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18 janvier 2025 6 18 /01 /janvier /2025 08:26

La mouche. Temps mort - George Langelaan - Librairie Mollat Bordeaux

Deux nouvelles, la première de 35 pages, la seconde de 56 pages, appartenant toutes deux au genre de la science-fiction.

« La Mouche » retrace le parcours d’un scientifique, Robert Browning, que l’on retrouve mort, au début de la nouvelle, écrasé par un énorme marteau-pilon actionné volontairement par son épouse, Anne. Cette dernière a été déclarée folle mais le narrateur est rapidement persuadé qu’elle est saine d’esprit et, en confiance, elle lui remet les confessions de feu son mari. Ayant mis au point une cabine de transmission qui permet de téléporter des objets et des êtres d’une pièce à l’autre, Browning, après un cendrier, un chat, un cobaye et un chien, décide de la tester sur lui-même mais une mouche s’est glissée dans la cabine avec lui. Résultat : il en ressort mi-homme mi-mouche avec une tête de chat (celui-ci avait disparu). La femme, épouvantée, décide de suivre la recommandation de le tuer. Mais une étrange mouche à tête blanche volette encore dans les parages...

Dans « Temps mort », il est question de relativité et du temps qui passe. Yvon Darnier accepte d’être cobaye : après une injection, il se retrouve bloqué dans une sorte d'autre dimension, dans un Paris où lui seul est encore vivant, entouré d’êtres encore chauds mais morts, figés dans le temps. Lorsqu’il se passe un mois pour lui, il ne s’agit que d’une minute dans l’espace-temps de son monde initial. Il met par écrit tout ce qu’il vit et voit, finit par constater que ce monde figé ne l’est pas tant que ça puisqu’il bouge de quelques millimètres en ce qui constitue pour lui des mois. Il va revenir à la « vraie » vie mais dans quel état...

... Ou quand l’adaptation cinématographique éclipse complètement la nouvelle qui l’a inspirée ! En effet, qui connaît Georges Langelaan, agent secret passionné de sciences et d’histoire ? Il est étonnant de savoir qu’un texte aussi court a pu donner lieu à au moins trois films (que je ne pense pas avoir vus). En non-adepte de la science-fiction, j’ai vraiment beaucoup aimé ces deux nouvelles et davantage « Temps mort » que j’ai trouvé à la fois passionnant et intéressant. Le personnage évolue dans un Paris figé, il se promène dans les Galeries Lafayette, l’Opéra, le long de la Seine ou encore les Grands Magasins du Louvre, touche des vendeuses et serveurs statufiés en pleine action, mange la nourriture laissée dans les assiettes et toujours restée chaude, il avance dans un monde silencieux où seul un gong retentit régulièrement. Cette solitude au milieu d’une foule inerte a de quoi fasciner et j’ai trouvé que l’écriture rendait l’histoire aussi captivante qu’effrayante.

         Une belle découverte pour un livre qui traînait depuis longtemps dans ma PAL et que je n’aurais peut-être pas sorti sans le challenge Bonnes nouvelles de Je lis, je blogue dédié aux nouvelles.

Récit de la femme de Browning dans la « Mouche » : « Jamais je ne pourrai effacer l'image de cette tête de cauchemar, cette tête blanche, velue, au crâne plat, aux oreilles de chat, mais dont les yeux auraient été recouverts par deux plaques brunes, grandes comme des assiettes et remontant jusqu'aux oreilles pointues. Rose et palpitant, le museau était aussi celui d'un chat, mais à la place de la bouche était une fente verticale garnie de longs poils roux et doux et d’où pendait une sorte de trompe noire et velue qui s'évasait en forme de trompette. »

« Temps mort » : « Sauf accident, je pourrais survivre encore un bon moment, tel un nouveau Robinson Crusoé égaré dans le cœur de Paris, capable de voir et de toucher des millions de gens et pourtant complètement seuls au monde, sans même un perroquet ou une chèvre, peut-être même sans un seul microbe pour m'aider à tomber malade et à mourir. Combien de temps pourrais-je supporter de vivre dans le silence effrayant de cet immense musée Grévin ? Je préférai ne pas y penser et je laissai mon esprit s'occuper de ce qui pouvait et devait être fait. »

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7 janvier 2025 2 07 /01 /janvier /2025 11:37

La dame au petit chien et autres nouvelles - Anton Tchekhov - Folio - Poche  - Librairie Gallimard Paris

C’est le beau challenge Bonnes nouvelles de Je lis, je blogue dédié aux nouvelles, novellas et autres textes courts qui m’a incitée à (enfin) sortir ce recueil de ma PAL. Je n’en suis pas mécontente.

