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14 février 2023 2 14 /02 /février /2023 14:44

 

Madame Pylinska et le secret de Chopin, Éric-Emmanuel Schmitt | Livre de  Poche

Je ne pouvais pas ne pas faire de billet sur ce spectacle absolument bouleversant. Pour la petite anecdote, j’y suis allée avec ma grosse valise pleine d’a priori, à savoir, Eric-Emmanuel Schmitt est certes un bon romancier (excellent pour certaines de ses œuvres mais pas toutes), un superbe conteur mais certainement pas un bon comédien. Et puis, ce spectacle, ça doit être une démonstration d’auto-flagornerie, bref, le type pour moi était un peu pédant et prétentieux. Eh bien, j’en ai pris pour mon grade !

A l’âge de neuf ans, Éric entend jouer de la musique sur le piano familial véritablement pour la première fois ; c’est sa tante Aimée qui lui a montré que la musique de Chopin surtout, pouvait l’emmener « ailleurs », dans un univers sublime et merveilleux. Éric attendra sa majorité et ses études à Paris pour reprendre les cours de piano auprès d’une certaine Mme Pylinska, une dame d’une cinquantaine d’années, très particulière, acariâtre et fantasque, qui multiplie les conseils aussi fantaisistes qu’incompréhensibles. Éric ne jouera pas tout de suite sur l’instrument. Non. Son premier devoir est d’aller, tous les matins, au jardin du Luxembourg, cueillir des fleurs sans en ôter la rosée. Il apprendra ainsi la délicatesse du doigté. Pour comprendre à quel point main droit et main gauche sont à la fois dissociées mais complémentaires, il devra observer longuement le jeu du vent dans les feuilles des arbres (la main droite) ainsi que la stabilité du tronc sous le souffle (la main gauche). Il s’agira encore de faire des ronds dans l’eau ou de faire l’amour très lentement et de regarder l’être aimé dans les yeux. D’incompréhensions en sautes d’humeur, Éric se laissera finalement apprivoiser par cette grande dame qui, en plus de lui apprendre à vraiment jouer du piano avec âme et émotions, lui enseignera à vivre son existence pleinement, à trouver la bonne « porte ».

Eric-Emmanuel Schmitt a écrit ce récit en 2018 et cette adaptation théâtrale a été mise en scène par Pascal Faber. L'auteur-comédien endosse plusieurs personnages : lui-même, Mme Pylinska ou encore Aimée, cette tante adorée qui lui révélera son secret ainsi que le « secret de Chopin ». L’auteur se révèle être sur scène incroyablement talentueux, il porte la voix avec justesse, change de personnage avec brio, rend honneur aux mots magnifiques qu’il a lui-même écrits. Cette virtuosité et cette élégance sont accompagnées d’un pianiste, pas n’importe lequel, Nicolas Stavy subjugue le public avec Chopin, nous permettant de découvrir ou de redécouvrir ses plus belles œuvres. L’ensemble -près de deux heures de bonheur- se révèle être drôle, tendre et d’une bouleversante beauté ; en nous révélant un pan de sa vie, Schmitt nous renvoie à l’essence même de notre existence. Sur une musique de Chopin à se damner ! Je ne suis pas la seule à être sortie de là complètement retournée et fascinée avec des étincelles enchanteresses dans les yeux. Si vous le pouvez, courez voir Monsieur Schmitt, il tourne dans de petites salles de province en France et en Belgique jusqu’en avril.

COUP DE COEUR !

Les dates : https://www.eric-emmanuel-schmitt.com/news.cfm?nomenclatureid=1788&newsid=636

« Ecris ! Ecris toujours en pensant à ce que t'a appris Chopin. Ecris piano fermé, ne harangue pas les foules. Ne parle qu'à moi, qu'à lui, qu’à elle. Demeure dans l'intime. Ne dépasse pas le cercle d'amis. Un créateur ne compose pas pour la masse, il s'adresse à un individu. Chopin reste une solitude qui devise avec une autre solitude. Imite-le. N’écris pas en faisant du bruit, s'il te plaît, plutôt en faisant du silence. Concentre celui que tu vises, invite-le à rentrer dans la nuance. Les plus beaux sons d’un texte ne sont pas les plus puissants, mais les plus doux. »

Valréas, Nuits de l'Enclave : « Madame Pylinska et le secret de Chopin »,  de et avec Eric-Emmanuel Schmitt. Le 18/7/22

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1 décembre 2022 4 01 /12 /décembre /2022 10:55

Ça fait trop longtemps que je n’avais pas parlé de théâtre… surtout que je m’étais fait la promesse de rendre régulièrement hommage à Molière en cette année anniversaire de sa naissance. D’une pierre deux coups !

