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24 avril 2025 4 24 /04 /avril /2025 13:04

Bobigny 1972

          C’est une BD que nous avons choisie ensemble avec ma fille, en librairie, je lui passe l’album qu’elle saura également apprécier, je n’en doute pas.

En janvier 1972, un chauffard se fait arrêter par la police. Pour alléger sa peine, il dénonce une femme qui s’est fait avorter, c’est illégal à cette époque. Les flics débarquent ainsi à l’aube chez Marie-Claire Chevalier, 16 ans, l’arrêtent ainsi que sa mère (pour complicité). Marie-Claire est tombée enceinte et s’est fait avorter par une faiseuse d’ange parce qu’elle a été violée (par le chauffard qui l’a dénoncée), mais il semble que cette information ne soit pas aussi importante que cet article 317 du code pénal qui punit celle qui avorte mais aussi celui ou celle qui l’aide à avorter. Elle risque cinq ans d’emprisonnement et jusqu’à 100 000 francs d’amende. Cette fois-ci un groupe de femmes comprenant entres autres Gisèle Halimi, Simone Veil, Françoise Giroud va prendre la défense de Marie-Claire et dénoncer tous ces procès abusifs qui ne concernent toujours que des femmes pauvres qui n’ont pas les moyens de se faire avorter à l’étranger ou dans de bonnes conditions. Maître Halimi va s’emparer de cette histoire et l’élever au rang d’exemple. Sa ténacité et le soutien de médecins, de personnalités et de politiciens vont lui donner gain de cause.

C’est le procès Bobigny qui va permettre de légaliser l’avortement trois ans plus tard. L’album met en valeur des femmes fortes qui ont décidé que les choses devaient changer. Il insiste sur ces victimes, toujours des femmes qui n’ont pas de soutien extérieur, qui ne connaissent pas de personne influente et qui se retrouvent parfois dans des maisons maternelles, ces endroits sordides qui gâchent complètement leur vie. L’album est excellent à tous points de vue, les dessins variés participent à l’identification du lecteur (de la lectrice ?) et rendent cette histoire aussi bouleversante qu’injuste. J’ai tout adoré, notamment la fin qui permet de faire converger de nombreux témoignages (homme et femmes, et pour certains, ce n’était pas une mince affaire !) pour aller dans la bonne direction, celle de la dépénalisation de l’avortement. Gisèle Halimi apparaît comme une héroïne mais elle n’était pas seule, la force de ce groupe de femmes repose bien sur la solidarité.  Un livre qu’il faut acheter, offrir et faire lire. Nécessaire, primordial, essentiel, indispensable.  

---   coup de cœur   ---

Le magnifique et si juste et si actuel exergue signé Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

La version « douce » et « sécurisée » d’un avortement ... : « Madame, je vais dilater votre col avec les différentes bougies. Ensuite j'aspirerai ce qui se trouve dans votre utérus après avoir fait le vide dans la bouteille, grâce à la pompe à vélo actionnée par Pierre. »

Simone Veil : « L'oppression de la femme est un des atouts dont dispose la société. Une statistique récente disait qu'il y a 45 milliards d'heures de travail ménager fourni par les femmes, contre 43 milliards d'heures de travail salarié. Il est tout à fait avantageux pour la société d'avoir des femmes qui font cet énorme travail invisible, clandestin, gratuit. Mais pour obtenir que la femme fasse ce travail, il faut la conditionner. Comme il est difficile de la persuader qu'elle a vocation à laver la vaisselle, on a trouvé quelque chose de beaucoup mieux. On exalte la maternité parce que la maternité, c'est la façon de garder la femme au foyer et de lui faire faire le ménage. Dès l'enfance, on dit aux petites filles : « tu seras voué à être maman ». Jeune fille, elle ne pense qu'à se marier et avoir des enfants, on l'a convaincue. Si la femme pouvait au moins planifier les naissances, cela lui laisserait beaucoup de liberté sur tous les plans et elle pourrait se poser en rivale de l'homme professionnellement. Pour éviter que cela se produise, il s'agit donc d'imposer la maternité à la femme contre son gré. Pour cette raison, depuis que la contraception existe, on n'a jamais essayé d'en faciliter la pratique. Chaque année, un million de Françaises se font avorter. La loi n'empêche rien du tout, elle n'a aucune espèce de sens. De temps en temps, on lui donne une apparence d'existence en inculpant quelques femmes, toujours choisies parmi les plus déshérités. On n'a jamais vu une femme de magistrat, de ministre ou de grand industriel assise à la place où sont assises les accusées aujourd'hui. Pourtant, on peut être sûrs qu'il y a autant d'avortements dans ces milieux là que dans d'autres. »

