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18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 16:05

Les Pizzlys - Jérémie Moreau - Delcourt - Grand format - Chez mon libraire

Nathan est chauffeur uber à Paris. Il élève seul sa sœur Léa, une ado, et son petit frère Etienne depuis la mort de leur maman. Mais Nathan ne va pas bien, à force de rouler nuit et jour, d’avoir le nez collé à son GPS, il souffre de vertiges voire d’hallucinations. Et un jour sa voiture s’encastre dans un poteau alors qu’il devait amener Annie, une dame d’un certain âge, à l’aéroport. Ne sachant pas où passer la nuit, Annie accepte l’invitation de Nathan, sympathise avec la petite famille et finit par leur proposer de l’accompagner vivre avec elle en Alaska, son pays natal. N’ayant plus grand-chose à perdre, Nathan accepte. C’est évidemment un choc culturel, Etienne se voyait déjà gamer, Léa est toujours collée à son Iphone alors qu’il n’y a plus ni connexion ni électricité. Passés les premières lamentations et appréhensions, les trois finissent par s’habituer à vivre dans cette cabane isolée, au milieu de paysages grandioses. Parfois ils croisent un pizzly, ce croisement entre un ours polaire et un grizzly, souvent ils marchent des heures, tous les jours ils chassent leur nourriture. Mais le réchauffement climatique se ressent partout : les animaux sont perturbés, les cycles sont malmenés, les glaces fondent, les maisons s’effondrent. Malgré tout, cette petite famille vit au contact de la nature d’une manière toute nouvelle, en véritable connexion avec les animaux que les hommes vont apprendre à respecter et même à écouter.

Cette lecture est une claque ! Entre fable écologique et récit d’anticipation qui n’en est plus vraiment, cet album est surtout un avertissement alarmant sur les dégradations qu’on inflige à notre planète et l’urgence qu’il y a à réagir.  La beauté de certains passages, de certaines vues à couper le souffle, de la noblesse de cette vie simple régie par un animisme convaincant contraste avec l’angoisse des lendemains, la terre souffre et elle l’exprime en s’effondrant ; c’est très alarmiste mais sans doute nécessaire. Il n’est pas forcément question de fin du monde mais d’une métamorphose inévitable et, en cela, l’album est très juste. Je n’ai peut-être pas tout aimé, j’ai eu du mal à me faire à tout ce fluo mais les dessins sont si beaux. J’ai eu du mal à interpréter ce choix du magenta, du rose, du vert luminescents, à la fois pour faire référence aux aurores boréales (?), à la dimension déjantée et psychédélique de notre monde archi connecté ? Je ne sais pas. Toujours est-il que l’album mérite qu’on le découvre, pour ses richesses, son engagement, l’éclat particulier de ses planches.

J’avais moyennement aimé Penss et les plis du monde, adoré La saga de Grimr et vénéré (!) Le Singe de Hartlepool.

« Ce chaos est tout l'inverse d'une fin du monde. C’est un grand bouillonnement, une immense redéfinition de toutes choses… Le passage d'un monde à un autre. »

En pleine forêt : « Il n'y a rien qu'on puisse cacher, pas même nos pensées les plus profondes. Tout ce qu'on fait, tout ce qu'on dit, tout ce qu'on pense, reste là-dehors dans le monde. »

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L720xH950/pizzlys_bd-50-ebeb8.png?1665336631

https://www.francetvinfo.fr/pictures/uNvQXySe4AWT-_ezLc_DCgJZjvQ/fit-in/720x/2022/10/14/phpLxmoUy.jpg

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9 mars 2023 4 09 /03 /mars /2023 10:01

Les Vieux Fourneaux - Tome 7 - Les Vieux Fourneaux - Chauds comme le climat  - Wilfrid Lupano, Paul Cauuet - cartonné - Achat Livre | fnac

Alors que le grand patron de l’entreprise d’anti-dépresseurs, Garan-Servier, vient de passer l’arme à gauche, Antoine, dans une manif à Paris, est blessé. Il a voulu empêcher un casseur de briser la vitrine d’une banque … ça, ça le dépasse Pierrot, vouloir protéger une banque ! Pendant ce temps-là, dans le petit village de Montcoeur, le maire pavoise, ravi d’avoir eu l’idée d’organiser un pique-nique de l’amitié… jusqu’à ce que la vieille Berthe déboule et lui plante sa pique à brochette dans les fesses. Etrangement, le lendemain, un incendie ravage la ferme de Berthe mais aussi toute l’entreprise Garan-Servier ! Qui est le coupable ?

