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8 février 2023 3 08 /02 /février /2023 17:24

Microcosme - Les rêveursLes rêveurs

Je ne loupe pas une sortie d’un de mes auteurs BD fétiches. Ce n’est pas exactement une nouvelle sortie ici mais une réédition avec quelques pages-cadeau d’un album au format original, publié pour la première fois en 2014.

Si les taches devenaient des personnages ? Qu’à cela ne tienne, ils formeront une petite tribu d’êtres un peu (beaucoup) cinglés composée de Jean-Jacques et de Brigitte. De beaucoup de Jean-Jacques de beaucoup de Brigitte. Parmi eux, un suicidaire, un autre qui annonce régulièrement la fin du monde, celui qui couche avec la femme du pote, un tueur en série, un chômeur, une femme facile, celui qui accepte que son pote couche avec sa femme, … entre autres. Ça grouille d’humour noir, de mauvaise foi, de cynisme, de sexe, de remarques graveleuses et de réflexions bien potaches ; l’absurde n’est pas en reste… il y a même quelques (rares) blagounettes mignonnettes. C’est un méli-mélo de n’importe quoi mais finalement comme les taches, ça peut donner quelque chose de (presque) joli et de très drôle. Attention, la couverture guillerette est trompeuse, c’est à ne pas mettre entre toutes les mains. Le pote Jean-Yves Ferri vient clore l’album après les quelques pages inédites de Larcenet. Ça se lit !

Petits exemples de dialogue :

  • Depuis que Brigitte m'a quitté, je dois m'occuper seul des mômes... C’est qu’on en a plein, en plus ! J’en peux plus, je vais crever !
  • Dur.
  • T’en as des mômes, toi ?
  • Nan.
  • T’en veux ? J’en ai en double.

 

  • Pute, pute, ppppute, morue ! Chuis le tueur en série et je vais te crever, poufiasse ! J’vais tellement t’égorger Que tu sentiras même pas quand je violerai tes restes démembrés !!
  • C'est peut-être un peu ambitieux comme programme, pour un premier rendez-vous, Jean-Jacques. Si nous commencions par dîner ?

 

  • Allons enfants de la patrieuh le jour de gloire est arrivéheu
  • Bin qu'est ce qui te prend ?
  • je ne sais pas… je… je crois que je deviens nationaliste…
  • Ah bin c'est ce qui arrive quand on est une des plus grosses taches du pays.

Microcosme, bd chez Les Rêveurs de Ferri, Larcenet

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28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 13:39

Céleste - Bien sûr - monsieur Proust / Partie 1 - Céleste - Chloé Cruchaudet  - cartonné - Achat Livre ou ebook | fnac

Tome 1 : « Bien sûr, Monsieur Proust »

En 1956, des antiquaires viennent voir Odilon et Céleste dans un but très précis : mettre la main sur des objets ayant appartenu à Marcel Proust puisque c’est dans cet immeuble qu’il a vécu. L’occasion pour Céleste de se remémorer sa jeunesse : mariée à Odilon, chauffeur particulier de Proust, Céleste ne savait encore rien faire. Elevée dans un petit cocon en Lozère, elle découvre prudemment la vie parisienne. Proust cherche une gouvernante et malgré son inexpérience, Céleste va être engagée … et elle va apprendre ! Apprendre à faire le café, à répondre au téléphone, à faire des bouillotes à toute heure du jour ou de la nuit, … mais surtout à respecter les horaires de Monsieur, obéir à ses frasques, écouter ses jérémiades et ses complaintes, classer ses papiers épars, et même gérer les corrections de son livre. Lorsqu’Odilon part à la guerre, Céleste se retrouve seule avec Proust et elle oscille sans cesse entre agacement et admiration, elle se laisserait bien tenter par l’idée de l’abandonner, le laisser seul dans sa bulle de verre, au sommet d’un pic rocheux.

