Plus de onze ans après mon dernier Zola (oui, j’ai honte, j’ai vérifié trois fois... onze ans !!), je m’attaque à la suite du Ventre de Paris.
François Mouret est désormais un homme aisé, négociant en vins, en amandes et en huiles. Il vit dans une grande maison à Plassans, cette petite ville (imaginaire) du sud de la France, avec sa femme Marthe, ses deux garçons Octave et Serge et sa fille un peu simplette, Désirée. Il décide de louer le second étage. L’abbé Bourrette lui a trouvé des locataires : l’abbé Faujas et sa mère, une femme austère. Cette nouvelle présence se fait tellement discrète qu’elle intrigue quotidiennement Mouret. Finalement, c’est le jeu du piquet confrontant chaque soir Mme Faujas à Mouret qui va rapprocher tout ce petit monde. Marthe, pour qui la vie a, jusqu’alors, toujours été plate et insignifiante, va se découvrir un but : fonder, sur l’idée de l’abbé – bien plus malin qu’il n’en a l’air, une maison pieuse dédiée aux jeunes filles des rues. Plus qu’un but, elle se prend d’une passion folle pour Dieu... et son représentant, l’abbé Faujas. Celui-là, glacial à son égard, se montrera plus préoccupé par l’idée d’acquérir, doucement mais sûrement, une certaine notoriété dans la ville. L’arrivée de sa sœur et de son mari, les Trouche, va évincer petit à petit les Mouret de leur propre maison, Marthe s’abîmant dans son amour sans retour, Mouret se voyant accusé de violence conjugale. Plane la menace des Tulettes, cet asile de fous où se trouve déjà la grand-mère de François...
Le style de Zola m’étonne à chaque fois, tellement fluide, accrocheur et imagé ! Le microcosme où il nous entraîne permet de voir évoluer les personnages, et ici, tout l’enjeu réside dans la manipulation de certains au détriment d’autres qui se font royalement duper (François et Marthe). Si le thème de la folie m’a moins intéressée (et cette fameuse hérédité dont on ne peut absolument pas se défaire), le récit se tend comme un arc au fil des pages à travers les hypocrisies et mesquineries des habitants dans cette ville qui est un personnage à elle toute seule. Le roman finit en apothéose avec un superbe incendie dans lesquels périssent des personnages qu’on ne plaint pas du tout. Ou comment une petite ville provinciale voit sa soi-disant tranquillité éclaboussée... La dernière phrase mettant en scène la mort de Marthe, annonce la suite, La Faute de l’Abbé Mouret : « Puis, elle joignit les mains avec une épouvante indicible, elle expira, en apercevant, dans la clarté rouge, la soutane de Serge. »
Un petit tour à l'Église : « les veilleuses piquaient de leurs pointes d'or les profondeurs noires de l'église."
« L'été se passa. L'abbé Faujas ne semblait nullement pressé de tirer les bénéfices de sa popularité naissante. Il continua à s'enfermer chez les Mouret, heureux de la solitude du jardin, où il avait fini par descendre même dans la journée. Il lisait son bréviaire sous la tonnelle du fond, marchant lentement, la tête baissée, tout le long du mur de clôture. Parfois, il fermait le livre, il ralentissait encore le pas, comme absorbé dans une rêverie profonde ; et Mouret, qui l’épiait, finissait par être pris d'une impatience sourde, à voir, pendant des heures, cette figure noire, aller et venir, derrière ses arbres fruitiers. »
« Les plus fous ne sont pas ceux qu'on pense... Il n'y a pas de cervelle saine pour un médecin aliéniste... Le docteur vient de nous réciter là une page d'un livre sur la folie lucide, que j'ai lu, et qui est intéressant comme un roman.