Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 août 2024 1 26 /08 /août /2024 09:57

L'Amérique - Franz Kafka - Librairie Mollat Bordeaux  

Découvert en podcast Radio France, ce roman est le premier de l’auteur écrit entre 1911 et 1914 et laissé inachevé.

Karl Rossmann est un jeune ado allemand qui débarque bien malgré lui à New York, exilé de force par ses parents parce qu’il a mis une bonne enceinte. Par un hasard inouï, alors qu’il essayait de prendre la défense d’un soutier, il rencontre son oncle (oui, un oncle d’Amérique), le sénateur Jakob, qui le prendra son sous aile, oh un court instant seulement... Invité chez un homme d’affaires et contraint d’accepter, Karl se verra rapidement renié par son oncle. Livré à lui-même il rencontre deux malfrats de clochards qui lui mangent ses maigres économies. Chance incroyable (oui, encore une fois), il se fait embaucher en tant que liftier, métier où il va cumuler les heures et remplacer des collègues à tour de bras avant de se faire jeter dehors à cause d’un des voyous qui aura refait surface. Ensuite ? il retourne auprès des deux gugusses et d’une cantatrice obèse qui recherche des esclaves pour s’occuper d’elle jour et nuit.

J’ai considéré ce roman comme un roman picaresque (et je pense qu’il a été mis en voix/en scène pour qu’on l’appréhende ainsi) : anti-héros par excellence, Karl aurait plutôt été violé par la bonne qu’il a engrossé, trop naïf, il va se faire avoir par absolument tous les gens qu’il rencontre. Son honnêteté devient un défaut et sa candeur une source de rigolade. Il tente d’apprendre l’anglais, on lui répète sans cesse qu’il faut ôter l’article, puis dans d’autres situations qu’il faut mettre l’article. Dans ce roman d’apprentissage boiteux, l’auteur apporte aussi une vision critique de la société (une remarque très d’actualité sur le fait qu’aux Etats-Unis, peu importe qu’on ait fait des études et qu’on soit intelligent, on peut y arriver quand même ...) et érafle ce fameux « rêve américain ». J’ai beaucoup aimé cette histoire, d’autant plus que cet anti-héros est accompagné d’une voix, une sorte de double plus courageux que lui qui le bouscule, en général, en vain ou le juge : « Raté, Rossmann. » On ne sait pas s’il faut rire ou pleurer en lisant les mésaventures de Karl. Les épisodes s’enchaînent, le burlesque laisse la place à l’inquiétude, L’Amérique se clôt avec cet étrange théâtre d’Oklahoma qui embauche tout le monde, absolument tout le monde, et avec ce Karl Rossmann qui choisit le pseudonyme de « Negro » et qui se retrouve, une fois de plus, balloté au gré des rencontres (mauvaises) et des aléas (souvent peu heureux) de la vie. Il résulte de tout cela un malaise et une impression pour le lecteur (comme pour le personnage) d’être manipulé par une force supérieure qui se fout de lui. Intéressant.

Le métier de liftier : « toi, tu lèves ton chapeau, tu souris, même aux connards, surtout aux connards et ensuite tu appuies sur le bouton. »

« ne t’en fais pas, on peut contourner les règles, c’est l’Amérique. »

Et je participe ainsi au challenge Les Classiques c’est fantastique dont le thème du mois d’août « Je ne suis pas un héros (ni une héroïne) » colle parfaitement à ce Karl Rossmann (oui, ça collait aussi au thème du mois précédent !)

J'ai continué sur ma lancée en écoutant Le Procès, toujours sur Radio France, et j'ai adoré presque tout autant (je ne le chroniquerai pas) : un homme est arrêté par deux gaillards. Il ne sait pas pourquoi et jamais on ne lui en donnera les motifs, ce qui n'empêche pas une longue descente vers les enfers... 

Enfin, j'ai également écouté l'excellent podcast inspiré de son livre, J'irai chercher Kafka de Léa Veinstein qui suit les traces des manuscrits de Kafka après sa mort.

L'Amérique" de Franz Kafka : un podcast à écouter en ligne | France Culture

L’Amérique de Franz Kafka
Partager cet article
Repost0
24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 11:13

Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson - Editions  Flammarion

C’est un podcast de Radio France qui m’a fait découvrir ce court récit non fictionnel, et qui me permet de participer au challenge Les classiques c’est fantastique chez Moka et Fanny. Ce mois-ci : « Tout plaquer, solitude, introspection & isolement ».

