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7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 21:08

 

Petit recueil qui fait mouche sur les blogs en ce moment. Moi aussi je l’ai trouvé dans mon casier, je l’ai d’abord grignoté pour l’avaler d’une seule et grande bouchée !

… une histoire de bébés souris qu’on ne peut se résoudre à tuer,

une petite fille pauvre qui voit son rêve de se réaliser un matin de Noël,

une élève de 5ème en banlieue qui passe son mois de juillet à préparer son cartable et son mois d’août à attendre la rentrée parce que « l’école est l’endroit où on s’alarme quand ils ne sont pas là, où on a de l’ambition pour eux, l’endroit où la loi de la jungle est tenue à distance. »

le temps qui s’en va,

la générosité des pauvres ou des riches,

la force du souvenir qui recrée le présent,

un papa qui se plie en quatre pour faire renaître le sourire sur le visage de sa fille malheureuse…

 

Ces nouvelles sont remarquables par leur tendresse, leur simplicité, leur douceur, leur optimisme.

Ma préférence va à « Un peu de lenteur » de Timothée de Fombelle et à « La fille du déménageur » de Caroline Vermalle, un auteur dont je n’avais jamais entendu parler mais qui a su me faire fondre en quelques pages. J’en ai retenu deux petits passages :

 « la sagesse c’est de savoir faire la différence entre les choses qu’on peut changer et celles qu’on ne peut pas. »

« elle avait le cœur au bon endroit »

 

A lire sans modération !

 

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17 mai 2012 4 17 /05 /mai /2012 19:45

 

J’avais déjà testé l’écriture d’Olivier Adam destinée aux jeunes. Voilà mon premier livre pour adultes. Une série de nouvelles écrites à la première personne.

~        Une infirmière du service des prématurés qui craque,

~        un chauffeur de taxi qui assiste, en spectateur, à la tristesse d’une jeune Asiatique répandant des cendres dans la Seine,

~        un professeur qui est touché par la mort de Pialat plus qu’il ne faudrait,

~        un homme qui affronte une tempête démentielle, enterre son chien et fait face au chagrin d’un enfant qui a perdu son père,

~        une pompiste qui trouve un amant, un soir de Réveillon, avant de se retrouver, seule, abandonnée,

~        une femme qui assiste à la longue agonie de son père,

~        une femme qui travaille à La Défense un soir de 24 décembre

 

… voilà quelques résumés éclairs de ces courts textes.

Ces nouvelles m’ont fait penser à une grande marche, une marche dans la nuit, dans le froid, dans le vent. Les personnages, même s’ils ne se connaissent pas, partagent cette randonnée difficile et éreintante. Chacun pour soi, chacun dans son coin. La solitude pourrait constituer le fil directeur de ces textes empreints de morosité et de mélancolie ; la souffrance, une souffrance sournoise et lancinante aussi.

La brièveté des textes obligent le lecteur à être attentifs, à s’approprier chacun des mots. Chaque mot compte d’ailleurs, les phrases sont courtes, directes.

 

« Je me sens vide. Tout le temps, je pense à ça. Ce vide à l'intérieur. Je me dis que si je pouvais me sonder en profondeur, m'ouvrir la tête et le cœur et voir dedans, je ne verrais rien. Rien. Du vent, un désert, un champ de glace où rien ne bouge. »

« Il faisait soleil et à cette heure, le sable était d'un jaune intense, la mer émeraude. J'étais bien. Calme et reposée pour une fois. La mer me lave, m'emplit, m'élargit, comme si j'avais plus d'air dans la poitrine, comme si plus rien n'obstruait dans ma tête. »

 

-         et merci encore à Nesto pour cette lecture !   -

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 16:23

 

            J’avoue tout. Maupassant n’a jamais fait partie de mes favoris, longtemps, je l’ai écarté de mes lectures. J’ai aimé ses romans, lus il y a si longtemps… J’ai souvent étudié ses nouvelles fantastiques qui n’étaient pas ma tasse de thé tout simplement parce que le fantastique n’est pas dans mes goûts. Et là, je relis ses nouvelles réalistes. Et je me régale. Bon sang, mais c’est un trésor ! Un vrai joyau !

            Je ne vais pas vous résumer ces contes qui sont narrés par les convives du baron qui, en échange d’une délicieuse bécasse rôtie, se voyaient dans l’obligation d’offrir un récit.

