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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 12:31

 

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            Depuis quelques semaines, vous trouvez la vie trop joyeuse ? Les gens qui vous entourent vous aiment, vous leur rendez bien et cette dimension trop prévisible de la vie commence à vous agacer ? La littérature française, quant à elle, vous paraît optimiste, limpide, sans surprise, toujours trop gaie ?  J’ai la solution pour vous !

            En quelques répliques, Marie Ndiaye nous transporte dans un univers sombre et féroce. Trois femmes : Mme Diss et ses deux belles-filles, Nancy et France. La scène se joue devant la maison du fils de Mme Diss, en pleine campagne, sous un soleil de plomb. La plus âgée n’est ici que pour réclamer de l’argent à son fils. Nancy, l’ex-femme du même type, est là en quête d’informations. Elle a abandonné son enfant à son père, l’enfant – Jacky – est mort mystérieusement. Mme Diss lui raconte alors, sur le ton indifférent de celle qui s’en fiche que le père a longuement maltraité son fils avant de l’enfermer dans une cage avec des vipères. France, elle, admire ouvertement Mme Diss mais elle reste sous la domination tyrannique de son mari (le fils de Mme Diss) qui n’apparaîtra jamais mais sera bien présent par son despotisme, voire son vampirisme. La métaphore du repas glisse discrètement le long des pages. Si le père a tué son fils, s’il l’a « mangé », c’est pour mieux revivre, pour puiser force et vitalité dans cet acte meurtrier.

            Cette lecture plus qu’inquiétante m’a donné froid dans le dos. La pièce porte bien son titre. Tout n’est que venin, perfidie et cruauté ! Qu’est-ce qu’on est loin du théâtre classique ! Cette pièce a quelques traits de famille avec le théâtre de Beckett, mais j’ai eu bien plus de mal à adhérer au style froid qui met en valeur les rapports de soumission et de persécution entre les personnages. Œuvre riche mais troublante, déstabilisante mais philosophique.

Quelques répliques :

« NANCY. – Et … mon pauvre garçon ?

MME DISS. – Par une certaine chaleur de la voix le père a du faire de moi son associée plus que je ne le pensais.

NANCY. – Tu battais le petit Jacky ?

MME DISS. – Je ne le battais pas mais je ne trouvais pas déshonorant qu’il fût battu, comme, semblait-il, il ne souffrait pas. S’il ne souffrait pas.
NANCY. – Il devait bien souffrir. »

 

            Notons que Marie Ndiaye a été, en 2009, l'auteur francophone le plus lu !

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13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 08:23

 

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            Les relations maîtres – valets à la sauce Guitry, voilà ce que nous propose cette pièce en trois actes.

            Le rideau s’ouvre sur Madeleine, la femme de chambre et Adèle, la cuisinière, qui papotent tranquillement dans la cuisine. De qui parlent-elles ? De leur patronne, évidemment ! Odette Cléry vit presque à temps complet avec son « ami », Félix, ministre des Postes. Entre fourneau, évier et verres de rouge, ça cause, ça jase, ça critique. Les patrons rechignent à engager une autre personne  pour leur séjour à Deauville où ils ont pourtant l’intention d’inviter plein de monde. Finalement, un candidat se présente, un valet de chambre nommé Désiré. Le jeune homme en question est très présentable, il plaît et a d’excellents certificats rédigés par ses anciens patrons. Mais un problème se pose, celui-là même qui a conduit Désiré au licenciement : Odette a appelé l’ancienne patronne du valet qui lui a avoué quelque chose qu’elle avait tu dans sa lettre de recommandation.  Il s’est passé quelque chose de très intime entre elle et son employé d’alors. Désiré lui-même passe ingénument aux aveux : « que Madame passe en revue toutes les choses qu’un homme et une femme peuvent faire quand ils sont seuls… ». L’ancienne patronne s’était donc vue contrainte de licencier Désiré suite à leur aventure d’une nuit. Désiré promet à une Odette offusquée que cela ne se reproduira plus, que, de toute manière, « Madame » ne lui plaît pas particulièrement. Odette l’engage, mi-amusée, mi-intriguée.