Et encore une chouette virée avec nos joyeux lurons ! Je ne sais pas pourquoi j’ai laissé traîner l’album si longtemps avant de le lire, je ne me lasse toujours pas des irrévérences de nos petits vieux, du bazar qu’ils sèment, de cette atmosphère décomplexée et anarchiste. La langue de Lupano est fleurie, le dessin de Cauuet est d’une belle précision pour mettre en valeur la belle vieillesse. Le racisme, la délocalisation, les préjugés se font tout petits dans les grands discours révolutionnaires de nos vieillards préférés. Qu’est-ce qu’on a envie d’y croire et d’aller boire des coups à La Chope avec Mimile, Pierrot et Antoine ! A lire sans modération.

Lorsque les policiers tentent d’interpeller Berthe à son domicile, elle leur jette une fourche à leurs pieds :

« Bon, déjà, elle n’a plus sa fourche.

- Je note : « Tentative d’homicide sur un agent des forces de l’ordre.

- C’est une lecture très partiale des événements. Je dirais plutôt qu’elle a rendu les armes, non ? 

- Et envoyez-moi tout le pshitt que vous voulez, vous me faites pas peur, j’en ai plein, des fourches !

- Surarmée, donc. »

 

« Pourtant, ta tête, y a pas de quoi la mettre en avant. Ni pour le contenu, ni pour le contenant ! »

Lien vers Le tome 6

Les Vieux Fourneaux - Tome 7 - Les Vieux Fourneaux - Chauds comme le climat  - Wilfrid Lupano, Paul Cauuet - cartonné - Achat Livre | fnac

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28 février 2023 2 28 /02 /février /2023 18:42

La dernière reine - Jean-Marc Rochette - Casterman - Grand format - Chez  mon libraire

Edouard Roux a grandi dans le Vercors et son enfance a été marquée par la mort du dernier ours, humilié par les hommes et sauvagement assassiné devant l’enfant. Soldat pendant la Première Guerre, il en sortira complètement abîmé et c’est une sculptrice, Jeanne, qui va lui offrir un nouveau visage… pas n’importe lequel, celui d’un kouros grec. Si, grâce à Jeanne, Edouard retrouve sa dignité, il rencontre aussi l’amour. Il emmène Jeanne dans son Vercors, elle s’en éprend immédiatement et y découvre un incroyable secret : une grotte cachée dont les parois sont recouvertes de dessins de nos ancêtres ainsi qu’un ours grandeur nature magnifiquement sculpté dans la pierre. Jeanne va le dessiner et le reproduire dans son atelier parisien. Le secret est et sera gardé par les deux êtres qui s’aiment mais l’air vicié de Paris et ses habitants trop souvent malhonnêtes vont éloigner encore une fois Jeanne et Edouard dans leurs montagnes chéries.

Au début de l’album, on ne sait pas tellement où on va, la chronologie est malmenée, le fil directeur c’est ce type un peu à part, Edouard Roux, un peu à part parce que plus proche de la nature et des animaux que des hommes ; mais c’est aussi le Vercors, région âpre, puissamment vivante, somptueusement primitive qui est le cœur de tout. Puis l’intrigue s’étoffe de mille subtilités, mise sur le beau, le sublime, l’engagé. Le dessin, quant à lui, charme et revêt ses plus beaux atours quand il est ancré dans la nature, les deux pieds dans l’herbe, à caresser la rudesse de la pierre et à scruter la pureté du ciel bleu. On pourrait même espérer que l’homme débarrasse le plancher, mais il en reste qui ne sont pas si mauvais…  C’est vraiment très très bon, le succès de ce bon gros album de 238 pages est mérité, le dessin simple, brut, essentiel s’accorde si bien à l’histoire racontée. Je terminerai par un très minuscule bémol (un bémolet en fait), le sombre de la plupart des planches là où elles méritaient tellement de lumière… ça ne m’empêche pas de faire de cette lecture un coup de cœur !