D’emblée, on apprend dans la préface que l’auteur n’a pas été capable - de toute sa vie -  de tomber amoureux (le pauvre), et c’est peut-être pour combler cette frustration qu’il a fait de l’amour et des femmes le fil conducteur de ces quinze nouvelles. Qui sont-elles ? Une pharmacienne qui, comme Madame Bovary, est si avide de nouvelles rencontres ; la cliente d’une grande mercerie qui avoue ne pouvoir se défaire d’un étudiant aussi charmant que toxique ; la jolie Zinotchka qui en voudra à vie au petit garçon qui l’a dénoncée à ses parents pour un baiser volé ; Mlle X, si fière d’être riche et de haut rang qu’elle manquera l’amour de sa vie ; deux beautés si tristement belles ; la femme qui pense que son adultère est un péché de Dieu qui a tué son mari ; une riche héritière qui ne sait pas à qui offrir les roubles qu’elle a gagnés lors d’un procès et qui se demande ensuite (entre copines) pourquoi il est devenu si difficile de se marier ; une « Dame au petit chien » devenue la maîtresse d’un homme qui lui sera impossible de voir autant qu’elle le souhaiterait.

On se plonge très rapidement dans un univers teinté tantôt de malice et d’espièglerie tantôt d’une certaine mélancolie avec des personnages généralement maladroitement touchants, délicieusement imparfaits. J’ai beaucoup aimé la nouvelle « La Princesse » : une riche princesse passe un court séjour dans un monastère où elle aime se faire dorloter, toute contente d’elle et de sa vie, elle croise le Dr Ivanovitch qui était auparavant à son service ; après quelques hésitations il ouvre son cœur : elle a été une maîtresse égoïste, hautaine, hypocrite, mauvaise avec ses domestiques et imbue de sa personne. Passent quelques heures où la princesse semble réfléchir à tous ces reproches, et le lendemain là revoilà guillerette et satisfaite de sa propre personne. C’est quand même étonnant de se dire qu’un grand écrivain n’a écrit que sur les femmes... ou alors, est-ce pour cette raison qu’il est un grand écrivain 😊 J’ai donc apprécié ce recueil de nouvelles (avec un intérêt qui n’a pas toujours été le même d’une nouvelle à l’autre), on voyage dans un pays qui donne envie d’être découvert (malgré le contexte actuel).

« Il faut croire que la haine n'est pas aussi sujette à l'oubli que l'amour...»

« Dans les villes toute l’éducation et toute l’instruction que reçoivent les femmes se ramènent à en faire des êtres mi-humains mi-animaux, c’est-à-dire des êtres qui plaisent au mâle et savent le conquérir. »

Challenge Bonnes nouvelles 2025 (crédit photo : Library of Congress via Unsplash)

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27 mai 2024 1 27 /05 /mai /2024 10:55

L'homme et le loup et autres nouvelles - Jack London - Le Livre De Poche  Jeunesse - Poche - Place des Libraires

J’ai choisi ce titre pour participer au beau challenge Les classiques c’est fantastique chez Moka et Fanny (la saison 5 démarre, n’hésitez pas !) Le thème porte ce mois-ci sur la nature. Je pense être dans les clous avec ces six nouvelles nous emmenant dans une nature lointaine et dépaysante.

« L’homme et le loup » : Ils sont deux, fatigués, chargés de ballots, affaiblis par des jours de marche. Mais Bill abandonne son compagnon de route sans se retourner parce qu’il peine à traverser une rivière. Ils devaient se retrouver à une cache près du Dease Lake au Canada mais la faim et une cheville douloureuse ont eu raison de la ténacité de l’homme (il va jusqu’à manger des vairons et des poussins vivants, et sucer des débris d’os de caribous !) Il croise un ours qui ne l’effraie même pas et sera suivi par un loup malade en quête de nourriture, comme lui. Ces « carcasses mourantes » finiront à se livrer à une sorte d’accolade macabre pour savoir qui mangera l’autre. Dans cette nouvelle, trois entités cohabitent : la nature, l’homme et le loup, et la nature sortira grand vainqueur de ce match tragique.

