Ça fait des années que je fais le vœu de lire le roman de Martin Winckler, je me suis (pour l’instant) rabattue sur cette adaptation bien roborative (233 pages).
Jean Atwood est une brillante étudiante en médecine. Cheveux courts, allure dynamique, elle rêve de chirurgie gynécologique mais elle doit passer six mois de stage auprès du Dr Karma, un gynécologue un peu particulier. En effet, il lui arrive souvent, lors d’une consultation, de ne pas faire déshabiller les femmes, de simplement les écouter et de donner de la valeur à ce qu’elles ont à dire. Jean est d’abord complètement réfractaire à ces méthodes puis, petit à petit, par le truchement de son propre parcours notamment, elle va comprendre tout l’intérêt des principes de ce médecin féministe et respectueux du corps de la femme.
Quelle claque !! Je pense qu’on peut distinguer la partie médicale qui s’apparente à un essai vulgarisé de ce que pourrait/devrait être la gynécologie aujourd’hui et la partie plus romancée portant sur le passé de Jean, ses amours, ses parents. Les deux me semblent réussis même si j’ai préféré la partie médicale (une fois n’est pas coutume...) Et je réalise qu’en tant que femme, on accepte des diktats et des situations humiliantes sans même s’en rendre compte. Qui n’a jamais mal vécu une consultation gynéco ? Les femmes, vous a-t-on déjà demandé votre avis sur le confort de la position d’examen ? Qui n’a pas été au moins une fois rat de laboratoire à l’hôpital, examinée sans qu’on vous regarde vraiment, vous, sans qu’on vous parle et vous demande votre avis ? Pour avoir passé pas mal de temps dans les hôpitaux au service gynéco, j’ai connu une seule expérience vraiment rassurante (une opération bégnine) où je me suis sentie écoutée, entourée, soutenue, et par conséquent, cette expérience n’a pas été douloureuse du tout contrairement à toutes les autres. Bref, je raconte ma vie. Revenons-en à la BD. C’est sous le regard bienveillant de l’auteur, Martin Winckler, que la dessinatrice a travaillé son œuvre. J'ai beaucoup aimé les couleurs claires qui peuvent rappeler l'univers hospitalier avec un vert qui tend quand même plutôt à quelque chose de plus doux. Il est intéressant de démarrer l’histoire selon le point de vue d’une femme, celui de Jean, jeune et moderne, qui se dit d’emblée lassée des blablas des patientes à qui il ne faudrait pas accorder tant d’importance. Avant de revenir sur ses propres préjugés, de comprendre que, si elle est froide et distante, l’explication se trouve dans sa propre histoire. J’ai aimé découvrir les interrogations des différentes femmes, de celles qui ne savent rien, de celles qui ont mal compris, de celles qui doutent, de celles qui n’osent pas, de celles qui se sentent différentes, de celles qui ont peur et qui sont si nombreuses. Qu’il est bon de se dire qu’il existe des hommes capables d’essayer de comprendre les femmes et ne pas les enfermer dans des stéréotypes. BD (ou roman, ou les deux) à lire absolument.
« Un soignant, ça ne doit pas se comporter comme un juge ou un flic ! »
Extrait du Manifeste de la position à l’anglaise : « Aujourd’hui, alors les femmes ont les mêmes droits et obligations devant la loi que les hommes, alors que personne n'a le droit de les asservir ou de les infantiliser, elles sont encore contraintes, lors de chaque examen gynécologique, de s'allonger sur le dos, cuisses écartées, sexe exposé, dans une position humiliante imposée par les médecins, sans aucune nécessité médicale. La posture dite « à l'anglaise » (sur le côté) permet tous les gestes gynécologiques courants, ainsi que de procéder à des accouchements en toute sécurité et est pratiqué dans de nombreux pays du monde. Nous EXIGEONS que les médecins français proposent à leurs patientes de l'adopter, si elles le désirent, en lieu et place de la position machiste et archaïque actuelle. Nous EXIGEONS que cette obligation soit inscrite dans le code de déontologie et dans le code de santé publique, ainsi que dans les guides remis à tous les médecins et étudiants en médecine. »
- COUP DE COEUR -