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29 novembre 2024 5 29 /11 /novembre /2024 15:34

Actualités Saison 2023-2024 - Le Grenier de Babouchka

Mis en scène par Charlotte Matzneff

Qui sont donc ces « téméraires » ? Tout le monde les connaît : d’un côté Emile Zola, en train d’écrire son roman Rome et qui, parce qu’il se fait traiter d’antisémite par un ami inconséquent, s’intéresse davantage à l’affaire Dreyfus qu’à l’écriture de son livre ; de l’autre côté, Georges Méliès, qui tente de réaliser un film sur la même affaire (considéré comme le premier film politique). Un objectif commun : faire innocenter le capitaine Dreyfus accusé à tort de trahison. Toujours soucieux du détail, Zola accumule les preuves qui démontrent que Dreyfus a été victime d’un odieux antisémitisme alors que le véritable traître, Esterhazy, a été acquitté un peu trop rapidement. Entre sa maîtresse Jeanne tombée enceinte, la jalousie de sa femme Alexandrine et ses gueuletons chez Alphonse Daudet, Zola ne sait plus où donner de la tête mais cette affaire Dreyfus devient sa priorité, son obsession.

Avec une mise en scène très rythmée et créative à tous points de vue, le spectateur lui aussi se prend de passion pour cette affaire Dreyfus. Une grande et longue table va servir à la fois de comptoir de bar, de piano, de table, de tribune et surtout de bureau d’Emile Zola. Les sept acteurs endossent plusieurs rôles, jouant, tournant, courant, virevoltant d’un personnage à l’autre, chantant, criant leur haine et leur révolte, dans une même soif de vérité. D’un dynamisme vivifiant, les couleurs et les musiques se répondent, le chassé-croisé des comédiens est réglé à la seconde près, et loupe, caméra, cintres, menottes, ... cliquettent et dansent astucieusemen en une chorégraphie savamment imaginée. L’humour et le burlesque du tournage du film compense l’aspect dramatique de cette affaire sordide. On s’immerge dans la fin de ce XIXè siècle, j’ai adoré les tableaux figés tellement dans l’esprit de l’époque, et Zola prend réellement vie (quelle ressemblance avec l’écrivain !) C’est un superbe spectacle total qui permet également aux plus jeunes de découvrir cette page d’histoire qui en dit déjà tellement sur l’avenir...

C’est l’excellente compagnie du Grenier de Babouchka qui est sur scène pour plus d’1h30 d’émotions. J’ai eu la joie de retrouver celui qui a été mon Cyrano préféré, Stéphane Dauch (Méliès ici).

« La vérité est en marche ; rien ne peut plus l’arrêter. »

Tournée dans toute la France cette année encore puis en 2025 : Plessis Trévise : Ve 29 Nov | St Germain en Laye : Sa 30 Nov | Levallois Perret : Ma 3 Déc | Levallois Perret : Me 4 Déc | Vernon : Ve 6 Déc | Serris : Sa 7 Déc | Roubaix : Ma 10 Déc | Agde : Je 12 Déc | Roanne : Ma 17 Déc | Buc : Je 19 Déc

Les Téméraires – MARILU Production

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14 octobre 2024 1 14 /10 /octobre /2024 16:28

Les dentellières d'Alençon mises en lumière dans "Lacrima" au Festival  d'Avignon

Ça fait longtemps que je ne vous avais pas emmenés au théâtre. Cette fois-ci, ce n’est pas le théâtre qu’on lit mais celui qu’on regarde.

