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16 septembre 2023 6 16 /09 /septembre /2023 08:43

Ouasmok ?

Me revoilà avec du théâtre ! et avec un auteur que j’avais déjà évoqué pour Lys Martagon.

Pierre aborde Léa. Pierre et Léa sont en cinquième. Il lui avoue qu’il la suit depuis un moment, épie ses mouvements, a compris qu’elle n’a pas une vie facile. Elle ne répond pas tout de suite puis se laisse emporter par la fougue du garçon. Ils s’inventent un univers délirant, vont jusqu’à s’emménager un appartement dans le haut d’un clocher, y installer des livres de philosophie orientale, des bougies, une collection de papillons séchés, mais ils vont aussi se marier, avoir des jumeaux, et puis divorcer, car il faut penser à tout.

Une étincelle. C’est bref, très intense mais éphémère. C’est ce que j’aime chez ce dramaturge, ne pas nous faire croire que c’est éternel, grandiose et unique. Parce que la vie n’est pas comme ça. Comme Lys Martagon, Pierre et Léa sont des allumés rêveurs ou des rêveurs allumés qui croient à une magie invisible et à un monde meilleur... mais ils n’y croient plus deux heures plus tard parce qu’il faut pas déconner quand même, « c’était pour rire ». Encore une bonne petite pièce (que c’est court, tout de même !) qui doit être délicieuse à voir, à jouer ou à faire jouer.

« Pierre. – Salut.

Léa. – ...

Pierre. – Salut.

Léa. – ...

Pierre. – Salut.

Léa. – ...

Pierre. – Ouasmok ?

Léa. – Pardon.

Pierre. – Comment tu t’appelles ? C’est de l’arabe. T’as quel âge ? T’habites où ? T’es fille unique ? T’étais où en vacances ? T’es partie avec tes parents ? T’as fait quoi ?

Léa. – Pourquoi je te répondrai ? On ne se connaît même pas il me semble.

Pierre. – Justement, c’est une méthode révolutionnaire. Grâce à ce principe, on se connaît plus vite et on sait tout de suite si on a une chance de former un couple heureux. C’est génial. Non ? »

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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 15:03

Lys Martagon

Cet été, je lis du théâtre comme j’avale des fruits frais, voracement et avidement, presque tous les jours. Je ne vais pas chroniquer chacune de mes lectures, d’autant plus que le théâtre lu n’a pas forcément le vent en poupe sur la blogosphère mais je ne pouvais pas ne pas parler de cette petite merveille écrite par un dramaturge contemporain que j’aime beaucoup.

Lys Martagon a 17 ans. Sans doute positivement influencée par son nom de fleur, elle est à part, originale parce qu’elle parle tout le temps, partout. Elle parle des fleuves, des étoiles, des pays, des îles, des continents, des planètes. Elle parle pour contrer la misère qui l’entoure, la fatigue de sa mère qui l’a toujours élevée seule, elle parle pour voir plus loin. Elle parle à son « géant » aussi, cet arbre de trente mètres de haut devenu son ami. Elle cavale toute la journée, montant la colline pour la descendre aussitôt, elle marche pieds nus pour sentir « le léger du chemin ». A la manière du « Voyant » de Rimbaud, elle voit mieux et plus que les autres, au-delà des immeubles de la ville, le regard tourné vers la chaîne de Belledonne. Et elle va emmener Démétrio, un ado qui ne fait que regarder la télé, dans son monde fait de rêveries, de fleurs et d’exploration où tous les sens sont exploités.

Cette pièce a été écrite lors d’une résidence de Sylvain Levey à Grenoble en 2011. J’espère que les Grenoblois sont tous bien conscients de la chance d’avoir ce texte écrit dans l’écrin qui a conçu le bijou. D’une rare poésie, Lys Martagon est un peu la nymphe Écho de Grenoble, elle est partout, virevoltante et joyeuse, emplie de la belle nature qui n’est vraiment pas si loin des hautes tours laides de la ville quand on daigne lever les yeux. Un texte poétique qui se dévore avec plaisir, Lys est accompagnée d’un « chœur de la vallée », de sa mère et de Démétrio mais c’est bien elle seule qui constitue la lumière, le soleil de ces mots et qui va tenter, telle une alchimiste, de transformer le laid en beau. A lire à tout âge.