Je n’avais jamais lu Jean-Marc Rochette, ce fut une belle découverte, j’arrive un peu tard puisque le bonhomme semble avoir déclaré qu’il ne publierait plus d’albums. Il me reste tous ses autres à lire, tant mieux pour moi.

  « Ne t'inquiète pas. Je viens du pays des ours. Ma famille les connaît depuis toujours.

- Depuis toujours ?

- On respire le même air, on foule la même terre, on boit à la même source. On est de la même famille. L'ourse m'a dit que ces montagnes lui manquaient. Elle m'a parlé de l'arbre où elle avait l'habitude de se gratter. Elle m’a raconté le goût des framboises et des myrtilles et le vent frais du soir. Elle, si triste et si seule. »

 

  « Edouard, c'est un trésor universel. Cette sculpture est un vrai joyau. Elle va révolutionner l'histoire de l'art. Et l'histoire en général.

- Rien ne sortira d'ici, Jeanne. Seuls les membres de ma famille connaissent l'existence de cette grotte. A part toi et moi, personne ne connaît ce lieu. Nous sommes les gardiens de son sommeil. De ses rêves. Les hommes tuent la magie. Jure-moi que tu ne me trahiras pas. Personne ne doit la réveiller. »

La dernière Reine - cartonné - Jean-Marc Rochette, Jean-Marc Rochette,  Jean-Marc Rochette - Achat Livre ou ebook | fnac

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18 février 2023 6 18 /02 /février /2023 10:07

Humaine, trop humaine - relié - Catherine Meurisse, Catherine Meurisse -  Achat Livre ou ebook | fnac

En 93 pages, Catherine Meurisse passe en revue une cinquantaine de philosophes dont on connaît tous les noms (étonnant finalement…) sans en comprendre vraiment les idées : Aristote, Descartes, Sartre, Schopenhauer, Pascal, Platon, Machiavel, Spinoza, Voltaire, Marx, Montaigne, Simone Veil, etc. Parfois, elle nous donne un aperçu très bref de leurs principes, parfois elle se moque d’eux, les ramenant à notre époque (Pascal passe sa journée sur son portable, Héraclite se baigne dans une eau polluée, Aristote réfléchit aux logos des grandes marques, Bergson a créé un « Comedy club » et Darwin teste la sélection naturelle avec des visios), évoquant aussi la complexité et l’opacité de leurs démarches pour le commun des mortels.

J’ai toujours beaucoup aimé le travail de Catherine Meurisse et j’ai souvent fait de ses BD de véritables coups de cœur (La Légèreté, Les grands espaces, Mes hommes de lettres). J’avoue pourtant avoir été un peu déçue par cette lecture parce que j’en attendais autre chose. Assez réceptive à la philosophie depuis mes premiers cours de Terminale, je m’étais longtemps fixé pour objectif d’y retourner pour de bon. Faute de temps, je ne l’ai jamais fait. Et je crois que j’attendais de cette BD une plongée dans la philo telle que je l’aimais jadis, or, Catherine Meurisse ne fait qu’effleurer les plus grands philosophes du doigt, elle malmène même certains en les tournant en ridicule et, au final, on n’apprend pas grand-chose. Donc, je suis plutôt déçue parce que mon attente n’a pas été comblée. A part ce petit caprice, l’ouvrage balaie toutes les époques de l’Antiquité à nos jours, offrant une vision -certes lapidaire- des principes et idées de ces grands noms mais il a pour mérite de les rendre modernes et actuels. C’est également très drôle quand Catherine Meurisse s’insurge contre certaines idées sclérosées comme la misogynie (Diderot en prend pour son grade et Fénelon se fait avaler par l’aspirateur de la femme qu’il ose humilier : « Une femme correcte est une femme qui ne lit pas. ») ou la vanité de certaines pensées. A noter qu’il n'y a que trois femmes dans le lot…