            La variété de ces textes courts – ils n’excèdent que rarement dix pages – constitue leur richesse. On parle de chien abandonné, d’appétit sexuel, de folie, de guerre, de chasse au sanglier, de pauvreté, de paternité, de peur, de danse, d’alcool,  de séduction, …

            J’ai eu l’impression d’ouvrir une vieille malle trouvée dans le grenier de la maison familiale, je connaissais toutes ces nouvelles, je les ai redécouvertes avec un sourire ému, avec le bonheur qu’on éprouve quand on retrouve un objet familier, une vieille peluche, un cahier de notes, un album de photos. J’espère profondément que mes élèves de 4ème à qui je vais donner quelques-uns de ces textes à lire, vont apprécier autant que moi ces instants de vie.

            Je n’évoquerai que deux nouvelles retenues, l’une pour son humour, son ironie, l’autre pour sa dimension poétique.

-         « Ce cochon de Morin » est la nouvelle qui ouvre le recueil (si on exclut « La Bécasse » qui n’est qu’une ample explication du titre du livre). Morin, mercier, riche de ses expériences sexuelles parisiennes, s’imagine, dans le train qui le ramène à La Rochelle, que la magnifique demoiselle assise en face de lui le désire comme lui la désire. Il lui saute donc littéralement dessus. Contrairement à ses attentes, la jolie Henriette hurle et crie au scandale. L’affaire va loin, Morin craint pour son avenir, pour sa réputation, pour son mariage. Le narrateur, le député Labarbe, accompagné d’un de ses collaborateurs, tente de sauver celui qu’on surnomme déjà « ce cochon de Morin » et va trouver Henriette, son oncle et sa tante. Le narrateur se rend compte par lui-même à quel point la jeune fille est séduisante. Il tombe sous le charme, lui fait la cour, elle cède assez rapidement. Voilà leur nuit d’amour :

« Alors je poussai doucement le verrou ; et, m'approchant sur la pointe des pieds, je lui dis : "J'ai oublié, Mademoiselle, de vous demander quelque chose à lire". Elle se débattait ; mais j'ouvris bientôt le livre que je cherchais. Je n'en dirai pas le titre. C'était vraiment le plus merveilleux des romans, et le plus divin des poèmes.

Une fois tournée la première page, elle me le laissa parcourir à mon gré ; et j'en feuilletai tant de chapitres que nos bougies s'usèrent jusqu'au bout. »

 

                L’oncle et la tante d’Henriette retirent leur plainte mais Morin ne s’en remet par, il meurt deux ans plus tard. Labarbe revoit, quelques années plus tard, une Henriette mariée à un notaire mais émue par leurs souvenirs communs. La nouvelle se termine sur les paroles de compassion et de reconnaissance du notaire : « "Voici longtemps, cher monsieur, que je veux aller vous voir. Ma femme m'a tant parlé de vous. Je sais... oui, je sais en quelle circonstance douloureuse vous l'avez connue, je sais aussi comme vous avez été parfait, plein de délicatesse, de tact, de dévouement dans l'affaire...". Il hésita, puis prononça plus bas, comme s'il eût articulé un mot grossier : "... Dans l'affaire de ce cochon de Morin". »

 

-         -  « Menuet » : « Jean Bridel, un vieux garçon qui passait pour sceptique » raconte : étudiant, il se promenait souvent à la pépinière du Luxembourg. Il y rencontra un étrange vieillard qui se mettait parfois à danser : « Et voilà qu'un matin, comme il se croyait bien seul, il se mit à faire des mouvements singuliers : quelques petits bonds d'abord, puis une révérence ; puis il battit, de sa jambe grêle, un entrechat encore alerte, puis il commença à pivoter galamment, sautillant, se trémoussant d'une façon drôle, souriant comme devant un public, faisant des grâces, arrondissant les bras, tortillant son pauvre corps de marionnette, adressant dans le vide de légers saluts attendrissants et ridicules. Il dansait ! Je demeurais pétrifié d'étonnement, me demandant lequel des deux était fou, lui, ou moi. » Le narrateur devient l’ami du vieil homme et rencontre sa femme, La Castris, une ancienne grande danseuse. C’est avec nostalgie que le vieux couple  revient quotidiennement dans le jardin et offre au narrateur une danse d’autrefois, le menuet :

  «  Alors je vis une chose inoubliable.

Ils allaient et venaient avec des simagrées enfantines, se souriaient, se balançaient, s'inclinaient, sautillaient pareils à deux vieilles poupées qu'aurait fait danser une mécanique ancienne, un peu brisée, construite jadis par un ouvrier fort habile, suivant la manière de son temps.

Et je les regardais, le cœur troublé de sensations extraordinaires, l'âme émue d'une indicible mélancolie. Il me semblait voir une apparition lamentable et comique, l'ombre démodée d'un siècle. J'avais envie de rire et besoin de pleurer.

