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1 mai 2023 1 01 /05 /mai /2023 17:52

L'Heure des oiseaux - Maud Simonnot - | Maison de littérature générale

L’île de Jersey. En 1959, un orphelinat abrite des enfants dont personne ne se préoccupe de la situation. Ils vivent dans des conditions déplorables, subissent tous les sévices dont est capable un dominant sur des êtres vulnérables et sans défense. Lily, 8 ans, s’est promis de protéger le Petit, 5 ans. Elle lui évite les brimades, l’emmène écouter les oiseaux et lui permet de garder son âme d’enfant, autant que possible. Lorsqu’il s’agit de le réconforter ou de le rassurer, elle est là, à surpasser ses propres craintes pour épargner le pire. Soixante ans plus tard, la narratrice, une ornithologue, fait un séjour sur l’île avec pour objectif d’en savoir plus sur cet orphelinat dont les enquêtes, depuis sa fermeture en 1986, ont été bâclées. Son père a vécu là-bas mais son cerveau a effacé tous les souvenirs et, vieillard, il est encore sujet à des crises d’angoisse inexplicables ; sa fille veut lui apporter une explication. Découvrant une île où la Nature règne, elle se heurte aux silences de ses interlocuteurs jusqu’à ce qu’elle rencontre deux vieilles sœurs qui travaillaient là-bas et qui, sans remords ni regrets, racontent l’horrible vérité.

Conseillé par Luocine (merci !), ce roman m’a beaucoup plu ; après quelques lectures plus décevantes, il était bon de retrouver une belle plume, un sujet intéressant et un cadre attrayant. Simple, efficace, suave et juste, les louanges ne manqueront pas pour cette dénonciation de la maltraitance des enfants et, davantage, les non-dits des adultes et les silences complices. C’est peut-être la brièveté du livre qui m’a le plus dérangée et frustrée, la révélation finale (prévisible) et le dénouement arrivent trop vite à mon goût même s’ils sont de toute beauté et d’une émouvante délicatesse. L’image de cet ermite, que vient voir Lily régulièrement est assez singulière aussi, d’autant plus qu’Alphonse le Gastelois a réellement existé, il a été accusé de crimes qu’il n’a jamais commis et s’est reclus seul dans l’archipel des Écréhou. Il est indéniable que Lily, « fille de Déméter » pour son attrait pour les oiseaux, les fleurs et les arbres, va rester l’héroïne du roman, admirable et solaire, elle revit des décennies plus tard grâce à ces allers-retours entre passé et présent qui sont si savoureux. Une belle lecture et une autrice dont j’aimerais lire davantage.

« Deux merles chanteurs ont colonisé le peuplier qui s'élève sous les fenêtres de leurs dortoirs et dans les jeunes feuilles duvetées brillent au soleil. Lily se met à siffler avec eux, le garçon ne savait pas qu'elle possédait une si jolie voix d'oiseau. »

La vieille institutrice : « Pour une bigote pétrie de convictions, ces gamins sans religion, ces enfants du péché qui ont forcément hérité des vices supposés de leurs parents sont de la mauvaise graine à redresser. »

Le père qui a passé sa petite enfance à l’orphelinat : « La part manquante de son enfance et ce drame vécu et tu avaient créé chez lui cette fragilité, cette insécurité, ces crises qui le confrontaient à l'abîme du temps et l’avaient régulièrement fait désirer mourir. Du plus loin qu'il s'en souvienne, l'angoisse était présente. Elle venait directement de cet immense vide créé par l'arrachement brutal d'une part essentielle de lui-même, à un âge trop tendre. Mon père, ouvert dès lors à tous les vents, avait été condamné à voir son existence s’écouler en surface. »

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28 avril 2023 5 28 /04 /avril /2023 09:36

Une enquête de William Wisting, Fermé pour l'hiver, Une enquête de William  Wisting - Jorn Lier Horst - Librairie Dialogues

