voix.

Il est des rencontres qui ne se font pas... Je croyais que c’était le support audio qui était responsable de la barrière qui a freiné la bonne compréhension de Home mais j’ai rencontré les mêmes difficultés de lecture (et de concentration !) pour Un don. J’ai dû relire des passages, revenir au début du livre, j’ai mis du temps à comprendre qu’il y avait plusieurs voix, dans une même phrase je me suis retrouvée perplexe quant à sa construction, quant à son sens. Evidemment que j’ai bien senti qu’il s’agissait d’une grande autrice, que certains passages dégageaient une grande force. Mais je saurai, si je la relis un jour, qu’il me faudra une concentration maximale. C’est quand même dommage, pour une thématique si importante, de rendre le texte tellement complexe, abscons et touffu. Pour revenir au contenu lui-même, c’est l’écart énorme entre d’un côté les hommes et très loin (derrière) les femmes qui m’a frappée. L’homme symbolise le Mal, la peur, la souffrance, l’anéantissement... Jacob est la seule exception. La vie des femmes n’est faite que de drames, de déceptions au mieux, de viols, de maladies et de morts au pire. Bref, ce n’est pas gai.

Hâte de lire ce que nos camarades de challenge Les Classiques c’est fantastique by Moka ont choisi chez Toni Morrison, prix Nobel de Littérature 1993.

Les affiches destinées à choisir un/une esclave (il/elle n’était pas nécessairement noir/e) : « Belle femme qui a déjà eu la variole et la rougeole... Beau négrillon d’environ neuf ans... Fille ou femme bonne en cuisine, raisonnable, parlant bien anglais, à la peau entre le jaune et le noir... Cinq années de service d’une engagée blanche qui connaît les travaux de la terre, avec enfant de deux ans passés... [...] Allemande en bonne santé à louer »

Lina et Rebekka : « Elles devinrent amies. Pas seulement parce qu'il fallait bien quelqu'un pour retirer le dard d'une guêpe du bras de l'autre. Pas seulement parce qu'il fallait bien être deux pour écarter la vache de la clôture. Pas seulement parce qu'il en fallait une pour tenir la tête pendant que l'autre attachait les sabots. Mais surtout parce que ni l'une ni l'autre ne savaient précisément ce qu’elles faisaient ou comment elles le faisaient. Ensemble, à travers les épreuves et leurs erreurs, elles apprirent : comment éloigner les renards ; comment et quand charrier et étaler le purin ; la différence entre mortel et comestible et le goût douceâtre de la fléole des prés ; l'allure des porcs frappés du mal rouge ; ce qui rendait liquides les selles du bébé et ce qui les durcissait au point de lui faire mal. »

« Les anabaptistes avaient-ils donc raison ? Le bonheur était-il le piège de Satan, sa ruse trop tentante ? Sa piété était-elle fragile au point de n'être qu'un leurre ? Son indépendance obstinée un vrai blasphème ? Était-ce pour cela qu’au sommet de son bonheur la mort se tourna une fois de plus de son côté. Et lui souriait ? »

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29 mars 2025 6 29 /03 /mars /2025 09:06

Les guerriers de l'hiver - Olivier Norek - Format Broché - Édition 2024

Comme j’ai tout aimé de l’auteur, il me tardait de découvrir ce roman.

Nous sommes en octobre 1939. La Finlande, indépendante depuis seulement vingt-deux ans, commence à craindre que la Russie ne lui déclare la guerre. L’état soviétique, se pensant plus malin, abat lui-même quelques-uns de ses officiers, retournant la situation, accusant la Finlande de l’attaque. Si la Finlande est cinquante fois plus petite que son ennemie, certains de ses hommes sont à craindre : Sinno, un réserviste devenu tireur d’élite, surnommé « La Mort blanche » ; pas foncièrement mauvais, il met un point d’honneur à ne rater aucune cible et à apprendre de chaque expérience. Il faut dire aussi que les Russes accumulent les bourdes et les inepties, ils ont recruté des gars de Crimée qui ne connaissent pas les températures négatives alors qu’il fait -30, ils sont très mal équipés préférant investir dans des immenses portraits de Staline que dans des vêtements chauds, ils sont maladroits dans leurs tactiques, méconnaissant totalement ce terrain dangereux pour eux, ils font preuve de mauvaise foi et mentent constamment. Cette guerre qui devait durer une semaine ou deux tout au plus va se terminer le 13 mars 1940.