« Le fils du loup » : Dans le Yukon, Scruff Mackenzie, un homme blanc « chasseur d’élans » se rend chez les Sticks, des Amérindiens, pour trouver une femme. Il a jeté son dévolu sur la fille du chef, Zarinska. Mais la tribu est méfiante devant ce « fils de loup » et seul un combat entre deux hommes tranchera... C’est la nouvelle que j’ai le moins aimé.

« Bâtir un feu » : il me semble que la BD (géniale) de Chabouté  a contribué à faire connaître cette belle et effroyable nouvelle où on assiste à la mort d’un homme, perclus de froid. -40 degrés : tout est de neige ou de glace dans cette région du Yukon. Un homme avance seul avec un husky indigène sur les talons. Il peine à manger parce que ses doigts s'engourdissent en quelques secondes, il ne sent plus ses orteils mais parvient tout de même à faire un feu ... qui s'éteint lorsqu'il enlève ses chaussettes. On assiste ainsi à la mort de cet homme courageux mais naïf et stupide qui, les doigts morts, ne parvient plus à utiliser les allumettes. D’une effrayante tristesse.

« Chris Farrington, un vrai marin » : c’est la revanche du p’tit jeune !  Sur la Sophie Sutherland, un trois-mâts qui chasse le phoque pour sa fourrure au large du Japon, Chris, un gamin, a l’occasion de montrer ses compétences lors d’un typhon où c’est lui seul qui va manœuvrer et donner ses ordres à un capitaine impuissant.

« Les redoutables îles Salomon » : cette nouvelle se distingue des autres par sa dimension comique : si les îles Salomon sont réputées dangereuses et hostiles, le capitaine Malou va jouer avec les clichés et la grande naïveté de Bertie pour lui présenter des indigènes cannibales et sanguinaires et une vision démesurément effroyable des lieux. C’est plutôt léger et agréable à lire !

« Repousser un abordage » : Bob et Paul sont deux jeunes hommes amis qui ont réussi à s’acheter un voilier, le Mist. En naviguant dans la baie de San Francisco, Paul se plaint que la véritable « aventure » a disparu en ce début XXè siècle lorsqu’ils se font attaquer par deux pêcheurs italiens qui leur en veulent parce que le Mist a cassé leurs filets. Paul aurait mieux fait de se taire...

Jack London oppose souvent la civilisation à la nature sauvage démontrant que c’est rarement l’homme qui a raison. Dans un cadre rude et hostile, il parsème de petites étincelles d’humanité, toujours bonnes à prendre et servies par une écriture imagée et efficace. Je pense que je garderai surtout en mémoire la nature glaciale et impitoyable du Grand Nord.

Extrait de « L’homme et le loup » : « Pourtant, l’été indien se maintenait et il continuait de ramper et de s'évanouir, tour à tour, et, toujours, le loup malade toussait et haletait sur ses talons. Ses genoux étaient devenus de la viande crue, comme ses pieds. Bien qu'il les ait protégés avec la chemise qu'il portait précédemment sur le dos, il y avait une traînée rouge qu'il laissait derrière lui sur la mousse et sur les cailloux. Une fois, en tournant la tête, il vit le loup lécher avidement, sa traînée rouge ; il perçut alors avec acuité ce que pourrait être sa fin - sauf si - sauf s'il pouvait tuer le loup. »

Le froid dans « Bâtir un feu » : « Le givre que créait sa respiration avait saupoudré sa fourrure d'une poussière de gel ; les bajoues, le museau et les cils étaient plus particulièrement blanchis par la cristallisation de son haleine. La barbe et les moustaches rousses de l'homme étaient pareillement gelées, mais de manière plus solide, le dépôt prenant la forme de glaçons qui grandissaient à chaque fois que s'exhalait son souffle tiède et humide. De plus, l'homme chiquait et une muselière de glace lui collait aux lèvres, avec tant de rigidité qu'il ne pouvait pas dépasser son menton quand il crachait le jus de la chique. »

L’homme et le loup et autres nouvelles de Jack London
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23 janvier 2024 2 23 /01 /janvier /2024 07:37

J'ai soif d'innocence et autres nouvelles | Editions Larousse

J’avais très envie de participer au challenge « Bonnes nouvelles » de Je lis, je blogue et j’ai retrouvé ce petit recueil de nouvelles dans ma PAL ; eh oui, Romain Gary a aussi écrit quelques nouvelles.