Au Sud de la Norvège, un cambrioleur est retrouvé assassiné dans le chalet d’un célèbre présentateur d’émissions télé. De nombreux chalets ont été « visités » la même nuit, l’inspecteur William Wisting se fait agresser et voler sa voiture par l’un des voleurs. Du cambrioleur mort, la police emporte le corps sans avoir ôté la cagoule qui recouvrait son visage, grossière erreur puisque le cadavre intact n’ira jamais jusqu’au centre d’autopsie. La fille de Wisting, Line, 27 ans, est une journaliste qui vient de rompre avec Tommy qui semblait tremper dans des histoires suspectes… peut-être même liées aux cambriolages.

Conseillé par Keisha, ce roman m’a permis de voyager en Norvège, plus précisément dans le comté de Vestfold, réputé pour ses beaux paysages et ses chalets en bord de mer où, dans le roman, il se passe des événements pas tellement bucoliques…Dans un enchevêtrement d’affaires où les cambriolages se mêlent à des histoires de drogue, l’intrigue ne se contente pas de rester en Norvège mais nous emmène aussi en Lituanie pour quelques jours. L’ambiance est pesante et inquiétante (les découvertes de cadavres se multiplient, les oiseaux morts tombent du ciel, Line a la bonne idée de s’isoler dans un de ces chalets qui n’attirent que des ennuis…) Un roman prenant et roboratif où j’ai aimé que le monde ne soit pas manichéen. Pas un coup de cœur à cause de certaines petites longueurs, rien de méchant mais quand on lit un roman tel que L’île des âmes de Pulixi, la barre est haute au rayon polars, qu’on se le dise !

Line fait une petite promenade : « Le sentier descendait vers le bateau. La présence de Line chassa les oiseaux. L’endroit ne présentait aucune facilité pour accoster. Le petit bateau avait dû se détacher et dériver. Et il butait maintenant contre les pierres rondes. Soudain, elle se figea. Il y avait quelqu'un à bord. Un homme assis au fond de la barque, à moitié appuyé contre le banc de nage arrière, la tête renversée. Ses yeux avaient été becquetés. Sa bouche était béante. Son visage étroit et blême était tacheté par la mort. »

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26 avril 2023 3 26 /04 /avril /2023 15:02

Le Voleur d'amour - Poche - Richard Malka - Achat Livre | fnac

Sans doute faut-il parfois sortir de ses propres sentiers battus… ou pas.

Adrian se confie à celle qu’il aime, Anna. Quand elle dort, il lui raconte comment il est né, quelques siècles plus tôt, de parents qui ne se sont jamais aimés et qui ont été déchirés par la perte de leurs deux enfants, les aînés d’Adrian. Comment il a découvert qu’en aimant une personne, il pouvait lui voler son âme, la rendre malade, voire la tuer. Pour sauver Anna qui lui fait tant penser à son ancienne amante Clélia, il préfère donc se tuer.

Nous promenant entre le XVIIIè siècle et le XXIè siècle à grand renfort d’orgies, de vampirismes et de questions philosophicovénitiennes aux allures gothiques, le roman patauge dans un fantastique qui ne me sied pas du tout. J’en ai lu la moitié avant de me rendre compte qu’il serait peut-être temps d’arrêter mes souffrances… J’aurais dû mal à trouver une seule qualité dans ces pages qui tentent peut-être d’imiter vaguement Le Parfum de Süskind tout en faisant référence à Dracula… ? Encore un roman très bien noté sur Babelio et qui n’a eu en moi aucun écho. Flop.

« La proximité de la Faucheuse produit des raccourcis. L’urgence abolit les filtres de la bienséance. Clélia approcha ses lèvres. Elle m'embrassa et, pour la première fois, la chose s'est produite. »

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20 avril 2023 4 20 /04 /avril /2023 17:49

Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé - Editions  Flammarion

Je n’avais plus lu l’autrice depuis Des vies d’oiseaux, il y a 12 ans.

