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17 juin 2024 1 17 /06 /juin /2024 20:35

Des amitiés qui font grandir | Lelivrescolaire.fr

Eh non, je n’avais toujours pas lu ce qui semble être devenu un classique des robinsonnades.

Des garçons d’âge différent se retrouvent sur une île déserte suite au crash de leur avion. Ce ne sont que des enfants, certains sont très jeunes, d’autres un peu plus mûrs comme Ralph qui va tout de suite prendre le rôle du chef, assisté de Porcinet, ce petit garçon dodu et myope, pas très courageux mais intelligent et dont les lunettes vont permettre de faire du feu. Jack, lui, rassemble autour de lui les « chasseurs » occupés à chercher de la nourriture. Cette île a tout du paradis : bassins d’eau chaude, températures idéales, recoins gorgés de fruits délicieux, nuages de papillons, étendues de fleurs, eaux transparentes et zéphyrs bien agréables. « On peut rester ici jusqu’à ce qu’on meure » ne sera cependant pas longtemps valable. Ralph a bien conscience qu’il faut maintenir un feu allumé et une fumée assez haute pour attirer les éventuels secours. Mais Jack et ses copains ne l’entendent pas de cette oreille, c’est l’appât de la chasse et du gibier qui va être le plus fort et les enfants vont entrer dans un conflit qui tournera mal... très mal.

J’ai beaucoup aimé cette lecture, plus que je l’imaginais. En plus d’être une robinsonnade avec ses étapes plutôt prévisibles : des règlements à suivre (ou pas), la construction de cabanes, les bagarres, les amitiés créées, la peur d’un monstre, ... elle propose aussi une subtile réflexion sur l’appartenance à un clan, le passage à l’âge adulte, la tyrannie, la barbarie. Disons-le, ces gosses nous fichent quand même sacrément la frousse et certains deviennent vite des sauvages que l’humanité semble avoir quitté. Petite dédicace à Porcinet, ce petit sage précautionneux, affublé de sa conque, symbole de civilisation et de solidarité qui connaîtra la même destinée que lui. Une grande force, plus qu’une force, une violence, est insufflée dans le dénouement bouleversant et tragique qui crée de légitimes suspicions quant au genre humain. Roman classé littérature jeunesse (mon édition le destine à des 5è) qui me paraît ardu et complexe pour des petits, je dirais plutôt que c’est un texte intemporel aux allures de fable, riche, dérangeant et percutant que je suis bien contente d’avoir enfin lu.

J’adore cet incipit qui pose deux enfants que tout oppose sur un bout d’île paradisiaque : "Le garçon blond descendit les derniers rochers et se dirigea vers la lagune en regardant où il posait les pieds. Il tenait à la main son tricot de collège qui traînait par terre ; sa chemise grise adhérait à sa peau et ses cheveux lui collaient au front. Autour de lui, la profonde déchirure de la jungle formait comme un bain de vapeur. Il s'agrippait péniblement aux lianes et aux troncs brisés, quand un oiseau, éclair rouge et jaune, jaillit vers le ciel avec un cri funèbre ; aussitôt, un autre cri lui fit écho : « Hé, attends une minute, dit une voix. » [...] Celui qui parlait sortit à reculons des broussailles et des brindilles s'accrochaient à son blouson graisseux à la pliure des genoux, des épines mordaient sa peau nue et grassouillette. Il se baissa, les enleva soigneusement et se retourna. Plus petit que le blond et très gras, il s'enfonça en cherchant les endroits où poser les pieds et il leva les yeux derrière ses lunettes à verres épais."

Le premier cochon est enfin tué, sa tête devient un totem  : " Point d'ombre sous les arbres, mais partout une immobilité nacrée qui enrobait d'irréel la réalité et en effaçait les contours. Le tas d'entrailles formait une masse grouillante de mouches qui bourdonnaient avec un bruit de scie. Gorgées, elles se précipitèrent sur Simon pour pomper la sueur qui lui dégoulinait sur le visage. Elles lui chatouillaient les narines et jouaient à saute-mouton sur ses cuisses. Innombrables, noires et d'un vert irisé. Devant Simon, pendue à son bâton, Sa-Majesté-des-Mouches ricanait."