Tout à coup ils s'arrêtèrent, ils avaient terminé les figures de la danse. Pendant quelques secondes ils restèrent debout l'un devant l'autre, grimaçant d'une façon surprenante ; puis ils s'embrassèrent en sanglotant.

Je partais, trois jours après, pour la province. Je ne les ai point revus. Quand je revins à Paris, deux ans plus tard, on avait détruit la pépinière. Que sont-ils devenus sans le cher jardin d'autrefois, avec ses jardins en labyrinthe, son odeur du passé et les détours gracieux des charmilles ?

Sont-ils morts ? Errent-ils par les rues modernes comme des exilés sans espoir ? Dansent-ils, spectres falots, un menuet fantastique entre les cyprès d'un cimetière, le long des sentiers bordés de tombes, au clair de lune ?

Leur souvenir me hante, m'obsède, me torture, demeure en moi comme une blessure. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Vous trouverez cela ridicule, sans doute ? » 

 

Cette lecture sied à merveille au mignonnet challenge Maupassant de Margotte !

 

 

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 17:35

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            J’avais déjà lu ce recueil de nouvelles, je m’en suis rapidement rendu compte (moi qui pensais n’avoir jamais lu Murakami !) mais l’écriture est telle que je me suis laissée embarquer sans aucun problème pour un second périple japonais. Le recueil contient six nouvelles :

-         « Un ovni a atterri à Kushiro » est la nouvelle qui m’a sans doute le plus marquée. Komura, un homme beau, séduisant se retrouve seul. Sa femme l’a quitté après avoir regardé des jours entiers les images des dégâts du tremblement de terre à la télé. Un peu chagriné tout de même, il accepte une étrange mission : aller livrer un colis à l’autre bout du pays. Dans ce colis, se trouve « son intérieur ». Komura est désormais vide, sans « contenu ».

-         Dans « Paysage avec fer », c’est une discussion autour d’un feu qui réunit Junko, une jeune fille et Miyake, un quarantenaire solitaire. Là encore il est question de la substantifique moelle de la vie. Comme une évidence, une banalité, Junko se rend compte qu’elle pourrait mourir avec Miyake, là, maintenant. « Je ne pourrais sans doute pas vivre avec lui, songea Junko. Parce que je ne crois pas que je pourrais pénétrer dans son cœur. Mais mourir avec lui, ça, je peux peut-être le faire ».

-         « Tous les enfants de Dieu savent danser » se place encore une fois du côté du spirituel. Yoshiya est un jeune homme sans père. Sa mère lui a juste dit qu’à  son géniteur,  il manquait un lobe d’oreille. Devenu adulte, le jeune homme croise dans le métro un homme de quarante-cinq ans environ à qui il manque un lobe d’oreille. Il se met en tête de le suivre, se demandant petit à petit ce que ça peut lui apporter, et se retrouve seul sur un terrain de base-ball.

-         « Thaïlande » : une femme médecin se rend seule en vacances. Elle se laisse guider par Nimit, son chauffeur qui, sachant qu’elle aime nager, la conduit tous les jours à une immense piscine. Cette image s’est gravée en moi. Elle nage des heures durant dans cette grande étendue d’eau avec le ciel bleu sur sa tête. Avant de se plonger dans son passé et de tenter de tuer les démons qui la hantent.

-         « Crapaudin sauve Tokyo » contient une part de fantastique. Crapaudin, comme son nom l’indique, est un immense batracien qui vient parler, un soir, à Katagiri, un employé de banque ordinaire. La demande du crapaud n’est pas banale : il s’agit de l’aider à combattre Lelombric, un monstre vivant sous le bâtiment de la banque. « Le tremblement de terre de Kobe le mois dernier l’a brutalement réveillé du sommeil profond et confortable où il était plongé. Sa rage lui a inspiré une sorte de révélation : il a décidé que son tour était venu de provoquer un tremblement de terre sur Tokyo, un énorme tremblement de terre.»

-         Dans « Galette au miel », il est question de couple mais aussi de chance à saisir au moment opportun.

 

             C’est le tremblement de terre dévastateur qui constitue le fil directeur de ce recueil, il est parfois omniprésent, et pour d’autres nouvelles, n’est qu’une toile de fond lointaine. Le style est simple mais accrocheur. Le texte amène le lecteur à réfléchir, le dénouement reste souvent ouvert, les personnages ne sont pas enfermés dans un carcan mais susceptibles de mener leur vie comme bon leur semble. Une jolie note d’optimisme qui relativise les soucis minuscules du quotidien.