Dans la première nouvelle, « J’ai soif d’innocence », le narrateur exprime sa volonté de fuir une société mercantile et cupide et se réfugie à Tahiti où il se lie d’amitié avec une certaine Taratonga qui lui offre, au bout de quelques semaines, des gâteaux emballés dans des toiles de Gauguin sans en connaître la valeur. Les principes du narrateur vont être mis à rude épreuve.

« Un humaniste » pourrait aussi se nommer l’Optimiste par excellence. Durant la 2nde guerre mondiale, M. Karl continue à croire en l’Homme, à espérer mais, en tant que juif, ses jours sont menacés par les nazis. Il se fait alors volontairement enfermer dans une cave secrète avec ses livres et des vivres apportés par ses domestiques. De très nombreuses années passent (on est en 1950, vous pigez le truc...) qui n’altèrent en rien son optimisme, les nouvelles ne lui sont plus qu’apportées par son fidèle Schutz.

« Le faux » : un collectionneur d’art s’évertue à repérer les faux. Lorsqu’il dira à Baretta que son tableau est un faux Van Gogh, sa minutie à relever les contrefaçons va se retourner contre lui...

« Citoyen pigeon » est un texte fantastique où deux Américains, l’un plus prétentieux que l’autre, visitent Moscou. A force de répéter « Nous avons la même chose aux Etats-Unis, en mieux », ils agacent leur entourage jusqu’au jour où leur cocher n’être autre qu’un pigeon.

« Tout va bien sur le Kilimandjaro » est assez drôle parce qu’un faux aventurier complètement sédentaire fait envoyer par des marins des cartes postales en son nom depuis les quatre coins du globe à sa bien-aimée, Adeline... Cette Adeline lui répond, des années plus tard, qu’elle a eu sept enfants avec son rival qui aime tellement collectionner ces cartes et ces timbres venus d’ailleurs !

« Je parle d’héroïsme » permet de confronter le discours d’un conférencier sur le thème de l’héroïsme : un des auditeurs l’emmènent chasser les requins dans les Caraïbes... de l’héroïsme la plume à la main à celui des abysses un fusil à la main, ce n’est pas tout à fait la même chose.

 

Tous ces textes tournent autour de la duperie, des faux-semblants, de la vengeance : des personnages qui se croient plus malins se font finalement royalement berner ; un peu comme chez Molière, on rit de leur arrogance punie, de cet arroseur arrosé, de ce pédant qui se retrouve le bec dans l’eau. C’est drôle et plaisant à lire (venant de Gary, ce n’est pas très surprenant). Ces six nouvelles à chute très courtes ont un charme apéritif : on les picore, on s’amuse, elles montent à la tête comme les bulles et on les oublie vite (je ne parle que de ma petite mémoire inefficiente). Il n’en demeure pas moins qu’elles sont un excellent moyen de découvrir le vénérable Romain Gary si ce n’est pas déjà fait ou de confirmer le fait qu’il sait se renouveler tant au niveau du genre que du registre.

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13 décembre 2023 3 13 /12 /décembre /2023 14:45

13 à table ! 2024 - 10ème édition | Collectif | Pocket

Cela fait bien longtemps que je n’avais pas acheté ce recueil de nouvelles (je le rappelle : un livre acheté, 5 repas distribués par le Restaurant du Coeur). Si Riad Sattouf est l’auteur de la belle première de couverture, ce sont 15 auteurs qui ont chacun, écrit une petite histoire sur le thème « J’ai dix ans. » (puisque l’opération 13 à table ! a dix ans cette année.)

Philippe Besson s’intéresse à la fin de son enfance à lui, le moment où le temps de l’innocence était révolu par une tragédie familiale et la découverte de son homosexualité. Michel Bussi évoque l’indifférence générale face à un naufrage d’un bateau de migrants (une des passagères est une fillette de dix ans). Maxime Chattam fait un lien entre l’assassinat de JFK, quand le narrateur avait dix ans, et une attaque terroriste dans un centre commercial survenue des années plus tard. La nouvelle de Lorraine Fouchet fait basculer une marchande de fromages dans la science-fiction. Pour Leïla Slimani, le confinement de 2020 prend des allures de huis clos étrangement oppressant.