A vos micros : « Kant on n’a que l’amooouuur…

       Dis… Kant reviendras-tu ? Dis… au moins le sais-tu ?

      Kant la musique est bonne !!!

      Kant t’es dans le désert … depuis trop longtemps… »

Humaine, trop humaine - relié - Catherine Meurisse, Catherine Meurisse -  Achat Livre ou ebook | fnac

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8 février 2023 3 08 /02 /février /2023 17:24

Microcosme - Les rêveursLes rêveurs

Je ne loupe pas une sortie d’un de mes auteurs BD fétiches. Ce n’est pas exactement une nouvelle sortie ici mais une réédition avec quelques pages-cadeau d’un album au format original, publié pour la première fois en 2014.

Si les taches devenaient des personnages ? Qu’à cela ne tienne, ils formeront une petite tribu d’êtres un peu (beaucoup) cinglés composée de Jean-Jacques et de Brigitte. De beaucoup de Jean-Jacques de beaucoup de Brigitte. Parmi eux, un suicidaire, un autre qui annonce régulièrement la fin du monde, celui qui couche avec la femme du pote, un tueur en série, un chômeur, une femme facile, celui qui accepte que son pote couche avec sa femme, … entre autres. Ça grouille d’humour noir, de mauvaise foi, de cynisme, de sexe, de remarques graveleuses et de réflexions bien potaches ; l’absurde n’est pas en reste… il y a même quelques (rares) blagounettes mignonnettes. C’est un méli-mélo de n’importe quoi mais finalement comme les taches, ça peut donner quelque chose de (presque) joli et de très drôle. Attention, la couverture guillerette est trompeuse, c’est à ne pas mettre entre toutes les mains. Le pote Jean-Yves Ferri vient clore l’album après les quelques pages inédites de Larcenet. Ça se lit !

Petits exemples de dialogue :

  • Depuis que Brigitte m'a quitté, je dois m'occuper seul des mômes... C’est qu’on en a plein, en plus ! J’en peux plus, je vais crever !
  • Dur.
  • T’en as des mômes, toi ?
  • Nan.
  • T’en veux ? J’en ai en double.

 

  • Pute, pute, ppppute, morue ! Chuis le tueur en série et je vais te crever, poufiasse ! J’vais tellement t’égorger Que tu sentiras même pas quand je violerai tes restes démembrés !!
  • C'est peut-être un peu ambitieux comme programme, pour un premier rendez-vous, Jean-Jacques. Si nous commencions par dîner ?

 

  • Allons enfants de la patrieuh le jour de gloire est arrivéheu
  • Bin qu'est ce qui te prend ?
  • je ne sais pas… je… je crois que je deviens nationaliste…
  • Ah bin c'est ce qui arrive quand on est une des plus grosses taches du pays.

Microcosme, bd chez Les Rêveurs de Ferri, Larcenet

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28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 13:39

Céleste - Bien sûr - monsieur Proust / Partie 1 - Céleste - Chloé Cruchaudet  - cartonné - Achat Livre ou ebook | fnac

Tome 1 : « Bien sûr, Monsieur Proust »