Un album parfait ! Grâce à cette domestique à la fois dévouée et timide, on pénètre dans le monde très fermé (au sens propre du terme) de Marcel Proust, être maladif et capricieux, solitaire et exigeant, grand génie. Les relations entre les deux protagonistes mêlent dépendance, enthousiasme et attentions, elles sont en tous cas ambiguës et complexes. Et finalement, on se retrouve un peu comme Céleste, à la fois attendrie et agacée par les manies et le génie de Monsieur Proust. Les dessins sont un véritable spectacle pour les yeux, tout en élégance et en finesse mais de Chloé Cruchaudet on ne pouvait s’attendre qu’à une telle qualité. Bref, c’est un COUP DE CŒUR !

Odilon, à Céleste : « C’est une petite chose fragile et délicate qui a besoin de nous … il passe son temps dans son lit, à travailler et à respirer les fumigations pour son asthme… en dehors de la cuisine, ne fait surtout aucun bruit. Il ne supporte rien… il a fait tapisser les murs de sa chambre avec des panneaux de liège… sa chambre, c'est tout son monde. Quand il sort, c'est pour glaner de la matière pour « son œuvre » comme il dit. Ça, c’est mon rôle. Le tien, c’est d'assurer sa tranquillité et son café. »

https://www.bdgest.com/prepages/thb_planche/3509_P4.jpg

 

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19 janvier 2023 4 19 /01 /janvier /2023 10:31

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L600xH812/arton30423-26af5.jpg?1666105432

     -   Volume 1   -

Ersin raconte sa vie. Celle d’un petit garçon qui a grandi dans un quartier pauvre d’Istanbul, auprès de parents enseignants et kémalistes (qui sont, suivant l’idéologie d’Atatürk, pour la laïcité, la démocratie et la liberté). C’est en regardant son père peindre qu’il a aimé dessiner. Pour faire plaisir à ses parents, il promet cependant de devenir ingénieur mais l’école stricte et élitiste où il est placé conforte son idée de devenir dessinateur de BD. Il parvient de temps en temps à faire accepter un de ses dessins dans une revue ou un journal. Ado, il finit par convaincre ses parents de lui laisser faire des études en arts graphiques, à condition qu’il ne dessine pas pour des journaux satiriques, ce serait trop dangereux pour sa vie et celle de ses proches. Ses dessins lui permettent de travailler pour le magazine humoristique Penguen et, petit à petit, il devient connu et reconnu. Il réalise son rêve d’enfant : les gens l’interpellent dans la rue, il passe ses journées à dessiner et s’assoit à côté des plus grands. Cependant lorsque le Premier Ministre, Erdogan, intente au procès à un dessinateur qui l’a représenté sous les traits d’un chat empêtré dans sa pelote, Ersin prend peur. Ses parents réitèrent leurs conseils de s’éloigner de tout ce qui pourrait attenter à sa tranquillité, la venue régulière de trois mollahs sous-entendant qu’il pourrait arriver malheur à Ersin et aux siens achève de convaincre le garçon de tout abandonner. Pourtant, le souvenir du petit garçon qui s’est battu pour réaliser son rêve le convainc de continuer sa collaboration avec Penguen.

Dans ce magnifique album, on découvre non seulement la vie d’un garçon puis d’un homme destiné à s’épanouir dans ce qui a toujours été sa passion, le dessin, mais aussi un morceau d’histoire de la Turquie, un pays où il fait, en apparence, bon vivre, mais où la liberté n’est souvent qu’une façade. Un climat de peur et une politique de plus en plus autoritaire laissent peu de place aux critiques et à l’humour, et il faut du courage aux journalistes et dessinateurs pour oser s’opposer à Erdogan. L’album est comme un cœur qui palpite en plein centre d’Istanbul. L’ensemble est absolument passionnant, j’ai adoré découvrir le parcours de cet enfant devenu adulte. J’ai aussi aimé la variété des dessins, entre caricatures et traits plus fins, les couleurs qui usent d’une large palette… bref, j’ai tout aimé et c’est un COUP DE CŒUR !

Il y aura une suite qu'il va être difficile d'attendre.

J’avais découvert ce formidable dessinateur avec Contes ordinaires d’une société résignée qui bouscule sacrément, à lire aussi !