Je me demande toujours comment ça se passe pour ce genre de collectif où un thème est imposé avec un délai à respecter. Est-ce que chaque auteur « pond » son texte comme un pâtissier honore sa commande de Paris-Brest (c’est mon dessert préféré), c’est plié en quelques heures ? Est-ce que le thème le barbe ? Le fait-il avec plaisir ? Evidemment, les écrivains sont, pour la plupart, restés dans le style et leur genre. Si j’ai lu tous ces textes avec plaisir, « 69, année fatidique » de François d’Epenoux est sorti du lot pour moi, tant pour l’originalité de l’histoire (entre réalité et SF : à 69 ans, chacun peut choisir de mourir en échange d’une belle somme d’argent à offrir à ses proches, les démarches à accomplir placent le narrateur à une belle femme dont il va peut-être tomber amoureux... ) que pour la délicatesse de sa plume que je ne connaissais absolument pas. Mon petit chouchou Jaenada s’est également démarqué en racontant une histoire de confession et de saynète catholique où, à dix ans, il a dû jouer l’olivier, mais je dois admettre que j’ai trouvé toutes les nouvelles de qualité, j’ai même été surprise d’apprécier certains textes d’auteurs que je ne lirai (plus) jamais tels que Martin-Lugand, Raphaëlle Giordano ou encore Romain Puértolas. Une jolie compilation !

Avez-vous lu les précédentes versions ?

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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 08:00

Une amazone: suivi de Marie eBook : Dumas, Alexandre: Amazon.fr: Boutique  Kindle

J’ai un peu triché pour participer au challenge Les classiques c’est fantastique puisque le défi consistait plutôt à lire un pavé de Dickens vs Dumas ... Ici, il s’agit de « Marie », une nouvelle de jeunesse de Dumas et d’« Une amazone », une autre nouvelle parue la même année que La Reine Margot (1845).

« Une amazone » : Edouard Didier est un jeune homme qui vient d’emménager dans un petit appartement. Lors d’un bal masqué, il se laisse aborder par une jeune fille portant un domino ; très vite séduit par la fine main et la douce voix, il tente de percer l’énigme de son identité. De plus en plus mystérieuse, la jeune fille sème quelques indices : il s’agit d’Herminie, une orpheline qui sait manier les armes et monter à cheval comme un homme et qui, surtout, ne veut pas se marier. Elle fait d’Edouard ce qu’elle veut, et commence par lui ordonner de garder leur liaison secrète et de venir la rejoindre à minuit, dans la maison d’en face, en posant une longue planche entre les deux fenêtres. Une vraie liaison dangereuse...

Passés les deux premiers chapitres dont je n’ai pas compris l’intérêt (une longue partie de cartes, le lansquenet), le récit gagne rapidement en force non seulement grâce à ce personnage féminin énigmatique et attachant mais aussi par le truchement de l’humour. En effet, Herminie mène notre petit Edouard à la baguette, il se demande d’ailleurs ce qu’il représente vraiment pour elle : « un peu plus que sa femme de chambre, un peu moins que son chien, un accessoire, un hochet, un passe-temps ». Mais il ne l’aime pas non, non, non, évidemment. L’autre personnage-clé de la nouvelle, c’est Edmond, le lourdaud de service qui va revêtir une importance cruciale à la fin du texte. J’ai adoré cette nouvelle que j’ai trouvée impeccablement menée avec ce qu’il faut d’humour, de surprise et de suspense.

Dans « Marie », le narrateur, lors d’une nuit parisienne, va sauver une jeune fille de la noyade. Enceinte, elle voulait mourir, délaissée par un homme qui n’est autre qu’Alfred, une connaissance que le narrateur haïssait déjà. Le père de Marie va affronter Alfred en duel. Le récit n’est composé que d’une seule lettre, celle du narrateur qui réclame l’aide de son ami Gustave pour une « affaire de sang, une affaire que la mort peut seule terminer. » (tout s’éclaircit à la fin)

Deux jolis moments de lecture agrémentée par des dialogues fort savoureux et un rythme enlevé.