En septembre 1978, l’auteur que nous connaissons bien décide de faire un voyage seul, depuis Monastier, en Auvergne jusque dans les Cévennes. Après une courte réflexion, il choisit un âne pour porter ses bagages et son sac de couchage (il ne veut s’encombrer d’une tente). Modestine et l’homme ne s’entendent pas forcément bien d’emblée, la bête avance trop doucement et il lui faudra des coups de baguette pour accélérer (plus tard, Stevenson découvre l’efficacité de l’aiguillon...) En une bonne douzaine de jours, Stevenson trace son chemin, alternant nuits à la belle étoile et pauses dans les auberges, descriptions de ce qui l’entoure et digressions historiques.

Si l’écoute de cette histoire a été plutôt amusante et agréable, le récit narre surtout les péripéties d’avec Modestine (il ne dit l’apprécier que lorsqu’il doit la revendre, peu avant son arrivée), les tracas propres aux voyage (la chaleur, la nourriture, l’orientation) et les rencontres avec les campagnards (souvent bourrus mais d’aide précieuse), il m’a manqué des réflexions personnelles sur les ressentis de l’écrivain. D’introspection, il n’y en avait pas vraiment et les quelque 260 kms parcourus ont davantage été une ode à la nature qu’un cheminement personnel (l’ère de la méditation et du recentrement sur soi n’avait pas encore débuté). Pourtant, j’ai lu par ailleurs que Stevenson avait décidé d’accomplir ce périple essentiellement à cause d’une rupture amoureuse. En dépit de cette carence, la contemplation des paysages et la candeur touchante de Stevenson (il n’avait alors que 28 ans) offrent une sorte de bercement poétique et hypnotique (j’ai écouté le récit en courant, ça ne m’a pas fait avancer plus vite !) A découvrir, d’autant plus que l’itinéraire nommé plus tard le « chemin de Stevenson » est devenue un chemin de randonnée réputé.

« Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher. Je voyage pour le plaisir de voyager. L’important est de bouger, d’éprouver de plus près les nécessités et les embarras de la vie, de quitter le nid douillet de la civilisation, de sentir sous mes pieds le granit terrestre et les silex épars avec leurs coupants. Hélas ! Tandis que nous avançons dans l’existence et sommes plus préoccupés de nos petits égoïsmes, même un jour de congé est une chose qui requiert de la peine. »

« Les étoiles étaient claires et colorées comme des joyaux, mais sans annoncer la gelée. Une légère vapeur argentée tenait lieu de voie lactée. Grâce à la blancheur du bas, je pus repérer Modestine qui tournait en rond au bout de sa corde.  Je l’entendais mâcher assidûment le gazon mais il n’y avait pas un autre son, à part l’indescriptible et doux murmure du ruisseau sur les pierres. »

« Personne ne connaît les étoiles s’il n’a pas dormi, selon l’heureuse expression française, « à la belle étoile ». Il peut bien savoir tous leurs noms et distances et et leurs grandeurs et demeurer pourtant dans l’ignorance de ce qui seul importe à l’humanité, leur bénéfique et sereine influence sur les âmes. Les étoiles sont la plus grande source de poésie. »

 

Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson
Partager cet article
Repost0
2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 15:01

Les oiseaux - Tarjei Vesaas - ACTES SUD - Poche - Paris Librairies

Mattis et Hege, frère et sœur, vivent ensemble dans une maison isolée au bord d’un lac. Elle, Hege, travaille pour deux et tolère avec patience et amour la présence et les maladresses de son frère. Lui, Mattis, est un simplet qui s’émerveille des dons de la nature. Il essaie bien parfois d’accomplir de petits boulots mais son esprit s’embrouille, il finit par faire n’importe quoi et part de son propre chef. Un jour, la parade nuptiale d’une bécasse perturbe Mattis, il y voit un présage important. Quelques jours plus tard, Hege l’envoie sur le lac : peut-être pourrait-il faire passeur ? Mattis prend très à cœur son nouveau rôle et c’est avec une grande fierté qu’il emmène son premier et unique passager, Jörgen, sur l’autre rive. L’homme, un peu bourru, cherche un toit pour la nuit. Mattis lui propose de l’héberger pour se faire pardonner : la barque, ne pouvant supporter le poids de deux hommes, ne cessait de prendre l’eau. Jörgen ne quittera plus le grenier de la maison de Mattis et Hege, la grande sœur tombant amoureuse de l’homme.