            Désiré se révèle être un serviteur dévoué, précis, prompt et attentionné. Au bout de quelques jours, Félix informe sa compagne d’un fait bien étrange : depuis une semaine, elle parle dans ses rêves érotiques de son valet de chambre. On ne contrôle pas ses rêves, bien entendu, Odette elle-même s’étonne et s’en veut. Parallèlement, en cuisine, les domestiques se moquent des rêves trop bruyants d’un Désiré qui paraît amoureux de sa patronne. Ce thème de l’amour forcément interdit entre une patronne et son valet m’a semblé nouveau et subtilement décrit par Guitry. La comédie des apparences n’est pas en reste. Félix est un ministre, « or, ces hommes-là, pour avoir l’air un peu parisien, il faut bien qu’ils aient des maîtresses », d’ailleurs quand Félix craint pour son place, il pense épouser Odette.

            Le rideau tombe sur cette jolie réplique de Désiré : « Le bon Dieu a dû me foutre le cœur d’un autre, à moi, c’est pas possible ! »

            Après Molière et Marivaux, Guitry titille et secoue lui aussi le monde bien établi des petits bourgeois et de leurs valets bien plus intelligents qu’eux, mais il est encore tendre et même sentimental, c’est peut-être dû à la jeunesse de l’œuvre… Et comme toujours, certaines phrases et répliques sont à noter :

-         « Je crois que quand on s’aime pour plus d’une raison, c’est qu’on ne s’aime pas vraiment. »

-         Les femmes et leur accoutrement : « D’ailleurs, vous vouez vous épatez entre vous, femmes ! … D’ailleurs, les hommes qui s’imaginent que les femmes s’habillent pour eux sont des naïfs ! … Vous ne vous habillez pas pour les hommes… vous vous habillez contre les femmes ! »

-         « c’est rigolo, n’est-ce pas, les patrons… ils nous font venir devant eux, ils vous regardent sur toutes les coutures, ils vous posent cinquante questions, on leur répond ce qu’on veut, et c’est nous qui sommes tout de suite fixés. Nous, nous savons chez qui nous entrons, et eux, ils ne savent pas qui ils prennent. »

 

            Comme le prouve l'illustration, on a adapté la pièce au cinéma (comme souvent chez Guitry qui était aussi cinéaste... et comédien!). N'est-elle pas superbe et kitsch à souhait, cette affiche? (sortie du film : décembre 1937.)

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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 12:45

 

            Je n’ai jamais rien lu de Sacha Guitry mais je connais, comme tout le monde sans doute, ses bons mots et ses allusions misogynes. Cette pièce en quatre actes a connu un grand succès et a été représentée pour la première fois au Théâtre des Bouffes-Parisiens en octobre 1916.

            Le premier acte nous présente un mari et sa femme en train d’attendre dans le salon d’un Monsieur qui les avait conviés à venir à quatre heures moins un quart. Le mari s’impatiente car il a un rendez-vous de la plus grande importance à quatre heures avec un Américain du Sud qu’il doit revoir le soir même. On comprend rapidement que c’est d’une femme qu’il s’agit. Son épouse n’est pas dupe, elle propose d’ailleurs subtilement à son mari de l’accompagner à sa soirée. Il est quatre heures passées, le mari quitte l’appartement.

Surgit alors celui qui s’appellera « Lui », beau garçon, « heureux de vivre, content des autres, enchanté de soi ». Il avoue que ce rendez-vous n’était qu’un prétexte pour la voir, « Elle ». Il savait que son mari devait partir à quatre heures. Elle répond à son amour en acceptant de revenir ans son appartement le soir même.

            L’acte II n’est qu’un long monologue de Lui. Il a fixé rendez-vous à sa maîtresse qui ne l’est pas encore mais il doute, hésite, craint qu’elle ne vienne pas, imagine l’itinéraire qu’elle prend pour le rejoindre. Ce passage est d’un savoureux ! Une vraie prouesse d’acteur qui passe par tous les sentiments, qui imite, qui singe, qui mime, qui se prend pour un autre, qui feint d’être plusieurs. Un plaisir !