Quatre sœurs. Les deux aînées, Violetta et Gilda, sont restées à Iazza, une minuscule île sicilienne ; Mimi, la petite dernière a disparu on ne sait où depuis des années et Aïda a quitté l’île adolescente. Le père vient de mourir et quinze ans après le départ d’Aïda, Violetta se sent bien obligée de la contacter et de la faire venir aux funérailles du paternel tant redouté. Le retour dans l’île ne se fait pas sans tensions, les souvenirs du passé ressurgissent, les retrouvailles sont plus artificielles que chaleureuses. La disparition de Mimi conjuguée avec la fréquentation de Leonardo, le mari de Violetta mais surtout l’ancien amant d’Aïda, le début de démence de l’aïeule

Très vite immergée dans cette ambiance sicilienne dès les premières pages de ce roman à l’ambiance à la fois solaire et tendue comme un arc, j’ai traîné des pieds pour lire les deux derniers tiers. J’ai regardé, j’ai trouvé ça joli, bien écrit et esthétique, parfois j’ai accompagné Aïda mais la plupart du temps, je suis restée en dehors de l’histoire, de ces histoires de famille, de rancœur, de mensonges, de sororité. Je suis en général friande des intrusions du narrateur mais, ici, la narratrice intervient souvent et parfois inutilement, j’ai trouvé ça surfait (« Au moment où j'écris ces mots, je me dis que leur cohabitation va de moins en moins être évidente. Mais, me rétorquerez-vous, ce mouvement est une loi de l'univers »). Ou seraient-ce les allures de conte qui m’auraient empêchée de profiter pleinement de cette lecture ? Le rythme manque aussi de peps mais avec des phrases qui font souvent une demi-page, ce n’est pas tellement étonnant. Une lecture en demi-teinte donc, alors que j’aurais aimé être éblouie par le soleil sicilien.

Un beau passage sur l’enfance : « Souvenez-vous de cet âge où jamais vous ne marchiez mais toujours sautilliez. Souvenez-vous de cet âge où construire un château de sable vous demandait un tel degré d'implication que vous étiez quasiment désespérée à l'idée de sa nature éphémère. Souvenez-vous de cet âge vous aviez toujours raison même si vous étiez aussi peu expérimentée qu’un beignet, souvenez-vous, les adultes étaient incessamment tiraillés, quand ils vous parlaient ou vous regardaient, entre l'agacement et l'attraction (ne suis-je pas irrésistible, ne suis-je pas étonnante, ne te surprends-je pas à chaque instant, n'es-tu pas joyeux de me voir bouger et vivre et courir et m'agiter et lancer de petits bouts de phrases drôles et sans consistance ?). »

 

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13 avril 2023 4 13 /04 /avril /2023 04:36

Quand tu écouteras cette chanson – Lola Lafon | Tu vas t'abîmer les yeux

Je n’avais pas encore eu l’occasion de découvrir cette collection « Ma nuit au musée », c’est chose faite.

En août 2021, Lola Lafon a passé une nuit au musée consacré à Anne Frank. Elle a emporté peu d’affaires - lampe torche, ordinateur, portable, journal intime - dans l’Annexe, nourriture et boisson étant interdites et elle est surveillée par une caméra. Les heures passent dans cet endroit insolite et froid mais Lola ne se décide pas à entrer dans la chambre d’Anne Frank, antre sacré ; elle retarde ce moment, elle discute avec la vigile, elle somnole, elle repense à son enfance.