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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 23:00

 

 

            Une fois n’est pas coutume, c’est suite à la lecture d’un article dans Lire que j’ai acheté ce livre. J’ai su que j’aimerais le style de l’auteur rien qu’à voir sa tête (un physique de rugbyman) et qu’à lire sa biographie. Oui ! Mon petit doigt et mon flair de berger allemand ne m’ont pas trompée !

Il s’agit d’un ensemble de dix nouvelles qui se passent en Alaska ou dans le Nord de l’Amérique.

« Heures supplémentaires » est la première nouvelle : Drew travaille dans une usine (qui sent bon l’oxyde de carbone… euh, non, ce n’est pas tout à fait ça, quoique !) où il a trente personnes sous ses ordres. C’est à lui qu’incombe la tâche de choisir qui fera des heures supp. dans la boîte. Or, personne n’en veut et Drew déteste insister. Il va cependant voir Frank Cooper, celui qui a du mal à dire non. Malgré sa fille et son match de volley-ball auquel Frank avait promis d’assister sans faute, le gars accepte. Cependant, le lendemain, on apprend que la fille de Frank, celle de la rencontre de volley, s’est pendue près du lac. La faute retombe sur Drew « Vous l’avez obligé à faire des heures supplémentaires. Il n’aurait pas dû se trouver ici et rien de tout ça ne serait arrivé. » Drew culpabilise et sombre… dans l’alcool, dans la dépression, dans la solitude, dans la boulimie. Il est exclu et il s’exclut des autres. Trois mois plus tard, un article dans le journal paraît : on a retrouvé le meurtrier de la fille de Frank Cooper. Mais Drew n’est pas pour autant réhabilité ; sa vie est définitivement gâchée.

            L’écriture n’est que le reflet de son auteur et de sa vie : authentique, brute, costaude, vraie. J’ai adoré. Les thèmes m’ont à la fois enchantée et dépaysée : la fraternité, la sexualité, l’humiliation, la fatalité ; et je ne sais pas, je m’y sentais bien comme quand on pique le pull trop grand de son mec. C’est un univers d’homme, l’écriture elle-même est virile, sans fioritures et le langage souvent familier mais elle est honnête et franche, comme celle des grands ! D’ailleurs, il y a une bonne louche d’Hemingway, de Steinbeck et de Kerouac là-dedans et même une petite lichette d’Irving.

            C’est au présent qu’Elwood Reid écrit le plus souvent, à la première personne aussi. Les protagonistes sont des loosers. Pas de place non plus pour les guillemets, les digressions ou les sauts dans le temps ; c’est du direct. Bisons, bière, pick-up, petits boulots, bar, softball … dans une discrète alternance de moments loufoques et d’autres plus dramatiques, voire tragiques. Certaines pages m’ont prise aux tripes ; ces types paumés dont parle l’écrivain, ces types perdus au milieu de nulle part sont très proches d’une forme de vérité.

 

J’ai déjà commandé le dernier roman d’Elwood Reid…

 

Un p’tit bout pour vous donner envie : le narrateur chercher du boulot et rencontre un nouveau riche.

« Je lui ai demandé s’il était propriétaire de l’endroit. De tout ce qu’il y a là, a-t-il dit, en levant les bras pour montrer combien c’était vaste. Et je m’appelle Jaspers. Il a fait suivre ça d’une poignée de mains façon friqué, genre ne voulant pas se salir les mains mais mourant quand même de l’envie de montrer quelle poignée quelle bonne poigne il avait. Je lui ai dit que je m’appelais Jim et que j’avais entendu dire qu’il cherchait un menuisier.

           Il a plissé les yeux sur moi de sous son chapeau. Il avait des dents petites et étroites et sa peau faisait l’effet d’avoir été bronzée et Martinisée. Il m’a offert un sourire et a remonté son pantalon d’un cran quand il m’a surpris en train de dévorer sa Rolex des yeux. » (extrait de "Laura Borealis")

 

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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 14:49

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Un homme, dont l’épouse s’est suicidée quelques heures auparavant, revient sur sa vie de couple, repense à leur relation, analyse son comportement à elle mais surtout ses propres gestes et idées.

Cette nouvelle tragique écrite à la première personne retrace les méandres de l’esprit d’un homme qui pensait bien faire, un homme qui ne comprend pas le suicide de sa femme puis, par ses réflexions et ses introspections, qui parvient à faire la lumière sur ce qu’il s’est passé.