            L’acte III réveille les amants tendrement enlacés dans le lit. Hélas, la nuit est passée, tous deux se sont endormis et il est déjà huit heures du matin ! Pour la femme, c’est abominable, pour l’amant, c’est charmant : « Vous ne vous rendez pas compte que nous sommes en train de vivre des minutes incomparables… inoubliables ». A court de mensonges, il lui propose le mariage. Lorsqu’elle est presque convaincue, on frappe à la porte et c’est le mari qui appelle à l’aide. Lui aussi s’est laissé aller à oublier l’heure cette nuit, il a découché tout comme sa femme ! L’amant rusé l’envoie chez une vieille tante ; son excuse sera qu’il sera allé la voir pour la soigner. Il lui ordonne de ne revenir que deux jours plus tard.

            Les deux jours ont passé. La femme est seule à l’acte IV. Elle rédige une longue lettre pour son amant momentanément sorti. Elle ne peut rester avec lui et veut retrouver son mari. Le rideau se ferme sur les retrouvailles entre les deux amants qui se font une joie de profiter des quelques heures qu’il leur reste.

 

 

            Personne n’est épargné dans ce vaudeville. Point de victime, point de coupable dans ce trio amoureux délirant et fantasque. Mensonges et faux-semblants sont la clé de cette pièce drôle et légère. Le personnage féminin de la pièce s’appelle « la femme » quand elle est avec son mari (elle est l’épouse en fait), et simplement « Elle » quand elle est avec son amant…

 

Quelques pépites :

 

         « Etre marié !... ça, ça doit être terrible. Je me suis toujours demandé ce qu’on pouvait bien faire avec une femme en dehors de l’amour ».

         « Pourvu qu’elle ne soit pas malade !... Elles ont toujours quelque chose, c’est vrai. On dirait qu’elles ont deux fois plus d’organes que nous ! … Pourvu, surtout, mon Dieu, qu’elle n’ait pas réfléchi. Car elles ne font que des bêtises quand elles réfléchissent ».

         « Elle – Pourquoi nous serions-nous disputés ?

               Lui – Vous êtes mariés ! »

         « un assassin, c’est un cambrioleur qu’on dérange »

 

            Sacha Guitry écrivait et jouait ses pièces, nous lui devons pas moins de 150 pièces et il a abordé tous les genres… il passait pour misogyne mais il s’est tout de même marié cinq fois !

                                       

 

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 09:40

 

 

            C’est avec un réel plaisir que je me suis replongée dans une lecture d’Anouilh, un dramaturge que j’aime beaucoup. Cette pièce en deux actes est à la hauteur de son talent.

            Le ton est donné d’entrée de jeu : c’est l’Auteur qui parle. « Ce qu’on va jouer ce soir, c’est une pièce que je n’ai jamais pu écrire. J’en ai écrit beaucoup d’autres, que vous avez eu l’indulgence d’applaudir, depuis bientôt trente ans… ». C’est donc une pièce inachevée qui nous est proposée. Un policier dans lequel la cuisinière d’une maison appartenant à un comte a été tuée. Un commissaire intervient pour questionner le personnel et les tous les habitants de la maison. On entre alors dans cette maison par l’intermédiaire de ce décor sur deux étages (la cuisine et l’étage des pauvres en bas ; le salon des riches en haut), mais on entre aussi dans le quotidien de leur vie. Comme l’Auteur n’a pas pu écrire la suite de la pièce, ce sont les personnages eux-mêmes qui la poursuivent, à leur façon.
            Jolie réflexion aux accents pirandelliens sur l’écriture, sur le lien entre l’auteur et ses personnages. L’Auteur s’attendrit devant ses personnages, doute, s’interroge et les interroge mais il ne semble plus maîtriser la situation à partir d’un moment. « Qu’est-ce que vous voulez faire avec des personnages comme ça ! » ; « Ah ! je me demande bien pourquoi je l’ai inventé, celui-là ! » ; « C’est bien simple, je ne sais plus où on va ! », le Commissaire lui  répond : « Soyez énergique. Intervenez. Montrez-leur le canevas de la pièce. » L’Auteur, piteux : « Je n’en avais pas ». Ou encore : « Qu’est-ce que vous racontez, Madame ? Et d’abord qui vous a permis de parler ? C’est insensé ! Je vais boire un café pendant l’entracte, je reviens… et ils parlent ! »