Je ne vais pas résumer cette pièce de caractère en cinq actes où Molière se moque des femmes prétentieuses mais aussi des écrivains trop pédants. Il me faut évoquer la formidable mise en scène d’Agnès Larroque : cinq femmes tiennent tous les rôles de la pièce et ça se passe dans une cuisine à notre époque. Les comédiennes, extraordinairement dynamiques et douées pour se grimer, se changer et se perruquer en quelques minutes, nous emmènent dans un univers déjanté et psychédélique où les personnages boivent du champagne en se battant à coups de poireaux, font des doigts d’honneur et montrent leur soutif. Le corps et ses multiples possibilités est manipulé autant que la voix est travaillée et les alexandrins prononcés de tant de manières différentes qu’on a le tournis. Un remarquable mélange entre l’univers des Deschiens et celui d’un Buster Keaton pour de talentueuses comédiennes qui courent, dansent, volent, sautent, mangent, brillent par leur maestria. Bravo ! Quelle belle manière de découvrir Molière pour des non-initiés ! C’est drôle, complètement barré et résolument provocateur.

Heureusement pour vous, la troupe joue encore la pièce, et en province s’il vous plaît. Ne la ratez pas si elle passe près de chez vous : https://www.compagniedudetour.com/copie-de-saison-2021-2022

la bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=O9pR7SykUsQ

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20 août 2022 6 20 /08 /août /2022 22:40

La loi du silence - Barbara Schmutz - Edilivre

Une courte pièce de théâtre en 4 actes.

Un homme vient de mourir. Il parle avec une « voix » invisible qui le questionne sur sa vie. Très vite, on comprend que cet homme, un pasteur décédé à 85 ans, a semé le mal toute sa vie, avec sa fausse piété, l’argent sale, son attrait pour la pornographie et surtout les attouchements qu’il a commis sur les enfants de son entourage, notamment ses propres enfants. La voix permet à l’homme de revivre certaines scènes, notamment celle entre la fille Anna et son mari, alors qu’elle vient de se faire engrosser par son père. Une autre qui prouve que le monstre a abusé sexuellement de deux nièces.

Vous l’aurez compris, cette pièce sur le viol et l’inceste est sordide et glaçante. Comment démontrer en quelques dizaines de répliques qu’un homme a passé sa vie à blesser, torturer et briser d’autres êtres. En une pseudo réponse mystico-religieuse, le responsable est laissé seul dans un endroit sombre et froid, sommé de trouver la bonne « façon d’aimer ». C’est maigre par rapport à toutes les horreurs déversées auparavant et ce livre laisse une traînée nauséabonde et malsaine dans son sillage. Certes, le sujet est à évoquer mais le cogner ainsi entre quelques pages sans lueur d’espoir et d’issue de secours, c’est dur pour le lecteur…

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10 août 2022 3 10 /08 /août /2022 15:48

Pinocchio - broché - Joël Pommerat, François Mouttapa, Nicolas Zouliamis -  Achat Livre | fnac

J’avais lu l’adaptation de Cendrillon il y a quelques mois, j’avais envie d’en découvrir plus sur cet auteur qui a le vent en poupe.