Prêteur à gage, cet ancien officier congédié de l’armée, s’est mis en tête d’épouser une jeune fille de 16 ans, par compassion mais aussi par orgueil. Il prône la sévérité et fait barrière aux rires, aux excès de joie et d’innocence que la jeune épouse exprime les premiers temps : « Mais moi, cet enthousiasme, tout de suite, je l’ai accueilli par une douche froide. Et, mon idée, elle était là. Ses enthousiasmes, j’y répondais par le silence, un silence indulgent, certes … mais, quand même, elle a vu tout de suite que nous avions une différence,  et que j’étais une énigme. » Très vite, une distance sépare les deux êtres, ils font chambre à part, elle vaque à ses occupations, il ne la dérange pas. Mais la présence d’un revolver dans la maison tentera la jeune femme, sans passer à l’acte, elle pointe l’arme sur la tempe de son mari endormi. Celui-ci le sait, cet acte avorté le bouleverse et de l’indifférence froide, il passe à la passion brutale et charnelle. « Et elle croyait bien, elle y croyait que tout allait vraiment rester comme ça : elle à sa table, moi à la mienne, et nous comme ça, jusqu’à soixante ans. Et là, soudain, je reviens, son mari, et son mari qui a besoin d’amour ! Oh le malentendu ! Oh mon aveuglement ! »

Le texte de Dostoïevski reste ouvert aux multiples interprétations : le mari est-il simplement maladroit ? Est-il un véritable tyran ? Quelle est la part de responsabilité de la jeune femme ?

Un huis clos intense et psychologique signé par un grand maître ! 

 

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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 20:49

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Peut-on décemment lire Zweig sans l’aimer ?

Quatre longues nouvelles.

-      Brûlant secret : « on apprend beaucoup et vite quand on a de la haine ».

           Un baron autrichien rencontre une femme mariée, une mère de famille qui n’est plus toute jeune, dans un hôtel. C’est le fils, Edgar, âgé de 12 ans qui va permettre au jeune fonctionnaire de se rapprocher de la femme convoitée. Ce n’est pas un réel amour qui unit les deux êtres mais un simple dérivatif à l’ennui.

Edgar, qui est d’abord comblé de savoir qu’un adulte s’intéresse à lui, s’aperçoit vite qu’il n’est qu’un intermédiaire : « Pourquoi maman évite-t-elle toujours mon regard, lorsque je le dirige vers elle ? Pourquoi cherchent-ils toujours devant moi à dire des plaisanteries et faire le polichinelle ? Tous deux ne me parlent plus comme ils le faisaient hier et avant-hier ; je pourrais presque dire que leurs visages ne sont plus les mêmes. Maman a aujourd’hui les lèvres toutes rouges ; elle doit se les être rougies, jamais je ne l’avais vue ainsi. Et lui a toujours le front plissé, comme si je l’avais offensé. Je ne leur ai pourtant rien fait ? Je n’ai dit aucune parole qui pût les choquer ? Non, ce n’est pas moi qui peux être la cause de leur changement, car ils sont eux-mêmes, l’un à l’égard de l’autre, tout différents de ce qu’ils étaient. On dirait qu’ils ont projeté une chose qu’ils n’osent pas me confier.  Ils ne parlent plus comme hier ; ils ne rient pas ; ils sont gênés, ils cachent un secret qu’ils ne veulent pas me révéler. Un secret qu’il faut que je connaisse. »

A la déception incommensurable s’ajoute très vite la haine. Les deux adultes oublient, ignorent le garçon et iront jusqu’à le mépriser quand il tentera de se mêler d’un peu trop près de leur amourette. « L’inquiétude d’Edgar était passée. Enfin il éprouvait un sentiment net et bien clair : de la haine et une hostilité déclarée. Maintenant qu’il était certain qu’il les gênait, sa présence à côté d’eux devint pour lui une volupté cruellement compliquée. Il savourait l’idée de les troubler et de les affronter avec toute la force concentrée de son inimitié. »

La confrontation Edgar / le baron est brutale et sans appel. Edgar en arrive aussi à frapper sa mère. Il fugue. Lorsqu’on le retrouve, ses parents sont bouleversés, sa mère lui est surtout reconnaissante, muettement, de ne pas avoir révélé le « secret ».

Il a appris beaucoup en quelques jours : « Au-dehors, dans la nuit sombre, les arbres s’agitaient bruyamment au sein des ténèbres, mais il n’avait plus peur. Il avait perdu toute impatience en face de la vie, depuis qu’il savait combien elle était riche. Il lui semblait qu’aujourd’hui les choses s’étaient montrées à lui dans leur nudité – non plus enveloppées des mille mensonges de l’enfance, mais dans toute leur beauté redoutable et voluptueuse.  Il n’avait jamais pensé que ses jours pussent être si remplis, si pleins de changements, de souffrances et de joies multiples ; il était heureux en songeant qu’il avait encore devant lui une multitude de jours semblables,  que toute une existence l’attendait pour lui dévoiler son secret. »

 

-      Conte crépusculaire.  Récit enchâssé : un premier narrateur raconte l’histoire qu’un deuxième narrateur lui avait narrée jadis.