            C’est délicieux, j’ai toujours aimé les mises en abyme, sans vouloir faire un mauvais jeu de mots, je trouve cela vertigineux, on ne sait plus trop où on en est, la magie de la fiction est parfois brisée, on la relance, elle est entrecoupée de réflexions, il y a quelque chose d’intime dans ce procédé, presque d’indécent, l’écrivain se met à nu…

            Chez Anouilh, le talent ne s’arrête pas là. Le lecteur-spectateur assiste à une tragédie mais aussi à une comédie. On pleure et on rit, on passe, en l’espace de quelques répliques de la compassion à la légèreté.

            Et le style d’Anouilh !!! Il m’a toujours épatée. On nous apprend depuis tout petit qu’il vaut mieux éviter les « il y a », les « on » ou les « ça » à gogo, et chez Anouilh, ces petits mots très courants aspirent à créer une phrase simple, sobre et touchante. Vraie.

            Lorsque le séminariste demande à Adèle si ce n’est pas trop dur de se lever la première, l’hiver, elle lui répond : « Un peu. Au moment où on cherche les allumettes et où on allume la lampe qui sent le froid. Et puis, quand le petit bois a commencé à prendre dans le fourneau ; il y a un moment ou on est bien. On a presque peur que les autres s’éveillent. Les autres qui descendent, c’est la journée qui va recommencer. »

            Malgré les interventions de l’Auteur, l’intrigue se dessine, elle se fait tantôt policière, tantôt philosophique, tantôt sociale. Des thèmes comme la paternité, la relation maître-domestique, la condition de la femme ou le déterminisme social sont évoqués avec justesse dans cette « grotte » aux multiples sens, où on peut opposer les ténèbres à la lumière, le caché à l’apparent. D’où la phrase du commissaire « Il s’agit d’y voir clair, mais de ne pas y voir trop clair ».

Je pourrais citer les ¾ des répliques mais je vous offre mes préférées :

-         Réplique de Marie-Jeanne, la cuisinière, qui ne sert que le mauvais café aux riches et garde le bon pour le personnel : « ils auront vécu  toute leur vie sans savoir ce que c’était du café frais… Il y a des trous comme ça, dans la vie des riches… »

-         Le Petit : « Elle est morte maintenant. Et je ne dis jamais rien sur les morts. » Le Commissaire : « Tu sais, les morts, c’est des anciens vivants. Un salaud mort, ça ne fait pas un saint ».

-         Le Comte qui explique à son épouse que les classes sociales ne doivent pas se mélanger : « Je vous avais dit qu’il ne fallait jamais descendre en bas.  Chacun doit jouer son rôle là où le sort l’a placé. Le sort vous a placée dans les salons du premier étage ; quand vous avez besoin de quelque chose, ma chère, sonnez. C’est juste ou c’est injuste, mais il est malsain de se le demander. Sonnez, voilà tout. On montera. Mais ne vous préoccupez jamais de ce qui se passe dans les sous-sols. »

 

La Grotte, publiée en 1962, est une des Nouvelles pièces grinçantes.

 

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 10:21

            

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               Cette pièce est une comédie policière en trois actes.

Le lieu : une étude de notaire tranquille dans un quartier parisien.

L’époque : les années 60 – un soir d’automne.

L’action : une standardiste très bavarde, surnommée la Perruche découvre son patron poignardé. Hélas pour elle, le cadavre disparaît mystérieusement. On appelle l’inspecteur Grandin qui, couvant une mauvaise grippe, se montre furieux d’avoir été dérangé pour rien. Mais Alice n’en démord pas, elle a bien vu son patron, Maître Rocher, avec un poignard dans le dos. Alors, y a-t-il eu réellement crime ? Si oui, à qui profite-t-il ? Et qui est le coupable ? Autant de questions que ne manquent pas de se  poser la police et le personnel de l’étude. Mais qui sera le plus perspicace dans la résolution de l’énigme, l’inspecteur Grandin, alias « Le Poulet » ou la standardiste à la langue bien pendue ?