 

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14 juin 2024 5 14 /06 /juin /2024 07:56

La grande fête de rien du tout, tome 1 de la série de BD Pépin et Olivia -  Éditions Dupuis

Pépin est un petit garçon malin, espiègle, tête en l’air, qui n’aime pas l’école mais, par ses étourderies, vit parfois des aventures hors du commun. Avec sa grande sœur Olivia, ils s’aiment et se détestent, jouent ensemble et s’agacent aussi.  Aujourd’hui est un jour particulier, celui de la « fête » : très tôt, Pépin attend les invités, ne tient plus en place (« j’ai trop d’énervement dans les jambes... elles gigotent toutes seules »). La mère envoie les deux enfants dehors chercher les copains et c’est l’occasion de se souvenir de petites anecdotes : « La petite bêtise » raconte une catastrophe parfum sorbet cassis ; lors de la recherche du « cartable perdu », Pépin retrouve surtout un caniche très chic et un sac de billes ; « Dans la forêt » narre une promenade en forêt avec mamie où tout le monde s’est perdu (et la vieille femme dans la cabane isolée n’était finalement pas une méchante sorcière), « Le petit-déjeuner de cow-boy » permet à père et fils de se retrouver à l’aube, dans la campagne, et d’observer le réveil de la nature ...

Ce bon gros album se déguste avec plaisir, comme souvent avec Camille Jourdy c’est doux et tendre sans être guimauve. Certains se retrouveront sans doute dans ces jeux d’enfants (où les écrans sont absents), la candeur et l’innocence des propos de ce petit Pépin sonnent très justes. Les personnages allant des enfants au père de famille avec ses recettes loufoques (le cake thon-vanille n’est pas apprécié par sa femme, trop polie pour le dire) en passant par le voisin grincheux qui s’extasie devant les premiers flocons de neige, les personnages sont tous attachants. Les dessins comme les couleurs baignent dans cet esprit de jeu, de créativité, de bonne humeur. Pépin haut comme trois pommes (c’est le cas de le dire) étonne et nous fait sourire avec son esprit pragmatique et enfantin, ses remarques ingénues et pourtant pleines de bon sens. Et puis, c’est bon, exceptionnellement, de plonger dans un univers dénué de méchancetés, de guerre et d’horreurs. Merci pour cette douce parenthèse arc-en-ciel.

A mettre entre toutes les mains !

J’avais déjà pu apprécier le talent de l’autrice pour Rosalie Blum et Juliette.

 

La famille recueille et décide d’adopter un chaton :

- C’est le plus beau jour de ma vie !!

- Carrément ?

- Tu parles... Il dit tout le temps ça... Déjà la semaine dernière c’était pareil quand mamie lui a offert son jeu de construction.

- Ben quoi ? C’est normal que quand on est petit les plus jours de la vie changent souvent. 

Paloma, la petite copine, aime beaucoup Pépin :

- Et si on disait que loi j’étais une petite Indienne et toi un petit cow-boy ?

- Oui mais tu sais ils ne sont pas tellement copains les cow-boys et les Indiens...

- Ben dans mon jeu à moi ils sont très copains et même qu’ils vont se marier... 

Le voisin grognon :

- Sois raisonnable et arrête de faire l’enfant !

- Je suis un enfant !! 

Pépin et Olivia #1 | BoDoï, explorateur de bandes dessinées - Infos BD,  comics, mangas

 

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7 mai 2024 2 07 /05 /mai /2024 15:37

Page des Libraires

« C’est l’histoire d’une famille, d’une maison et d’un pays. » Un narrateur s’adresse ainsi à Saule et jusqu’aux dernières pages, on ne saura rien de ce fameux Saule, et, au fil de la lecture, de plus en plus au sujet de ce mystérieux narrateur. C’est d’abord avec deux frères, Marty et Anzême, que nous partons à la campagne, dans le Morvan, dans une ferme qui s’appelle Les Chaumes. Nous sommes en 1914, dans la chaleur de l’été, il faut constamment surveiller Marty qui, simplet, cumule les bêtises. Anzême qui est marié à la belle Clairette, est contraint de troquer ses frusques de paysan pour l’uniforme de soldat car il est appelé à faire la guerre. Marty, resté à la ferme, se rapproche dangereusement de Clairette et ce qui était à craindre arriva : Clairette tombe enceinte de Marty sans que personne ne le sache. Le père de famille, Cytise, flairant cependant la vérité, va se battre avec son fils jusqu’à le tuer, involontairement. Charme, le fils de Clairette et Marty, va longtemps vivre avec ce secret. Un fils va naître, et un petit-fils... entre la province et Paris, les histoires vont se raconter, toutes différentes.