Ah ! ces femmes : « Le jeu avec les femmes a cela de charmant qu'il donne à leur physionomie toutes les expressions d'un chagrin réel ou d'une joie folle, selon qu'elles perdent ou qu'elles gagnent, car elles ne se donnent pas comme nous la peine de cacher ce qu'elles éprouvent. »

Herminie, résolument moderne et assurément très franche : « Je vous aime comme amant mais je vous haïrais comme mari. La seule idée que quelqu'un aurait reçu d'un pouvoir plus fort que le mien, le droit de m'empêcher d'être libre serait un tourment sans fin pour moi. Vous êtes mon premier amour, mais je ne vous dis pas que vous serez le dernier. Moi, je n'ai jamais aimé, je ne sais pas combien de temps on aime et du jour où je ne vous aimerais plus comme aujourd'hui, j'entends que nous redevenions libres tous deux ; que jusque-là il n'y ait pas une indiscrétion de votre part, comme Il n'y aura pas un doute de la mienne, et qu'une fois séparés par ma seule volonté, quoi qu'il arrive, vous cessiez de me connaître et continuiez votre route sans regarder en arrière. »

« Cette femme-là prend un amant comme on prend un domestique, pensa Edouard, voyons les gages ! »

Sinon, de Dumas, j’ai déjà écouté Les Trois Mousquetaires, lu et adoré Le Comte de Monte-Cristo (non chroniqué ici) et de Dickens, je n’ai qu’un petit David Copperfield (en version abrégée - oui, c'est nul).

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4 mai 2023 4 04 /05 /mai /2023 09:54

Cynthia: Le meurtre et autres nouvelles - John Steinbeck

 

Ce recueil de nouvelles est composé de quatre textes.

La première nouvelle intitulée « Le harnais » nous emmène dans les environs de la ville natale de Steinbeck, Salinas. Peter est un fermier qui vit avec sa femme, Emma, « femme-oiseau », menue et maladive, mais pugnace. C’est toujours Emma qui a commandé, décidé, dirigé. Mais elle ne survivra pas à sa dernière maladie, son dernier alitement. Le jour de sa mort, Peter débloque complètement mais avoue à son copain qu’Emma exerçait une influence oppressante sur son existence et qu’il compte bien, désormais, profiter de la vie comme il l’entend. En réalité, il n’en fera rien, trop endoctriné par sa femme même décédée.

Dans la deuxième nouvelle, « Le meurtre », le pouvoir d’une seule femme s’exerce encore une fois sur un homme. Jim Moore a épousé une Slave qu’il n’a jamais cessé d’admirer pour sa beauté. Mais au fil des mois de vie à deux, il ne peut s’empêcher de se questionner : Jelka est belle, attentionnée, docile mais silencieuse, elle ne participe jamais aux discussions avec son mari, se contentant d’hocher la tête. Il est question de mystère, de fidélité et d’endurance conjugale.

Dans « Le serpent », le jeune docteur Phillips, une sorte de savant fou, un biologiste érudit spécialisé dans les animaux, vit reclus dans son petit appartement, absorbé par ses recherches. Une jeune femme mystérieuse arrive, elle souhaite acheter un serpent, le plus grand serpent à sonnette dont il dispose. Elle exige également de donner un rat vivant au même serpent, là, immédiatement, sous ses yeux. Le chercheur observe une fascination tout à fait inhabituelle voire malsaine lors du repas du serpent.

Dans la dernière nouvelle « Fuite », mama Torres, « une femme, maigre et sèche, aux yeux anciens » dirige seule une ferme. Veuve, elle vit avec ses trois enfants et son aîné, Pépé, affectueux, beau et gentil, mais surtout très paresseux. Une expérience particulière, va le faire mûrir d’un coup, et de faire devenir « un homme » comme le souhaitait sa mère. Il va même devoir fuir et, finalement, cette maturité venue d’un coup le perdra.

 

Même si la dernière nouvelle est un peu à part, ces textes placent la femme au cœur de l’histoire, lui attribuant une importance et une puissance sur l’homme. Elles apparaissent comme influentes, dangereuses, … voire nocives. Ce court recueil de nouvelles fait en réalité partie d’un livre plus vaste, La grande vallée, publié en 1938, à peu près à la même époque que Des souris et des hommes. Et j’y ai trouvé beaucoup de ressemblances : la dimension tragique, cette nature souvent hostile, un pessimisme ambiant et une manière efficace et marquante de planter le décor et de dessiner les personnages. Pourquoi donc ne lis-je pas plus souvent Steinbeck ?

 

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3 mars 2023 5 03 /03 /mars /2023 15:54

Nos gloires secrètes - Poche - Tonino Benacquista - Achat Livre ou ebook |  fnac

Le titre de ce recueil de six nouvelles est assez explicite : les histoires nous projettent dans un passé obscur fait de secrets inavoués.