Bob fait une étrange rencontre amoureuse nocturne : une jeune femme, une « grande forme blanche » l’étreint fougueusement sans que Bob puisse l’identifier. Cette fusion passionnelle qui bouleverse Bob, se reproduira quelques nuits d’affilée. Dans le château où il vit, les soupçons de Bob se portent immédiatement sur Margot, une jeune femme froide et distante. L’imagination du jeune homme l’emporte sur la réalité : il aime Margot. Lorsqu’il découvre que sa fiancée nocturne est Elisabeth, la petite sœur de Margot, il est envahi par la déception.

Encore un fragment d’apprentissage, une expérience qui fait grandir le protagoniste : « Plusieurs années ont passé, Bob est devenu un homme. Mais cette première aventure est restée trop vivante en lui pour qu’elle puisse un jour se ternir. Margot et Elisabeth se sont mariées, il n’a jamais voulu les revoir : la pensée de ces heures troublantes s’est souvent emparée de lui avec une telle violence que sa vie ultérieure ne lui est apparue que comme un rêve, une illusion, comparée à la réalité du souvenir. Il est un de ces hommes qui ne peuvent plus trouver d’attrait à l’amour ni aux femmes ; lui qui à une heure de sa vie avait réuni si parfaitement ces deux sentiments, aimer et être aimé, aucun désir ne l’a plus jamais poussé à rechercher ce qui était si précocement tombé dans ses mains tremblantes et débiles de jeune adolescent. Il a parcouru de nombreux pays : c’est un de ces Anglais corrects et silencieux que beaucoup croient insensibles parce qu’ils sont taciturnes et que leur regard reste froid devant le visage et le sourire d’une femme. Qui penserait en effet que ces images sur lesquelles ils ont les yeux constamment fixés ils les portent en eux-mêmes, ensevelies au fond de leur cœur qui brûle pour elles d’une flamme éternelle comme un cierge devant une madone ? »

 

-      La nuit fantastique (Notes posthumes du baron de R…) :

La vie du narrateur a été ébranlée par un événement d’abord inconnu pour le lecteur (le génie de Zweig nous promène pendant des dizaines de pages), l’on ne sait s’il est heureux ou malheureux, l’on ignore sa teneur.

Le narrateur commence par nous expliquer que l’indifférence l’avait peu à peu gagné, pire même, l’insensibilité. Alors qu’il était un homme du monde, de la bonne société, qu’il aimait les femmes et était aimé d’elles, il se rendait compte que plus rien ne l’intéressait, plus rien ne l’excitait, ne le stimulait ou le gênait. Plus rien jusqu’à cette révélation du 7 juin 1913 : « j’étais vivant, j’étais un être humain, avec des envies mauvais et pleines d’ardeur ». Il trouve satisfaction auprès du rebut de la société, notamment au contact des prostituées. « C’était pour moi une sensation excitante que de descendre jusqu’au dernier cloaque de l’existence, de compromettre et de salir en un seul jour tout mon passé, et une audacieuse volupté spirituelle se mêlait à la jouissance grossière de cette aventure ». Les sentiments prennent une autre direction quand il se rend compte de l’immense pouvoir de la générosité et de la bonté.

« Oh ! qu’il est facile, sentais-je, de créer de la joie et de s’en réjouir : on n’a qu’à ouvrir son être et le flot de la vie se répand d’humain à humain, se précipite des hautes classes vers les basses pour rejaillir dans l’infini ».

« Une fois que quelqu’un s’est trouvé lui-même, il ne peut plus rien perdre dans ce monde. Et dès que quelqu’un a compris l’être humain qu’il y a en lui il comprend tous les humains ».

« Désormais, je fais attention à tout, rien ne m’est indifférent ».

 

-      Les deux jumelles (conte drolatique) : c’est un apologue un peu plus léger que les nouvelles précédentes mais non dénuées de profondeur. Deux sœurs jumelles ne cessent de rivaliser, d’être en compétition.  Hélène a choisi de se démarquer en séduisant les hommes les plus riches et les plus charmants du pays.  A cette vie fastueuse et vénale, Sophie a décidé d’opposer une existence faite de privations, de vertu et de pauvreté. Les jumelles deviennent célèbres, leur beauté inégalable assouvit d’un côté les courtisans avec Hélène, d’un autre côté, les dévots grâce à Sophie. Mais Hélène tend un piège à sa sœur en la défiant de résister au plus beau jeune homme du pays. La vierge ne lutte pas longtemps et se laisse convaincre des plaisirs de l’amour et de la chair. Les années passent, la notoriété s’amenuise avec l’apparition des premières rides. La vapeur s’inverse, c’est la dévote qui triomphe de la courtisane. Les jumelles se retirent du faste et du péché pour demander pardon et se repentir de leurs péchés.