Quelle saga incroyable ! De 1914 à 2022, nous suivons avec passion cette famille Balaguère, ces générations d’hommes qui se succèdent avec une violence tapie en eux qui les empêche parfois - souvent - de mener une vie paisible. Evidemment les différents événements qui jalonnent ces décennies jouent leur rôle de chef d’orchestre : Anzême revient des tranchées avec un bras invalide ; Charme, blessé, ne pourra faire preuve de bravoure en s’engageant dans la résistance pendant la Seconde guerre mondiale ; Aloes, son fils, reviendra traumatisé de la guerre d’Algérie avant de voir mourir un ami du Sida, ... Si l’autrice a réussi à nous faire aimer ses personnages, à nous attacher à cette histoire familiale, je crois que je suis restée encore plus émue face à cette vue panoramique de tout un siècle que nous avons toutes tous, en partie, partagé. Les chapitres sont courts, les ellipses et les résumés judicieux, et, surtout, le roman gagne en profondeur et en intensité au fil des pages. Il serait intéressant d’avoir le point de vue d’un lecteur bien plus âgé ou, au contraire, celui d’un jeune qui n’a en mémoire que les dix dernières années. Pour ma part, les années 80-90 restent celles de ma jeunesse et Anne-Laure Bondoux a su les remémorer suffisamment bien pour me faire monter les larmes aux yeux. Qu’on se le dise, il n’y ni héros ni happy end, simplement un très beau roman, authentique et juste, à lire à tout âge. Rien que pour avoir eu constamment en tête la maison de ma toute petite enfance, ses étés, son jardin, sa vie dehors, c’est un COUP DE CŒUR.

Le roman a obtenu la récompense suprême au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse : « Pépite d’or ».

(des illustrations de la fille de l'autrice ponctuent agréablement le livre.)

J'avais adoré, de la même autrice : Et je danse, aussi 

« C'est le plus mauvais choix que je puisse faire : celui qui, de dissimulation en mensonge, va me conduire à devenir mon propre ennemi. Mais ce jour-là, fidèle aux hommes de ma famille, j'obéis à ce code d'honneur désastreux qui exige de nous, depuis la nuit des temps, d'avoir l'air fort alors que nous ne le sommes pas. »

« Est-ce que le monde serait moins violent si les hommes pleuraient plus souvent ? Est-ce qu’Hitler savait pleurer ? Est-ce que Vladimir Poutine sait pleurer ? Nous avons traversé tant d'orages. Saurons-nous encore traverser ceux qui s'annoncent ? J'espère que oui. »

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22 février 2024 4 22 /02 /février /2024 11:34

Sauveur & fils Saison 7 | L'école des loisirs, Maison d'Édition Jeunesse

Nous sommes en 2021, le psychologue comme les patients et comme tout le monde portent un masque, on veille à ne pas trop s’approcher des autres, bref, la Covid est passée par là. Au cabinet, les pathologies se développent liées à cette pandémie : peur de sortir, peur de mourir, besoin de se cacher derrière un morceau de tissu, tensions entre les antivax et les triples-quadruple-vaccinés. Côté vie personnelle, Sauveur a parfois du mal à être présent, il pense à ses patients, n’épaule pas toujours Louise qui fait ce qu’elle peut avec leur petite Léopoldine aux cheveux frisés et au caractère bien trempé. Lazare et Paul sont de vrais ados qui se font souvent la gueule. Alice, jeune adulte, fait n’importe quoi en attendant le retour de Gabin qu’elle aime toujours. Grégoire est la petite merveille de la famille, constamment de bonne humeur, et qu’il faudrait peut-être songer à adopter officiellement. Jovo est toujours là, avec ses remarques bourrues et ses conseils venus d’une autre époque. Bref, ça fourmille toujours autant au 12, rue des Murlins.