« C’est votre loi qui est coupable. »

Bobigny 1972 de Marie Bardiaux-Vaiente, Carole Maurel

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13 avril 2025 7 13 /04 /avril /2025 15:58

Happy Endings - Éditions Sarbacane

  • Dans « Bonne année », une étudiante en art demande à un jeune homme dans la rue de poser nu pour elle. Il se trouve qu’elle va le solliciter un 31 décembre, un soir glacial où le bel homme ne cesse de lui demander si c’est un « date ». Le compte à rebours servira à répondre à la question.
  • Dans « Océan », Toots et Boots, cravate et lunettes noires, appartiennent à la « Brigade des Paradoxes temporels ». Ils sont projetés dans une petite ville balnéaire de Charente-Maritime et une fois la « cible » neutralisée (un chat), à cause d'un problème avec le transmetteur, ils sont dans l’impossibilité de rentrer chez eux. Ils prennent leur mal en patience et le hasard veut qu’ils occupent un salon de coiffure et grâce au « Guide » deviennent des coiffeurs plutôt appréciés.
  • « Chanson d’un jour d’été » : Arthur a trouvé un job d’été, nettoyer les allées d’un immense cimetière. Son métier temporaire lui plaît mais il est de plus en plus intrigué par la présence quotidienne d’un bel homme en pleurs. Vincent vient pleurer tous les jours, et, à chaque fois, sur une autre tombe. Les deux hommes sympathisent et se plaisent mutuellement. Arthur finit par apprendre que Vincent est « pleureur de tombes ».

Il s’agit de trois nouvelles que l’autrice finit par regrouper à la fin de la BD par un fil qui m’a paru trop ténu (mon seul bémol). La couverture comme les dessins m’ont attirée et m’ont vraiment plu tout au long de la lecture. Les histoires sont amusantes, espiègles et surtout fantasques. Elles se démarquent par une dimension onirique et poétique, ancrées qu’elles sont dans un univers teinté de surréalisme. C’est un voile de magie qui entoure ces trois nouvelles et les aquarelles tout en douceur aux couleurs pastel participent à cet élan enchanteur. Une jolie parenthèse où il semble que tout est possible, c’est plutôt appréciable par les temps qui courent.

Happy endings | BoDoï, explorateur de bandes dessinées - Infos BD, comics,  mangas

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4 avril 2025 5 04 /04 /avril /2025 12:39

Au nom du pain Tome 3 - Jean-charles Gaudin, Steven Lejeune - Glenat -  Grand format - Colbert MONT ST AIGNAN

Epoque 2 « Pain blanc (1955-1965) »

On quitte la guerre en faisant un bond de dix ans. Les deux boulangeries concurrentes prospèrent toujours mais c’est surtout le père Durand qui cherche à s’agrandir, à s’améliorer, il envoie un petit gars espionner les recettes de brioches d’une boulangerie d’une ville voisine. Ses projets d’extension sont immenses, il est question de Lille et de Paris. C’est Monique la narratrice de ce tome, elle nous raconte son mariage avec un garagiste, son frère Marcelin plutôt volage, les nouvelles technologies qui n’apportent pas toujours le positif, et les rancunes, tenaces.