Olivier Norek a prouvé avec ce roman de guerre qu’il savait se renouveler et ne pas croupir (avec talent pourtant !) dans le genre du polar. La mission est accomplie haut la main. Le récit est haletant de bout en bout, l’auteur rend passionnant ce pan d’Histoire méconnu (de moi en tous cas), il nous fait voyager dans ces contrées blanches, froides et hostiles. On s’attache à ces hommes et à ces rares femmes qui ont fait l’Histoire. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, il y a, par exemple, Viktor, ce petit frère tout jeune qui voulait absolument s’engager et qu’une bonne étoile maintient inexplicablement en vie malgré de sacrées mésaventures. Il y a Lapatossu, ce clown qui harangue et distrait les troupes de soldats. Avec ce souffle épique, j’ai un peu retrouvé l’esprit de La Religion de Tim Willocks (en moins bestial peut-être, quoique...) avec un vrai héros, digne de ce nom, Sinno. L’image de la Russie (qui n’est pas sans rappeler celle d’aujourd’hui...) en prend pour son grade, les officiers sont tous montrés comme bêtes, méchants et incompétents (les soldats prendront des cours de ski pour pouvoir avancer dans la neige !) et on se réjouit forcément de voir ce Goliath mis à mal par un David si malin. En pacifiste convaincue que je suis, je ne peux en faire un coup de cœur mais je conseille cette lecture, ne serait-ce que pour en apprendre davantage sur cette Guerre d’Hiver et sur ce pays incroyable qu’est la Finlande.

Le début de la guerre : « Le jour d'après, aux premières heures du matin, alors que les mots choisis « d'amitié inviolable » résonnaient encore, l'une des plus grandes puissances militaires du monde attaqua une des plus petites nations de la planète. »

« Lorsque la nuit tomba et qu'il rentra au campement, la tête encore pleine du tonnerre de la journée, Viktor leva les yeux au ciel, et lorsqu'il imagina là-haut la présence de Dieu, il les baissa de honte. Il ne s'agissait plus de chercher à savoir qui avait raison d'un côté ou de l'autre du front, mais de savoir pourquoi et comment on en était arrivé là, à se tuer les uns les autres, comme si les vies n'avaient plus aucune valeur. »

« Toute erreur de l'ennemi devenait un enseignement pour le jeune soldat, et depuis, Simo confectionnait de petites boules de neige tassée qu'il mettait dans sa bouche et qu'il laissait fondre afin de ne pas être trahi par les trente-sept degrés de son souffle. »

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24 mars 2025 1 24 /03 /mars /2025 19:59

Trésor caché - Pascal Quignard - Albin Michel - Grand format - Librairie  Compagnie Paris

Lecture abandonnée !

                Louise rentre chez elle avec son chat qu’elle a été obligée de faire euthanasier. Après dix-sept ans de vie commune, c’est un moment triste et elle a préféré enterrer le joli cadavre noir dans son propre jardin. A cette occasion, elle découvre un lingot, des napoléons d’or et des bijoux anciens et précieux. Ce trésor lui permet de voyager, de retrouver quotidiennement des sources d’eau (elle adore les rivières, les lacs, la mer et les fleuves) et aussi de travailler ailleurs que chez elle puisqu’elle est écrivaine. Elle rencontre Louis qui devient son amant.

Il m’arrive vraiment rarement d’abandonner une lecture mais ce roman m’est tombé des mains et je me suis arrêtée au bout d’une cinquantaine de pages. J’ai eu cette très nette impression de soulever une cloche de vers et de voir évoluer des personnages sans consistance aucune dans un univers si éthéré qu’il en est devenu étouffant. Le texte est bien écrit, poétique, mais les phrases m’ont paru tantôt creuses tantôt vides de sens (en tous cas, moi, je ne les ai pas comprises). Le lecteur n’a pas accès aux intentions et aux sentiments des personnages. Dans une alternance de chapitres, le texte est écrit à la troisième personne puis à la première (?) Interdite et confuse, je suis restée en dehors de ce roman ; c’est d’autant plus regrettable que j’ai adoré Villa Amalia et Tous les matins du monde de cet auteur. Pour Les solidarités mystérieuses, mon avis était plus mitigé.