Cette série, nous la lisons ensemble, à voix haute, avec ma fille, depuis le début. Danaé avait 9ans1/2 à la lecture du premier tome, elle en a 15 maintenant. C’est dire que cette série nous tient à cœur... c’est dire aussi comme il a été compliqué de trouver du temps entre nos deux emplois du temps de ministre pour lire ensemble (toutes nos plates excuses aux adhérents de la bibliothèque qui ont attendu leur réservation pendant des mois !!). Eh bien, il faut l’admettre, le plaisir est intact, Lazare a grandi en même temps que ma fille, Sauveur et moi avons vieilli côte à côte et il y a un petit quelque chose du 12, rue des Murlins à l’intérieur même de nos murs. C’est incroyable de garder cette qualité sur sept tomes, de savoir savamment doser tendresse, humour, gravité, de multiplier les thématiques concernant la vie de chacun. Ma fille a conclu par un « c’est mon tome préféré » (elle a donc répété cette phrase 7 fois en six ans...) , moi je garderai en mémoire les efforts de Louise pour dompter la chevelure frisée de Léo et sa visite dans un salon de coiffure afro, Mme Dumayet qui a dû voir passer tous les enfants de la ville dans sa classe et ses vaines tentatives d’améliorer ses pratiques pédagogiques, Babette l’infirmière qui fait de son mieux pour humaniser son service de comateux, et bien sûr le planteur de la scène finale qui accompagne la révélation qui laisse imaginer un tome 8.

Jovo garde, exceptionnellement, la petite Léopoldine :

- Gueuda !

Puis elle tendit la main vers une grosse balle rouge qu'elle affectionnait. Ses esclaves habituels ramassaient tout de suite l'objet désigné pour lui permettre de le lancer à nouveau. Mais Jovo restait vissé sur son canapé.

- Gueuda ! tonna Léopoldine.

- C'est quoi ce que tu dis, la mouquère ? Tu peux pas parler français comme tout le monde ?

Léo comprenait que le vieil homme s'adressait à elle, mais sans manifester le moindre signe d'obéissance à ses désirs.

- C'est la balle que tu veux, ch’tiote ? Alors tu dis « balle » ou t'auras peau de zébi.

Le tome 6.

 

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15 janvier 2024 1 15 /01 /janvier /2024 21:06

Mémoires de la forêt Tome 1 : Les Souvenirs de Ferdinand Taupe - Mickaël  Brun-Arnaud, Sanoe - Ecole Des Loisirs - Grand format - Paris Librairies

Tome 1 : Les souvenirs de Ferdinand Taupe

Dans le village de Bellécorce, le libraire Archibald Renard a bien du mal à aider Ferdinand Taupe à retrouver un livre (chaque livre écrit par un villageois est en exemplaire unique), et pour cause : un mystérieux client qu’il n’a pu identifier l’a acheté quelques instants auparavant. Ferdinand espérait retrouver ses souvenirs grâce à ce livre qui retrace son passé, notamment en compagnie d’une certaine Maude. Ferdinand perd la mémoire et n’a plus que quelques photos en guise de souvenirs. Archibald accepte de l’accompagner sur les lieux de ces photos pour réveiller les souvenirs de la taupe et surtout retrouver cette chère Maude qui semble avoir disparu depuis longtemps. Leur périple va d’abord les mener au salon de thé de Pétunia Marmotte, puis dans un gros chêne pour assister à un concert, mais aussi à la Brocantaupe ou à la Retraite des Plumes.

Je ne suis pas une grande adepte de la littérature jeunesse et j’avoue que, malgré ses qualités, la première moitié du livre n’a pas suscité en moi d’émotion particulière... Les animaux personnifiés sont attachants, les lieux décrits et très bien dessinés par Sanoe font rêver mais il y a ce côté candide, cette bonhommie enfantine qui ne m’a pas accroché. Et pourtant, et pourtant..., le thème de la maladie d’Alzheimer est amené avec tant de tact dans la seconde partie, traité avec tellement de délicatesse et de bienveillance que je suis justement ressortie de cette lecture emplie d’émotions diverses. Il y une histoire de portes à ouvrir et à maintenir fermées qui va parler à tout un chacun. Le thème de la mort est aussi vu d’une manière plutôt optimiste et rayonnante. Je ne peux que conseiller ce livre en priorité à ceux qui seraient concernés de près ou de loin par cette maladie de « l’Oublie-tout » mais au plus grand monde également (je serais curieuse d’avoir l’avis d’un enfant...). Les nombreuses illustrations sont de petites merveilles (au doux parfum du Vent dans les Saules).