Un « Présentateur » nous explique la situation : Un homme solitaire décide de se mettre à sculpter un arbre tombé près de chez lui. Il façonne un modèle humain et entend, très rapidement, gémissements et cris de douleur. Le pantin se plaint « C’est long encore ? J’en ai marre. » Il réclame des habits et à manger puis revendique le droit de s’amuser et d’être riche. Le sculpteur devenu son père lui ordonne tant bien que mal d’aller à l’école. Mais bien avant d’y mettre les pieds, Pinocchio rencontre des escrocs qui l’emmènent voir une diva sur laquelle le pantin se jette. Le directeur de l’établissement, pris de pitié, donne de l’argent à Pinocchio qu’il devrait confier à son père mais Pinocchio enterre sa fortune sur les conseils des escrocs. Après un séjour en prison, Pinocchio fait encore une mauvaise rencontre et se retrouve pendu. C’est à ce moment-là que la fée le sauve et que son nez s’allonge à chaque mensonge proféré. Le pantin promet de changer, il devient un élève sérieux à l’école jusqu’à ce que « le mauvais élève » l’influence et l’attire au « pays de la vraie vie ». Des oreilles d’âne poussent alors sur sa tête. En un rien de temps, il se retrouve perdu en pleine mer puis coincé dans le ventre d’une baleine où il retrouve - miracle ! - son sculpteur de père. C’est grâce à une ruse de Pinocchio qu’ils sont enfin libres.

Je n’ai pas relu le conte de Collodi pour pouvoir réellement comparer les deux textes. J’ai été surprise de découvrir un Pinocchio cumulant tant de défauts : naïf, de mauvaise foi, ignorant, irrespectueux, ce n’est qu’à la toute fin, après l’épisode de la baleine, que le pantin deviendra garçon. Encore une fois, comme dans Cendrillon, Pommerat utilise le langage familier, modernise le conte pour produire un récit d’apprentissage fantasque et coloré. Les quelques extraits de la mise en scène que j’ai vus confirment le mélange des genres, la forte présence du merveilleux, l’humour associé à la musique et à l’art du cirque. Au-delà de la morale qui voudrait privilégier l’école, on peut y voir une belle métaphore de la vie, se casser la figure pour mieux avancer…

A noter, l'excellente collection des Ateliers Sud qui propose des documents d'accompagnement sur Pinocchio dans l'art contemporain et d'autres suppléments intéressants. 

« La fée : Est-ce que tu n’en as pas assez d'être cette sorte de créature sans cervelle ? Qui ne réfléchit à rien, qui finit en prison, cette chose un peu ridicule il faut bien le dire, ce pantin quoi ? qui va au-devant de tous les malheurs… ça ne te fatigue pas de ne pas être un vrai petit garçon ? »

« Le mauvais élève : Là où il y a la vraie vie… un endroit où on vit pas à moitié comme ici, l'endroit où on s'ennuie jamais, tu t'ennuies pas toi ici ? Tu réponds pas ? Alors dégage rentre chez toi, il fait nuit, tu vas te transformer en citrouille. Là où je vais ça s'appelle le pays de la vraie vie, c'est un endroit où il n'y a pas de temps mort. »

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22 juillet 2022 5 22 /07 /juillet /2022 20:23

La Contrebasse, Patrick Süskind | Livre de Poche

Dans une chambre, un contrebassiste nous parle de son instrument. Entre deux gorgées de bière, quelques notes jouées pizzicato, un fond sonore de Brahms, il évoque la contrebasse, « l’instrument le plus important de l’orchestre », on n’entend que lui, il est indispensable, mais c’est une affaire passée sous silence parce que les musiciens ont tendance à être jaloux les uns des autres. C’est un instrument cher aussi, les cordes sont hors de prix et la portée de ses sons (les plus graves qui existent) pose problème. Le musicien nous fait la démonstration : il joue un fa grave et la voisine du dessus se met aussitôt à taper son mécontentement. En réalité, la contrebasse est un instrument plutôt détestable, peu maniable, que personne n’a réellement choisi, elle est plutôt un « embarras qu’un instrument ». « Dans un appartement, elle se trouve sans cesse sur votre chemin. Elle est plantée là, avec un air si bête… » D’ailleurs la contrebasse est un frein aux relations sociales et amoureuses, notre musicien en fait les frais constamment, il est encore célibataire à 35 ans, il est amoureux de Sarah -chanteuse lyrique- qui ignore même son existence. Il hésite à jouer une fausse note pour se faire remarquer, à crier son prénom lors d’un concert.