Entre amour et haine, ce court roman est empreint d’une poésie remarquable, toujours associée à la nature et à la candeur de Mattis. Il comprend bien que sa sœur est enfin heureuse mais il s’aperçoit aussi qu’elle s’éloigne de lui. Il voit bien que c’est Jörgen qui rend sa sœur heureuse mais il ne peut s’empêcher de s’en méfier et, de réfléchir, peut-être même, pour la première fois de sa vie de se montrer intelligent. L’œuvre est suffisamment juste, pudique et touchante pour ne pas donner de réponse, chaque personnage de ce trio navigue entre le Bien et le Mal, sans qu’on puisse, en tant que lecteur, se placer dans l’un ou l’autre camp. Il est certain que Mattis est un être bouleversant, qui émeut par son désarroi et sa fragilité. Son lien avec la nature domine tout le reste et en fait une ode à la simplicité. C’est encore une fois un podcast de Radio France (ici - d'1h57) qui m’a fait découvrir cette œuvre et, pour la première fois, cet auteur norvégien que j’aimerais continuer à lire (version papier cette fois-ci). L’avez-vous déjà lu ?

« Tout en méditant, Mattis observait les versants ouest, par-delà les lacs, un beau crépuscule d’été partout dans le ciel et sur la terre. « C’est calme de ce côté du vent. » C’est alors que survint le grand événement. Quelque chose filtrait entre la cime des arbres, quelque chose que Mattis imaginait pouvoir discerner tant le ciel était clair, non pas le vent mais quelque chose qui passait au travers, quelque chose qui fusait juste au-dessus de la maison et aussi droit à travers Mattis. « Une bécasse ? Une bécasse... voilà ce qui a battu des ailes par ici. Il y a une parade amoureuse au-dessus de mon toit. » C’était bien le premier printemps que Mattis voyait ça, aussi loin que remontaient ses souvenirs, ce n’était jamais arrivé. »

« En revanche il appréciait de moins en moins sa sœur, elle n’était plus aussi douce qu’avant. Chaque jour, il avait le sentiment qu’elle était un peu plus sur son dos comme s’il faisait et disait tout de travers. Elle cherche à se faire belle, à se faire belle pour le bûcheron. Je vois bien comment elle le regarde, comme elle le lorgne du coin de l’œil. Jörgen, ça ne lui faisait aucun effet apparemment, ce qui rassurait Mattis. Il travaillait en forêt et s’affairait à la maison, constamment dans son coin. »

Partager cet article
Repost0
13 avril 2024 6 13 /04 /avril /2024 14:02

Fureurs : un podcast à écouter en ligne | France Culture

     -     Saison 1     -

France Culture est décidément devenu mon vivier favori en matière de podcasts.

A quelques jours de la Fête du Progrès, Thomas a été embauché pour un nouveau job : il sera gardien d’une forêt, dans une cabane isolée. Un type un peu bourru, Jacques, l’emmène à cette cabane et lui explique sa mission : ne laisser personne ni entrer ni sortir de la forêt. Thomas reçoit même un revolver pour se défendre, au cas où. Une fois seul, Thomas se rend compte de l’insolite de sa situation puisqu’il n’a absolument rien à faire. Une radio avec une seule fréquence lui est fournie : Lucie, une autre gardienne d’une cabane située quelques kilomètres plus loin communique avec lui. Elle est là depuis plusieurs mois mais le prédécesseur de Thomas a disparu au bout de quelques jours dans d’étranges circonstances. Tantôt enjouée, tantôt complètement flippante, Lucie deviendra la seule « amie » de Thomas. La nuit tombée, de mystérieuses lumières intriguent Thomas et le convainquent définitivement que son boulot est plus dangereux qu’il ne le pensait. Au village, une journaliste, Marie, enquête... et Ahmed, un homme exclu des autres habitants, lui raconte avoir vu une créature étrange et des phénomènes complètement irrationnels.

Récit fantastique qui tend vers la SF, ce podcast est particulièrement réussi grâce à la voix des acteurs mais aussi aux bruitages et à la musique qui tendent à créer une atmosphère inquiétante dès les premières minutes d’écoute. Il se trouve que je l’ai écouté en courant, seule, dans une forêt... frissons garantis (une méthode toute nouvelle pour courir plus vite !) L’intrigue, originale, tient la route et l’auditeur est très vite plongé dans cet univers dystopique effrayant où la nature n’a rien de rassurant, où un dirigeant diabolique mène son monde à la baguette. L'auteur se serait inspiré d'un conte écrit par Olga Tokarczuk. Il paraît qu’il y aura une suite, je m’en réjouis déjà !

5 épisodes de 25 à 27 minutes chacun.

Partager cet article
Repost0
7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 16:20

Un ennemi du peuple | Actes Sud

Et encore un podcast !