« Il y avait de la poésie dans le déplacement des ancêtres – de vieilles âmes en équilibre entre la marche et le repos, sans cesse ralenties par le poids des années et la douleur des jours. »

« Malade de l’Oublie-tout, Ferdinand était devenu une sorte de voyageur temporel, voguant entre les époques comme on passe d'un chapitre à l'autre du grand livre de la vie. Alors, quand il était égaré dans l'un de ses nombreux voyages, Archibald lui lançait des cordes pour qu'il revienne petit à petit, sans jamais le brusquer. »

 

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25 septembre 2023 1 25 /09 /septembre /2023 15:32

Sans Famille, Hector Malot | Livre de Poche

Quand j’ai vu que le challenge Les classiques c’est fantastique du mois de septembre mettait à l’honneur les classiques jeunesse, j’ai immédiatement pensé à Sans famille qui a constitué une sorte de lecture-doudou dans mon enfance. Impossible de remettre la main sur mon édition d’autrefois qui était illustrée et peut-être abrégée (j’en suis désormais quasi certaine mais je ne le saurai jamais).

                Ce n’est qu’à l’âge de huit ans que Rémi a appris que la mère Barberin avec qui il avait toujours vécu n’était pas sa mère. Enfant trouvé dont le père Barberin ne veut pas, il est recueilli par Vitalis, un « grand vieillard à barbe blanche », et ses compagnons : Joli-Cœur un petit singe, Capi, Zerbino et Dolce, les trois chiens. Tous sont à la fois musiciens et comédiens, parcourant le pays de village en village, de place publique en place publique. Et Rémi va apprendre ce métier de saltimbanque mais aussi apprendre, grâce à Vitalis, à compter, à lire, à jouer de la harpe, à chanter et à parler plusieurs langues. Mais cette vie agréable quoique difficile sera de courte durée et les événements plus ou moins dramatiques vont s’enchaîner : Vitalis sera emprisonné dans ce Paris décrit comme une jungle, Rémi sera recueilli par Mme Milligan et son fils Arthur vivant sur un bateau tiré par des chevaux, une tempête de neige perdra la plupart des animaux, Rémi va se retrouver complètement seul avec Capi avant d’être rejoint par Mattia, un garçon plus jeune, il survivra à un grisou dans une mine, il se retrouvera en Angleterre à la recherche de ses vrais parents.

Dans un roman dense (mon édition pas chère – écrit vraiment trop petit ! – comptait presque 400 pages), Rémi est un enfant qu’on plaint, qu’on admire et qu’on aime. Souvent seul, intègre, courageux, doux, fidèle, un brin naïf, il subit quand même une multitude de malheurs et de malchances ; ses qualités lui permettront de sortir des pires situations. J’ai retrouvé le charme de cette histoire touchante et prenante et de cette complicité entre Rémi et Vitalis et les animaux mais j’avais oublié (ou je ne l’ai jamais su...) que Rémi avait vécu tant de malheurs et qu’il n’était finalement resté que peu de temps avec Vitalis. Au-delà du récit initiatique parfois un peu manichéen il faut bien l’admettre, c’est un joli voyage qu’il nous est permis de faire à travers la France (et un peu l’Angleterre) du XIXe siècle. Reste à savoir quel enfant lirait ce roman actuellement ? Je n’en connais pas mais il ne faut pas hésiter à promouvoir les adaptations filmiques et les versions pour le très jeune public parce que c’est tout de même une belle histoire de revanche sur la vie avec un hommage rendu au nomadisme et – même – une petite promotion pour le théâtre. Je suis ravie d’être enfin retournée vers ces souvenirs d’enfance.

