Je n’ai pas l’habitude de lire ce genre de livres mais j’honore un cadeau qu’on m’a fait.
Jean-Jacques Goldman est né en 1951 de parents immigrés juifs non-pratiquants mais fiers de leurs origines. Le père, gérant d’une enseigne de sport, a toujours souhaité tout faire pour s’intégrer au mieux à la société française et il a réussi. Jean-Jacques a été un élève moyen, un ado plutôt réservé et banal. Attiré par la musique noire, le blues et le gospel, il a délaissé le violon pour la guitare mais ne s’est pas révolté à une époque où il pouvait le faire, en mai 68. Léo Ferré et Michel Berger l’ont convaincu de chanter en français. Il a très tôt rencontré son acolyte, Michael Jones, dans leur groupe commun, Taï Phong. Après insuccès et refus divers, c’est au début de 82 que le succès de Goldman éclate avec « Il suffira d’un signe ». S’étant toujours revendiqué comme un minoritaire, un transfuge, un être fragile, il s’est démarqué par sa banalité, et a conquis un public plutôt féminin et populaire. Il a cependant profité de l’essor des émissions télé, des radios FM, du Top 50 (n’oublions pas qu’il a composé le générique de « Taratata »). Il a longtemps répondu aux lettres de ses fans jusqu’à ce qu’ils soient vraiment trop nombreux, il est resté pudique sur sa vie personnelle toute sa vie. Engagé dans différentes causes humanitaires, il a longtemps rechigné à faire des concerts. Au sommet de son succès, il a fondé ce trio avec Michael Jones et Carole Fredericks. Il s’est habitué au mépris, à la honte d’écouter Goldman, à l’ironie des médias. En 2002, il arrête les tournées, en 2016, il quitte les Enfoirés puis disparaît totalement pour vivre dans le Sud de la France puis en Angleterre avec son épouse, prof de maths.
Oui, j’aime Jean-Jacques Goldman mais mes préférences vont à des chansons moins tout public comme « Nuit », « Chanson d’amour », « Tu manques », « Serre-moi » ou encore « Peur de rien blues ». J’ai également un souvenir très net de « La vie par procuration » que je chantais non-stop à sa sortie avec des copines, je n’avais même pas dix ans. J’ai réalisé, à travers cette lecture, à quel point Goldman a marqué plusieurs décennies, que ce soit par sa propre carrière ou par les chansons qu’il a écrites pour les autres. Mêlant différents genres, il est resté inclassable ; rocker sans en avoir ni le look, ni le mode de vie. Il a réussi sa sortie du showbiz, s’effaçant complètement, d’abord des médias, puis mettant un terme à tout projet musical. L’auteur le compare à Pérec puis à Rousseau dans des parallèles pas inintéressants du tout. Plus largement, il balaie le paysage de la chanson française des années 80 à 2000. Qu’est-ce que j’ai appris ? Que Goldman avait un demi-frère bandit braqueur qui a même été accusé de meurtre en 1969 avant d’être relâché et assassiné dans la rue. Qu’il a travaillé dans le magasin de sport familial jusqu’à ses 30 ans. Que ses chansons évoquent les thèmes suivants : le déracinement, l’exil, l’homme vulnérable, les ruptures, la condition minoritaire, entre autres. Qu’il s’oppose farouchement au patriarcat. Que sa partenaire de « Là-bas » a été assassinée par son compagnon.
C’est la première fois que je découvrais cet auteur dont l’écriture m’a plu, ça a été une lecture très agréable, divertissante et plus instructive que prévue 😊
« Trois figures nationales, donc, au miroir des années 1980. Toutes s’adressent à la France des petits : Tapie, jeune loup propriétaire d'entreprises et vainqueur de régates, veut la rallier au parti des gagnants ; Le Pen, vieux loup raciste, jette les immigrés à la vindicte des déçus de la gauche ; Goldman appartient au parti des perdants, mais il leur parle de fraternité et de justice, de rêve et d'avenir, assumant sa nature « dépourvue d'agressivité », au contraire du winner. Alternative au tapisme comme au lepénisme, Jean-Jacques Goldman a commencé sa montée au symbole. »
« Etincelle, telle est la métaphore que Goldman utilise lorsqu’on l’interroge sur le pouvoir fédérateur de ses tubes. L’unique talent qu’il se reconnaît (il parle d’ailleurs en termes de compétences) est la capacité à déceler l’« étincelle enfouie sous des kilomètres de musique ». Non pas voleur de feu, mais cueilleur d’étincelles, le chanteur fait naître une connivence, une émotion au premier degré, instant de magie grâce auquel les gens sont rassemblés au-delà d’eux-mêmes. »