Nous sommes dans un atelier de haute-couture, à Londres, en 2025. La maison Béliana a eu l’immense privilège de pouvoir créer la robe de mariée de la princesse d’Angleterre. C’est l’effervescence mais aussi le stress parce qu’il faut être plus parfait que parfait, répondre à toutes les exigences techniques et se soumettre à une clause de confidentialité. On quitte Paris pour Alençon où on suit les plus anciennes dentellières qui mettent leur savoir-faire unique et précieux au service de la robe. Allons encore bien plus loin, c’est à Mumbaï qu’Abdul, un seul ouvrier, va broder les milliers de perles de la robe. Cette œuvre unique qui se doit d’être splendide va mobiliser des dizaines de petites mains et va, surtout, abîmer la vie personnelle de chacun : un couple se défait, un ouvrier devient aveugle, une famille explose. Les petits tracas vont se transformer en catastrophes et aucun ne va sortir indemne de cette expérience.

C’est une pièce où l’on ne s’ennuie guère : les décors bougent, les lieux changent, les comédiens endossent le rôle de plusieurs personnages, on voyage, on coud, on rit, on pleure, on s’appelle en visio, on se laisse interviewer, on a peur, on travaille, on travaille, on travaille... La vidéo articule l’ensemble de la pièce et les procédés se rapprochent tellement de ceux utilisés par le cinéma que c’est ce qui m’a laissée perplexe. On regarde véritablement une série Netflix, avec ses nombreux épisodes, ses rebondissements, ses intrigues secondaires (qui n’aboutissent pas toujours, en plus !) et ce mouvement perpétuel qui laisse à peine respirer le spectateur. C’est donc d’assister à quelque chose qui n’est pas vraiment du théâtre qui m’a dérangée mais aussi de suivre des histoires parallèles qui se sont écartées du fil conducteur de la pièce (qui était très intéressant). On ne voit pas les trois heures (sans entracte) passer mais les clichés se répondent d’une manière trop parfaite et convenue (un peu comme cet univers de la haute-couture.) A noter que les acteurs professionnels côtoient des comédiens amateurs et qu’ils sont tous remarquables, à commencer par la première d’atelier, Marion, interprétée par Maud Le Grevellec. Pour avoir entendu divers avis venant de grands adolescents, c'est un spectacle qui plaît beaucoup aux jeunes.

Créatrice de la pièce et metteuse en scène, Caroline Guiela Nguyen est aussi la directrice du TNS.

La pièce va tourner, à Reims et Milan en novembre, à Lille et Douai en décembre, à Paris en février, etc.

 

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30 mai 2024 4 30 /05 /mai /2024 15:01

 

Inconditionnelles - broché - Kae (Kate) Tempest, Dorothée Munyaneza - Achat  Livre ou ebook | fnac

Cela fait bien longtemps que je voulais découvrir cette autrice aux multiples talents (poétesse, musicienne, romancière, essayiste, ...) dont je connaissais un peu la poésie.

Chess et Serena sont en prison où elles se sont rencontrées, et aimées. Chess est incarcérée pour vingt-cinq ans pour avoir tué son compagnon trop violent et Serena pour vol avec violences. Cette dernière bénéficie d’une libération conditionnelle, une nouvelle qui l’effraie autant qu’elle la soulage. Chess, pour tromper sa peine de perdre Serena, retrouve Silver, une professeure de musique qui va lui permettre d’extérioriser tout le talent de la détenue par le biais de chansons. Silver n’est là que pour mettre en avant des textes écrits par la détenue, déjà beaux et travaillés, car Chess a composé pour sa fille si loin d’elle.

La pièce de théâtre découpée en 23 scènes est suivie d’un petit carnet de partitions de chansons composées par Kae Tempest. Poèmes et chansons (de Kae Tempest ou d’autres : Diana Ross, Michael Jackson, Bill Withers, Conroy Smith...) reviennent régulièrement rythmer ce beau texte à la fois très fort et pudique, délicat et violent. Il y a des passages magnifiques comme celui où Chess fait tout pour que Serena vive une vraie vie à l’extérieur, loin des affres de l’univers carcéral, lui demandant de l’oublier, de prendre un chien et de mettre une croix sur sa vie en prison ; celui aussi où Silver doit faire face à la violence explosive de Chess qui finira par se muer en ardeur musicale ; l’acmé de la pièce qui envoie le texte de Chess pour sa fille Kayla en pleine figure des lecteurs/spectateurs ... whaouh !. Une très belle pièce au titre parlant, à lire, à voir ou à jouer (être musicienne me semble être indispensable pour les rôles de Chess et Silver). Je poursuivrai ma découverte de cette autrice qui, on le sent, s’échine à ouvrir toutes les écoutilles de la compréhension humaine, prône la tolérance et l’acceptation de l’autre.