Vitalis coupe les pantalons de Rémi à hauteur de genou pour qu’il ait l’air italien : « Que sommes-nous ? Des artistes, n'est-ce pas ? Des comédiens qui, par leur seul aspect, doivent provoquer la curiosité. Crois-tu que si nous allions tantôt sur la place publique habillés comme des bourgeois ou des paysans, nous forcerions les gens à nous regarder et à s'arrêter autour de nous ? Non, n'est-ce pas ? Apprends donc que dans la vie, le paraître est quelquefois indispensable. Cela est fâcheux, mais nous n'y pouvons rien. »

« En avant ! Le monde était ouvert devant moi : je pouvais tourner mes pas du côté du nord ou du sud, de l'ouest ou de l'est selon mon caprice. Bien que n'étant qu'un enfant, j'étais mon maître. »

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25 août 2023 5 25 /08 /août /2023 15:27

Coups de théâtre - Christian Grenier - Leslibraires.fr

L’inspecteur Germain et sa jeune stagiaire, Logicielle, papotent tranquillement du métier mais ils se séparent rapidement parce que bientôt sera diffusée, à la télé, le soir-même, une pièce de théâtre policière inédite. En direct du Théâtre du Crime, la nouvelle pièce de René Brusses est retransmise en direct. L’inspecteur est dans son canapé quand retentissent les trois coups et que se lève le rideau. Le problème est que l’actrice qui gît sur scène avec un couteau dans le dos ne se lève pas, ne bouge pas, elle est réellement morte. Une page de publicité interrompt les excuses maladroites du commentateur. S’ensuit une enquête où nos deux policiers vont suspecter l’ensemble des comédiens, auteur, metteur en scène et techniciens présents ce soir-là car, finalement, tout le monde la détestait, cette Matilda.

Même si la note de l’auteur nous avertit que ce texte est un roman, il est bel et bien présenté comme une pièce de théâtre. La mise en abyme est astucieuse pour un lectorat de jeunes qui pourra, surtout, s’initier au genre d’Agatha Christie. En effet, le huis clos, le suspens, la psychologie des personnages, la chute, ainsi que ce genre policier dépourvu de toute violence sont des ingrédients qu’on retrouve ici. Il est possible de transformer ce roman en pièce de théâtre en raccourcissant ou supprimant certains passages. Même si les portraits des personnages auraient pu être plus aboutis, j’ai apprécié cette lecture qui se veut également un hommage au théâtre. A faire lire aux jeunes férus de théâtre ou de policier.

« Le théâtre, Logicielle, c'est le règne de l'apparence. C'est l'univers du décor, du clinquant. Ceux qui pénètrent dans ce monde l'apprennent parfois à leur dépens. Beaucoup abandonnent leur propre personnalité pour adopter celle de personnages factices et provisoires. Certains y trouvent la gloire. La plupart, ils perdent leur âme. Connaissez-vous l'expression : « Il tuerait sa mère pour faire un bon mot » ?  J'ai connu des acteurs qui, pour glaner quelques applaudissements, ont été capables des pires bassesses... »

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14 août 2023 1 14 /08 /août /2023 13:50

Les longueurs de Claire Castillon - Grand Format - Livre - Decitre

Les éloges étaient nombreux à la sortie de ce roman jeunesse, ma belle ado a voulu le lire, elle a été bouleversée et elle n’est pas la seule.

Lili a 7 ans lorsque ça commence. Son père a quitté la famille, même son pays - puisqu’il est allé vivre aux Etats-Unis - sa mère déprime, Lili aussi. Un copain de sa mère vraiment très sympa, Georges surnommé Mondjo, est toujours là pour détendre l’atmosphère ou rendre service. Il initie d’ailleurs Lili à sa passion, l’escalade. C’est comme ça que ça arrive réellement la première fois, cachée derrière un tapis bleu posé à la verticale sur un mur, dans la salle de sport, Lili est rejointe par Mondjo qui adore lui faire des gouzgouz, ces petites gratouilles chatouilles qui font bien rire une fillette. Oui, mais les gouzgouz se feront, au fil des mois, plus insistants, plus envahissants sur tout le corps de Lili. On devine la suite. Tout tourne autour du jeu, de cette relation de confiance réciproque qu’a réussi à établir l’homme adulte avec une proie aussi facile et malléable qu’une enfant. Lili est fière de savoir que Mondjo l’aime, il lui répète souvent et que, même s’il fréquente des femmes adultes (et Lili le découvrira plus tard, des fillettes également), elle reste sa préférée.