Dans « Meurtre dans la rue des Cascades », un jeune homme un peu paumé a malencontreusement tué un poivrot, copain d’un soir, en le jetant par-dessus une verrière. Jamais puni, jamais inquiété, il vivra une vie tapi dans ce secret terrible.

« L’Origine des fonds », c’est la revanche d’un auteur-compositeur très fortuné qui a des comptes à régler avec son passé. Nouvelle à chute qui fait sourire et fait bien plaisir.

« Le parfum des femmes » nous permet d’accompagner un grand nez, un parfumeur à la retraite, dans son grand appartement parisien où, seul, il s’ennuie et se souvient de ses heures de gloire passées lorsqu’il parfumait les plus belles femmes du monde. Une voisine, jeune et jolie, fait son apparition et lui permettra de manière complètement insolite, d’exercer une dernière fois son beau métier.

« Le rouge, le rose et le fuchsia » : un couple fait l’acquisition, chez un antiquaire, d’un petit bureau de secrétaire appelé un « bonheur-du-jour » mais c’est une photo sur le bureau du vendeur qui les attire encore plus. Leur imagination vagabonde loin de la réalité.

« Patience d’ange » est ma nouvelle préférée. Un couple lutte au quotidien avec la maladie de leur petit garçon, Justin. Un mal étrange le ronge depuis des mois : il est devenu inerte et muet. Contre toute attente, mère et père se sont rapprochés, ils ont trouvé un semblant d’équilibre mais ils restent emplis d’espoir au moment de ce rendez-vous avec un grand médecin…

« L’aboyeur » est celui qui annonce les invités lors des réceptions mondaines. Le richissime Christian fait appel à lui pour ses 50 ans : il a invité 50 personnes, des proches, des célébrités, des indispensables dans sa vie de nanti… Mais personne ne viendra jamais. L’occasion pour lui de partager ses confidences avec l’aboyeur et une partie de ses souvenirs, et les leçons à tirer de cet abandon généralisé. Je n’ai pu m’empêcher de penser à l’excellent Bal d’Irène Némirovsky.

 

J’ai beaucoup aimé ce recueil de nouvelles avec des textes variés, colorés, parfois un peu espiègles et coquins, célébrant la vie. Les histoires se lisent avec plaisir, elles sont distrayantes et parfois un brin philosophiques et m’ont rappelé celles d’un Eric-Emmanuel Schmitt. De l’auteur, j’ai presque tout lu et au fil du temps, je l’ai de moins en moins aimé. Saga, Malavita, Romanesque, Quelqu’un d’autre restent néanmoins d’excellents souvenirs.

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29 mai 2022 7 29 /05 /mai /2022 17:09

3 nouvelles d'Irène Némirovsky ; en raison des circonstances, la  confidente, M. Rose - Irène Némirovsky

Comme l’indique le titre de ce recueil, trois nouvelles, d’une vingtaine de pages chacune, nous sont offertes.

Dans « En raison des circonstances », nous accompagnons un couple, un soir d’insomnie. Marie-Louise a marié son aînée, Aline, le matin même et ce mariage précipité, en temps de guerre, lui rappelle son premier mari qui est le père d’Aline et qui est décédé lors de la Première guerre mondiale. Son époux actuel, doux et aimant, Georges, a toujours voulu en savoir un peu plus sur cette première union. Ce huis clos interroge le présent à la lumière du passé d’un couple disparu.

« La Confidente », c’est Camille Cousin, cette vieille fille terne qui accueille Robert Dange, ce pianiste célèbre veuf, malheureux d’avoir perdu sa jeune épouse, Florence, dans un accident, deux mois plus tôt. Il veut tout savoir sur les derniers instants de vie de sa bien-aimée. Après quelques réticences, Camille finit par raconter la vérité : c’est elle qui a modelé son amie, qui a dirigé sa vie et qui l’a poussée à rencontrer Robert, cet homme que Florence n’a jamais aimé. Cet amour n’était donc qu’illusions et mensonges.

« M. Rose » est un homme imbu de sa personne, solitaire et condescendant qui, à 50 ans, se vit toujours seul. Alors qu’il est persuadé d’avoir anticipé la Deuxième guerre mondiale en assurant ses arrières, se procurant un pied-à-terre en Normandie, mettant ses biens à l’abri, il est pris dans cette grande Débâcle, l’exode de juin 1940 où les Français se trouvent sur les routes. Face à la situation, il perd de sa superbe et doit beaucoup à un jeune homme de 17 ans qui se montre si généreux et altruiste avec lui.