En 1956, des antiquaires viennent voir Odilon et Céleste dans un but très précis : mettre la main sur des objets ayant appartenu à Marcel Proust puisque c’est dans cet immeuble qu’il a vécu. L’occasion pour Céleste de se remémorer sa jeunesse : mariée à Odilon, chauffeur particulier de Proust, Céleste ne savait encore rien faire. Elevée dans un petit cocon en Lozère, elle découvre prudemment la vie parisienne. Proust cherche une gouvernante et malgré son inexpérience, Céleste va être engagée … et elle va apprendre ! Apprendre à faire le café, à répondre au téléphone, à faire des bouillotes à toute heure du jour ou de la nuit, … mais surtout à respecter les horaires de Monsieur, obéir à ses frasques, écouter ses jérémiades et ses complaintes, classer ses papiers épars, et même gérer les corrections de son livre. Lorsqu’Odilon part à la guerre, Céleste se retrouve seule avec Proust et elle oscille sans cesse entre agacement et admiration, elle se laisserait bien tenter par l’idée de l’abandonner, le laisser seul dans sa bulle de verre, au sommet d’un pic rocheux.

Un album parfait ! Grâce à cette domestique à la fois dévouée et timide, on pénètre dans le monde très fermé (au sens propre du terme) de Marcel Proust, être maladif et capricieux, solitaire et exigeant, grand génie. Les relations entre les deux protagonistes mêlent dépendance, enthousiasme et attentions, elles sont en tous cas ambiguës et complexes. Et finalement, on se retrouve un peu comme Céleste, à la fois attendrie et agacée par les manies et le génie de Monsieur Proust. Les dessins sont un véritable spectacle pour les yeux, tout en élégance et en finesse mais de Chloé Cruchaudet on ne pouvait s’attendre qu’à une telle qualité. Bref, c’est un COUP DE CŒUR !

Odilon, à Céleste : « C’est une petite chose fragile et délicate qui a besoin de nous … il passe son temps dans son lit, à travailler et à respirer les fumigations pour son asthme… en dehors de la cuisine, ne fait surtout aucun bruit. Il ne supporte rien… il a fait tapisser les murs de sa chambre avec des panneaux de liège… sa chambre, c'est tout son monde. Quand il sort, c'est pour glaner de la matière pour « son œuvre » comme il dit. Ça, c’est mon rôle. Le tien, c’est d'assurer sa tranquillité et son café. »

https://www.bdgest.com/prepages/thb_planche/3509_P4.jpg

 

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19 janvier 2023 4 19 /01 /janvier /2023 10:31

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L600xH812/arton30423-26af5.jpg?1666105432

     -   Volume 1   -

Ersin raconte sa vie. Celle d’un petit garçon qui a grandi dans un quartier pauvre d’Istanbul, auprès de parents enseignants et kémalistes (qui sont, suivant l’idéologie d’Atatürk, pour la laïcité, la démocratie et la liberté). C’est en regardant son père peindre qu’il a aimé dessiner. Pour faire plaisir à ses parents, il promet cependant de devenir ingénieur mais l’école stricte et élitiste où il est placé conforte son idée de devenir dessinateur de BD. Il parvient de temps en temps à faire accepter un de ses dessins dans une revue ou un journal. Ado, il finit par convaincre ses parents de lui laisser faire des études en arts graphiques, à condition qu’il ne dessine pas pour des journaux satiriques, ce serait trop dangereux pour sa vie et celle de ses proches. Ses dessins lui permettent de travailler pour le magazine humoristique Penguen et, petit à petit, il devient connu et reconnu. Il réalise son rêve d’enfant : les gens l’interpellent dans la rue, il passe ses journées à dessiner et s’assoit à côté des plus grands. Cependant lorsque le Premier Ministre, Erdogan, intente au procès à un dessinateur qui l’a représenté sous les traits d’un chat empêtré dans sa pelote, Ersin prend peur. Ses parents réitèrent leurs conseils de s’éloigner de tout ce qui pourrait attenter à sa tranquillité, la venue régulière de trois mollahs sous-entendant qu’il pourrait arriver malheur à Ersin et aux siens achève de convaincre le garçon de tout abandonner. Pourtant, le souvenir du petit garçon qui s’est battu pour réaliser son rêve le convainc de continuer sa collaboration avec Penguen.