Régression, triste régression… : « Par le passé, bien des politiciens avaient été moqués bien plus méchamment sans que cela ne suscite la moindre réaction, on raconte même que lors de voyages officiels, certains d'entre eux s'amusaient à montrer ses dessins à leurs homologues. »

Journal inquiet d'Istanbul - BD, informations, cotes

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8 janvier 2023 7 08 /01 /janvier /2023 18:42

Les Dames de Kimoto, bd chez Sarbacane de Bonin

-    D’après le roman de Sawaro Ariyoshi     -

Au Japon, au début du XXe siècle. Hana est une jeune Nippone désormais en âge d’être mariée. Sa grand-mère adorée, Toyono, l’accompagne en ses derniers instants de célibataire avant qu’Hana rejoigne son mari et sa belle-famille et ne puisse plus voir son aïeule. En jeune fille accomplie, Hana maîtrise parfaitement l'art de la cérémonie du thé, la pratique du koto et la calligraphie. Descendant de la lignée prestigieuse de la famille Kimoto, Hana est destinée à unir sa vie au maire du village, Matani Keisaku. La cérémonie du mariage mais également toute sa vie d’épouse se déroulent dans le plus strict respect des conventions et des traditions. Hana n’a que peu droit à la parole, elle se doit d’enfanter et de tenir compagnie à son mari ; la présence de domestiques lui permet de ne réaliser aucune tâche domestique. Après un premier fils, Hana devient la mère de Fumio, une petite fille au caractère bien trempé qui sera plus tard souvent en opposition à sa mère, aux convenances et aux traditions ancestrales. Pourtant, des années plus tard, sa propre fille, Hanako, se rapprochera de sa grand-mère, soucieuse de retrouver ces mêmes traditions et fière d’être japonaise.

        Le récit se déroule sur trois générations et traverse des périodes de prospérité mais aussi des moments difficiles, notamment dus à la guerre russo-japonaise puis à la Seconde guerre mondiale. C’est une belle démonstration de la lutte entre conservatisme et modernisme et les trois portraits de femmes sont intéressants dans leur évolution. Evidemment, les dessins de Cyril Bonin subliment le texte, son trait délicat sied parfaitement aux finesses du pays du soleil levant. Le rose, dominant, renvoie à la douceur, à la féminité mais, je crois, aussi, à une sorte de suavité un peu sclérosée, un univers sirupeux et figé dont Fumio voulait justement se détacher. Sans en faire un coup de cœur, j’ai beaucoup aimé cette BD qui m’a fait découvrir un Japon intimiste et familial, desservi par le sublime graphisme de Cyril Bonin. A noter que l’autrice du roman du même nom (publié en 1959) est une Japonaise féministe qui a beaucoup voyagé et écrit sur la condition des femmes.

Les Dames de Kimoto, bd chez Sarbacane de Bonin

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30 décembre 2022 5 30 /12 /décembre /2022 07:56

Soixante printemps en hiver - Ingrid Chabbert, Aimée De Jongh - Dupuis -  Grand format - La Manufacture ROMANS SUR ISERE

Josy vient d’avoir 60 ans. Aujourd’hui même. Elle s’apprête à souffler ses bougies entourée de son mari, son fils, sa fille et ses petits-enfants quand elle décide de partir. Comme ça. Son anniversaire a été un déclic, elle n’en peut plus de sa vie sans amour avec son mari, de cette existence routinière où elle a du mal à reconnaître ses propres enfants. Elle prend quelques affaires et s’enfuit dans le van resté au garage. Elle rejoint par hasard une aire de camping-car où se trouve déjà une jeune maman avec un bébé qui risque de se faire expulser d’un jour à l’autre. Les deux femmes vont se lier d’amitié. Josy va entrer dans le cercle très fermé du CVL, le « Club des Vilaines Libérées » qui rassemble des femmes qui, comme Josy, ont tout plaqué du jour au lendemain. Elle va y rencontrer Christine et c’est le coup de foudre tant amical … qu’amoureux. Harcelée par sa famille, Josy a du mal à assumer sa nouvelle histoire d’amour et une tragédie va finir par choisir pour elle un retour à la raison…