Je ne suis cependant pas sûre de continuer à chroniquer mes lectures théâtre au vu du peu de succès qu'elles rencontrent. (c'est pas grave, hein)

« L’amour m’a mise sous les verrous,

L’amour m’a menottée.

Je ne pouvais pas sourciller,

Je lui appartenais.

Je commençai à croire,

Qu’il était comme un dieu.

Je me suis enfermée pour lui, 

J’en ai perdu mes envies.

 

Une fois le jour venu,

Les sirènes dans la rue –

Et lui en tas à mes pieds étendu.

Il avait l’air si doux tout à coup,

Comme endormi

Couchée à ses côtés

J’ai attendu les condés. [...]

 

J’ai pris vingt-cinq piges – plus que mon âge,

La première nuit, j’avais compris que je n’avais pas pleuré depuis des années

Pa’ce que mes larmes le mettaient en colère, à présent j’ai pleuré

Chaque nuit pendant un mois, et puis je m’endormais.

 

Les cinq premières étaient sévères,

Les cinq suivantes un enfer,

Ma gamine grandit

Sans sa mère ni son père »

 

Serena qui redoute la sortie de prison : « Qu’est-ce que je vais faire ? Jamais gagné de la thune autrement que par les moyens qui m’ont conduite ici. Deux mômes à nourrir et je sais même pas ce qu’ils aiment manger. Dehors, tout est contre moi. Ici, je t’ai toi et tout a du sens. »

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18 mai 2024 6 18 /05 /mai /2024 11:49

Together ; la régression - Dennis Kelly - L'arche - Grand format - Librairie  de Paris PARIS

Encore du théâtre !

Un homme et une femme. Le 17 mars 2020, au premier jour du confinement en France. Ils se déchirent, s’insultent, se crachent leur haine au visage et se demandent comment ils vont pouvoir vivre dans cette proximité forcée. Leur garçon, Arthur, assiste à ces scènes terribles et, lui-même un peu étrange, ne dit rien. Les jours passent, les secrets se révèlent, les mensonges s’avouent et ceux qui se haïssaient finissent par se rapprocher à l’heure où le monde entier se disloque. La grand-mère est à l’hôpital, en fin de vie, mais aucun de ses proches ne pourra assister à sa mort. Chacun peut doucement sortir de la maison, reprendre une vie sociale mais le couple poursuit ce duo sordide, parfois plus tendre, souvent sadique.

C’est une pièce que je ne voulais pas voir parce que je n’ai pas bien vécu cette période Covid que j’ai envie d’oublier (et j’y arrive plutôt bien) et pourtant, elle est devenue un de mes coups de cœur de ces derniers mois.  Si ce couple s’exprime avec violence, il n’en demeure pas moins que cette longue cohabitation et cette situation pandémique ont, partout, modifié les relations entre les humains ; ce n’est finalement que l’image d’un homme et d’une femme ordinaires. Au début de la pièce, la femme paraît beaucoup plus défendable et morale que son homme, la tendance se renverse astucieusement lorsqu’elle révèle des souvenirs atroces dont elle a été responsable. Failles, erreurs, incompréhensions et doutes sont exacerbées. Le jeu des acteurs, absolument excellent, a parfaitement su exprimer cette attirance-répulsion par le biais d’une dimension politique intéressante (la femme, de gauche, est une fausse gentille, l’homme, de droite est ouvertement méchant), grâce également à un dispositif de mise en scène original puisque les spectateurs sont sur la scène, dans une proximité qui permet d'être complètement plongés dans l'intimité du couple. On ne ressort pas indemnes de cette représentation d’une tension brutale, d’une émotion grandissante. Bravo au metteur en scène, Arnaud Anckaert, et aux deux comédiens.