Dans ce magnifique album, on découvre non seulement la vie d’un garçon puis d’un homme destiné à s’épanouir dans ce qui a toujours été sa passion, le dessin, mais aussi un morceau d’histoire de la Turquie, un pays où il fait, en apparence, bon vivre, mais où la liberté n’est souvent qu’une façade. Un climat de peur et une politique de plus en plus autoritaire laissent peu de place aux critiques et à l’humour, et il faut du courage aux journalistes et dessinateurs pour oser s’opposer à Erdogan. L’album est comme un cœur qui palpite en plein centre d’Istanbul. L’ensemble est absolument passionnant, j’ai adoré découvrir le parcours de cet enfant devenu adulte. J’ai aussi aimé la variété des dessins, entre caricatures et traits plus fins, les couleurs qui usent d’une large palette… bref, j’ai tout aimé et c’est un COUP DE CŒUR !

Il y aura une suite qu'il va être difficile d'attendre.

J’avais découvert ce formidable dessinateur avec Contes ordinaires d’une société résignée qui bouscule sacrément, à lire aussi !

Régression, triste régression… : « Par le passé, bien des politiciens avaient été moqués bien plus méchamment sans que cela ne suscite la moindre réaction, on raconte même que lors de voyages officiels, certains d'entre eux s'amusaient à montrer ses dessins à leurs homologues. »

Journal inquiet d'Istanbul - BD, informations, cotes

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8 janvier 2023 7 08 /01 /janvier /2023 18:42

Les Dames de Kimoto, bd chez Sarbacane de Bonin

-    D’après le roman de Sawaro Ariyoshi     -

Au Japon, au début du XXe siècle. Hana est une jeune Nippone désormais en âge d’être mariée. Sa grand-mère adorée, Toyono, l’accompagne en ses derniers instants de célibataire avant qu’Hana rejoigne son mari et sa belle-famille et ne puisse plus voir son aïeule. En jeune fille accomplie, Hana maîtrise parfaitement l'art de la cérémonie du thé, la pratique du koto et la calligraphie. Descendant de la lignée prestigieuse de la famille Kimoto, Hana est destinée à unir sa vie au maire du village, Matani Keisaku. La cérémonie du mariage mais également toute sa vie d’épouse se déroulent dans le plus strict respect des conventions et des traditions. Hana n’a que peu droit à la parole, elle se doit d’enfanter et de tenir compagnie à son mari ; la présence de domestiques lui permet de ne réaliser aucune tâche domestique. Après un premier fils, Hana devient la mère de Fumio, une petite fille au caractère bien trempé qui sera plus tard souvent en opposition à sa mère, aux convenances et aux traditions ancestrales. Pourtant, des années plus tard, sa propre fille, Hanako, se rapprochera de sa grand-mère, soucieuse de retrouver ces mêmes traditions et fière d’être japonaise.

        Le récit se déroule sur trois générations et traverse des périodes de prospérité mais aussi des moments difficiles, notamment dus à la guerre russo-japonaise puis à la Seconde guerre mondiale. C’est une belle démonstration de la lutte entre conservatisme et modernisme et les trois portraits de femmes sont intéressants dans leur évolution. Evidemment, les dessins de Cyril Bonin subliment le texte, son trait délicat sied parfaitement aux finesses du pays du soleil levant. Le rose, dominant, renvoie à la douceur, à la féminité mais, je crois, aussi, à une sorte de suavité un peu sclérosée, un univers sirupeux et figé dont Fumio voulait justement se détacher. Sans en faire un coup de cœur, j’ai beaucoup aimé cette BD qui m’a fait découvrir un Japon intimiste et familial, desservi par le sublime graphisme de Cyril Bonin. A noter que l’autrice du roman du même nom (publié en 1959) est une Japonaise féministe qui a beaucoup voyagé et écrit sur la condition des femmes.