Coup de cœur

« On devrait construire plus de phrases et moins d’autoroutes. »

« Je collectionne le vent comme d’autres les cuillères en argent. [...] Je collectionne aussi la pluie comme d’autres font sécher les papillons. »

« Quatre-vingt-une pulsations fois des millions de femmes, d'enfants et d'hommes. Ça fait du bruit, ça, je te promets, ça fait du bruit. Si on éteignait toutes les télés, les radios, tous les téléphones, les ordinateurs, si on arrêtait toutes les voitures du monde entier, tous les avions, tous les trains qui traversent la France et les paquebots qui traversent les océans, si on fermait toutes les usines, ne serait-ce qu'une heure, si on bâillonnait la fée Électricité ne serait-ce que quelques instants, si tous les bébés qui naissent acceptaient pour une fois de ne pas hurler comme ils le font pour protester contre l'injustice et la torture dans le monde et si moi, moi, Lys Martagon, cent cinquante-sept centimètres de bas en haut, je décidais un jour de me taire pour de bon on pourrait écouter la symphonie des cœurs qui battent à l'unisson ici où nous habitons, mais tu pourrais aussi entendre les palpitations, des coeurs de Calcutta, de Rio de Janeiro, de Karachi, de Reykjavik, tu pourrais entendre le cri de l'ours polaire à la dérive sur son bout de banquise, tu pourrais entendre le dernier souffle de la vieille femme qui vient de s'éteindre dans un lit d'une clinique sur les bords de la mer Caspienne, tu pourrais entendre les milliers de voix qui s'élèvent un peu partout sur la planète, les voix de ceux qui ont faim, simplement faim, tu pourrais entendre le je t'aime murmuré par la bouche de l'homme dans l'oreille de la femme, tu pourrais entendre la fonte des neiges dans les montagnes rocheuses de l'Est américain [...] »

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13 juillet 2023 4 13 /07 /juillet /2023 10:03

Mon dîner avec Winston - Poche - Hervé Le Tellier - Achat Livre | fnac

Quand je vais à la librairie, j’achète parfois des pièces de théâtre. En voilà une d’Hervé Le Tellier qui n’est pas uniquement l’auteur de L’Anomalie mais a aussi publié pièces et poèmes.

                Charles s’apprête à recevoir Winston Churchill. Champagne, gratin, whisky, cigares, bain chaud. Nous sommes pourtant au XXIe siècle mais le narrateur et unique personnage de la pièce voit Churchill comme une sorte de modèle dont il connaît les discours, les événements historiques auxquels il a participé. Charles travaille à Tourisme Europe Service et reçoit des appels pour aider, assister et conseiller des gens sur la route. Il se fait embêter par un certain Rodriguez qui a crevé et ne trouve pas de roue de secours dans sa décapotable. Et Churchill qui tarde à venir...

Si la pièce est très/trop courte, elle m’a beaucoup plu, je pense à ceux qui connaissent mal Churchill : elle peut donner quelques infos essentielles sur le personnage, et à ceux qui connaissent très bien ce premier ministre britannique, elle est absolument délicieuse. C’est drôle, frais, léger, enlevé, le présent se mêle au passé, la grande Histoire et les extraits des authentiques discours du bonhomme au dépannage agité de Monsieur Rodriguez. Cette pièce a été une commande du comédien Gilles Cohen qui voulait un « seul en scène ». Les quelques extraits que j’ai vus m’ont l’air tout aussi réussis que le texte lui-même. Une belle découverte.