Si la guerre est bien terminée, il est encore question de fuite d’informations... de recettes de brioches cette fois-ci. C’est prouvé, on commence à manger moins de pain (de 500 grammes par jour, par personne, on est passé à 350 grammes !), il faut donc proposer des viennoiseries de qualité. On quitte doucement la petite boulangerie artisanale pour fabriquer en plus grand nombre, ... est même évoquée l’idée de congeler la pâte pour la revendre toute faite. On assiste aussi à l’évolution de la petite ville de Saint-Jean-De-Monts, l’inauguration de son remblai, l’essor du tourisme. J’ai moins aimé ce tome parce que les histoires de couple qui se font, se défont m’ont un peu perdue et que (c’est lié) les visages ressemblants ont confondu les personnages dans mon esprit. Je suis contente d’avoir lu cette trilogie, l’idée de ce thème fédérateur du pain, surtout dans un pays comme le nôtre, me paraît très judicieuse et le voyage à travers les années m’a beaucoup plu. Ma fille m'a piqué la série, elle a émis les mêmes réticences que moi (allez, on peut même dire qu'elle a été plus sévère). A vous de vous faire votre propre avis.

Au Nom Du Pain - Au Nom du Pain - Tome 03 - Jean-Charles Gaudin, Steven  Lejeune - cartonné - Achat Livre ou ebook | fnac

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26 mars 2025 3 26 /03 /mars /2025 08:30

Au nom du pain Tome 2 : Marie - Jean-charles Gaudin, Steven Lejeune -  Glenat - Grand format - Au vent des mots Lorient

Epoque 1 « Pain noir (1939-1944) »

Nous avions laissé Marcelin et Monique, les jumeaux, seuls avec leur mère Marguerite à la boulangerie, le père boulanger étant parti se battre. Marie Durand, la fille de la boulangerie concurrente, devient la narratrice de cet épisode, elle raconte comment les recherches du meurtrier d’un officier allemand ont tourné au drame, comment la fin de cette guerre a été si violente pour tous, faite d’imprévus, de mensonges, de trahisons et de surprises, comment elle est tombée amoureuse du courageux Marcelin. Les boulangers concurrents depuis longtemps, les Durand et les Martineau, se sont rapprochés face à l’ennemi. Si le pain est plutôt devenu un thème prétexte -même si la mie est capable de porter des messages secrets ...- c’est bien de résistance dont il est surtout question.

De cette trilogie, c’est mon tome préféré. Le scénario est haletant, les personnages de plus en plus attachants et j’ai trouvé que le dessin avait gagné en qualité, notamment avec des couleurs plus variées que dans le premier tome. Je disais plus haut que le thème du pain est plutôt devenu un prétexte mais on apprend quand même comment conserver les œufs huit mois, et d’ailleurs s’approvisionner en matières premières pour proposer le meilleur pain devient une gageure pour les deux enseignes. Cette période trouble est bien décrite, un Allemand propose de rapprocher le mari de la mère Durand en échange d’informations sur les Martineau, ses rivaux depuis toujours... Les choix - sous la menace d’un chantage - ne devaient pas être évidents à faire. J’ai bien aimé voir les enfants évoluer, grandir et s’émanciper. La vie, constamment sous pression, revêt un sentiment d’urgence, on profite de chaque seconde. La suite et fin de la trilogie, dans quelques jours !

Au Nom Du Pain – T.2 : Marcelin – Par Jean-Charles Gaudin & (...) - ActuaBD

 

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18 mars 2025 2 18 /03 /mars /2025 18:34

Au Nom du Pain - Tome 01

Epoque 1 « Pain noir (1939-1940) »

Du bon pain dans une BD, ça ne se refuse pas !

En 1938, la famille Martineau ouvre sa boulangerie à Saint-Jean-de-Monts, un gros village de Vendée. Si les premiers clients tardent à venir, habitués qu'ils étaient à fréquenter l'autre boulangerie du village, l'excellent pain des Martineau attire rapidement un plus grand nombre. Mais la guerre éclate, le père et boulanger doit partir au front Marguerite reprend le flambeau avec ses jumeaux Marcelin et Monique. La vie n’est pas de tout repos : des exilés de l’Est arrivent peu avant les Allemands qui occupent la petite ville en conquérants. Marguerite plaît beaucoup aux hommes, les Français comme les Allemands et Marcelin s’engage petit à petit dans la résistance, les pains qui circulent aisément constituant un bon moyen de faire passer des informations.