Alliant à la fois une thématique déjà traitée (celle de la femme qui se barre – et qu’on aime tous ou plutôt « toutes ») et une autre plus insolite (une histoire d’amour entre deux femmes mûres), la BD fait mouche. Elle évoque intelligemment toutes les nuances que comporte la décision de Josy, sa part de culpabilité et de honte, le harcèlement de sa famille, la possibilité d’une nouvelle vie. J’ai beaucoup aimé l’ensemble, j’ai cru en cette histoire d’amour mais j’ai tout de même trouvé la réaction des enfants de Josy caricaturale. Les dessins sont beaux, les couleurs douces, on retrouve la délicatesse des propos dans le graphisme de chacune des cases. Un grand bravo pour cette BD qui sort des sentiers battus ; j’essaierai de suivre ces deux autrices que je n’avais jamais lues auparavant.

Soixante printemps en hiver de Ingrid Chabbert, Aimee De Jongh - BDfugue.com

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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 17:29

Tananarive de Mark Eacersall, Sylvain Vallee - BDfugue.com

Amédée a un voisin et ami farfelu, régulièrement il vient trouver refuge chez Jo, un aventurier qui le délecte de ses récits plus exotiques les uns que les autres : des histoires de pirates, un Jo caché dans une case à fumer de l’opium, une évacuation en hélico vers Hanoï, une traversée de la mer Rouge … Bref, Jo a tout vécu, « prospecteur, gigolo, cultivateur, un jour riche, un autre mendiant ». Amédée est pétri d’admiration et d’envie quand il rentre chez lui retrouver sa femme. Seulement, Jo décède d’un arrêt cardiaque. La tristesse de sa disparition subite s’accompagne du choc de la découverte : non, Jo n’est pas né à Madagascar mais à Charleville. Amédée décide de se mettre à retrouver un soi-disant fils caché pour lui remettre son héritage et, surtout, l’intégrale des Pinpin qui était sa source d’inspiration. Il découvre petit à petit que son pote n’était qu’un grand mythomane.

Une BD délicieusement divertissante pour un sujet certes pas révolutionnaire, avec une trame prévisible (de même que ce Jo – même mort – et toujours présent), mais agréable comme un vin chaud en hiver. J’ai beaucoup aimé les dessins qui se rapprochent de ceux des Vieux Fourneaux. Evidemment, Amédée le pantouflard, concentré dans ses recherches se sent pousser des ailes et vit l’aventure lui aussi, et pour de vrai. J’aurais aimé plus de planches consacrées à l’imaginaire de notre aventurier menteur, les quelques-unes qui représentent toucans, tigres, cascades et oiseaux exotiques sont très réussies, je trouve.

Tananarive de Mark Eacersall, Sylvain Vallee - BDfugue.com

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4 décembre 2022 7 04 /12 /décembre /2022 10:44

Derrière les géants et stars de la plume se cachent souvent des « bons gros bâtards », des types (quelques bonnes-femmes mais elles sont rares) menteurs, rejetés de l’école, drogués, alcooliques, escrocs, voleurs, meurtriers, misogynes, polissons, infidèles, et j’en passe. Les auteurs nous démontrent cela avec un humour potache et malin. J’ai beaucoup appris : Villon a volé, aimé se bagarrer et a même tué un prêtre. Flaubert a taclé à peu près tous les écrivains de sa génération mais il faut dire que Baudelaire n’est pas en reste pour se foutre de ses contemporains : « Victor Hugo continue à m'envoyer des lettres stupides. Vraiment il m'emmerde. Tout cela m'inspire tant d'ennui que je suis disposé à écrire un essai pour prouver que, par une loi fatale, le Génie est toujours bête. » Mais Baudelaire lui-même s’en prend plein la tronche quand les frères Goncourt le traitent de « saint Vincent de Paul des croûtes trouvées, une mouche à merde en fait d’art. » Poe, à 26 ans, a épousé sa cousine de 13 ans… Le pompon revient peut-être à Verlaine, tour à tour violent et infidèle, ou alors aux surréalistes qui, à la mort d’Anatole France, écrivent un pamphlet d’une telle violence que l’écrivain a dû se retourner plusieurs fois dans sa tombe (petit extrait : « Que donc celui qui vient de crever au cœur de la béatitude générale, s’en aille à son tour en fumée ! »). Maupassant, arrivé tard en littérature, adorait se vanter de ses exploits sexuels et, inévitablement a fini par choper la vérole, « la vérole majestueuse … et j’en suis fier morbleu. Alléluia, j’ai la vérole, par conséquent, je n’ai plus peur de l’attraper, et je baise les putains des rues, les rouleuses de bornes et après les avoir baisées, je leur dis « J’ai la vérole ». L’appétit sexuel de Victor Hugo était également légendaire… N’évoquons pas Céline qui ne mérite pas qu’on parle d’autre chose que ses livres.

