C’est ma fille de 13 ans qui m’a sommée de lire ce livre qu’elle a tellement adoré.
Nisha est une jeune Hindoue qui vit sa vie d’adolescente, en 1947. Son père est médecin, sa mère est décédée à sa naissance et elle a un frère jumeau, Amil, qui l’énerve souvent et ne lui ressemble en rien. Ils sont hindous et leur cuisinier, Kazi, que Nisha aime beaucoup, est musulman. L’annonce de l’indépendance du pays est liée à une rumeur qui enfle : on diviserait le pays en deux, une partie pour les musulmans, une autre pour les hindous. Vivant dans l’actuel Pakistan, les enfants sont en danger, ils ne vont plus à l’école après qu’Amil a été agressé. Quelques jours plus tard, il est question de fuir pour rejoindre la Nouvelle Inde, le pays des Hindous. La longue marche est dangereuse, partout des combats opposent les musulmans et les hindous. La famille doit rejoindre le frère de la mère que Nisha n’a jamais connu mais l’eau vient à manquer et chacun perd un peu plus de forces chaque jour. Lorsqu’elle arrive enfin chez l’oncle Rashid, Nisha s’y sent bien. Elle retrouve des souvenirs de sa mère mais se sent attirée par l’extérieur, une petite fille qui joue et aimerait certainement une compagne de jeu… les enfants n’ont pourtant pas le droit de se côtoyer. La route jusqu’à Jodhpur, la destination finale, ne va pas se faire sans heurts ni drames.
Nisha tient son journal en s’adressant à sa mère qu’elle n’a jamais connue. Avec l’innocence d’une enfant, elle s’étonne de devoir faire une différence entre un musulman et un hindou, elle a du mal à quitter ce qu’elle a toujours connu et cet exil contraint fait dans la douleur va la faire grandir d’un seul coup. Ma fille avait raison, le roman est bouleversant et gagne en vigueur et en émotions au fil des pages ; il permet une première approche de cette page d’Histoire effrayante et sanglante puisque plus de douze millions d’Hindous ont été contraints de fuir leur foyer. La romancière s’inspire de la véritable histoire de son père, contraint à l’exode, lui aussi. Je suis contente d’avoir pu lire ce livre qui fait l’éloge de la tolérance ; ma fille et moi avions repéré le même passage si touchant (c’est le 3e ci-dessous).
« Je parie que c'est pour ça que tu aimais peindre, Maman. Parce que, comme Amil, tu voyais les choses que personne d'autre ne pouvait voir. J’aimerais être comme vous. Mais je vois exactement ce qui est devant moi. Parfois de manière si nette que ça me fait mal aux yeux. »
« Le mois dernier, nous appartenions tous au même pays, tous ces gens et toutes ces religions vivaient ensemble. Maintenant, nous sommes supposés vivre séparés et nous détester. »
Kazi est musulman, Dadi (la grand-mère) est hindoue : « [Kazi] fait toujours ses prières sur un petit tapis que Papa lui a trouvé. Quand je l’entends psalmodier doucement, ça me remplit d’émotion. Parfois, en arrière-plan, la voix aiguë de Dadi qui chante ses chansons hindouistes derrière les prières musulmanes de Kazi, produisant une musique riche et douce. »