            Ce huis clos a le mérite d’allier comédie, farce et suspense. Les situations cocasses se multiplient, les caractères bien trempés s’affrontent et les nombreux rebondissements rendent la pièce pimentée et captivante.
Pour moi, ce n’est pas une simple lecture puisque dans le rôle de la Perruche, c’est moi qui m’y colle. Rôle de composition car dans la vraie vie, je ne suis pas la reine des pipelettes.

          Avec ma troupe que j’accompagne depuis maintenant dix bonnes années, nous jouerons six fois. Quand le trac cédera sa place au plaisir, ce sera le pied ! La première c’est le 11 mars, croisez les doigts pour moi ! ;-)

Un petit extrait :

« Bavarde quand je veux, quand ça m’arrange… Méfie-toi toujours des personnes qui parlent trop, c’est toujours pour ne pas te laisser le temps de réfléchir ! »

         Conséquence directe de deux semaines de répétitions intenses et de représentations : je serai sans doute un peu moins présente ici…

 

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3 septembre 2010 5 03 /09 /septembre /2010 16:48

 

Patrice a suivi la femme qu’il aime depuis trois mois, Jane, jusqu’à chez elle. Il est en colère parce qu’il sent qu’elle lui ment. En effet, Jane lui présente Bernard, son mari (qui en réalité son père). Puis Françoise, sa sœur enceinte et mère porteuse (c’est faux). Ce n’est que le début d’une avalanche de mensonges tous plus gros les uns que les autres. Patrice tente de suivre l’imagination débridée de son amoureuse mythomane couverte par sa famille. Son père s’est laissé embarquer plusieurs fois dans ses mensonges par le passé. Patrice va-t-il résister à cette succession de mensonges et de tromperies ? On devine la fin dès la deuxième page.


          Une comédie gentillette et un peu godiche qui ne vaut pas vraiment le détour. J’ai passé un agréable moment tout de même sans qu’il en vaille pour autant la peine d’en retenir une seule réplique.

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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 17:59

 

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Ce drame fait partie du recueil intitulé Le Théâtre en liberté. L’œuvre de Victor Hugo est une somme, et il le prouve une fois de plus dans ce volume qui contient des comédies mais aussi des drames, et qui mêle des thèmes variés.

La jolie Cyprienne et sa mère Etiennette sont dans une situation critique : le grand-père de la jeune fille, le major Gédouard est malade de puis deux mois, il donnait des cours de musique qui permettaient à la famille de subsister. Depuis son immobilité, les deux femmes sont ruinées et l’huissier s’apprête à saisir l’ensemble de leurs biens.

C’est l’arrivée de Glapieu qui va changer la donne. Glapieu est un des personnages hugoliens les plus extraordinaires. Clochard, il a quelque chose d’un Sganarelle ou d’un Arlequin ; philosophe, cynique, généreux et lucide, il est le maître des expressions bien frappées. Thème cher à Hugo, cet homme en haillons a commis un vol dans sa jeunesse et l’a payé le restant de ses jours. « C’est grave. Quinze ans et onze mois, on est un polisson, 15 ans et 13 mois, on est un bandit. » Il passera trois ans dans une maison d’éducation où il « apprend » à forcer des coffres-forts.

Ø  « La société s’est donné la peine de faire de toi un voleur, et n’entend pas en avoir le démenti ».

Ø  « J’étais venu à Paris dans l’intention de faire peau neuve et d’être l’ornement de la société » mais Glapieu est traqué : « je suis si essoufflé que je n’ai pas le temps de devenir vertueux. »

Glapieu, poursuivi par la police, demande à Cyprienne l’autorisation de traverser une chambre de leur appartement pour pouvoir s’enfuir par une autre fenêtre.