                Ce n’est pas tant l’univers de la boulangerie qui nous est proposé qu’un aperçu de la vie quotidienne sous l’Occupation allemande. Pour survivre, tout le monde se met au boulot et si certains font preuve de solidarité, il faut aussi se méfier d’autres personnes plus viles et mesquines. Les protagonistes sont attachants et courageux, à commencer par Marguerite, déterminée et stoïque qui, on le sent bien, ne sait trop que faire du charme qu’elle dégage. Le scénario tient la route (à la fin du tome, on a hâte de lire la suite) dans un univers qui ne souffre pas trop (un peu quand même) de stéréotypes. Les dessins, très classiques cadrent bien avec l’époque même s’ils ne m’ont pas tout à fait emballée (du brun, du beige, du kaki, bon on a compris l’ambiance). Dernier points positifs : la recherche documentaire fouillée et intéressante, j’ai notamment beaucoup aimé cette publicité qui reflète bien les restrictions de la guerre : « Economisez le pain, coupez-le en tranches minces et utilisez toutes les croûtes pour les soupes ». Et puis cette escapade à Saint-Jean-de-Monts est vivifiante et m'a rappelé de jolies vacances vendéennes !

Au Nom Du Pain - Époque 1 : Pain noir (1939-1944) Tome 01 - Au Nom du Pain  - Tome 01 - Jean-Charles Gaudin, Steven Lejeune - cartonné - Achat Livre ou  ebook | fnac

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9 mars 2025 7 09 /03 /mars /2025 18:23

Suzette ou le Grand Amour

Suzette est une vieille dame désormais veuve. Quand sa petite-fille Noémie lui demande comment elle va, elle n’affiche pas la grande tristesse attendue et semble moins que la jeune femme qui tenait tant à Jacques, son grand-père. Noémie et Suzette, très proches, se confient petit à petit leur vie, leurs secrets, leur passé même s’il est plus difficile pour l’aïeule, trop pudique. Noémie finira par apprendre que Jacques était meilleur grand-père que mari, qu’il trompait Suzette et qu’elle n’était pas vraiment heureuse dans son couple. De fil en aiguille, Suzette va avouer qu’elle n’est finalement tombée amoureuse qu’une seule fois dans sa vie, d’un bel Italien, Francesco, qu’elle a perdu de vue peu avant de se marier avec Jacques. Pour Noémie qui vient de s’installer avec Hugo et qui découvre les méandres de la vie à deux, il n’y a plus à hésiter : il faut retrouver ce beau Francesco même si quelques décennies ont passé. Elle quitte pour une semaine son emploi de fleuriste à Bordeaux et emmène Suzette à Portofino pour tenter de revoir l’Italien.

Mais quelle merveille que cet album ! Pour tout vous dire, je l’ai lu un dimanche soir, veille d’une reprise, dans un état de spleen avancé et je suis entrée dans un monde magique, doux, coloré, musical et enchanteur avec Suzette et Noémie ! Certes, c’est plein de bons sentiments et on sent d’emblée approcher le happy end mais l’album est si dense qu’il permet d’avancer doucement dans les confidences de la vieille dame, d’analyser avec finesse et nuances les relations entre hommes et femmes et de mettre en lumière cette jolie entente entre grand-mère et petite-fille. La balade en Italie est savoureuse et rafraîchissante. C’est joli tout plein, ça recharge les batteries et ça agrémente les dimanches soir moroses, que demander de plus ? Je n'en fais pas un coup de coeur (c'est passé juste) parce que les dessins ne m'ont pas particulièrement touchée et que certains éléments sont invraisemblablement feel good. Mais je suis ravie d’avoir enfin découvert cet auteur tant vanté par certaines/certains. N’hésitez pas à me proposer d’autres de ses titres.

Suzette ou le grand amour de Fabien Toulme

 

Suzette ou le Grand Amour, bd chez Delcourt de Toulmé, Ory

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25 février 2025 2 25 /02 /février /2025 11:20

La Lune est blanche

Il me tardait de me (re)plonger dans les magnifiques dessins de Lepage. Ici, ils s’accompagnent de photographies de son frère, François.