Si je connais, comme beaucoup, le Journal d’Anne Frank, j’ai tout de même appris certains détails intéressants, notamment son désir d’être lue ; elle a retravaillé elle-même quelques passages (et pas son père contrairement à certaines rumeurs), certains comportaient ainsi deux versions. Elle a voulu devenir autrice et en avait déjà toutes les qualités de réflexion, de sensibilité et d’écriture. Aux premières publications, une censure a supprimé certains passages qui évoquaient la sexualité et les règles de la jeune fille. Une adaptation filmique, en 1958, a corrigé la fin de l’histoire considérée comme trop dure ( !) , « il serait préférable de terminer sur une note d’espoir » ( !!) Mais je crois que les éléments peu connus de l’histoire d’Anne Frank ne sont finalement pas le plus important dans ce beau récit. Lola Lafon s’imprègne de l’endroit avec un grand respect, elle effleure la vie et la mort de la jeune fille avec délicatesse et tendresse et évoque également des sujets forts qui la touchent personnellement : l’héritage communiste de ses parents, son rapport à ses origines juives qu’elle a tendance à taire, l’anorexie, l’écriture. Les parallèles établis entre la vie d’Anne Frank et la sienne et ses souvenirs sont pertinents et toujours évoqués avec beaucoup de pudeur et de subtilité. Elle révèle aussi le bouillonnement d’Anne Frank qui était finalement une adolescente dans toute sa splendeur et sa fougue, une adolescente comme tant d’autres et pourtant tellement unique.

Une belle lecture qu’on pourrait qualifier de nécessaire. Si vous avez d’autres titres à me conseiller parmi ceux de « Ma nuit au musée », dites, dites !

« Pourquoi préférer la solitude de l'écriture, pourquoi consacrer tellement de temps à des vies irréelle mais vraies, à des créatures ni mortes ni vivantes. Ecrire n'est pas tout à fait un choix : c'est un aveu d'impuissance. On écrit parce qu’on ne sait par quel autre biais attraper le réel. Vivre, sans l’écriture, me va mal, comme un habit trop lâche dans lequel je m’empêtre. Il faut parfois rétrécir l'espace pour en entendre l’écho. Pourquoi écrit-on ? Peut-être est-il possible de répondre par la négative : ne pas écrire met à vif toutes les failles, alors on écrit. »

« Ecrire est un engagement à ferrailler. On s’engage dans l'écriture comme dans une armée imaginaire, où l'on serait à la fois général et aspirant soldat. »

« l'écriture est un chemin sans destination, l'écriture à la beauté inquiétante de ce qui ne mène nulle part, et ce pendant des mois, parfois. »

La petite communiste qui ne souriait jamais de la même autrice.

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9 avril 2023 7 09 /04 /avril /2023 17:57

Gros-Câlin - Poche - Romain Gary - Achat Livre | fnac

C’est l’histoire d’un mec qui achète en Afrique un python pour lequel il ressent « une amitié immédiate, un élan chaud et spontané ». Malheureusement, arrivé en France, il faut au serpent nommé Gros-Câlin, de la chair vivante. Et Michel Cousin a beau acheter une souris blanche puis un cochon d’Inde, il s’attache très vite à ces mignonnes créatures qu’il est incapable de donner en pâture à Gros-Câlin ! De plus, Michel Cousin est amoureux de Mlle Dreyfus, il est sûr qu’ils vont vivre une belle histoire d’amour, commencée déjà, pour sa part, puisque tous les jours ils effectuent un voyage formidable ensemble : ils prennent quelques poignées de secondes l’ascenseur ensemble ! De fantasmes en désillusions, le personnage va surtout se sentir très seul et va trouver, en la compagnie de son serpent, un double qu’il va imiter, s’enrouler sur lui-même, se contorsionner, se dérouler, se cacher, se faufiler…

Juste ciel ! Laissez tomber toutes vos lectures ou vos projets de lecture pour vous jeter sur – au moins – les premières pages de ce roman génialissime ! Encore une fois, Gary surprend. Il n’est pas étonnant qu’il ait voulu garder son anonymat en signant ce texte Emile Ajar parce que le roman est complètement déjanté, loufoque et allumé. Oscillant entre Queneau et Ionesco, il plonge dans l’absurde tout en évoquant avec finesse les thématiques de la relation à l’autre, de la solitude et de la marginalité. Quelle tendresse dans ces lignes, quelle poésie pour évoquer l’amour et aussi les prostituées (oui, c’est surprenant) et quel humour aussi ! Il existe deux fins proposées dans mon édition, la seconde me paraît trop terre-à-terre, elle évoque des blouses blanches alors que j’aimais bien rester dans une ambiance onirique. Le personnage principal est un anti-héros aussi burlesque que sublime, épris d’absolu et incompris des siens dont il a bien raison de s’éloigner en rampant… Un texte surprenant aux multiples entrées, polysémique (la mue du serpent et celle de l’auteur), sensuel et mystérieux comme un serpent, cet animal qui m’a toujours fascinée (mes parents n’avaient pas voulu que j’en adopte un quand j’étais ado !)   - A lire -