La Cie du Théâtre du Prisme vient du Nord mais elle tourne dans la France entière, les prochaines dates sont ici.

Together | La Ferme Corsange | BilletReduc.com

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5 mai 2024 7 05 /05 /mai /2024 14:21

La Tectonique des sentiments

J’en mange du théâtre en ce moment !! Je n’en chronique pas la moitié pour diverses raisons.

Diane et Richard s’aiment d’un amour très fort et fusionnel. Mme Pommeray, la mère de Diane, adore son gendre... Enfin, pour qu’il y ait « gendre », il faudrait que les tourtereaux se marient. Et Diane, jusqu’à présent, ne voulait pas de ce mariage. Parce qu’elle a senti que Richard avait tendance à ne plus se montrer aussi fougueux (« Parfois, il bâille quand nous lisons côte à côte. Il n’arrive plus en courant lorsque nous avons été séparés quelques heures, avec cet air d’enfant bouleversé qui vient d’échapper à une catastrophe »), elle commet une maladresse que Richard interprète à sa façon, il pense qu’elle veut le quitter. Trop orgueilleux pour la contredire, il abonde dans ce sens : ils pourraient rester très bons amis, ah oui, heureusement qu’ils ont cessé de s’aimer au même moment, etc. Diane a appris, quelques jours auparavant, que Richard était atteint d’un cancer incurable et elle le pousse dans les bras d’une très belle jeune femme, Elina, une prostituée qui accepte de mimer l’amour en échange d’une vie décente.

Je commence par le positif ? Ça glisse tout seul, ça se lit comme du petit-lait, c’est divertissant et vraiment pas désagréable, en 1h30 max, c’est plié. Les gros bémols maintenant : que c’est lisse et mièvre ! Et plein de clichés ! Tous les personnages en sont affublés : la belle-mère est une pauvre pomme naïve et crédule, le mec est forcément amoureux de la première jolie donzelle qu’on lui met sous le nez, les prostituées quittent leur habit de lumière (et leurs manières) en un claquement de doigts, Diane est d’une bestiale jalousie et menteuse par-dessus le marché, et l’amour sent la guimauve cramée (et ça pue). C’est simple, ça m’a fait penser à la chanson d’Anaïs, je ne sais pas si vous vous en souvenez (« Mon cœur Mon Amour » qui se moquait des amoureux transis). A noter qu’on est entre le théâtre et le roman, les pseudo didascalies sont très nombreuses et longues pour que le lecteur tout public comprenne bien. C’est dommage de nous prendre pour des nigauds, le postulat de départ n’était pas inintéressant. Il vaut peut-être mieux revoir Pretty woman ...

Et l’œuvre d’E.-E. Schmitt est décidément tellement inégale de qualité !

Du meilleur : Madame Pylinska et le secret de Chopin, Les deux messieurs de Bruxelles, Ulysse from Bagdad, La Femme au miroir et évidemment, La Part de l’autre.

Parole de prostituée « Je ne crois qu'au vice, au calcul, à l’intérêt aux petites jouissances, au mal qui procure du bien. Dans ma vie, je n'ai rien vu de différent. Je n'ai rencontré que la laideur. (...) C'est bon, la haine, c'est chaud, c'est solide, c'est sûr. À l'opposé de l'amour, on ne doute pas, dans la haine. Jamais. Je ne connais rien de plus fidèle que la haine. Le seul sentiment qui ne trahit pas. »

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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 16:20

Un ennemi du peuple | Actes Sud

Et encore un podcast !