En 2011, les deux frères Lepage ont l’immense privilège de participer à un voyage en Terre-Adélie, plus encore, d’être parmi les dix chauffeurs du Raid, comprenez, le raid de ravitaillement qui rallie Dumont d’Urville à la base Concordia. Après maintes péripéties : un voyage sur l’Astrolabe qui ne sera fait que de nausées et de mal de mer, un risque d’annulation de l’aventure, l’ahurissante découverte des icebergs, les deux hommes embarquent dans leur Caterpillar pour 1200 kilomètres à travers des espaces qui ressemblent à la lune tant ils sont éloignés de tout ce qui a trait à notre planète. Un long cordon de tracteurs, de remorques, de caravanes et de citernes affronte des températures descendant jusqu’à -50 degrés, une altitude de 3200 mètres, des tempêtes qui bloquent momentanément le convoi et toujours ce même paysage monotone fait de nuances de blancs avec un inatteignable horizon. L’ensouillage (l’enlisement dans la neige) menace à chaque kilomètre mais les deux frères, les plus novices de l’équipe, se débrouillent plutôt bien.

Quelle aventure extra-ordinaire ! Ces hommes ont foulé une terre hostile et glaciale pour vivre des moments inoubliables. J’ai tout de même eu du mal à dépasser ma peur du froid, ces vastes étendues de neige ou de glace m’ont sans doute plus effrayée que fascinée mais le talent de Lepage rend le périple passionnant. Il retrace le parcours des principaux explorateurs (Scott, Amundsen, Charcot, ...) pour arriver à sa propre expérience et celle de son frère qui écrit tous les jours à Marile, sa bien-aimée. Au-delà des paysages lunaires et ces déserts de glace parcourus, l’aventure humaine se révèle être unique : ce sont des volontaires de différents corps de métiers (glaciologues, sismologues, météorologues mais aussi cuisiniers, électriciens, mécaniciens, médecins). J’ai beaucoup aimé trouver à la fois des dessins (somptueux, évidemment) et des photographies rendant l’expérience encore plus palpable. J’ai évidemment appris énormément de choses : le krill, principale nourriture des cétacés qui est au cœur de la préservation de nombreuses espèces animales ; la vitesse record du vent enregistré à Dumont (320 km/h) ; l’Antarctique a perdu entre 70 et 150 gigatonnes de sa masse, « ce que la population française consommerait en eau pendant vingt à quarante ans ». Les textes oscillent entre explications scientifiques, réflexions personnelles et une certaine poésie très appréciable face à cette nature incroyable.

« L’Antarctique est un continent qui n’appartient à personne... ou plutôt – fait unique – il est le bien de l’humanité entière. En Antarctique s’est accompli ce vieux rêve : un continent entier consacré à la science et à la paix. »

Lorsque le bateau parvient à ces mers de glace : « La glace craque, se fissure, s'enfonce, roule sous le bateau et remonte le frapper violemment. L'Astrolabe avance par coups de boutoir, recule dans un bouillonnement d'écume, repart à l'attaque, puis stoppe brutalement dans un bruit de tôle froissé. À l'horizon, à la poupe du navire, un ciel noir : le watersky. C'est la mer qui se reflète sur les nuages, là d'où nous venons, l'eau libre. Mais devant nous, c'est le blanc infini. »

« Le voyage râpe les peaux qu’on se donne, les apparences sociales. On est nu, la peau à vif. C’est un miroir sans concession. Le raid, c’était l’aventure improbable. Soudain, je me suis vu suivant les traces des grands aventuriers. Et puis, j’y suis... et je ne parviens pas à prendre réellement conscience du lieu où je me trouve. J’ai beau me répéter que je voyage en Antarctique, mon cerveau s’ensouille. »

D'autres titres de Lepage : Voyage aux îles de la Désolation, Ar-Men, Un printemps à Tchernobyl.