« C'est un homme avec personne dedans. »

La souris blanche : « Blondine a aussitôt commencé à s'occuper de moi, grimpant sur mon épaule, farfouillant dans mon cou, chatouillant l'intérieur de mon oreille avec ses moustaches, tous ces mille petits riens qui font plaisir et créent l'intimité. En attendant, mon python risquait de crever de faim. J'ai acheté un cochon d’Inde, parce que c'est plus démographique, l’Inde, mais celui-ci aussi trouva moyen de se lier immédiatement d'amitié avec moi, sans même faire le moindre effort dans ce sens. »

« Les pythons sont très attachants. Ils sont liants par nature. Ils s’enroulent. »

« chacun de vous est entouré de millions de gens, c’est la solitude. »

« Ils ont cru que je souffre seulement de manque extérieur, alors que je souffre aussi d'excédent intérieur. Il y a surplus avec absence de débouchés. »

« Vers onze heures du soir, je m'étais à ce point entortillé autour de moi-même, que je jugeai plus prudent de ne pas chercher à m'en sortir, pour éviter de me nouer encore davantage, comme les lacets des souliers qu'il convient de tirer avec les plus grands ménagements. Je demeurai donc couché, en proie à une circulation intérieure intense, avec heure de pointe, embouteillages et signaux bloqués au rouge, hurlement des ambulances, pompiers et extincteur d'incendie cependant que cela ne faisait que s'accumuler autour de moi, et que les naissances continuaient pseudo-pseudo dans un but de main d'œuvre, d'expansion et le plein emploi. »

tellement différent : Lady L.

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3 avril 2023 1 03 /04 /avril /2023 18:23

Disco queen - broché - Stéphanie Janicot - Achat Livre ou ebook | fnac

Soizic, la soixantaine, est mal en point : entre un infarctus et un cancer, elle doit être hospitalisée un long moment. Elle occupe son temps à écrire un roman autour d’un fantasme qui surgit comme une évidence : ouvrir une boîte de nuit disco dans son petit village, dans sa grange rénovée pour l’occasion. Dans son écrit qu’elle fait lire régulièrement à ses proches, elle se laisse aller à rêver l’impossible : ses deux filles, Yanne et Chloé, l’aideraient, toute la famille s’y mettrait, ce serait un succès fou à tel point qu’on pourrait inviter John Travolta pour l’élection d’une miss Disco. Chloé et Yanne acceptent ce pari fou et, dans le plus grand secret, réalisent le rêve de leur mère en ouvrant cette boîte – pour de vrai.  

La vie réelle croise donc la fiction dans un roman résolument musical puisque les titres des chapitres sont des titres de chansons : « I will survive », « Ring my bell » ou encore « Superstition » (vous aurez reconnu Stevie Wonder). Commençons par le positif : j’ai adoré deux idées. La première consistant à écrire un roman (est-ce possible dans une chambre stérile, je ne sais pas) en étant hospitalisée, un roman qui « sort » la patiente de l’hôpital et qui permet à ses proches de lire autre chose que jérémiades et peur de la mort. La seconde idée, c’est bien cette histoire de boîte. Je fais partie de cette génération qui allait en boîte à 18 ou 20 ans, et cette période est faite de bons souvenirs. J’élargirai le projet à faire danser tous les âges, sur toutes les musiques, comme aux mariages où on peut s’éclater et se trémousser sans réfléchir. Je suis sûre que le monde irait mieux en dansant davantage. Pour le reste… je dois bien être obligée de reconnaître que la légèreté prêchée dans le roman se retrouve un peu trop dans son contenu et dans son style et que je m’en fichais de la petite vie de chacune de ses protagonistes féminines (il y a peu d’hommes), je n’y ai trouvé aucun intérêt et – à choisir – j’aurais préféré ne pas lire le livre. C’est dit.