L’huissier arrive, ainsi que Rousseline, un traître cupide qui a été l’homme de confiance du grand-père Gédouard. Rousseline veut épouser Cyprienne, en échange, il annulera la dette de 30 000 francs. Le cœur de la jeune femme est ailleurs, elle aime Edgar Marc, qui, sans le sou, ne peut encore l’épouser. La situation rappelle de mauvais souvenirs à Etiennette qui a vécu la même histoire ; elle n’a pas été mariée au père de Cyprienne et celui-ci s’est volatilisé après avoir été soldat. Elle se fait passer pour une veuve pour dissimuler sa honte (quelle époque tout de même !).

Il est extrêmement ardu de résumer toute cette pièce. Etiennette retrouve son ancien amant qui se révèle être le baron de Puencarral, riche banquier. Les « mille francs de récompense » du titre sont ceux promis par le baron pour retrouver un portefeuille confié à Edgar, caissier chez le baron. Edgar a, en réalité, donné l’argent à la famille de sa bien-aimée, pour sauver le piano du grand-père. Glapieu finira par remettre le portefeuille et l’argent au banquier qui, ému par l’honnêteté de Glapieu, l’engage immédiatement comme gardien destiné à surveiller son coffre-fort. Ironie du sort !

A la fin, les amoureux sont réunis, les problèmes d’argent ne sont plus qu’un mauvais souvenir, et les retrouvailles entre le banquier alias Cyprien André et Etiennette sont dignes de Notre-Dame de Paris.

 

Cette pièce aux accents baroques, influencée par Molière ou encore par la commedia dell’arte, est difficile à mettre en scène et à jouer.

Il neige sur scène à certains moments. La scène est souvent divisée en compartiments, les répliques des personnages sont longues, les monologues nombreux. Certains passages sont chantés et costumés. On sait que l’univers carnavalesque est cher à Hugo, on le retrouve ici.

 

Une œuvre riche pour ce drame qui tient plus de la comédie dans certaines scènes. Et toujours et encore des phrases percutantes :

Rousseline :

Ø  « être heureux, c’est être riche ».

Ø  « la vertu finit où la bêtise commence ».

Glapieu :

Ø  « A peine a-t-on résolu ce problème, entrer, qu’il faut résoudre celui-ci, sortir. Voilà la vie. »

Ø  « le paradis, ce doit être cela, un homme qui a eu froid toute sa vie et qui trouve là-haut un bon feu, et qui étale dans la chaleur son onglée »

Ø  « Voyons l’affiche – Moi, je suis un liseur d’affiches. Les murs de Paris, c’est mon cabinet de lecture. »

Ø  « Remettons-nous un peu en marche. Pas de stationnement. Le stationnement est malsain. L’hiver le déconseille et la police le défend. »

 

 

 

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31 août 2010 2 31 /08 /août /2010 18:02

 

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Humour anglais. Famille atypique. Accointances inattendues. Style 1900

La scène d’exposition nous présente un couple original : Felicity et Henry-James, des Anglais aisés qui vivent dans le Sussex. La première est hypersensible, idiote et folle de son chien empaillée ; le second est douloureusement lucide, il n’aime pas ses enfants, n’aime pas sa femme qu’il avoue avoir épousé pour son argent uniquement. Vieux beau, il est cynique, moqueur, parfois méchant. Le fils, Bertram, est l’intellectuel de la famille, toujours fourré dans ses livres de philo. La fille, Priscilla, débarque avec son fiancé, son « Hubby », Hubert qui se joue d’elle. Priscilla est une dinde, son père en a conscience. « Le fait que mes enfants m’ennuient horriblement n’a pas desséché pour autant ma fibre paternelle. »

Hubert, le fiancé de Priscilla, attend son véritable amour, Coralie, pour réaliser son plan : lui épouse la fille de cette riche famille, elle le fils. Et ils fuient avec l’argent récolté. C’est donc affublé d’un essai d’Heidegger que Coralie fait son entrée dans la famille. Problème : Henry s’est immédiatement aperçu de l’entourloupe et c’est justement cette perspicacité, la fine intelligence du bonhomme qui séduit Coralie. Ils s’aimeront, presque devant les yeux des autres. Mais Henry aura la bonté d’âme de taquiner la jalousie et l’amour-propre de Hubert pour que ce dernier accepte de mettre une croix sur leur projet machiavélique et de fuir à Paris avec sa bien-aimée.