Les Dames de Kimoto, bd chez Sarbacane de Bonin

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30 décembre 2022 5 30 /12 /décembre /2022 07:56

Soixante printemps en hiver - Ingrid Chabbert, Aimée De Jongh - Dupuis -  Grand format - La Manufacture ROMANS SUR ISERE

Josy vient d’avoir 60 ans. Aujourd’hui même. Elle s’apprête à souffler ses bougies entourée de son mari, son fils, sa fille et ses petits-enfants quand elle décide de partir. Comme ça. Son anniversaire a été un déclic, elle n’en peut plus de sa vie sans amour avec son mari, de cette existence routinière où elle a du mal à reconnaître ses propres enfants. Elle prend quelques affaires et s’enfuit dans le van resté au garage. Elle rejoint par hasard une aire de camping-car où se trouve déjà une jeune maman avec un bébé qui risque de se faire expulser d’un jour à l’autre. Les deux femmes vont se lier d’amitié. Josy va entrer dans le cercle très fermé du CVL, le « Club des Vilaines Libérées » qui rassemble des femmes qui, comme Josy, ont tout plaqué du jour au lendemain. Elle va y rencontrer Christine et c’est le coup de foudre tant amical … qu’amoureux. Harcelée par sa famille, Josy a du mal à assumer sa nouvelle histoire d’amour et une tragédie va finir par choisir pour elle un retour à la raison…

Alliant à la fois une thématique déjà traitée (celle de la femme qui se barre – et qu’on aime tous ou plutôt « toutes ») et une autre plus insolite (une histoire d’amour entre deux femmes mûres), la BD fait mouche. Elle évoque intelligemment toutes les nuances que comporte la décision de Josy, sa part de culpabilité et de honte, le harcèlement de sa famille, la possibilité d’une nouvelle vie. J’ai beaucoup aimé l’ensemble, j’ai cru en cette histoire d’amour mais j’ai tout de même trouvé la réaction des enfants de Josy caricaturale. Les dessins sont beaux, les couleurs douces, on retrouve la délicatesse des propos dans le graphisme de chacune des cases. Un grand bravo pour cette BD qui sort des sentiers battus ; j’essaierai de suivre ces deux autrices que je n’avais jamais lues auparavant.

Soixante printemps en hiver de Ingrid Chabbert, Aimee De Jongh - BDfugue.com

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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 17:29

Tananarive de Mark Eacersall, Sylvain Vallee - BDfugue.com

Amédée a un voisin et ami farfelu, régulièrement il vient trouver refuge chez Jo, un aventurier qui le délecte de ses récits plus exotiques les uns que les autres : des histoires de pirates, un Jo caché dans une case à fumer de l’opium, une évacuation en hélico vers Hanoï, une traversée de la mer Rouge … Bref, Jo a tout vécu, « prospecteur, gigolo, cultivateur, un jour riche, un autre mendiant ». Amédée est pétri d’admiration et d’envie quand il rentre chez lui retrouver sa femme. Seulement, Jo décède d’un arrêt cardiaque. La tristesse de sa disparition subite s’accompagne du choc de la découverte : non, Jo n’est pas né à Madagascar mais à Charleville. Amédée décide de se mettre à retrouver un soi-disant fils caché pour lui remettre son héritage et, surtout, l’intégrale des Pinpin qui était sa source d’inspiration. Il découvre petit à petit que son pote n’était qu’un grand mythomane.

Une BD délicieusement divertissante pour un sujet certes pas révolutionnaire, avec une trame prévisible (de même que ce Jo – même mort – et toujours présent), mais agréable comme un vin chaud en hiver. J’ai beaucoup aimé les dessins qui se rapprochent de ceux des Vieux Fourneaux. Evidemment, Amédée le pantouflard, concentré dans ses recherches se sent pousser des ailes et vit l’aventure lui aussi, et pour de vrai. J’aurais aimé plus de planches consacrées à l’imaginaire de notre aventurier menteur, les quelques-unes qui représentent toucans, tigres, cascades et oiseaux exotiques sont très réussies, je trouve.

Tananarive de Mark Eacersall, Sylvain Vallee - BDfugue.com

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