La nausée est le premier mot qui me vient à l’esprit. Parce que justement tout est dans la manipulation, la douceur (il ne l’aura presque jamais forcée ! mais que peut dire une fille de 8-9 ans face à un adulte de 45 ?) le chantage, et cette belle complicité qui devrait tout excuser. Lili est persuadée que chaque enfant a un amoureux adulte secret, un « supérieur » qui l’initie à l’amour charnel. Elle n’aime pas toujours les gouzgouz mais peut être jalouse des autres copines de Mondjo et le croit quand il dit qu’ils se marieront. Mais elle grandit et réfléchit davantage et tout change réellement quand Mondjo et sa mère se mettront en couple. J’ai vraiment pensé à cette maman qui ne sait rien des horreurs qui se produisent presque sous ses yeux tous les jours pendant des années, je ne sais pas s’il est possible de se laver de ce sentiment de culpabilité poisseux. Et si une Lili pourra connaître, à l’avenir, une relation saine et équilibrée... Avec simplicité et délicatesse, l’autrice parvient à parler de ces pédophiles, ces monstres qui salissent et détruisent des enfants. Le livre se lit en apnée, son message est nécessaire et vital pour toutes les filles du monde. Profondément émue, j’ai forcément pensé au sublimissime et bouleversant spectacle de théâtre dansé d’Andrea Bescond, Les Chatouilles.

A lire et à faire lire.

Ils sont dans le même lit, Lili a 10 ans : « Tout de suite, Mondjo me fait des gouzgouz, et puis il me demande de lui en faire. Aux chevilles, pour le détendre, et puis aux cheveux, aux joues, et puis où tu veux, il dit, dégageant le drap. Je retourne vers ses pieds pour faire des gouzgouz, puis aux genoux, puis je remonte aux joues. Et je vois son caleçon qui se soulève, une barre qui se tend à l’intérieur. Mondjo ouvre un œil, on dirait qu’il veut voir ma tête, alors je fais celle qui ne remarque rien. Je ne sais pas si je dois remarquer ou pas. « Voilà », je dis, arrêtant les gouzgouz. »

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12 juin 2023 1 12 /06 /juin /2023 09:23

Le poney rouge - John Steinbeck - Librairie Mollat Bordeaux

Jody Tiflin est un garçon de dix ans « avec des cheveux comme de l’herbe jaune et poussiéreuse, des yeux gris timides et polis, et une bouche qui remuait quand il pensait. » Il vit dans une grande ferme non loin de Salinas, avec ses parents et Billy Buck, le vacher qui est aussi un spécialiste des chevaux. Quand arrive un petit poney rouge nommé Gabilan au ranch, Jody se prend immédiatement d’affection pour lui, c’est grâce à lui qu’il se lève immédiatement le matin, bien avant le triangle que fait résonner sa mère en guise de réveil. Il s’en occupe avec attention et tendresse, le brosse, l’étrille, l’habitue au licol, le dresse jusqu’au jour où le petit poney essuie une grosse averse ; il tombe malade et malgré le détachement de Billy, son état s’aggrave. Si Jody continue à être aux petits soins, l’état de l’animal empire et Billy reconnaît que, contrairement à ses pronostics, il ne va pas tarder à mourir. La peine de Jody est immense et, le jour de sa mort, il se défoule sur un busard, le poignardant violemment. Mais la vie continue et après quelques (rares) événements qui ponctuent le quotidien du ranch, les mois passent et une promesse est faite à Jody : le poulain que porte la jument Nellie sera pour lui, rien qu’à lui. Une grossesse de jument - onze mois - c’est très long quand on attend impatiemment comme Jody. La mise bas ne va pas se passer aussi bien que prévu…