Winston aurait dit à son secrétaire quand il est venu le chercher aux toilettes parce qu’un ministre voulait lui parler : « Dites à lord Salisbury que je suis scellé aux cabinets et que je ne peux m’occuper que d’une merde à la fois ! »

« L’amour, mon petit vieux, crois-moi, c’est laisser l’imagination piétiner l’intelligence. »

Un énième échange avec Monsieur Rodriguez : « Mais ne désespérez pas, non. Car l’histoire n’est pas finie. Je peux vous promettre une chose. C'est que l'aube viendra. L'aube vient toujours à ceux qui savent résister. Elle sera éblouissante pour les braves, l’aube des renforts... L’heure de la dépanneuse viendra. »

Mon dîner avec Winston - Théâtre du Rond-Point Paris

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18 juin 2023 7 18 /06 /juin /2023 20:37

Ceci n'est pas une comédie romantique - C'est avant tout une histoire de  potes

Et je poursuis ma petite découverte complètement aléatoire de pièces de théâtre écoutées en courant…

Chris est seul dans son appart, assez désespéré parce qu’il sort depuis trop longtemps avec Mélanie, une perverse narcissique dont il ne parvient pas à se débarrasser. Il appelle tous ses anciens potes à la rescousse, personne ne répond sauf Camille. Elle est belle, survoltée et, contre toute attente, elle vient écouter son vieux copain avec qui elle avait monté un groupe de rock des années auparavant. La discussion tourne en engueulade, les blessures du passé sont réouvertes et ravivées, elle le contraint à écrire un sms de rupture envoyé trop vite à Mélanie, lui lui reproche d’accumuler les plans cul.

Géraldine Adams et Yanik Vabre interprètent parfaitement bien ces deux potes à la dérive, chacun avec ses bagages d’échecs, de frustrations et de non-dits. Le langage est cru, le rythme bien enlevé, on rit vraiment souvent, pas mal de répliques pourraient devenir cultes et même si on devine aisément la fin (et qu’on veut la voir arriver comme telle !) c’est un très agréable moment que j’ai passé. Se concentrer sur une histoire qui, de surcroît, est drôle, permet vraiment de faire passer les kilomètres plus facilement. Evidemment, je ne peux pas tellement évoquer la mise en scène puisque je n’ai rien vu mais la musique rock contribue à donner punch et vie à cette pièce bien fichue.

Disponible sur YouTube.

Ceci n'est pas une comédie romantique | Le Funambule Montmartre |  BilletReduc.com

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17 avril 2023 1 17 /04 /avril /2023 09:15

Arditi/Buyle, comme s'il en pleuvait - Sceneweb

Quand je cours, j’essaie d’alterner musique et podcasts, je suis aussi une adepte de la chronique du Masque et la Plume et de l’émission dominicale de Cécile Coulon. Mais parfois, je ne sais pas du tout quoi écouter. J’ai tenté une pièce de théâtre qui date de 2012 mais qui reste d’actualité.

Un soir Bruno, anesthésiste, la cinquantaine bien tassée, trouve sur la table basse du salon un billet de cent euros. Ce n’est ni lui, ni sa femme Laurence, directrice de maternelle, qui l’ont déposé ici, ils en sont sûrs. Après quelques discussions et réflexions, ils décident de se faire un bon resto avec ces sous. Le lendemain, ce n’est plus un billet qu’ils retrouvent mais plusieurs, au total quelque 1200 euros. L’affaire prend une autre tournure. Allez, ça ne peut être que la femme de ménage qui a les clés de l’appartement, qui a fait le coup. Oui mais pourquoi ? Ils l’interrogent plus ou moins subtilement, non ce n’est pas elle… Le surlendemain, ce sont plus de 35000 euros qu’on retrouve comme par magie. Laurence s’affole, Bruno va les dépenser en caviar, champagne, chez Vuitton ou chez Dior.