Ce qu’on peut prendre pour une nouvelle est en réalité un monologue théâtral qui est, vous l’aurez compris, aussi drôle que spirituel. Quand le musicien règle ses comptes avec celle qui l’accompagne tous les jours depuis des années, qu’il aime et déteste à la fois, oui, ça s’apparente à une scène de ménage mais la femme aussi imposante qu’elle soit, n’a pas droit à la parole, ou si peu. Pourtant, c’est lui, le musicien, qui semble être écrasé par sa contrebasse, il crie sa solitude, son désespoir et ses espoirs ; tel un Sisyphe imbibé de bière, il ne peut se détacher de son fardeau, puisqu’il est fonctionnaire à perpétuité. C’est une tragédie. A l’origine une pièce radiophonique, ce monologue a immédiatement plu et connu un grand succès dans plusieurs pays. En France, le musicien a notamment été interprété par Jacques Villeret et Clovis Cornillac. Une lecture amusante, intelligente et rafraîchissante.

« Et parfois je la mets dans le fauteuil en rotin, là en face de moi, je l’appuie bien et je pose l’archet à côté, et je m’assois ici dans le fauteuil de cuir. Et je la regarde. Et alors je pense : quel instrument hideux ! Je vous en prie, regardez-la. Non, mais regardez-la ! Elle a l’air d’une grosse bonne femme, et vieille. Les hanches beaucoup trop basses, la taille complètement ratée, beaucoup trop marquée vers le haut, et pas assez fine ; et puis ce torse étriqué, rachitique… à vous rendre fou. »

« s’il faut que tu joues faux pour qu’elle s’aperçoive que tu existes, il vaut encore mieux qu’elle ne s’aperçoive pas que tu existes. »

De Süskind, j'avais évidemment lu Le Parfum mais aussi un recueil de nouvelles, Un combat.

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16 juin 2022 4 16 /06 /juin /2022 20:46

Berlin Berlin - Theatre Fontaine à Paris | Billets & Places

Ça n’arrive pas souvent mais je vous parle aujourd’hui d’une pièce que j’ai vue à Paris, au Théâtre Fontaine.

Berlin Est dans les années 80. Emma se fait engager comme aide-soignante chez Werner ou plutôt chez la mère de Werner qui reste cloîtrée dans sa chambre (et que le spectateur ne verra jamais). Ce n’est pas par hasard qu’elle a postulé pour cet emploi, elle connaît l’existence d’un passage secret, là, juste derrière la bibliothèque, qui permet de passer de l’autre côté du Mur en quelques coups de pioche. Son fiancé, Ludwig, la suit à contrecœur dans cette aventure et, maladroit et un peu idiot, il va multiplier les gaffes. Ce qui n’arrange en rien les choses : Werner tombe amoureux d’Emma, Ludwig se montrera jaloux, un infirmier se révèlera être un espion et Werner, agent de la Stasi, finira par emmener Ludwig aux bureaux de la Stasi, le prenant pour un précieux informateur.

Si j’ai beaucoup aimé la pièce, souri et même ri à plusieurs reprises, si mes deux ados l’ont beaucoup appréciée aussi, j’ai finalement été un peu déçue d’avoir affaire à une comédie et simplement une comédie bien ficelée. Vu le contexte, j’en espérais sans doute autre chose ; ce n’est pas avec cette intrigue que vous en allez apprendre davantage sur la Stasi. Mais on ne boude pas son plaisir entre le mini-film en 3D de l’introduction, le chant d’un ponte de la Stasi (à l’accent allemand épouvantable !), les quiproquos, le comique de répétition, les petits effets spéciaux, la dynamique de l’ensemble et surtout, l’irrésistible comique de Patrick Haudecoeur. Deux Molière 2022 sont venus récompenser les artistes.

La pièce reste visible jusqu’en juillet et les représentations reprendront en septembre.

https://www.francetvinfo.fr/pictures/9gmbn7qtj8I-46zmAK4tdUNrdAA/fit-in/720x/2022/02/11/phpjrMgT3.jpg

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8 mai 2022 7 08 /05 /mai /2022 15:11

Grand menteur | Actes Sud

Ce très court livre est composé de trois monologues.

