Nous sommes en 2021, le psychologue comme les patients et comme tout le monde portent un masque, on veille à ne pas trop s’approcher des autres, bref, la Covid est passée par là. Au cabinet, les pathologies se développent liées à cette pandémie : peur de sortir, peur de mourir, besoin de se cacher derrière un morceau de tissu, tensions entre les antivax et les triples-quadruple-vaccinés. Côté vie personnelle, Sauveur a parfois du mal à être présent, il pense à ses patients, n’épaule pas toujours Louise qui fait ce qu’elle peut avec leur petite Léopoldine aux cheveux frisés et au caractère bien trempé. Lazare et Paul sont de vrais ados qui se font souvent la gueule. Alice, jeune adulte, fait n’importe quoi en attendant le retour de Gabin qu’elle aime toujours. Grégoire est la petite merveille de la famille, constamment de bonne humeur, et qu’il faudrait peut-être songer à adopter officiellement. Jovo est toujours là, avec ses remarques bourrues et ses conseils venus d’une autre époque. Bref, ça fourmille toujours autant au 12, rue des Murlins.
Cette série, nous la lisons ensemble, à voix haute, avec ma fille, depuis le début. Danaé avait 9ans1/2 à la lecture du premier tome, elle en a 15 maintenant. C’est dire que cette série nous tient à cœur... c’est dire aussi comme il a été compliqué de trouver du temps entre nos deux emplois du temps de ministre pour lire ensemble (toutes nos plates excuses aux adhérents de la bibliothèque qui ont attendu leur réservation pendant des mois !!). Eh bien, il faut l’admettre, le plaisir est intact, Lazare a grandi en même temps que ma fille, Sauveur et moi avons vieilli côte à côte et il y a un petit quelque chose du 12, rue des Murlins à l’intérieur même de nos murs. C’est incroyable de garder cette qualité sur sept tomes, de savoir savamment doser tendresse, humour, gravité, de multiplier les thématiques concernant la vie de chacun. Ma fille a conclu par un « c’est mon tome préféré » (elle a donc répété cette phrase 7 fois en six ans...) , moi je garderai en mémoire les efforts de Louise pour dompter la chevelure frisée de Léo et sa visite dans un salon de coiffure afro, Mme Dumayet qui a dû voir passer tous les enfants de la ville dans sa classe et ses vaines tentatives d’améliorer ses pratiques pédagogiques, Babette l’infirmière qui fait de son mieux pour humaniser son service de comateux, et bien sûr le planteur de la scène finale qui accompagne la révélation qui laisse imaginer un tome 8.
Jovo garde, exceptionnellement, la petite Léopoldine :
- Gueuda !
Puis elle tendit la main vers une grosse balle rouge qu'elle affectionnait. Ses esclaves habituels ramassaient tout de suite l'objet désigné pour lui permettre de le lancer à nouveau. Mais Jovo restait vissé sur son canapé.
- Gueuda ! tonna Léopoldine.
- C'est quoi ce que tu dis, la mouquère ? Tu peux pas parler français comme tout le monde ?
Léo comprenait que le vieil homme s'adressait à elle, mais sans manifester le moindre signe d'obéissance à ses désirs.
- C'est la balle que tu veux, ch’tiote ? Alors tu dis « balle » ou t'auras peau de zébi.