La lune est blanche de Lepage

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16 février 2025 7 16 /02 /février /2025 19:30

Iranienne (Grand format - Broché 2024), de Eric Darbré, Zainab Fasiki, Aran  de Shahdad | Marabout

Raya a 19 ans, elle vit en Iran et est lycéenne dans une prépa qui devrait lui permettre de poursuivre des études d’art dramatique. Mais Raya est lesbienne, punk, elle a les cheveux en partie rasés avec une mèche violette qui lui tombe sur le front, son maquillage est outrancier, ses ongles longs et vernis, et elle aime provoquer ses camarades de classe ou les adultes qui l’entourent. Evidemment, dans ce pays ultra psychorigide dirigé par des mollahs intransigeants avec les conditions des femmes, ça passe mal, ... très mal. Les parents de Raya sont séparés, sa mère s’inquiète constamment pour sa fille et son ivrogne de père est fier des choix révolutionnaires qu’elle a faits. Raya fait tout pour sortir de ce pays mais gagner sa vie ou obtenir un passeport en Iran n’est pas chose aisée pour une femme.

Une vraie déception pour cette BD qui traite d’un thème qui ne doit pas être pris à la légère. Les dessins sont simples et très colorés, les couleurs vives voire fluorescentes se multiplient sans qu’on comprenne très bien pourquoi. Le scénario se grime d’artifices, devient très vite peu vraisemblable et finalement, on a presque l’impression d’assister à une vaste blague, de participer à un jeu qui amuse l’héroïne dans un univers fictif. Les réactions des personnages paraissent souvent excessives et déplacées, et les rendent clairement antipathiques, on a du mal à s’attacher à eux. J’ai offert l’album à ma fille qui ne l’a pas non plus aimé, j’ai pourtant été conseillée par une libraire qui pensait peut-être bien faire (les couleurs attireraient les jeunes ?) mais cet album ne rend pas service à la cause des femmes en Iran, me semble-t-il. Davantage d’authenticité et de subtilité dans les propos comme dans le graphisme aurait été appréciable. Peut-être l’album, pourra-t-il, à la rigueur, convenir à un lecteur qui ne connaît rien à la situation du pays ? Il appuie avec justesse sur l’insécurité de la vie des femmes et sur l’hypocrisie ambiante. J’ai tout de même appris qu’Ormuz, au sud du pays, une île où la liberté existe encore, est devenu le refuge de celles/ceux qui étaient rejeté-e-s de cette inflexible société. Evidemment, même là-bas, une surveillance de tous les instants s’opère. La liberté est une richesse difficile à acquérir.

« Regarde ce qu’ils ont fait de nous... Un peuple de névrosés qui vit dans une angoisse permanente. Comme les Russes sous Staline. »

« Ma mère a raison, je vais passer ma vie à avoir peur dans ce pays. Mentir ou risquer la mort en permanence... charmant programme ! »

L’excellent Badjens de Delphine Minoui est à lire sur le même contexte.

Iranienne (Grand format - Broché 2024), de Eric Darbré, Zainab Fasiki, Aran  de Shahdad | Marabout

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3 février 2025 1 03 /02 /février /2025 16:47

Quand j'ai froid - Valentine Choquet - Editions De La Gouttiere - Grand  format - Librairie Goulard Aix en Provence

                Louise, une jeune étudiante, mène, à Paris, une existence plutôt tristounette, solitaire et monotone. Un jour de neige, elle croise sa voisine, une vieille dame, Andrée, haute comme trois pommes, qui entame la conversation. Elle lui raconte ses hivers de petite fille, le patin à glace, la veste perdue et celle, beaucoup trop grande, prêtée par son père. D’autorité, elle l’emmène au marché de Noël du quartier, la sortant un peu de sa coquille.  Au fil des saisons, la jeune femme et l’aïeule vont sympathiser davantage, se voyant régulièrement, et les récits d’Andrée vont indirectement donner confiance à Louise qui va devenir plus sociable. Du Tour de France 1957 à la rencontre avec celui qui deviendra son mari, Andrée n’a pas la langue dans sa poche mais certains souvenirs se voilent d’une légère brume qui se fera plus opaque au fil des mois.