Une lecture jouissive, irrévérencieuse et finalement un grand bonheur de découvrir ceux qu’on prend pour des génies consciencieux n’être finalement que des hommes avec leurs vices et leurs tares.

Merci à PatiVore pour cette belle idée de lecture, je suis contente d’avoir acheté l’album, je m’y replongerai et y piocherai même des suggestions de lecture. Un index alphabétique des noms d’auteur en fin d’ouvrage est tout à fait justifié et bienvenu.

« Les femmes ressemblent aux girouettes, elles se fixent quand elles se rouillent. » Voltaire

« On raconte qu’un jour Alfred Jarry déjeunait dans un restaurant quand une charmante jeune femme s'installa à côté de lui. Mais comment l'aborder de manière originale ? Jarry dégaina son revolver, tira dans un miroir puis se tourna vers la jeune femme terrifiée et lui dit : Maintenant qu'on a brisé la glace, on peut causer. »

Les Bons gros bâtards de la littérature, bd chez Editions Lapin de Popésie,  Fernandez

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24 novembre 2022 4 24 /11 /novembre /2022 19:41

Ce que nous sommes de Zep - BDfugue.com

 

Nous sommes sur Terre en 2113. On avale des pilules faisant croire au cerveau qu’on déguste le meilleur plat de lasagnes, mais on a aussi la possibilité de vivre des expériences virtuelles comme nager avec une baleine bleue ou se transformer en un puissant lion. Inutile d’apprendre quoi que ce soit, il suffit de télécharger certains programmes (payants, bien sûr) pour parler des dizaines de langues différentes, savoir lire mais aussi devenir un maître de la télékinésie. Tout ça est merveilleux jusqu’au jour où ça beugue. Constant en fait les frais, il se déconnecte à Data Brain et se perd… au sens propre et au sens figuré. Il a tout oublié jusqu’à son nom. Une jeune femme, Hazel, le recueille ; elle vit parmi les « pauvres », à la marge. Elle lit de vrais livres, se lave dans la rivière et vit donc souvent des « sensations non numérisées » qu’elle fait découvrir à Constant. Le jeune homme découvre petit à petit à quel point son implant qui a fait de lui un « augmenté » l’affaiblit en réalité énormément et le fragilise dans le monde sans technologie.

Dans ce récit initiatique original, Zep nous amène à réfléchir sur l’hypertechnologie, ses fantasmes, ses possibilités et ses indéniables limites. Ce ne sera pas mon album préféré de Zep parce que je ne suis pas une fan de SF mais l’auteur-dessinateur évoque ce futur avec tendresse, justesse et délicatesse, il le rend passionnant avec cette quête identitaire et le piratage dont Constant a été la victime. Et il faut bien admettre qu’en 2022, on se sent plus proches que jamais de cette surabondance de gadgets et prouesses technologiques futuristes ; le sujet de la BD n’en est que plus effrayant encore. Zep a désormais son style graphique bien à lui, j’ai déjà pu y goûter dans Un bruit étrange et beau ou The End que j’ai adorés : chaque planche a généralement sa couleur pastel, les traits sont doux et ne s’encombrent pas de fioritures inutiles.