 

Que dire de Zweig ? Il y aurait tant à dire ! Quelle vérité dans ces descriptions de l’humain, dans l’analyse des sentiments, si fine, si juste ! Tout n’est que nuance, sobriété, humilité.

 

« J'ai personnellement  plus  de  plaisir  à  comprendre  les  hommes  qu'à  les  juger »

                    Stefan Zweig

 

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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 15:04

Un petit fascicule surprenant, déroutant, dérangeant.
                                  

       La présentation est originale, le texte est accompagné d’illustrations sépia, mêlant différentes techniques notamment celle du collage et du montage photos. L’ensemble est structuré comme
un court métrage et change régulièrement de personnages et de points de vue. Chaque page ou séquence est datée. L’histoire commence le 8 juin 1938 pour finir par rejoindre la Grande Histoire en janvier 1940, elle se déroule dans un asile psychiatrique. Au début de la nouvelle, un homme y est conduit, on croit d’abord qu’il est journaliste avant de comprendre qu’il est fou.


        Le contexte historique et la folie nazie prennent vite le dessus. Les « fous » seront les premiers gazés, c’est eux qui inaugureront cette épouvantable extermination. Il est vrai qu’on oublie trop souvent que les Juifs n’étaient pas les seules victimes, il y avait aussi les malades mentaux, les homosexuels, les tziganes, les communistes…

Les illustrations (de José Ignacio Fernandez) font froid dans le dos car les personnages s’apparentent à des pantins, on dirait une vaste comédie où rien n’est réel, mais pourtant, il s’agit de réalité historique.


Au moment de l'arrestation :
" - Vous croyez qu'ils ont peur ou qu'ils se doutent de quelque chose? demanda Schoënber.
L'autre SS qui avait fini de compter, éclata de rire en fermant bruyamment son registre.
- Ah ! Ah ! Pensez-vous mon colonel ! Ce sont des fous, ils sont comme des animaux. Ils ne
comprennent rien, ils ne sentent rien... Ce sont des dégénérés.
- Oui, certainement ... fit Schoënber, pensif.
- Nous rendons service à leur famille... Vous savez, conclut l'officier comptable, ce ne sont pas des humains!
Le colonel SS observait, impassible, ces fantômes apeurés défiler devant lui comme du bétail. On commençait à entendre de plus en plus de pleurs et de grognements. Wolf était déjà loin devant. Il sanglotait : "Mon lapin! Mon lapin!"
- Oui, ce sont des fous, c'est vrai... dit Schoëner toujours songeur. Ils ne sont pas comme nous ! "

Un livre édifiant, qu'on pourrait envisager d'étudier en classe de 3ème. Un petit bémol : le prix (13.50 euros quand même…)

 



Merci aux éditions Alzabane. C’est ma première critique dans le cadre du programme Masse Critique. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, le site Babelio propose d’envoyer, par le biais des éditeurs, un ou plusieurs livres, gratuitement, en échange d’une critique.

 

 

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7 novembre 2009 6 07 /11 /novembre /2009 09:14

     Voilà un recueil de quatre nouvelles qui traîne depuis de longs mois dans ma bibliothèque (puis sur ma table de chevet, oui, les livres voyagent parfois chez moi !). C’est une erreur de ne pas l’avoir ouvert avant ! Belle surprise !

Le Verger : Quand la tragédie se mêle à la poésie quand un conte de fée naît dans l’endroit le plus horrible

Cette nouvelle est bouleversante. C’est un conte, mais un conte qui se termine mal et commence par un prodige.