Avez-vous lu ce roman ? ai-je eu tort d’abandonner si vite ? Les critiques du Masque et la Plume sont élogieuses...

Des extraits pour prouver mes dires :

Louis et Louise se sont vus une première fois avant de se croiser deux mois plus, entretemps, ils se sont oubliés : « Je pense que ce qui est cruel, ce n’est pas cet oubli. Ce n’est pas du tout cette expulsion. C’est d’imaginer que la beauté de cette mer qui se retire est une expulsion.

- Vous voulez dire que ce vide pourrait être heureux ?

Elle se tait.

- Plus heureux ?

Elle se tait.

- Ce vide qui s’ouvre ?

Elle se tait.

- Ce vide qui s’agrandit ? Qui aspire ? »

A propos de Louis : « Son pelage était si beau. Louise se mit de façon absurde, dans les premiers jours d’été, à s’épiler douloureusement, entièrement, avec une pince à épiler. C’était un étrange et patient défi qu’elle s’était lancé, dont elle ne voyait pas le motif. »

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21 mars 2025 5 21 /03 /mars /2025 18:32

Traverser les montagnes et venir naître ici - Marie Pavlenko - Les escales  éditions - ebook (ePub) - La petite Lumière PARIS

Astrid a tout perdu, enfin l’essentiel : son mari et ses deux jeunes fils dans un accident de voiture. Décidée à rompre totalement avec sa vie d’avant, elle achète – sur photo – une maison en pierres perdue dans le Mercantour. Elle ne connaît pas la haute montagne mais Kamal, son amoureux, l’appréciait beaucoup. Elle découvre une vie rustre et différente, un climat hostile, des voisins nombreux. Elle s’y fait doucement jusqu’au jour où elle découvre Soraya en train de mourir dans la neige. Soraya est une migrante venue de Syrie, elle a traversé plusieurs pays, elle a perdu des membres de sa famille, a connu l’enfer absolu et s’est retrouvée enceinte d’un être qu’elle rejette parce qu’il est issu d’un viol. Astrid et la voisine Ida vont aider Soraya à accoucher, Astrid va héberger la jeune femme âgée de dix-sept ans puis va s’occuper de ce bébé toujours renié par sa mère. Sans papiers, Soraya va devoir rester cachée et surtout commencer à penser à son avenir, si incertain, grâce à une association qui va lui venir en aide.

Quand la douleur réunit deux êtres brisés... J’ai failli rendre le livre emprunté sans le lire par peur d’être confrontée à un texte sur le deuil et la mort, et j’aurais eu tort. C’est bien plus que ça, c’est un roman sur la renaissance, sur le goût de la vie, sur l’espoir. Ce n’est pas pour rien que l’autrice a choisi un lieu en altitude pour faire se rencontrer ces deux femmes qui ont connu le pire ; elles-mêmes s’élèvent vers un possible renouveau, vont se compléter, s’entraider, s’accompagner sur ce long chemin de la résilience, avec des ratés évidemment, des rechutes, une blessure qui ne cicatrisera jamais complètement. J’ai beaucoup aimé partir à la montagne avec elles et j’ai encore davantage apprécié les incursions poétiques qui jalonnent le roman, jolies respirations artistiques et je veux bien croire que c’est la poésie qu’Astrid a eu envie de lire quand elle a commencé à pouvoir poser ses yeux sur des mots. La poésie s’invite un peu partout dans les pages, que ce soit des phrases de l’autrice ou des citations de poètes. Je pensais ne pas aimer ce livre, je l’ai pourtant lu avec plaisir et fluidité, et il m’a poursuivie une fois reposé, j’en ai même rêvé une nuit. A découvrir !