Ce court roman classé Littérature de jeunesse dort depuis longtemps dans ma PAL, depuis qu’il a été retiré du dépôt de mon collège. En effet, même si le héros est un petit garçon, le style, les nombreuses descriptions, les tragédies du roman me contraignent à dire qu’il ne conviendrait peut-être pas à un jeune lectorat sauf si, à la rigueur, il est passionné par les chevaux. J’ai trouvé l’histoire violente de bout en bout, l’éducation de ce garçon à la dure (c’est une autre époque n’est-ce pas), ses rêves brisés les uns après les autres, cette solitude qui le contraint à apprendre seul et isolé de tous (il n’y a presque aucun autre enfant dans l’histoire). Le roman se termine de manière abrupte, la jument est tuée à coups de marteau par Billy pour pouvoir mettre entre les bras de Jody le poulain tant attendu. Steinbeck manie la plume comme une épée et la brièveté du roman lui permet d’aller à l’essentiel, sans concession ni détour, et de décrire la dureté de la vie. J’ai aimé la force du récit, la cruauté réaliste de la vie décrite, la nature indifférente face aux malheurs de l’homme, ces thèmes si chers à Steinbeck.

L’incipit : « Au lever du jour, Billy Buck surgit de la baraque et resta un moment sous la véranda à regarder le ciel. C’était un petit homme large aux jambes arquées avec une moustache de morse, des mains carrées à la paume renflée et musclée. Ses yeux contemplatifs étaient d’un gris aqueux et ses cheveux, pleins d’épis et délavés par les intempéries, s’échappaient de son chapeau Stetson. »

Les garçons de son âge jalousent Jody maintenant qu’il a un cheval : « Ils savaient par instinct qu’un homme à cheval est, spirituellement aussi bien que physiquement, plus grand qu’un homme à pied. Ils savaient que Jody avait été miraculeusement soulevé hors de toute égalité avec eux et avait été placé au-dessus d’eux. »

Le meurtre de Steinbeck

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29 août 2022 1 29 /08 /août /2022 18:31

Livre: Le monde dans la main, Mikaël Ollivier, Thierry Magnier, Les Grands  romans, 9782364740112 - Le Bateau Livre

J’ai emprunté ce roman un peu au hasard (même si connaissant un peu l’auteur) à la bibliothèque municipale pour ma fille. Elle l’a vite lu puis me l’a tendu en m’ordonnant de le lire aussi.

Pierre a 16 ans, des parents froids et distants et une vie très rangée entre le lycée et le conservatoire où il s’adonne au piano. Tout bascule le jour d’une virée chez Ikea, les parents ayant décidé d’offrir de nouveaux meubles à leur fils. La « visite » s’éternise, la mère perd son calme, les meubles ne rentrent pas dans la voiture, il va falloir les faire livrer,… la mère s’éloigne sur le grand parking pour ne jamais revenir. Elle reste introuvable. Un court sms le lendemain ne rassure ni le père ni le fils. La police, sans se presser, mène l’enquête, en vain. Les mâles de la famille reprennent plus ou moins leur quotidien, les langues se délient dans un milieu versaillais où les non-dits prenaient une grande place. Des histoires du passé se racontent, la sœur Alix donne son avis par sms seulement, le père change, l’amour vient faire des étincelles de part et d’autre, Pierre mûrit et grandit.

Je n’ai sans doute pas été aussi séduite que ma fille par ce roman mais il a été agréable à lire. En digne récit d’apprentissage, il jette un événement traumatique dans la vie plutôt monotone d’un jeune garçon et le fera évoluer et apprendre, même du négatif. L’histoire d’amour a beaucoup plu à mon ado et je remercie l’auteur d’avoir trouvé un juste équilibre pour que le livre ne soit pas trop niais mais qu’il véhicule tout de même de louables messages. Ma fille a aussi aimé que Pierre joue du piano et que le roman soit ainsi un brin musical. Je pense qu’on peut le conseiller à un grand ado en manque de confiance en soi et en quête de thèmes tels que l'amour, la résilience, l’apprentissage de la vie, tout simplement. Deux surprises viennent clore le livre.

« depuis la disparition de maman, j’étais envahi par la vie des adultes qui m’entouraient, comme si des digues avaient rompu, qu’un soudain déséquilibre me privait de ma position d’adolescent pour me bringuebaler au cœur de l’existence mouvementée de mes aînés. »

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