Dans une ville de Norvège, une station thermale contribue à attirer des clients et ainsi, à enrichir la ville. Mais le Dr Stockmann découvre que les eaux sont empoisonnées, polluées par la tannerie voisine. Son diagnostic est d’abord accueilli par des vivats, le rédacteur du journal local veut publier ses découvertes, les bourgeois sont prêts à soutenir le médecin... jusqu’à ce qu’intervienne le frère du Dr Stockmann, juge et directeur de la station thermale qui refuse que cette découverte soit publiée dans les journaux. Non seulement la réputation de la ville en prendrait un coup, la station devrait fermer ses portes deux ans, mais les coûts nécessaires à un rétablissement d’une situation acceptable seraient faramineux pour l’ensemble des habitants. De fil en aiguille, de considération financière en hypocrisie, ceux qui étaient du côté du médecin humaniste font marche arrière jusqu’à le conspuer et à le mettre à la porte.  

Radio France fait décidément de bons choix en matière de théâtre. Après avoir adoré La maladie blanche, j’ai encore eu l’honneur (en courant toujours !) de découvrir une pièce brillamment adaptée pour une version audio et qui, encore une fois, est d’une actualité confondante. Alors que la santé publique semble d’abord être primordiale, elle s’éclipse devant l’argent et ses nombreux pouvoirs. Au moment où le Dr Stockmann se fait exclure de la majorité des concitoyens, il prononce un discours qui va le faire haïr un peu plus encore : la majorité aurait souvent tort, « La majorité compacte est assez dépourvue de conscience pour vouloir fonder la prospérité publique sur la base pestilentielle de la fraude et du mensonge. »  Cette vérité difficile à entendre va condamner le médecin et sa famille à s’exiler. Certains personnages secondaires sont bien campés également, notamment la fille du médecin, Petra, féministe et moderne avant l’heure, mais aussi ceux qui retournent leur veste, souvent comparés à des animaux, qui m’ont fait penser à la Cour du Roi Soleil. Une pièce à lire ou à écouter (5 fois 28 minutes).

 

« La minorité a toujours raison. »

« L’homme le plus fort du monde est celui qui est le plus seul. »

 

D’autres pièces d’Ibsen : Maison de poupée ; Les Revenants.

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28 mars 2024 4 28 /03 /mars /2024 16:32

Changer l'eau des fleurs - Théâtre de la Renaissance

J’avais aimé le roman, pour un feel good, oui, ça va, j’avais aimé. Il me tardait de découvrir cette adaptation sur la scène.

Violette (mais quel joli prénom) est gardienne de cimetière. Son métier comme sa solitude lui conviennent, elle tient les registres des enterrements, aime en noter les petits détails, s’occupe des fleurs, connaît les tombes par cœur et accueille les visiteurs. Parmi eux, Julien, un type un peu paumé qui souhaite respecter les dernières volontés de sa mère décédée : savoir ses cendres dispersées sur la tombe d’un homme dont Julien n’a jamais entendu parler. Violette et Julien se revoient plusieurs fois, expriment leurs douleurs respectives tout en pudeur et en prudence, se découvrent, se surprennent par un passé compliqué et amer, enquêtent aussi l’un sur l’autre. Sur des airs de Charles Trenet, un ex mari va ressurgir, on va relire des archives, boire du café et tenter de vivre, encore.