J’ai beaucoup aimé ces trois textes, l’autrice (d’origine ukrainienne, je l’ignorais) maîtrise parfaitement l’art de raconter brièvement un personnage, une vie, un événement. La deuxième nouvelle est à la fois drôle (le mari éploré s’est fait avoir depuis le début dans une vaste supercherie) et glaçante (il continue de l’aimer, bien malgré lui…), proche du thriller puisque le doute s’est insinué dans l’esprit du mari quand il a réalisé avoir reçu une lettre de Florence le lendemain de sa mort. La 3ème nouvelle se dévore tout aussi rapidement et permet d’avoir un aperçu juste et précis de l’exode de 1940. Et c’est bien là une des grandes qualités de l’écrivaine, cette acuité, cette précision de l’analyse extrêmement efficace puisqu’il ne faut au lecteur que quelques pages pour se plonger dans un contexte, marcher au côté d’un personnage. Cette édition destinée à des collégiens est dotée d’un dossier Images tout à fait cohérent et intéressant (notamment Room in New York d’Edward Hopper qui va si bien avec la première nouvelle et m’a aussi fait penser à l’excellente première nouvelle de Trois fois dès l’aube de Baricco).

J’ai une grande envie d’autres titres de Némirovsky, même de redécouvrir Suite française que j’avais écouté en support audio.

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28 mars 2022 1 28 /03 /mars /2022 17:13

trois fois dès l'aube - Alessandro Baricco - Gallimard - ebook (ePub) - Le  Hall du Livre NANCY

Si comme moi, vous avez adoré Mr Gwyn, sachez que ce recueil de nouvelles est évoqué dans Mr Gwyn et que l’auteur a décidé ultérieurement d’écrire pour de vrai ce récit – ces trois récits, plus précisément.

Dans un hôtel au charme suranné, une belle jeune femme en robe de soirée accoste un homme au petit matin. Celui-ci est pressé, il doit prendre la route pour un rendez-vous professionnel. Mais la femme a besoin de compagnie, elle se fait insistante, elle se sent très mal… L’homme semble ridicule avec sa « petite usine qui produit des balances » face aux considérations plus philosophiques de la femme. Elle a besoin d’aide, il finit par l’accompagner dans sa chambre mais la fin n’est pas telle qu’on se l’imagine.

Dans un hôtel de banlieue assez minable, un couple se fait remarquer en cette fin de nuit. Elle est très jeune, lui est autoritaire et brusque. Alors que la fille descend chercher des serviettes, le réceptionniste engage la conversation qui se fait d’abord assez brutale, elle ne comprend pas qu’il se perde dans un tel boulot de merde, lui lui reproche de gâcher sa vie avec ce type. Finalement, l’empathie gagne le réceptionniste et il emmène la jeune femme avec ses serviettes blanches sous le bras pour fuir son compagnon qui pourtant les guette déjà…

C’est une femme flic qui guette, une nuit, dans une chambre d’hôtel pourrie, le sommeil d’un adolescent de treize ans qu’elle protège suite à un drame familial. Mais l’enfant ne trouve pas le sommeil, l’hôtel est vraiment lugubre et la femme, à quelques jours de la retraite, décide d’enfreindre toutes les règles et d’emmener le garçon loin, dans un endroit paisible où il sera bien, après avoir vécu tant d’atrocités. Un long périple nocturne va conduire le duo insolite au bord de la mer.

Qu’il est bon de retrouver et l’écriture et l’univers de Baricco ! Feutré, mystérieux, intimiste, le récit fait souvent alterner le discours direct et le discours indirect. Trois histoires de rencontre, trois récits nocturnes pour un même lieu, un hôtel, cet espace commun et impersonnel où tout peut arriver pour deux êtres qui se rencontrent. J’ai complètement adoré ces trois histoires, cet univers à la fois ouaté, étrange et tendre, et je ne regrette qu’une seule chose : leur brièveté. J’avais ressenti le même petit je-ne-sais-quoi avec Mr Gwyn, cette petite étincelle qui rend le livre irrésistible.

« Vous semblez être la première personne intéressante que je rencontre ce soir. Cette nuit. Je ne sais plus ce qu'il faut dire.

Je n'ose imaginer comment étaient les autres.

Terrifiantes. »

 

« La lumière, là-bas. C’est l’aube, cette lumière. L’aube. »

 

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