Dans une ville de Norvège, une station thermale contribue à attirer des clients et ainsi, à enrichir la ville. Mais le Dr Stockmann découvre que les eaux sont empoisonnées, polluées par la tannerie voisine. Son diagnostic est d’abord accueilli par des vivats, le rédacteur du journal local veut publier ses découvertes, les bourgeois sont prêts à soutenir le médecin... jusqu’à ce qu’intervienne le frère du Dr Stockmann, juge et directeur de la station thermale qui refuse que cette découverte soit publiée dans les journaux. Non seulement la réputation de la ville en prendrait un coup, la station devrait fermer ses portes deux ans, mais les coûts nécessaires à un rétablissement d’une situation acceptable seraient faramineux pour l’ensemble des habitants. De fil en aiguille, de considération financière en hypocrisie, ceux qui étaient du côté du médecin humaniste font marche arrière jusqu’à le conspuer et à le mettre à la porte.  

Radio France fait décidément de bons choix en matière de théâtre. Après avoir adoré La maladie blanche, j’ai encore eu l’honneur (en courant toujours !) de découvrir une pièce brillamment adaptée pour une version audio et qui, encore une fois, est d’une actualité confondante. Alors que la santé publique semble d’abord être primordiale, elle s’éclipse devant l’argent et ses nombreux pouvoirs. Au moment où le Dr Stockmann se fait exclure de la majorité des concitoyens, il prononce un discours qui va le faire haïr un peu plus encore : la majorité aurait souvent tort, « La majorité compacte est assez dépourvue de conscience pour vouloir fonder la prospérité publique sur la base pestilentielle de la fraude et du mensonge. »  Cette vérité difficile à entendre va condamner le médecin et sa famille à s’exiler. Certains personnages secondaires sont bien campés également, notamment la fille du médecin, Petra, féministe et moderne avant l’heure, mais aussi ceux qui retournent leur veste, souvent comparés à des animaux, qui m’ont fait penser à la Cour du Roi Soleil. Une pièce à lire ou à écouter (5 fois 28 minutes).

 

« La minorité a toujours raison. »

« L’homme le plus fort du monde est celui qui est le plus seul. »

 

D’autres pièces d’Ibsen : Maison de poupée ; Les Revenants.

Partager cet article
Repost0
19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 11:13

La Maladie blanche – Les Éditions du Sonneur

 

Le bonheur d’une 1h15 de course à pied accompagnée du plaisir de découvrir un podcast de France Culture d’excellente qualité d’un des auteurs tchèques les plus connus, et qui serait à l’origine de l’invention du mot « robot »...

Une étrange pandémie ravage hommes et femmes de plus de 45 ans dans le monde entier. Une petite tache blanche de la taille d’une lentille puis un lent pourrissement du corps qui dégage une odeur pestilentielle, voilà le sort qui est réservé aux malchanceux touchés par cette nouvelle « lèpre ». Le docteur Galén a trouvé un remède qu’il ne réserve, pour l’instant, qu’aux indigents. Lorsqu’on le presse de révéler son secret, il n’émet qu’une seule condition : que les dirigeants du monde entier acceptent de conclure une paix éternelle. Evidemment, il en est hors de question, le Maréchal, dirigeant omnipotent en rit et le baron Krüg, principal fabriquant d’armes dans le pays, refuse catégoriquement. Les riches meurent donc pendant que les pauvres sont soignés et guéris dans la fameuse salle 13, jusqu’au jour où la maladie se propage même parmi les plus puissants.

Publiée en 1937, cette pièce de théâtre aurait pu être écrite hier tant elle est encore d’actualité. Il est question de choisir entre la paix et l’argent dans un monde où la guerre est une occupation primordiale pour les dirigeants. Magnifique pamphlet antifasciste écrit à l’heure où le nazisme avait le vent en poupe, il résonne et raisonne encore aujourd’hui. Simple, bref, efficace, ce texte édifiant est d’une limpidité remarquable, d’une force bouleversante et la vision utopiste et ô combien jouissive du Dr Galén devrait devenir un modèle dans le monde entier. L’excellente interprétation des comédiens donne une voix juste de cette critique du totalitarisme. Impressionnant.

« Dites-leur qu’ils sont déjà vieux, tous ceux qui dirigent les peuples. Dites-leur qu’ils vont pourrir vivants, comme ceux qui sont là. (...) en tant que médecin, j’ai le devoir de me battre pour chaque vie humaine, n’est-ce pas ? C’est simplement le devoir de tout médecin d’empêcher la guerre. (...) qu’ils renoncent à tout acte de violence et de guerre et je leur confierai le remède de la maladie blanche. (...) pourquoi ne pourrait-on pas abolir les armes ? pourquoi ne pourrait-on pas limiter les armements dans tous les états ? »

C’est un coup de cœur (je n’ai que des coups de cœur en ce moment, quelle veine !!), précitez-vous sur ce formidable podcast : 4 épisodes de 25 minutes chacun. A ne pas manquer !

Partager cet article
Repost0