Comédie de boulevard assez loufoque, caustique et surtout efficace puisqu’on rit (oui, même en courant). Les acteurs remplissent leur mission : Bruno est celui qui va se laisser attirer voire envoûter par cet argent venu de nulle part, Laurence va se montrer plus raisonnable, mais peut-on se revendiquer homme de gauche et dépenser allégrement une si grosse fortune non méritée ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que le mérite ? Doit-on forcément avoir travaillé durement pour profiter de l’argent ? Une belle réflexion sans réponse univoque avec quelques piques bien envoyées aux nouveaux riches, aux anciens pauvres, à ce monde gouverné par l’oseille. Une pièce magnifiquement portée à bout de bras par Pierre Arditi et Evelyne Buyle. 1h25 de spectacle ont permis de distraire mes 19 kms de course.

Ce billet est surtout un prétexte pour vous demander quels sont vos podcasts préférés ou vos habitudes d’écoute.

« On n’est pas obligé de gagner de l’argent pour en avoir, qu’est-ce que c’est que ce raisonnement à la con ? »

« On peut porter du cachemire sans être forcément un salaud ! »

« Être de gauche, c’est pas forcément porter un pull qui gratte et manger du pâté de foie en boîte. »

La pièce est sur Youtube.

Comme s'il en pleuvait de Sébastien Thiéry - WebThéâtre : : Actualité des  spectacles, théâtre, opéra, musique, danse - Paris

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31 mars 2023 5 31 /03 /mars /2023 19:54

Juste la fin du monde, le livre de Jean-Luc Lagarce - Flammarion -  9782081518445 - Livre

 

J’ai lu la pièce avant de visionner l’adaptation de Xavier Dolan qui a remporté, en 2016, le Grand Prix du Festival de Cannes.

                Après douze ans d’absence, Louis retourne voir sa famille. Mises à part quelques cartes postales lapidaires, il n’a que peu donné de nouvelles. Cette fois, celle qu’il veut annoncer est de taille : il va bientôt mourir. Les retrouvailles sont à la fois étranges et tendues : entre la joie de revoir cet Ulysse qui a réussi sa vie loin des siens et cette rancœur tenace, subsiste quelque chose de bien moins palpable : ces êtres unis par le lien du sang ne se connaissent pas réellement, ne parlent pas toujours la même langue. Il y a ceux qui en disent trop, toujours, ceux qui se taisent, ceux qui essaient de calmer les tensions. Et peu de place pour Louis pour exprimer le peu qui lui reste à vivre.

Lire une pièce de théâtre n’est jamais facile et je lis souvent sur les blogs que peu aiment s’y coller. Pourtant, celle-ci peut se lire aisément si l’on aime la poésie. En effet, derrière les formulations très orales, les répétitions et les digressions qui miment bien les paroles échangées lors d’un repas de famille, se cachent de petits bijoux où la puissance du mot s’associe à l’urgence de vivre ou ne pas pouvoir vivre dans une famille. L’urgence de dire qu’on va mourir sans pouvoir l’exprimer. Le texte est très beau, humain, bouleversant et mélancolique. Le film de Dolan s’est bien saisi de cette ambiance familiale très étriquée, une geôle où il est difficile de s’échapper. Les tensions sont encore plus exacerbées que dans la pièce, chacun vit sa vie sans réellement croiser l’autre, les nombreux gros plans et très gros plans insistent sur cet aspect intimiste. Le texte n’est pas complètement respecté, certaines répliques sont résumées, d’autres ajoutées (des injures notamment). Le dénouement n’est pas le même dans le texte et dans le film : au cinéma, le dernier plan montre Louis qui n’a pas réussi à parler et qui quitte la maison avec l’image de ce petit oiseau mort (dont il est tout de même très facile d’interpréter la signification) à ses pieds. Dans la pièce, j’ai trouvé la fin moins violente, un monologue fait état des souvenirs heureux de Louis, de sa nostalgie à les quitter maintenant qu’il est mort. Il suit une tirade de son frère Antoine qui exprime à la fois l’incompréhension, le manque de communication et l’amour maladroit dont la famille a toujours fait preuve. Une pièce riche – Jean-Luc Lagarce se savait déjà condamné lui aussi quand il l’a écrite, ses mots résonnent avec force et poésie.