Dans « Grand menteur », c’est le personnage éponyme qui prend la parole. Il ment depuis toujours, depuis sa naissance quand sa mère lui a dit que le monde était trop petit pour lui et que son père ne faisait que des apparitions aussi épisodiques qu’alcoolisées.

« La mariée gare centrale », sous l’impulsion d’une phrase sortie « de mon ventre, de ma gorge et de toute ma chair » : « Où c’est donc que tu vas te fourrer pour te cacher de vivre ? », elle décide de partir, d’agir, de prendre le large, de s’enfuir pour mieux vivre. C’est ainsi qu’elle va rencontrer Grand Menteur.

« Fille Fiston » naît de cette union unique entre les deux protagonistes précédents. Être hybride, il/elle se bat pour vivre et faire du moment le plus beau des instants, de la vie « une grande fête fêlée, rudement belle »

Ces trois textes, que l’auteur appelle « triptyque de l’amour chaviré » donnent la parole à de petites gens peut-être nées dans la boue mais dont les paroles valent de l’or. C’est surtout une ode à la vie malgré tout. Malgré les obstacles, le noir, le laid, la peur. Trois poèmes qui, d’un seul souffle, nous poussent un peu en avant, nous aident à mieux grandir, à regarder l’autre différemment, peut-être mieux. C’est court, c’est fort, c’est précieux. Laurent Gaudé est un magicien des mots.

Un passage tellement fort, tellement vrai :

« Une seule vie, c'est trop triste à pleurer. Et laquelle alors ?

Laquelle, qui d'emblée exclut tout le reste ?

Je veux être mendiant et faire de l'or,

Je veux être fidèle et dissolu,

Je veux une famille de grande tablée

Et rester seul dans le silence du temps,

Je veux être femme

Mais comme le père,

Manouche torse nu avec son grand manteau de laine retournée,

Chaînes autour du cou

Et chiens aux poignets,

Seigneur des parkings au sourire de dents en or.

Je veux être personne dans la foule qui sue sa carcasse.

Je veux être Noir

Et puis Blanc,

Je veux parler la langue des animaux

Et boire des ti-punchs sur les volcans

Parce que je suis un timoun comme les autres devant le bruit du vent.

Je veux tout et tant pis si ça se mélange,

Qui c’est qui peut me dire que c'est pas bien de vouloir tout bâfrer jusqu'à la dernière goutte avant d'aller clamser ? »

 

La deuxième narratrice :

« Grand ouste la vie d’avant !

Il y a plus de retour

Même si j’ai la trouille,

Faut bien l’avouer,

Parce qu’il y a la voix de panique qui ricane : « Où est-ce que ça va finir tout ça, toutoule ? »

Qu’elle me dit en secret,

« Où est-ce que tu vas aller chialer, pigrette, quand t’auras tout raté ? »

 

Quelques autres titres de l'auteur : La mort du roi Tsongor, Salina, Eldorado, Cris.

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23 avril 2022 6 23 /04 /avril /2022 22:11

Cendrillon - Joël Pommerat - Babelio

 

Il me tardait de retourner vers le théâtre. Joël Pommerat propose ici une énième version du célèbre conte.

Sandra, la « très jeune fille » a perdu sa mère qui lui aurait dit, avant de mourir, de ne cesser de penser à elle. Mais la fillette n’est pas sûre d’avoir bien compris. Elle mène une vie triste, rythmée par les sonneries d’une grosse montre qui l’empêchent d’oublier sa mère. Ainsi, quand son père et elle emménagent dans la maison de la « belle-mère », de « Sœur la grande » et « Sœur la petite », elle accepte avec résignation les tâches domestiques qu’on lui ordonne d’accomplir. La belle-mère, très sûre d’elle, est persuadée qu’elle fait moins que son âge et, des trois, c’est elle qui s’apprête le plus pour se rendre au bal donné par le roi pour son fils, le « très jeune prince ». A cette soirée, le prince, angoissé à l’idée de manquer le coup de fil de sa mère, retenue depuis si longtemps par les grèves des transports (… depuis dix ans, en fait !) bouscule Sandra. Les deux discutent un moment avant de se quitter. Le roi, sachant qu’une rencontre a bouleversé son fils, va tout faire pour retrouver la jeune femme. Arrivant à la maison des protagonistes, la belle-mère est convaincue que le prince a eu coup de foudre… pour elle.