« Astrid est un bouchon de Liège. Les grosses bouées rouges ou jaunes qui se dandinaient au rythme langoureux des vagues ont disparu. Elle monte et descend dans un long va-et-vient, incapable de plonger pour s'abîmer dans l'eau noire, en exhumer les trésors enfouis, tout au fond, coquillages brillants aux reflets nacrés, roses, bleus, verts. Elle redoute de s'immerger parce qu'alors, elle les voit, cadavres gonflés et difformes qui se débattent dans les profondeurs, elle a beau leur tendre la main, à vous les sauvera plus. »

« Soraya préfère le hasard. Il est capricieux mais innocent, une créature puissante dansant sous le clair de lune. Il fait des moulinets, lance ses poings devant lui dans un drôle de ballet nocturne, s'amuse sans penser à mal. Et tant pis pour les pauvres gens qu'il tamponne sur son chemin : ils s'écroulent, la faute à pas de chance. Cette façon d'envisager la situation lui paraît moins injuste, moins culpabilisante aussi. »

La belle citation d’Andrée Chédid :

« Sans me hâter

Je m’acclimate

A l’immanence

De la nuit. »

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15 mars 2025 6 15 /03 /mars /2025 19:19

Editions Actes Sud - Collection Babel (poche) - Roman - Banquises

Après 27 ans sans sa sœur Sarah, disparue quand elle avait vingt-deux ans, Lisa part sur ses traces. Sarah est partie six semaines au Groenland, en 1982, à la suite d’une dépression, après avoir perdu une amie très proche, et elle n’est jamais revenue. Sans trop comprendre pourquoi, Lisa entreprend ce long voyage aux sept escales et revient sur ce passé douloureux : l’attente des parents à Roissy, l’absence qui ne sera jamais comblée, le détective engagé pour rien, la mère si souvent en larmes, le lent délitement familial, sa propre anorexie pour signifier à ses parents qu’ils ont encore une fille, et des années plus tard une sœur déclarée morte sans qu’aucun corps ne soit retrouvé.

J’ai retrouvé ce que j’aime chez Valentine Goby : la beauté de son écriture, son talent quand il s’agit de décrire à la fois les paysages et les sentiments, ce don pour magnifier les choses. On partage la douleur des parents qui n’ont plus vu revenir cette fille mais aussi le désarroi de la sœur qui reste devenue un peu orpheline puisque tout a tourné pendant des années autour de l’absente. Le roman s’apparente à une enquête sans en être vraiment une mais il est aussi le texte d’un endroit, d’un espace, d’un lieu, cette île du Groenland menacée par le réchauffement climatique de manière très (trop) concrète (là où il pouvait faire -40, il fait 0 degré) qui ne vivait que pour sa banquise. J’ai beaucoup aimé vivre quelque temps là-bas à l’époque où Lisa y est restée coincée à cause de ce fameux nuage de cendres (en 2010), découvrir le mode de vie de cette île, Uummannaq, son fjord, son quotidien rude, ses fêtes, ses chiens-loups, ses traîneaux, la glace qui craque... J’ai pris du plaisir à lire ce roman même si le thème de la personne disparue n’est pas nouveau, même si ce n’est pas mon roman préféré de l’autrice.

Aux questionnements des parents, on leur a sans cesse répondu « Elle est majeure » : « C’est ce qu'ils font tous les deux. Ils se collent, regardez, encastrent l'une dans l'autre leurs peurs. Ils se tiennent, là, épuisés, devant les portes automatiques qui s'ouvrent et se ferment, carapaçonnés contre les règlements, les lois absurdes, aussi fort qu'ils se sont tenus il y a vingt-trois ans, quand ils ont conçu cette enfant pas revenue, et s'imbriquant ils l'enfantent au fond de leurs tripes encore une fois, la recréent, la reveulent, se serrent à s'étouffer. »

La vie des parents après la disparition de Sarah :« Ils la maintiennent vivante, c'est leur obsession, ils se la remémorent sans cesse. Pas pour comprendre ou fournir des indices détectives, à la police. Ils ressassent pour la tenir au chaud en eux, ils nient la rupture, la colmatent, ils sont dans l'éternel présent. Ils ouvrent les albums photos, chaque cliché évoque un événement, une fête d'école, un spectacle, une réunion de famille, un anniversaire. »

De la même autrice : L'île haute, Kinderzimmer, Un paquebot dans les arbres.

J'avais choisi Valentine Goby autrice chouchou pour le beau challenge de Géraldine.

 

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