Encore une fois, Sagan nous propose une situation cocasse, des personnages frivoles et un ton léger qui, pourtant, cachent des réflexions plus profondes.

« Henry-James

On se rend compte qu’il faut être libre de tout pour être libre de soi. Et qu’il ne faut rien supporter, jamais, que la passion ; parce que justement, elle, n’est pas rassurante. 

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Henry-James

On ne se fatigue pas de quelqu’un, vous savez, en fait, on se fatigue d’aimer. D’éprouver de l’amour. On veut bien avoir froid si le chauffage saute, mais on ne plus avoir mal si le cœur en fait autant. Cela s’appelle l’expérience. »

 

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23 août 2010 1 23 /08 /août /2010 14:26

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En quête d’une pièce à jouer par une petite troupe d’amateurs, je suis tombée, un peu par hasard, sur celle-ci, fort sympathique.

Maud est une richissime quadragénaire qui convoque ses anciens copains de jeunesse dans sa grande propriété de Touraine. Il y a Henri, l’homme à femmes, marié à une jeunette de 20 ans ; Louis, l’éternel alcoolique aigri par la vie, Isabelle, l’épouse d’Henri, décrite comme une « oie » qui ne pense qu’à rejoindre ses amis de Saint-Tropez ; Edmond, un prof petit et gros, et Sylviane, la dame de compagnie de Maud qui en a ras-le-bol de sa maîtresse.

Maud s’ennuie et après avoir parcouru le monde et collectionné les amants, a trouvé un nouveau jeu : retrouver sa jeunesse, revivre ses 20 ans. Elle contraint donc ses amis à refaire les pique-niques et les balades d’antan qu’elle avait scrupuleusement notés dans son journal intime à l’époque. C’est drôle et léger mais ça ne fait pas rire tout le monde, les répliques se font de plus en plus grinçantes, Louis avouera d’ailleurs que « la jeunesse, c’est aussi dangereux à réveiller qu’un tigre ! ».

Maud n’a en réalité qu’un objectif : retrouver son ancien amour, son seul véritable amour, Jean-Loup. Il apparaîtra tel le Messie tant attendu dans le dernier quart de la pièce mais se révèlera décevant : homme d’affaires plein aux as, imbu de sa personne et finalement peu désireux de retrouver ses 20 ans.

La pièce se veut tragique quand on retrouve Maud, les veines tranchées. Elle survit et, plus sereine, reste avec Louis, le constant, le fidèle.

Des registres différents, des personnages pleins de défauts, une époque omniprésente, celle des années 60 et un ton grinçant, sarcastique et finalement, terriblement juste.

 

La difficulté est de trouver des acteurs qui aient tous entre 40 et 50 ans…

 

« Maud

Ta sciatique… c’est la famille des « iques » ici. Louis est alcoolique, Edmond hépatique, Sylviane  a une sciatique, et toi Henri… qu’est-ce que tu as, Henri ?

Louis

Henri est sympathique. C’est une maladie grave. Et toi, tu es dynamique, c’est une maladie grave aussi, pour les autres. »

 

« Louis

Tu es heureux quand tu te réveilles à l’aube et que ton cœur te chuchote que tu vas mourir un jour ? Tu es heureux quand tu te pèses sur ta balance ? Tu es heureux quand ta femme t’ennuie ou que tes enfants te déçoivent ? Tu es heureux quand tu te vois dans une glace ? »

 

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 21:26

 

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Je ne connaissais Labiche qu’à travers des extraits lus çà et là. Je suis un peu plus à l’aise avec Feydeau dont j’ai lu quelques pièces, une même que j’ai jouée.
Une première donc pour cette pièce
et peut-être une dernière (aïe !)