Malgré ses 210 planches, la BD se lit comme ces carnets qu’on feuillette à toute allure pour créer de minuscules films. Les dialogues sont quasi absents mais de jolis dessins tout en rondeur et en couleurs raconte le parcours de ces deux femmes, l’une va vers la vie, prend confiance en elle, l’autre décline petit à petit, laissant à sa nouvelle amie quelques bonnes doses de tendresse et d’assurance. C’est doux et subtil, feutré et touchant. « Une version améliorée de la tristesse » chanterait Peter Peter ou la vie qui s’en va doucement, sans faire de vacarme...

Une très belle première bande dessinée sur deux solitudes qui se rencontrent, d’une toute jeune autrice aux talents prometteurs.

Quand j'ai froid, bd chez Editions de la Gouttière de Choquet

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24 janvier 2025 5 24 /01 /janvier /2025 18:39

ULYSSE & CYRANO | LIBRAIRIE BD 16

 

Il me tardait de lire cette BD assez impressionnante, 168 pages, une couverture épaisse, un grand format, bref, un temps de lecture presque équivalent à celui d’un roman.

D’un côté, Cyrano, chef cuisinier d’un trois étoiles qui, parce qu’il n’a pas eu le prix du meilleur cuisinier de France pète un plomb : il rentre dans son restaurant et y met le feu. On le retrouve quinze ans plus tard, en 1952, solitaire bougon mais toujours amoureux des bons produits de sa Bourgogne, isolé du reste des habitants de son village qui méprisent son geste... D’un autre côté, Ulysse, adolescent parigot préparant laborieusement son bac, fils du grand patron Ducerf, à la tête de la plus grande cimenterie de France. Ces deux-là vont se rencontrer : le père Ducerf exile son fils et sa femme en Bourgogne pour les éloigner d’un scandale de collaboration avec les Allemands pendant la guerre. Ulysse tombe sur Cyrano, ce gros bonhomme rustre et bon vivant qui lui fait découvrir sa cuisine... que le garçon adore d’emblée. En douce, il va devenir son commis avant de lui-même élaborer de bons petits plats pour se rendre compte qu’il est fait pour ça : devenir cuisinier. Mais le père Ducerf, autoritaire au possible, n’a qu’une idée en tête, faire de son fils le successeur de son immense entreprise. Entre héritage et vocation, Ulysse ne sait plus où donner de la tête mais la phrase fétiche de Cyrano, « in voluptas veritas », dans le plaisir, la vérité... résonne en lui.

Même si l’intrigue a des allures de comédie télé sympathique, elle est plus profonde qu’il n’y paraît : Ducerf a collaboré avec les Allemands, certes, mais avait-il vraiment le choix ? Si Cyrano a réduit en miettes son restaurant, c’est parce qu’il n’en pouvait plus de cette pression quotidienne rendue parfois insupportable avec un métier si prenant. La mère Ducerf est capable d’entendre les souhaits de son fils malgré l’étroit carcan imposé par son mari. On prend un plaisir fou à se plonger dans cette histoire qui aurait bien pu être découpée en plusieurs tomes (merci aux auteurs d’en avoir fait un one-shot). Il est aussi question de cuisine traditionnelle vs cuisine moderne, de liberté, d’autorité paternelle (Ducerf a encore un père qui est tout aussi odieux avec lui que lui l’est avec son fils !). Bref, comme les plats de Cyrano, les planches sont copieuses, colorées, vivantes, goûteuses, appétissantes. Malgré une fin prévisible, un engouement que j’aurais aimé plus franc (j’en attendais beaucoup) et quelques clichés, j’en fais un coup de cœur pour le plaisir de lecture (et de la bouffe, très très importante à mes yeux...)

« La cuisine, c’est comme le théâtre ! Chaque soir, tu remets le couvert. Et chaque soir, tu peux ruiner dix ans d’efforts... »

« Imagine que la cuisine, c’est comme une nouvelle langue pour toi. Je vais juste de donner les bases du vocabulaire, mais au moins tu sauras causer ! Et ce qui va compter, plus que tout, c’est : qu’est-ce que tu vas raconter ? Quelle émotion, qu’est-ce que tu vas mettre de toi, dans ton assiette ? »

Ulysse & Cyrano - 2203171472 | Cultura

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