Deux énormes points forts pour l’adaptation de cette histoire que j’avais en partie oubliée : la mise en scène (signée Salomé Lelouch et Mikaël Chirinian), à la fois simple et efficace, ingénieuse et poétique avec beaucoup de fleurs et des étagères qu’on bascule. Ensuite, l’interprétation de Caroline Rochefort, « Violette », authentique et très juste dans une simplicité bouleversante. La première partie de la pièce joue sur l’humour et la légèreté et la fin gagne en profondeur, en humanité et en émotion. On ne peut qu’en sortir touchés. C’était un beau moment de théâtre autour de la résilience. La pièce est jouée au moins jusqu’à fin avril au Théâtre de la Renaissance à Paris mais se promène aussi en tournée dans toute la France. Elle a reçu une nomination aux Molières 2022 pour la Révélation féminine.

un avant-goût

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19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 11:13

La Maladie blanche – Les Éditions du Sonneur

 

Le bonheur d’une 1h15 de course à pied accompagnée du plaisir de découvrir un podcast de France Culture d’excellente qualité d’un des auteurs tchèques les plus connus, et qui serait à l’origine de l’invention du mot « robot »...

Une étrange pandémie ravage hommes et femmes de plus de 45 ans dans le monde entier. Une petite tache blanche de la taille d’une lentille puis un lent pourrissement du corps qui dégage une odeur pestilentielle, voilà le sort qui est réservé aux malchanceux touchés par cette nouvelle « lèpre ». Le docteur Galén a trouvé un remède qu’il ne réserve, pour l’instant, qu’aux indigents. Lorsqu’on le presse de révéler son secret, il n’émet qu’une seule condition : que les dirigeants du monde entier acceptent de conclure une paix éternelle. Evidemment, il en est hors de question, le Maréchal, dirigeant omnipotent en rit et le baron Krüg, principal fabriquant d’armes dans le pays, refuse catégoriquement. Les riches meurent donc pendant que les pauvres sont soignés et guéris dans la fameuse salle 13, jusqu’au jour où la maladie se propage même parmi les plus puissants.

Publiée en 1937, cette pièce de théâtre aurait pu être écrite hier tant elle est encore d’actualité. Il est question de choisir entre la paix et l’argent dans un monde où la guerre est une occupation primordiale pour les dirigeants. Magnifique pamphlet antifasciste écrit à l’heure où le nazisme avait le vent en poupe, il résonne et raisonne encore aujourd’hui. Simple, bref, efficace, ce texte édifiant est d’une limpidité remarquable, d’une force bouleversante et la vision utopiste et ô combien jouissive du Dr Galén devrait devenir un modèle dans le monde entier. L’excellente interprétation des comédiens donne une voix juste de cette critique du totalitarisme. Impressionnant.

« Dites-leur qu’ils sont déjà vieux, tous ceux qui dirigent les peuples. Dites-leur qu’ils vont pourrir vivants, comme ceux qui sont là. (...) en tant que médecin, j’ai le devoir de me battre pour chaque vie humaine, n’est-ce pas ? C’est simplement le devoir de tout médecin d’empêcher la guerre. (...) qu’ils renoncent à tout acte de violence et de guerre et je leur confierai le remède de la maladie blanche. (...) pourquoi ne pourrait-on pas abolir les armes ? pourquoi ne pourrait-on pas limiter les armements dans tous les états ? »

C’est un coup de cœur (je n’ai que des coups de cœur en ce moment, quelle veine !!), précitez-vous sur ce formidable podcast : 4 épisodes de 25 minutes chacun. A ne pas manquer !

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9 février 2024 5 09 /02 /février /2024 15:36

L'EMBARRAS DU CHOIX : Gaîté Montparnasse

Une virée à Paris équivaut toujours à une sortie théâtre. Sans réfléchir (c'était avant Noël et j'étais crevée), j’ai choisi la dernière (enfin, plutôt l’avant-dernière, il en a déjà une autre sur le feu) comédie d’Azzopardi dont j’avais pu constater le talent avec Dernier coup de ciseaux.

Max a 35 ans et il travaille dans la bijouterie de son beau-frère, il vivote auprès de sa femme qu’il ne se décide pas à épouser. Lorsqu’il tombe par hasard sur son amour de jeunesse, il perd un peu les pédales. Le soir où il se décide à la retrouver, il a aussi un concert prévu avec ses vieux potes rockers. Il ne sait que choisir et va donc demander à une bande d’amis : le public. En passant le téléphone à quelques spectateurs, il va pouvoir faire avancer (ou non) - à différents moments - sa vie de couple, son histoire adultère ou encore sa carrière de rocker, se révéler honnête ou malhonnête, choisir cette direction ou bien l’autre.