 

Fadinard est un rentier qui s’apprête à épouser Hélène - la jeune, jolie et naïve Hélène. Le matin même, son cheval mange malencontreusement le chapeau de paille d’Anaïs, une femme mariée qui était en train de fricoter avec un militaire. Ce dernier menace Fadinard de compromettre son mariage s'il ne retrouve pas un chapeau de paille d'Italie identique. Le mari d’Anaïs serait furieux si elle rentrait sans. S’en suit un va-et-vient continuel, des déplacements sportivement rocambolesques dans lesquels Fadinard sera accompagné de son beau-père qui, se doutant de quelque chose mais ne sachant rien répète sans cesse « tout est rompu ! ». Fadinard se rend chez une modiste en quête du fameux chapeau, la modiste n’est autre qu’une « ancienne » qu’il avait lâchement abandonnée. Pour se faire pardonner, il lui promet le mariage et voilà que notre bonhomme s’enfonce à chaque fois un peu plus dans les complications.
          Il faut lire la pièce en se préparant à du grand n’importe quoi. Les invraisemblances sont nombreuses, l’auteur frôle même l’absurde plusieurs fois, les personnages sont tous plus niais les uns que les autres, ce mouvement perpétuel donne le tournis !

J’imagine une mise en scène de la pièce et l’idée est vertigineuse ! Il y a foule sur scène, je rappelle que non seulement le beau-père de Fadinard le suit partout comme un petit chien, mais toute la noce, suit, elle aussi ! L'odyssée burlesque suppose aussi beaucoup de bruits, de mouvements, de tapages.

En creusant un peu bien sûr, on lit aussi dans cette pièce quelques jeux de mots délicieux, et surtout une satire de la petite bourgeoisie, une photographie authentique d’une époque, d’un milieu, d’un monde. Zola a d’ailleurs a donné son avis en ces termes : « Dans notre vaudeville contemporain, on n’a encore rien imaginé de mieux, d’une fantaisie plus folle ni plus large, d’un rire plus sain ni plus franc […]. Cette farce reste immortelle ». Immortelle peut-être mais elle ne connaît pas la modernité des pièces de Molière ni leur incontestable universalité !

Extrait du monologue de Fadinard (I, 4) :

 « Enfin... dans une heure, je serai marié... je n'entendrai plus mon beau-père me crier à chaque instant: "Mon gendre, tout est rompu!..." Vous êtes-vous trouvé quelquefois en relations avec un porc-épic? Tel est mon beau-père!... J'ai fait sa connaissance dans un omnibus... Son premier mot fut un coup de pied... J'allais lui répondre un coup de poing, quand un regard de sa fille me fit ouvrir la main... et je passai ses six gros sous au conducteur... Après ce service il ne tarda pas à m'avouer qu'il était pépiniériste à Charentonneau... Voyez comme l'amour rend ingénieux... Je lui dis: "Monsieur, vendez-vous de la graine de carottes?" - Il me répondit: "Non, mais j'ai de bien beaux géraniums." Cette réponse fut un éclair. "Combien le pot? - Quatre francs. - Marchons!" - Arrivés chez lui, je choisis quatre pots (c'était justement la fête de mon portier), et je lui demande la main de sa fille. - "Qui êtes-vous? - J'ai vingt-deux francs de rente... - Sortez! - Par jour! - Asseyez-vous donc!" Admirez-vous la laideur de son caractère! A partir de ce moment, je fus admis à partager sa soupe aux choux en compagnie du cousin Bobin, un grand dadais qui a la manie d'embrasser tout le monde... surtout ma femme... On me répond à ça: "Bah! ils ont été élevés ensemble! Ce n'est pas une raison... Et une fois marié... Marié!!! (Au public.) Etes-vous comme moi?... Ce mot me met une fourmi à chaque pointe de cheveu... Il n'y a pas à dire... dans une heure, je le serai... (Vivement.) marié!... J'aurai une petite femme à moi tout seul!... et je pourrai l'embrasser sans que le porc-épic que vous savez me crie: "Monsieur, on ne marche pas dans les plates-bandes!" Pauvre petite femme!... (Au public.) Eh bien, je crois que je lui serai fidèle... parole d'honneur!... Non?... Oh! que si!... Elle est si gentille, mon Hélène!... sous sa couronne de mariée!... »

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