Si on devait simplifier, on pourrait dire que cette version est à la fois moderne et tournée vers la réflexion sur le deuil. De nombreux passages sont drôles : la belle-mère s’impose de manière ridicule lorsqu’elle croit que le prince est tombé amoureux d’elle ; le motif de la chaussure est repris mais de manière loufoque (c’est le prince qui offre une de ses chaussures à la très jeune fille) ; la fée jure comme un charretier. Les deux jeunes futurs amoureux se retrouvent parce qu’ils ont, chacun de son côté, de grosses difficultés à vivre le deuil de leur mère parce qu’on a commis une erreur de langage et qu’on les a convaincus, pour le prince, que sa mère n’était pas vraiment morte, pour la jeune fille, qu’elle ne devait passer un seul instant de sa vie sans penser à sa mère. J’ai pris du plaisir à lire cette pièce mais un bémol -de taille- m’a dérangée : la langue. Elle est ouvertement familière et fautive (« on s’est pas donné nos coordonnées c’est vrai, on y a pas pensé. »), Pommerat veut capter le réel, il demande aux comédiens d’être le plus concrets et le plus directs possible. Dans la même logique, il privilégie l’improvisation en début de répétition, s’appuie sur les « surprises » qui peuvent en découler pour retoucher le texte initial. Ainsi, comédiens mais aussi techniciens participent à l’écriture.

La belle-mère à la très jeune fille : « T’es encore là toi ! Qu’est-ce que tu fais là comme ça, inerte ? On dirait un poisson crevé qui flotte à la surface de l’eau ! Il est où ton père, il est pas là ? Tu rêvasses ? Faut arrêter avec les rêvasseries, faut entrer dans la vie réelle ma petite fille maintenant ! Qu’est-ce que tu te tiens mal en plus, c’est pas possible ! »

Je crois qu'Hélène a moins aimé que moi.

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29 janvier 2022 6 29 /01 /janvier /2022 12:25

MOLIERE L'ECOLE DES FEMMES COMEDIE LAROUSSE 1938 CLASSIQUES LAROUSSE TEATRO  | eBay

Non, je n’allais pas laisser passer janvier, mois anniversaire de la naissance de notre fameux Jean-Baptiste Poquelin, sans en toucher un mot. Je lis et relis beaucoup le dramaturge pour mon plaisir et pour mon travail, je ne m’en lasse pas et il m’épate à chaque fois.

            Arnolphe est un vieux (42 ans…) célibataire qui, plutôt que de se marier et de se retrouver cocu, a largement anticipé : il a « élevé » depuis ses 4 ans une fille, Agnès, l’a protégée du monde extérieur, l’a éduquée à sa manière, l’a rendue aussi sotte qu’ignorante. Il épousera donc celle qui, à dix-sept ans, se demande « si les enfants qu’on fait se faisaient par l’oreille. » Malheureusement pour Arnolphe, un « jeune homme bien fait » croise son chemin et elle raconte ingénument à son protecteur qu’un amour aussi subit qu’imprévisible a immédiatement lié les deux jeunes gens. Parallèlement, Horace, le fils d’un ami d’Arnolphe, vient confier au barbon qu’il est tombé amoureux d’Agnès, « ce jeune astre d’amour de tant d’attraits pourvu » et que ses « affaires sont en fort bonne posture ». Arnolphe enrage et multipliera les ruses pour défaire cet amour et épouser au plus vite cette jeune femme qui, parce qu’elle lui échappe, trouve de plus en plus grâce à ses yeux. Mais Agnès écoute son cœur et, si elle obéit à Arnolphe quand il lui demande, par exemple, de jeter une pierre à la tête d’Horace, elle l’accompagne également d’une lettre d’amour. Arnolphe persévère en apprenant à Agnès les « maximes du mariage » qui, plutôt que d’assagir la belle ingénue, vont l’effrayer et la faire fuir, « chez vous le mariage est fâcheux et pénible (…) [Horace] le fait, lui, si rempli de plaisirs, que de se marier il donne des désirs. » Un retournement de situation final va légitimer l’union des jeunes gens et laisser Arnolphe … sans voix.