     Camp de concentration. Un petit garçon attend son tour de douche, nu parmi les autres détenus. Soudain, il s’enfuit, s’éloigne du « troupeau », court vers les barbelés. Un soldat le poursuit mais stoppe sa course l’enfant comprend alors qu’il ne le voit pas. L’endroit où il s’est arrêté est un petit verger composé d’un pommier et d’une mare. Un asile que seuls les yeux de l’enfant sont capables d’appréhender. Un sentiment formidable s’empare de nous, on a envie de croire à cette magie ! Le pommier lui fournit régulièrement des pommes et la mare des poissons à foison. C’est un îlot de paradis en plein milieu de l’enfer, un cocon où il ne fait jamais froid. L’enfant se sent pourtant seul, il partage un peu de sa chance avec les autres prisonniers en leur lançant une pomme. « Chaque jour de corvée, au même endroit, le sort jette sur leur chemin une pomme, ou un poisson vivant. Et la provenance en est si mystérieuse qu’entre ces affamés prêts à se battre au sang pour un quignon, pour une ordure, dès le deuxième jour une règle tacite s’instaure : le don du ciel échoit simplement au plus proche. Pour répartir avec plus d’équité les chances, on intervertit tout les matins les deux rangs de l’équipe ». Mais les jours passent, les hommes meurent et sont remplacés par d’autres. Un jour, le garçon hèle un jeune homme et l’incite à lui suivre jusqu’à son verger. Malheureusement, le refuge merveilleux n’est réservé qu’au petit garçon, le jeune homme se fait tuer. La solitude viendra à bout de l’enfant qui, faisant fi de son don d’invisibilité, se rue dans la foule des pauvres hères qui se massent devant les douches.

Une chance d’éviter l’extermination lui avait été offerte, mais la vivre seule ne l’intéressait pas.

Je n’ai pu m’empêcher de penser au roman-fable Le garçon en pyjama rayé de John Boyne, un petit bijou où, comme ici, les camps de concentrations sont vus à travers le regard d’un petit garçon. Quand l’horreur côtoie le monde innocent de l’enfance


Le Gouffre des années
 : L’Occupation. Un homme retourne sur les lieux de son enfance et prétend être de la même famille qu’un petit garçon qui n’est autre que lui-même. Il revoit, avec sa conscience d’adulte l’enfant qu’il était et le monde dans lequel il vivait.

La Belle Charbonnière : Un chevalier du Moyen-Age, poussé par la curiosité, rejoint une belle charbonnière qui vit seule sur un îlot. On la dit sorcière. La magnifique jeune fille ne vieillit pas, le chevalier passe des années auprès d’elle et, quand vieillard, il veut la quitter, il se rend compte qu’autour de l’îlot, plus rien n’existe, tout n’est que désolation, sans âme qui vive. La sorcière a le pouvoir de créer le vide autour de l’île. Le chevalier meurt.

Paradiso : Epoque contemporaine. Un navire rempli de touristes débarque sur une île. Admiration sur commande de tous les passagers (et par là, satire du voyage organisé). John, lui, est seul et bute contre l’inhospitalité des habitants de l’île qui s'apparente à l'univers kafkaïen, autoritaire et inquiétant. Il croisera des personnages hors du commun comme Livia la Simple, une femme qui déclare elle-même n’avoir pas de cervelle et lui demande : « Tu te sens la tête pleine, toujours ? Dis-moi, comment ça fait ? On doit se sentir fort, on doit tout savoir, tout comprendre… Tandis que moi, le vent s’engouffre dans ma tête vide, dans ma caverne, il y tourne en rond, il souffle, il griffe comme un animal enfermé ! Et puis j’ai toujours peur qu’un insecte n’y fasse son nid. Et comment  je l’en retirerais ? Pour dormir, je mets de la cire. Comme ça, je suis tranquille. Dis-moi, dis-moi,-toi qui as ta cervelle, pourquoi on est là ? Qu’est-ce qu’on fait ici ? »

Confucius disait « Savoir que l'on sait ce que l'on sait, et savoir que l'on ne sait pas ce que l'on ne sait pas : voilà  la véritable intelligence. »    !!!



   
Georges-Olivier Châteaureynaud a obtenu le Prix Renaudot pour La Faculté des Songes en 1982. Depuis 1996, il fait partie du jury de ce prix. Il s’inscrit dans le courant qu’on appelle « réalisme magique ». Son style est agréable, les phrases sont courtes, simples et son univers se situe entre merveilleux et fantastique. C'est un auteur vers lequel je me tournerai de nouveau avec plaisir!

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23 octobre 2009 5 23 /10 /octobre /2009 09:35
    Il s'agit d'une nouvelle policière très originale puisque le narrateur est l'arme du crime, une pierre qui n'a rien demandé à personne et qui a été jetée sur une femme pour la tuer. 
    J'ai vraiment adoré ce court texte empreint de poésie... et quand je me suis renseignée sur l'auteur, j'ai découvert avec plaisir que j'avais déjà lu une de ses pièces de théâtre intitulée Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu. J'ai même vu cette pièce représentée. Comme la nouvelle, la courte pièce (destinée aux enfants et aux ado) respirait la poésie, la simplicité et la tendresse.
En marge de son travail d'écrivain, Philippe Dorin écrit aussi des histoires qui ne tiennent pas dans des livres, à partir de boulettes de papier, de sable, et de petits cailloux blancs.

Un artiste à suivre !
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