Ce que nous sommes de Zep - BDfugue.com

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13 novembre 2022 7 13 /11 /novembre /2022 10:47

Un poulpe à la gorge de Zerocalcare - BDfugue.com

L’auteur-narrateur se remémore sa jeunesse et notamment ses années collège. Un jour particulièrement a été marqué au fer rouge : suite à un « T’es pas cap », trois copains, Zero le narrateur, Secco et Sarah bravent l’interdit et se rendent dans le petit bois à côté du collège. Là-bas, ils découvrent une tête de mort. A leur retour, pris sur le fait, Zero dénonce Sarah en l’accusant d’être à l’origine de la bêtise. Ce mensonge qu’il ne révélera jamais et vaudra une punition corsée à Sarah sera son poulpe qui lui sert le cou, sa culpabilité qu’il va porter des années durant. Les ados grandissent, les bêtises changent : les copains vont voler des revues porno dans une maison abandonnée ou bien plus tard, faire le bazar lors de l’enterrement de la prof honnie.

J’ai emprunté cette grosse BD roborative à la bibliothèque complètement au hasard. Perplexe devant la couverture et les premières planches, j’ai pourtant été très agréablement surprise. L’intrigue est prenante, les personnages attachants et il y a beaucoup de tendresse et d’empathie dans la narration de ces souvenirs. L’épisode des Chevaliers du Zoodiaque qu’il faut absolument avoir vu à la télé sous peine de disgrâce éternelle dans la cour de récré, les « T’es pas cap », la game boy confisquée, les moqueries entre élèves, leur mauvaise foi pour ne pas perdre la face… qui n’a pas vécu ces petits et grands drames ? Entre humour et gravité, l’auteur revient sur ces moments de vie pas si anodins que cela et qui construisent l’adulte à venir. J’ai beaucoup aimé cette découverte tendre et amusante et je n’en resterai pas là.  Zerocalcare est un jeune bédéiste italien qui connaît un énorme succès dans son pays.

                                                                                                                             

La prof qui passait son temps à confisquer les affaires des élèves sans jamais les rendre est morte. Secco essaie de convaincre son pote de l’accompagner à l’enterrement :

« -  Il y aura des gens qu’on n’a pas vus depuis dix ans. Si ça tombe on peut pécho.

  -  (…) Je ne rentre pas dans l’église, moi. On va tellement se faire chier. Plutôt m’arracher les yeux avec une cuillère à thé. »

Un Poulpe à la Gorge - (Zerocalcare) - Comédie [LIBRAIRIE M'ENFIN, une  librairie du réseau Canal BD]

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2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 17:58

Le petit astronaute | lapasteque

La narratrice, Juliette, est une sœur. On pourrait ne garder pour elle que ce qualificatif-là, elle évoque son petit frère qu’elle a toujours imaginé venant d’une étoile lointaine, ne parlant pas la même langue que les Terriens, ne sachant pas se déplacer de la même façon. En effet, Tom est né avec une paralysie cérébrale : il ne parle pas et ne marche pas mais, au-delà des difficultés du quotidien, des moqueries et des jugements des autres, les parents arrivent à s’organiser. Le père bricole des meubles et accessoires adaptés au handicap de Tom, la mère jongle comme elle peut entre son métier d’assistante cinématographique et les obligations parentales. Et Juliette, surnommée Tourniquette, lit des histoires de lune à son petit frère, lui envoie des textos auxquels lui ne répond pas, fait face comme elle le peut à la problématique de la courte durée de vie de son frère qu’elle aime. Car il est aimé, ce petit garçon qu’on a envie de connaître et qui communique uniquement par cases imagées.

Cet album, vous vous en doutez, est très émouvant, déjà par le thème traité mais aussi par la manière dont cette sœur se montre pleine d’amour et de reconnaissance envers ce petit frère différent. Si le sujet a déjà été évoqué maintes fois, cet album prouve à quel point on peut (pour ne pas dire « il faut ») accepter une situation complexe en l’entourant d’amour. Il y a peu de lamentations et de jérémiades, le petit être fragile est intégré au maximum à la vie ordinaire de cette famille et devient une petite merveille étincelante de vie. L’auteur sait de quoi il parle puisqu’il est le papa d’un fils qui vit, heureux, à 20 ans, avec une paralysie cérébrale. Je le répète, c’est bouleversant mais très beau aussi. A lire.

Au centre spécialisé, c’est la différence qui est devenue une norme : « Notre rôle, c’est de les aider à réussir leur vie. Qu’elle dure 5 ou 90 ans, ça n’a pas d’importance. »

Le Petit astronaute, bd chez La pastèque de Eid

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