A noter, la très belle interprétation de Louis par le regretté Gaspard Ulliel, touchant et très doux.

Antoine : « Il faut toujours que vous me racontiez tout, toujours, tout le temps, depuis toujours vous me parlez et je dois écouter. Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu'ils veulent entendre, mais souvent, tu ne sais pas, je me taisais pour donner l'exemple. »

Antoine : « tu m'accables,

tu nous accables,

je te vois, j'ai encore plus peur pour toi que lorsque j'étais enfant,

et je me dis que je ne peux rien reprocher à ma propre existence,

qu’elle est paisible et douce

et que je suis un mauvais imbécile qui se reproche déjà d'avoir failli se lamenter,

alors que toi,

silencieux, ô tellement silencieux,

bon, plein de bonté,

tu attends, replié sur ton infinie douleur intérieure dont je ne saurais pas même imaginer le début du début. »

Juste la fin du monde aux César 2017 : la critique — madmoiZelle.com      

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14 février 2023 2 14 /02 /février /2023 14:44

 

Madame Pylinska et le secret de Chopin, Éric-Emmanuel Schmitt | Livre de  Poche

Je ne pouvais pas ne pas faire de billet sur ce spectacle absolument bouleversant. Pour la petite anecdote, j’y suis allée avec ma grosse valise pleine d’a priori, à savoir, Eric-Emmanuel Schmitt est certes un bon romancier (excellent pour certaines de ses œuvres mais pas toutes), un superbe conteur mais certainement pas un bon comédien. Et puis, ce spectacle, ça doit être une démonstration d’auto-flagornerie, bref, le type pour moi était un peu pédant et prétentieux. Eh bien, j’en ai pris pour mon grade !

A l’âge de neuf ans, Éric entend jouer de la musique sur le piano familial véritablement pour la première fois ; c’est sa tante Aimée qui lui a montré que la musique de Chopin surtout, pouvait l’emmener « ailleurs », dans un univers sublime et merveilleux. Éric attendra sa majorité et ses études à Paris pour reprendre les cours de piano auprès d’une certaine Mme Pylinska, une dame d’une cinquantaine d’années, très particulière, acariâtre et fantasque, qui multiplie les conseils aussi fantaisistes qu’incompréhensibles. Éric ne jouera pas tout de suite sur l’instrument. Non. Son premier devoir est d’aller, tous les matins, au jardin du Luxembourg, cueillir des fleurs sans en ôter la rosée. Il apprendra ainsi la délicatesse du doigté. Pour comprendre à quel point main droit et main gauche sont à la fois dissociées mais complémentaires, il devra observer longuement le jeu du vent dans les feuilles des arbres (la main droite) ainsi que la stabilité du tronc sous le souffle (la main gauche). Il s’agira encore de faire des ronds dans l’eau ou de faire l’amour très lentement et de regarder l’être aimé dans les yeux. D’incompréhensions en sautes d’humeur, Éric se laissera finalement apprivoiser par cette grande dame qui, en plus de lui apprendre à vraiment jouer du piano avec âme et émotions, lui enseignera à vivre son existence pleinement, à trouver la bonne « porte ».

Eric-Emmanuel Schmitt a écrit ce récit en 2018 et cette adaptation théâtrale a été mise en scène par Pascal Faber. L'auteur-comédien endosse plusieurs personnages : lui-même, Mme Pylinska ou encore Aimée, cette tante adorée qui lui révélera son secret ainsi que le « secret de Chopin ». L’auteur se révèle être sur scène incroyablement talentueux, il porte la voix avec justesse, change de personnage avec brio, rend honneur aux mots magnifiques qu’il a lui-même écrits. Cette virtuosité et cette élégance sont accompagnées d’un pianiste, pas n’importe lequel, Nicolas Stavy subjugue le public avec Chopin, nous permettant de découvrir ou de redécouvrir ses plus belles œuvres. L’ensemble -près de deux heures de bonheur- se révèle être drôle, tendre et d’une bouleversante beauté ; en nous révélant un pan de sa vie, Schmitt nous renvoie à l’essence même de notre existence. Sur une musique de Chopin à se damner ! Je ne suis pas la seule à être sortie de là complètement retournée et fascinée avec des étincelles enchanteresses dans les yeux. Si vous le pouvez, courez voir Monsieur Schmitt, il tourne dans de petites salles de province en France et en Belgique jusqu’en avril.