C’est une pièce drôle et rythmée, menée par des acteurs impeccablement au point avec ce fonctionnement interactif. La palme revient à Thomas Perrin que j’ai trouvé excellent, autant dans son jeu que dans ses réparties face au public. Tout ça est donc très divertissant, léger voire festif, on passe un bon moment mais comme avec Dernier coup de ciseaux, je pense que ce sera vite oublié. Il manque un peu de profondeur à l’ensemble, j’ai trouvé certains acteurs pas impliqués à 100% et le décor m’a paru brinquebalant. Qu’on se le dise, les différentes versions possibles de l’intrigue que le public pense détenir sont parfaitement maîtrisées par l’ensemble des comédiens et il n’y a aucune place à l’improvisation. Vous me sentez un peu sur la réserve, rassurez-vous toutes les critiques lues ou entendues sont dithyrambiques, la pièce n’a donc pas besoin de moi !

La pièce est jouée jusqu’à cet été à la Gaieté Montparnasse. Si vous êtes dans le coin, La Claque de Fred Radix est vraiment excellent !

Un petit aperçu 

LE PARISIEN : L'embarras du choix

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23 décembre 2023 6 23 /12 /décembre /2023 10:52

Alice pour le moment

Du théâtre ! Du théâtre !

         Alice, chilienne de naissance, est une jeune adolescente solitaire dont les autres se moquent facilement. Elle et ses parents changent souvent de lieu d’habitation au gré des différents boulots de son père : « boxeur, déménageur, palefrenier, figurant dans des films, homme-Sandwich et Père Noël dans les rues d'une grande ville, artisan menuisier, artisan boulanger, artisan charcutier, affûteur de couteaux, rempailleur de chaises, magnétiseur, charlatan », ... C’est la vieille Mercedes qui tire une remorque emplie du bric-à-brac familial. Le père vole des noisettes et la mère fredonne une chanson chilienne de sa jeunesse.

         Que j’aime l’écriture de ce dramaturge ! Non seulement ses mots, d’une belle simplicité, sonnent juste mais l’univers qu’il crée, légèrement à côté de celui du commun des mortels, est toujours empli de tendresse. Alice pour le moment, c’est aussi ce début de l’adolescence où le corps change, où la tête se cherche sans se trouver, c’est aussi le premier baiser avec un garçon qu’on ne reverra plus jamais, c’est ce nomadisme à la fois contraint et choisi, c’est « rouler tout droit jusqu’à la dernière goutte d’essence », c’est cet accent chantant et l’irrémédiable exil. Alice a des points communs avec Lys Martagon par son originalité, son affirmation de la différence, sa liberté. Une pièce avec 7 à 14 comédiens, à lire, à jouer, à regarder à tout âge.

« Je marchais

Je marchais dans le sens inverse au sens du matin.

Je marchais sur le chemin.

Celui que je prenais deux fois par jour.

Cinq fois par semaine depuis quatre mois.

Quatre mois que nous habitions ici.

On s’habitue très vite, trop vite peut-être, à suivre tous les jours le même chemin. »

 

« J'ai appris à marcher sur un trottoir qui n'était pas mon trottoir.

Avec une épée de Damoclès au-dessus de ma tête.

 J'ai appris à penser, à écrire, à lire, à compter.

 Dans un pays qui n'était pas mon pays. Mes papiers

Comme mes amis

Comme mes maisons

Comme mes amours

N'étaient que provisoires.

Je m'appelle Alice. Alice pour le moment.

Parce qu'il fallait bien décider d'un prénom à notre arrivée ici. »

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