« Je ne m'étais pas trompée en le cherchant là, au cœur même de la chose la plus insignifiante, la danse.  « Ce qu'il y a de plus profond dans l'homme c'est la peau », disait très justement Paul Valéry. L’apparence, le superficiel est la meilleure manière de nous connaître nous-mêmes, la seule manière de connaître les autres. J’ai enfin compris ce que j'avais tant recherché. Rien ne pouvait être plus essentiel que cette légèreté, cet absolu de notre être réduit à sa plus simple expression, lorsque plus rien ne pèse, ni pensée, ni désir, ni corps, ni matérialité. Peut-être cette joie pure était-elle semblable à la mort. »

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25 mars 2023 6 25 /03 /mars /2023 10:48

Le Chant du silence (Grand format - Broché 2023), de Jérôme Loubry |  Calmann-Lévy

Je n’ai pas résisté à la tentation de lire le dernier roman de cet auteur que j’ai apprécié pour Les refuges.

Dans un village aux « nuages lourds et à l’horizon noyé dans une mer obscure », au bord de l’océan, Damien revient après presque vingt-cinq ans d’absence, le cœur plein de rancœur, pour assister aux funérailles de son père qu’il détestait. C’est dans ce port de pêche qu’il a vécu ses plus belles années d’adolescence mais aussi les plus terrifiantes. En effet, sa mère l’a attiré loin de son père parce que Jean était plus intéressé par la mer et par l’alcool que par sa famille, qu’elle-même ne voulait plus de cette vie isolée, souhaitait autre chose pour son fils qu’une carrière de pêcheur. Mais un ami de Jean, Franck, émet des doutes sur son supposé suicide … mais la mort d’un copain dans les années 90 dont Jean serait responsable s’entoure d’un halo de mystère de plus en plus incompréhensible. Et puis, il y a la belle Oriane, l’amoureuse de Damien ; il y a cette amitié entre trois ados qui se jurent d’être toujours unis ; il y a ces deux autres ados vulgaires et menaçants ; il y a Lilly la folle, muette parce que son mari violent lui a tranché la langue…

Ne vous fiez pas à la couverture que je trouve complètement ratée, le roman est complexe, dense, et captivant. Entre thriller et roman noir, le récit nous fait naviguer entre 1995 et 2019 en distillant doucement des informations sur la personnalité des protagonistes qui permettront d’expliquer le dénouement. C’est bien de psychologie dont il est question, des relations bénéfiques ou toxiques, des ruptures douloureuses, des incompréhensions et des mensonges entre humains. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman même si un je-ne-sais-quoi m’a dérangée à la fin, peut-être parce que j’avais découvert le pot aux roses un peu trop tôt. Toujours est-il qu’il était appréciable de vivre un moment dans ce village aussi fascinant que mystérieux, si souvent battu par la pluie. J’ai peut-être préféré Les refuges.

 « Mais le temps ne cicatrise rien. Il se contente d'observer les blessures avec son air narquois et de les griffer de temps à autre pour les raviver. »

Le silence du titre revient comme un leitmotiv : « Mais les femmes… C'est leur silence qui est dangereux. Et ça, c'est pire que tout. Ça fait beaucoup de bruit le silence d'une femme quoi qu'on en dise. »

« As-tu déjà rencontré des silences qui te meurtrissent au point de vouloir fermer les yeux pour que ce ne soit qu'un mauvais rêve ? »

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21 mars 2023 2 21 /03 /mars /2023 10:08

Le Silence et la Colère

Je me réjouissais tout particulièrement de lire la suite du Grand monde tant apprécié l’année dernière.