COUP DE COEUR !

Les dates : https://www.eric-emmanuel-schmitt.com/news.cfm?nomenclatureid=1788&newsid=636

« Ecris ! Ecris toujours en pensant à ce que t'a appris Chopin. Ecris piano fermé, ne harangue pas les foules. Ne parle qu'à moi, qu'à lui, qu’à elle. Demeure dans l'intime. Ne dépasse pas le cercle d'amis. Un créateur ne compose pas pour la masse, il s'adresse à un individu. Chopin reste une solitude qui devise avec une autre solitude. Imite-le. N’écris pas en faisant du bruit, s'il te plaît, plutôt en faisant du silence. Concentre celui que tu vises, invite-le à rentrer dans la nuance. Les plus beaux sons d’un texte ne sont pas les plus puissants, mais les plus doux. »

Valréas, Nuits de l'Enclave : « Madame Pylinska et le secret de Chopin »,  de et avec Eric-Emmanuel Schmitt. Le 18/7/22

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1 décembre 2022 4 01 /12 /décembre /2022 10:55

Ça fait trop longtemps que je n’avais pas parlé de théâtre… surtout que je m’étais fait la promesse de rendre régulièrement hommage à Molière en cette année anniversaire de sa naissance. D’une pierre deux coups !

Je ne vais pas résumer cette pièce de caractère en cinq actes où Molière se moque des femmes prétentieuses mais aussi des écrivains trop pédants. Il me faut évoquer la formidable mise en scène d’Agnès Larroque : cinq femmes tiennent tous les rôles de la pièce et ça se passe dans une cuisine à notre époque. Les comédiennes, extraordinairement dynamiques et douées pour se grimer, se changer et se perruquer en quelques minutes, nous emmènent dans un univers déjanté et psychédélique où les personnages boivent du champagne en se battant à coups de poireaux, font des doigts d’honneur et montrent leur soutif. Le corps et ses multiples possibilités est manipulé autant que la voix est travaillée et les alexandrins prononcés de tant de manières différentes qu’on a le tournis. Un remarquable mélange entre l’univers des Deschiens et celui d’un Buster Keaton pour de talentueuses comédiennes qui courent, dansent, volent, sautent, mangent, brillent par leur maestria. Bravo ! Quelle belle manière de découvrir Molière pour des non-initiés ! C’est drôle, complètement barré et résolument provocateur.

Heureusement pour vous, la troupe joue encore la pièce, et en province s’il vous plaît. Ne la ratez pas si elle passe près de chez vous : https://www.compagniedudetour.com/copie-de-saison-2021-2022

la bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=O9pR7SykUsQ

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20 août 2022 6 20 /08 /août /2022 22:40

La loi du silence - Barbara Schmutz - Edilivre

Une courte pièce de théâtre en 4 actes.

Un homme vient de mourir. Il parle avec une « voix » invisible qui le questionne sur sa vie. Très vite, on comprend que cet homme, un pasteur décédé à 85 ans, a semé le mal toute sa vie, avec sa fausse piété, l’argent sale, son attrait pour la pornographie et surtout les attouchements qu’il a commis sur les enfants de son entourage, notamment ses propres enfants. La voix permet à l’homme de revivre certaines scènes, notamment celle entre la fille Anna et son mari, alors qu’elle vient de se faire engrosser par son père. Une autre qui prouve que le monstre a abusé sexuellement de deux nièces.