L’École des femmes date de 1662 et reprend les thèmes majeurs de L’École des maris qui date de l’année précédente. Molière y dénonce clairement l’éducation trop stricte des filles et ce carcan étriqué d’un mariage qui n’a jamais rien d’authentique. La pièce a fait polémique, justement parce que le sacrement du mariage était pointé du doigt. J’ai complété ma (re)lecture par une adaptation de Stéphane Braunschweig qui m’a d’abord un peu déstabilisée (la pièce commence dans une salle de sport) et finalement convaincue. Cette version se veut moderne et sensuelle, laissant toute la place à la femme, maîtresse de ses désirs. Suzanne Aubert incarne parfaitement la jolie Agnès pas si bête qu’il n’y paraît et Claude Duparfait apporte une sincérité intéressante au personnage d’Arnolphe, rendu, ainsi, presqu’attachant. La pièce comme cette représentation-là apportent une fraîcheur, une soif de liberté et une envie de briser contraintes et asservissements que chacun pourra reprendre à son compte.

La mise en scène de Braunschweig 

 

Une des maximes du mariage ou « devoirs de la femme mariée » :

« Elle ne se doit parer

Qu’autant que peut désirer

Le mari qui la possède :

C’est lui que touche seul le soin de sa beauté ;

Et pour rien doit être compté

Que les autres la trouvent laide. »

 

Morale prononcée par Chrysalde, l’ami d’Arnolphe :

 « Si n’être point cocu vous semble un si grand bien,

Ne vous point marier en est le vrai moyen. »

    Théâtre : la leçon de «L'École des femmes» - Le Parisien

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17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 13:25

Une histoire d'amour - broché - Alexis Michalik - Achat Livre ou ebook |  fnac

J’ai chopé cette pièce de théâtre à la bibliothèque et l’ai lue en deux temps trois mouvements.

                Katia et Justine sont deux jeunes femmes qui se retrouvent dans un bar après s’être connues chez un ami commun. C’est évident, Katia, homosexuelle, drague ouvertement Justine qui – même si elle aime généralement les hommes – se laisse séduire. Elles boivent, vont en boîte, s’embrassent et se retrouvent dans le même lit. Contre toute attente et malgré les craintes de Katia, Justine s’accroche, s’engage, reste, aime sa nouvelle compagne. Et lui demande, deux ans plus tard, un enfant. Même si elle se montre d’abord réticente, Katia accepte l’insémination artificielle pour Justine et, sur un pari un peu rapide, pour elle aussi. C’est Katia qui tombera amoureuse mais Justine ne tiendra pas toutes ses promesses…

Je l’ai dit, j’ai lu la pièce d’une seule traite, j’en sors bouleversée mais un peu frustrée. Les personnages m’ont paru un peu caricaturaux et simplistes, j’aurais aimé, pour une pièce contemporaine, trouver une pointe d’originalité soit dans les dialogues, soit dans la mise en scène. J’ai pourtant été émue par cette histoire d’amour qui finit mal, par les revirements de situation et la métamorphose de certains personnages. Mais je suis restée sur ma faim, il m’a manqué le petit grain de folie que j’apprécie chez Michalik. Evidemment, il faudrait voir la pièce, c’est toujours possible jusqu’à fin octobre à La Scala, à Paris. N’hésitez pas, elle a reçu le Molière de la mise en scène d'un spectacle de théâtre privé, et venez me raconter !

Katia et Justine emménagent ensemble, Katia panique lorsque le livreur apporte un canapé ; il tente de la rassurer (ou pas !) : « C’est normal. Le canapé, c’est le temps qui passe. C’est la peur de l’engagement, l’angoisse de vieillir. La mort qui se rapproche. L’inéluctabilité du néant. »

Le frère de Katia, William, se retrouve à vivre à la campagne, seul, après une rupture : « Ça me fout une angoisse pas croyable. Y a pas un café à dix kilomètres à la ronde, un musée je t’en parle même pas, mon voisin le plus proche a soixante-quinze ans, si la voiture tombe en panne, je meurs. Je meurs de faim. On va me retrouver dévoré par les renards. »

 

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