Mattis et Hege, frère et sœur, vivent ensemble dans une maison isolée au bord d’un lac. Elle, Hege, travaille pour deux et tolère avec patience et amour la présence et les maladresses de son frère. Lui, Mattis, est un simplet qui s’émerveille des dons de la nature. Il essaie bien parfois d’accomplir de petits boulots mais son esprit s’embrouille, il finit par faire n’importe quoi et part de son propre chef. Un jour, la parade nuptiale d’une bécasse perturbe Mattis, il y voit un présage important. Quelques jours plus tard, Hege l’envoie sur le lac : peut-être pourrait-il faire passeur ? Mattis prend très à cœur son nouveau rôle et c’est avec une grande fierté qu’il emmène son premier et unique passager, Jörgen, sur l’autre rive. L’homme, un peu bourru, cherche un toit pour la nuit. Mattis lui propose de l’héberger pour se faire pardonner : la barque, ne pouvant supporter le poids de deux hommes, ne cessait de prendre l’eau. Jörgen ne quittera plus le grenier de la maison de Mattis et Hege, la grande sœur tombant amoureuse de l’homme.
Entre amour et haine, ce court roman est empreint d’une poésie remarquable, toujours associée à la nature et à la candeur de Mattis. Il comprend bien que sa sœur est enfin heureuse mais il s’aperçoit aussi qu’elle s’éloigne de lui. Il voit bien que c’est Jörgen qui rend sa sœur heureuse mais il ne peut s’empêcher de s’en méfier et, de réfléchir, peut-être même, pour la première fois de sa vie de se montrer intelligent. L’œuvre est suffisamment juste, pudique et touchante pour ne pas donner de réponse, chaque personnage de ce trio navigue entre le Bien et le Mal, sans qu’on puisse, en tant que lecteur, se placer dans l’un ou l’autre camp. Il est certain que Mattis est un être bouleversant, qui émeut par son désarroi et sa fragilité. Son lien avec la nature domine tout le reste et en fait une ode à la simplicité. C’est encore une fois un podcast de Radio France (ici - d'1h57) qui m’a fait découvrir cette œuvre et, pour la première fois, cet auteur norvégien que j’aimerais continuer à lire (version papier cette fois-ci). L’avez-vous déjà lu ?
« Tout en méditant, Mattis observait les versants ouest, par-delà les lacs, un beau crépuscule d’été partout dans le ciel et sur la terre. « C’est calme de ce côté du vent. » C’est alors que survint le grand événement. Quelque chose filtrait entre la cime des arbres, quelque chose que Mattis imaginait pouvoir discerner tant le ciel était clair, non pas le vent mais quelque chose qui passait au travers, quelque chose qui fusait juste au-dessus de la maison et aussi droit à travers Mattis. « Une bécasse ? Une bécasse... voilà ce qui a battu des ailes par ici. Il y a une parade amoureuse au-dessus de mon toit. » C’était bien le premier printemps que Mattis voyait ça, aussi loin que remontaient ses souvenirs, ce n’était jamais arrivé. »
« En revanche il appréciait de moins en moins sa sœur, elle n’était plus aussi douce qu’avant. Chaque jour, il avait le sentiment qu’elle était un peu plus sur son dos comme s’il faisait et disait tout de travers. Elle cherche à se faire belle, à se faire belle pour le bûcheron. Je vois bien comment elle le regarde, comme elle le lorgne du coin de l’œil. Jörgen, ça ne lui faisait aucun effet apparemment, ce qui rassurait Mattis. Il travaillait en forêt et s’affairait à la maison, constamment dans son coin. »