Vous l’aurez compris, cette pièce sur le viol et l’inceste est sordide et glaçante. Comment démontrer en quelques dizaines de répliques qu’un homme a passé sa vie à blesser, torturer et briser d’autres êtres. En une pseudo réponse mystico-religieuse, le responsable est laissé seul dans un endroit sombre et froid, sommé de trouver la bonne « façon d’aimer ». C’est maigre par rapport à toutes les horreurs déversées auparavant et ce livre laisse une traînée nauséabonde et malsaine dans son sillage. Certes, le sujet est à évoquer mais le cogner ainsi entre quelques pages sans lueur d’espoir et d’issue de secours, c’est dur pour le lecteur…

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10 août 2022 3 10 /08 /août /2022 15:48

Pinocchio - broché - Joël Pommerat, François Mouttapa, Nicolas Zouliamis -  Achat Livre | fnac

J’avais lu l’adaptation de Cendrillon il y a quelques mois, j’avais envie d’en découvrir plus sur cet auteur qui a le vent en poupe.

Un « Présentateur » nous explique la situation : Un homme solitaire décide de se mettre à sculpter un arbre tombé près de chez lui. Il façonne un modèle humain et entend, très rapidement, gémissements et cris de douleur. Le pantin se plaint « C’est long encore ? J’en ai marre. » Il réclame des habits et à manger puis revendique le droit de s’amuser et d’être riche. Le sculpteur devenu son père lui ordonne tant bien que mal d’aller à l’école. Mais bien avant d’y mettre les pieds, Pinocchio rencontre des escrocs qui l’emmènent voir une diva sur laquelle le pantin se jette. Le directeur de l’établissement, pris de pitié, donne de l’argent à Pinocchio qu’il devrait confier à son père mais Pinocchio enterre sa fortune sur les conseils des escrocs. Après un séjour en prison, Pinocchio fait encore une mauvaise rencontre et se retrouve pendu. C’est à ce moment-là que la fée le sauve et que son nez s’allonge à chaque mensonge proféré. Le pantin promet de changer, il devient un élève sérieux à l’école jusqu’à ce que « le mauvais élève » l’influence et l’attire au « pays de la vraie vie ». Des oreilles d’âne poussent alors sur sa tête. En un rien de temps, il se retrouve perdu en pleine mer puis coincé dans le ventre d’une baleine où il retrouve - miracle ! - son sculpteur de père. C’est grâce à une ruse de Pinocchio qu’ils sont enfin libres.

Je n’ai pas relu le conte de Collodi pour pouvoir réellement comparer les deux textes. J’ai été surprise de découvrir un Pinocchio cumulant tant de défauts : naïf, de mauvaise foi, ignorant, irrespectueux, ce n’est qu’à la toute fin, après l’épisode de la baleine, que le pantin deviendra garçon. Encore une fois, comme dans Cendrillon, Pommerat utilise le langage familier, modernise le conte pour produire un récit d’apprentissage fantasque et coloré. Les quelques extraits de la mise en scène que j’ai vus confirment le mélange des genres, la forte présence du merveilleux, l’humour associé à la musique et à l’art du cirque. Au-delà de la morale qui voudrait privilégier l’école, on peut y voir une belle métaphore de la vie, se casser la figure pour mieux avancer…

A noter, l'excellente collection des Ateliers Sud qui propose des documents d'accompagnement sur Pinocchio dans l'art contemporain et d'autres suppléments intéressants. 

« La fée : Est-ce que tu n’en as pas assez d'être cette sorte de créature sans cervelle ? Qui ne réfléchit à rien, qui finit en prison, cette chose un peu ridicule il faut bien le dire, ce pantin quoi ? qui va au-devant de tous les malheurs… ça ne te fatigue pas de ne pas être un vrai petit garçon ? »

« Le mauvais élève : Là où il y a la vraie vie… un endroit où on vit pas à moitié comme ici, l'endroit où on s'ennuie jamais, tu t'ennuies pas toi ici ? Tu réponds pas ? Alors dégage rentre chez toi, il fait nuit, tu vas te transformer en citrouille. Là où je vais ça s'appelle le pays de la vraie vie, c'est un endroit où il n'y a pas de temps mort. »

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