Un petit bond dans le temps : après 1948, on se retrouve en 1952. François travaille toujours au Journal du soir, il est toujours avec Nine, sa fiancée sourde dont les mystères rendent sa personne de moins en moins limpide. Jean s’apprête à ouvrir le Dixie, un très grand magasin de prêt-à-porter féminin, son épouse Geneviève est toujours aussi odieuse, d’autant plus qu’elle a du mal à élever voire à aimer sa fille de trois ans, Colette. Hélène, quant à elle, a pris du galon puisqu’elle a droit, en tant que (vraie) journaliste, à un reportage : rendre compte de ce village, Chevrigny, qui doit disparaître sous les eaux au profit d’un barrage. Ô ciel, elle n’est toujours pas mariée même si amants et prétendants ne manquent pas. Les parents Pelletier restés à Beyrouth suivent de loin et parfois avec inquiétude l’évolution de leurs enfants mais un certain combat de boxe va venir distraire leur routine. 

Entre Beyrouth, Charleville, Paris et Chevrigny, ça bouge, il n’y ni pause ni temps mort dans les rebondissements et les mésaventures de chacun, bref, c’est un roman social mais toujours encore, comme Le Grand Monde, un roman d’aventure. Chaque personnage est fortement marqué, aucun n’est ordinaire ou lisse, et ils sont presque tous monstrueux. Bref, on est vraiment dans du Romanesque avec un grand R. Sans doute moins conquise par ce deuxième opus que par le premier tome, certains passages m’ont un peu laissée indifférente notamment les pages sur la boxe ; la dimension caricaturale de Geneviève -un monstre dans toute sa splendeur- m’a un peu lassée et j’ai trouvé certaines histoires un peu vite réglées à la fin. Je chipote un peu parce que j’ai quand même pris beaucoup de plaisir à ce roman vite dévoré malgré ses quelque 560 pages. La femme prend une place importante : le thème de l’avortement est mis en avant, la maternité, la condition de la femme dans les années 50 et, à part Geneviève (qui n’a rien d’humain), ce sont les femmes qui sont les véritables héroïnes du livre. Merci Lemaitre. Zola ne peut que ressurgir, encore plus dans les dernières pages qui marquent l’ouverture du grand magasin de Jean, l’effervescence, la société de consommation en devenir, le rapport triangulaire patron/employés/clients. On aimerait connaître la suite, en savoir plus sur les personnages et leur évolution, bref, la dimension feuilletonesque est au sommet de sa gloire chez un Pierre Lemaitre en pleine forme.

A noter l’intéressant et véridique article joint au roman : « La Française est-elle propre ? »

 

Certains traits de l’époque ne nous manquent pas :

  • l’avortement est vu comme un « crime contre la sûreté de l’Etat » … et la brigade anti-avortement sévit toujours.
  • « Cette fille devait bien avoir vingt-deux ou vingt-trois ans et ne portait ni alliance ni bague de fiançailles. »
  • Filles et garçons sont ensemble à l’école de Chevrigny : « ça n'est pas très normal de les mettre ensemble, mais que voulez-vous, l'institutrice des filles est partie le mois dernier, on ne pouvait pas faire autrement. »

Geneviève ou comment jouer la comédie : « Car aucune femme n’avait jamais été autant enceinte que Geneviève. La grossesse lui interdisant de nombreux mouvements, il fallait la servir plus souvent encore qu'à l'accoutumée, ranger, épousseter, laver à sa place. Les tâches ménagères lui avaient toujours répugné, elle n'avait jamais rien fait de bien notable dans la maison ; enceinte, elle ne faisait plus rien du tout. Soufflant, se tenant la poitrine à deux mains, poussant des gémissements plaintifs, s’arc-boutant soudainement sous l'effet d'un élancement dans les reins, elle passait douloureusement du fauteuil au lit, il fallait lui apporter son ouvrage, un verre d'eau, madame Faure, sans vous commander à moins qu'il y ait de la limonade ! Vous iriez m’en chercher ? Tout était prétexte à lamentations, ses seins qui gonflaient lui causaient des douleurs horribles, l’appartement orienté au sud. »

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15 mars 2023 3 15 /03 /mars /2023 17:13

Livre : La crue, Blackwater : l'épique saga de la famille Caskey, écrit par Michael  McDowell - Monsieur Toussaint Louverture

 

Eh oui, je m’y suis enfin collée, moi aussi !

