Découvertes en podcast Radio France, voici trois courtes pièces de théâtre d’un dramaturge contemporain.
Deux flics en voiture : Le flic qui conduit arrête la voiture sur un chemin forestier. Les deux flics bossent ensemble depuis six mois mais tous les séparent : Dominique sait toujours tout sur tout, il a des idées très arrêtées sur la civilisation, les animaux, la nature, mais aussi la révolte des gladiateurs ; même la mythologie grecque y passe. L’autre, Daniel, ne supporte plus ses longs discours verbeux et ne souhaite qu’une chose : quitter cette forêt et boire une bière.
Deux flics au vestiaire : Dominique n’a pas vu le match de la veille, il a raté un sacré truc, mais c’est parce qu’il s’est engueulé avec Magalie, une grosse engueulade. Il avoue même à son copain Gilles qu’il avait des envies de buter sa femme qu’il soupçonne de le tromper avec un Noir. Le lendemain matin, toujours au vestiaire, les deux reviennent sur la bavure de la veille. Dominique a pété un plomb en tabassant un Noir ... comme par hasard. Au fil des jours, l’attitude de Dominique se fait plus violente, plus vengeresse, Gilles tente de le calmer.
Deux flics à la plage : C’est le jeune et le vieux flic, chargés de surveiller la plage, les dunes notamment, où des trafics de drogue ont régulièrement cours. Le vieux raconte sa grande histoire d’amour, sa femme qui l’a plaqué (elle l’a trompé « avec des tas de mecs »), et son discours est entrecoupé de vers qu’il récite sur un ton patibulaire avec de petits airs suicidaires. Le jeune l’interroge, se montre plutôt perplexe, on le sent appartenir à une autre génération mais ses réflexions sont empreintes de bon sens.
Evidemment, les titres font déjà sourire. Dans cette nouvelle déclinaison des Martine, le flic n’a pas le beau rôle : plutôt stupide, il est tantôt violent et raciste, tantôt beau parleur et vaniteux. Souvent trompé, on sent qu’il ne sait que faire des relations humaines et se laisse dépasser par les réalités de la vie. Dans chaque duo, le décalage entre les deux hommes est assez amusant. Et l’humour cinglant prend toute sa place quand on comprend, par exemple, que, dans Deux flics au vestiaire, Dominique ne contrôle que les Noirs. Pour les trois piécettes, l’attente et la passivité accentuent la dimension de l’absurde. Pour assez bien connaître Le Ravissement d’Adèle du même auteur, je trouve qu’il faut vraiment creuser ses textes (d'apparence légère et simpliste) pour y trouver l’humour et l’intelligence qui ne sautent pas aux yeux à la première lecture. Ici, on finit par comprendre que le statut de flic n’est qu’un prétexte et qu’on trouvera de quoi s’identifier à ces êtres perdus dans une société qui les avale sans concession aucune. J’ai beaucoup aimé écouter ces trois pièces (d’environ une demi-heure chacune) brillamment interprétées par six acteurs différents. Musique et bruitages, comme souvent pour les podcasts Radio France, permettent de se fondre agréablement dans l’œuvre.
- C’est toujours étrange de parler dans une forêt, tu ne trouves pas ?
- Si, surtout quand c’est toi qui parles.
- C'est quoi être flic pour toi ?
- La loi et l'ordre.
- C'est tout ?
- Ben, c'est déjà pas mal. Tu dis quoi, toi ?
- Protéger les gens. Les citoyens.
- Oui, c'est ça. On est d'accord. J'ai l'impression de faire ça toute la journée.
- Ça veut pas dire rajouter la merde à la merde.
- Tu me fais rire. Allez, on va boire une bière.
- Trouve-toi une fille et marie-toi avec elle.
- Je veux pas me retrouver à soixante balais à réciter des poèmes sur une plage en pensant qu’me flanquer à l’eau résoudrait mes problèmes.