J’ai emprunté cette grosse BD sans savoir de quoi elle parlait.
Bri n’a plus que quelques heures à vivre. Hospitalisée à la suite d’une maladie pulmonaire qui l’a handicapée toute sa vie, elle a toujours dit à ses filles qu’elle ne voulait pas d’un acharnement thérapeutique. Yvla et et Liv, les deux sœurs, ont ainsi choisi un moment précis pour la mort de leur mère adorée mais les heures qui les séparent de ce rendez-vous morbide ne sont faites que de doutes, de souvenirs, de pleurs. Elles occupent ensemble la chambre de leur mère. Lorsqu’elles doivent enlever le masque à oxygène et augmenter la morphine, accompagnées d’un médecin qui finalement réalise ces actes, douze longues minutes de souffrance s’écoulent encore jusqu’à la mort effective de la mère. La vie, évidemment, poursuit son cours après la mort de la mère qui reste présente à la manière d’une ombre bienveillante. Le père se remarie, Liv semble avoir rencontré l’amour, Yvla accouche de son deuxième enfant... et le souvenir de cette mère formidable reste toujours dans leur esprit.
Quelle claque ! Moi qui ai vécu les derniers jours de vie de mon père, j’ai évidemment pleuré lors de la lecture de certaines planches (qui pourrait rester indifférent ? ) C’est sans détours ni concessions que l’autrice évoque un thème encore tabou et complexe, s’inspirant de son propre vécu puisqu’elle a perdu sa mère en 2006 et qu’elle a décidé d’entreprendre cette BD le jour même de la mort de Vincent Lambert, en 2019. L’histoire exprime de manière très juste l’évolution des sentiments, allant de la culpabilité à la certitude de bien faire, en passant par les tiraillements du doute. La complicité entre les deux sœurs est remarquable et ce trio de femmes m’a profondément émue. La mère, d’une santé fragile toute sa vie, a toujours ménagé et épargné ses filles et la BD souhaite qu’elle continue à les accompagner en douceur même après sa mort. Si le thème évoqué est éprouvant, je souhaite faire de cette lecture un coup de cœur parce que c’est une réussite à tous points de vue, les dessins - variés - m’ont autant plus que le scénario avec ses dialogues tantôt drôles, tantôt graves ; c’est un sujet essentiel qu’on devrait évoquer dans les familles. Une belle postface évoque l’affaire ô combien douloureuse et tumultueuse de Vincent Lambert.
« 12 minutes à suffoquer sur son lit de mort... c’est simplement inadmissible. Ces 12 minutes-là ont duré une éternité. C’était barbare. Bestial. Non ! Pas bestial. On ne laisserait pas une bête crever ainsi. Si le professeur Keller avait eu le droit de lui injecter un produit qui l’endorme et arrête son cœur, elle serait partie en douceur. »