A Perdido, ville de l’Alabama, en 1919, une crue a submergé la ville, les endroits restés indemnes sont peu nombreux, les habitants se sont réfugiés sur les hauteurs. Lorsqu’ils font une ronde, Oscar Caskey, un riche propriétaire de scierie et son domestique noir Bray, secourent une jeune femme, mystérieusement rescapée dans une chambre d’hôtel pourtant inondée. Ils l’emmènent en barque et, malgré le halo d’énigmes qui l’entoure, cette Elinor Dammert venue d’une autre région, se fait peu à peu accepter par la ville. Dans la famille Caskey, c’est d’abord James, cet homme « frappé par le sceau de la féminité » qui se prend d’affection pour Elinor et l’héberge. Marié à Geneviève, une femme alcoolique qui quitte la ville les ¾ du temps, il doit cependant faire face au fort caractère de Mary-Love sa sœur (et mère d’Oscar) qui, d’emblée, n’aime pas Elinor (et elle est la seule). Oscar finit par épouser cette belle étrangère rousse qui étonne par sa vigueur, son rapport particulier à l’eau (elle nage à contre-courant avec la force d’un grand gaillard) et son pouvoir subtil de persuasion. Est-elle un être bienfaisant ou malfaisant, le suspense reste entier…

Peut-on parler de « déception » ? Si je n’avais eu vent de toute la médiatisation de cette saga qualifiée de « phénomène littéraire », je vous aurais dit que c’était une lecture bien agréable sans être incroyable. Evidemment, je m’attendais à un truc énorme et exceptionnellement époustouflant et je fus déçue. Tout ça pour ça… J’ai trouvé ça très court, un peu creux et inconsistant, et le fantastique ne m’a pas particulièrement plu (ce n’est pas non plus mon genre de prédilection) mais c’est bien écrit et très fluide. J’ai apprécié le fait que ce microcosme, que cette petite ville au climat rude (il fait trop froid ou trop chaud ou il pleut des trombes) soit gouvernée par les femmes et que de petites remarques subtiles mais fréquentes renvoient à cette société matriarcale où les hommes semblent seulement semblent gouverner mais sont finalement très faibles, influençables et incapables. Il faut reconnaître que le suspens qui s’appuie sur l’étrangeté et le mystère qu’entourent le personnage d’Elinor happe le lecteur ; reste à savoir si j’ai envie de lire la suite, aidez-moi à me décider, dites-moi ce que valent les tomes 2 à 6 !

(Ma fille m'a dit "Ce livre, on ne le lit rien que pour sa couverture", et c'est vrai !)

Les jours et semaines qui suivirent la crue : « La puanteur ne parut jamais entièrement s'en aller. Même une fois les maisons décrassées de la boue, les murs récurés, de nouveaux tapis étalés, du nouveau mobilier acheté et des rideaux accrochés ; même lorsque tout ce qui avait été abîmé fut jeté et brûlé, que l'on débarrassa les jardins des branches et autres carcasses pourrissantes, et que l'herbe eut commencé à repousser, la ville, aux aguets le soir venu, Découvrez que sous le parfum de jasmin et de rose, sous l'odeur du dîner sur le feu et l’amidon des chemises, elle empestait la crue. »

Les temps ont changé fort heureusement : « Les Blancs n’aiment pas voir des gamines noires quand ils mangent, la gronda Roxie, à moins qu'elles apportent un plat. »

 

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