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3 février 2025 1 03 /02 /février /2025 16:47

Quand j'ai froid - Valentine Choquet - Editions De La Gouttiere - Grand  format - Librairie Goulard Aix en Provence

                Louise, une jeune étudiante, mène, à Paris, une existence plutôt tristounette, solitaire et monotone. Un jour de neige, elle croise sa voisine, une vieille dame, Andrée, haute comme trois pommes, qui entame la conversation. Elle lui raconte ses hivers de petite fille, le patin à glace, la veste perdue et celle, beaucoup trop grande, prêtée par son père. D’autorité, elle l’emmène au marché de Noël du quartier, la sortant un peu de sa coquille.  Au fil des saisons, la jeune femme et l’aïeule vont sympathiser davantage, se voyant régulièrement, et les récits d’Andrée vont indirectement donner confiance à Louise qui va devenir plus sociable. Du Tour de France 1957 à la rencontre avec celui qui deviendra son mari, Andrée n’a pas la langue dans sa poche mais certains souvenirs se voilent d’une légère brume qui se fera plus opaque au fil des mois.

Malgré ses 210 planches, la BD se lit comme ces carnets qu’on feuillette à toute allure pour créer de minuscules films. Les dialogues sont quasi absents mais de jolis dessins tout en rondeur et en couleurs raconte le parcours de ces deux femmes, l’une va vers la vie, prend confiance en elle, l’autre décline petit à petit, laissant à sa nouvelle amie quelques bonnes doses de tendresse et d’assurance. C’est doux et subtil, feutré et touchant. « Une version améliorée de la tristesse » chanterait Peter Peter ou la vie qui s’en va doucement, sans faire de vacarme...

Une très belle première bande dessinée sur deux solitudes qui se rencontrent, d’une toute jeune autrice aux talents prometteurs.

Quand j'ai froid, bd chez Editions de la Gouttière de Choquet

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24 janvier 2025 5 24 /01 /janvier /2025 18:39

ULYSSE & CYRANO | LIBRAIRIE BD 16

 

Il me tardait de lire cette BD assez impressionnante, 168 pages, une couverture épaisse, un grand format, bref, un temps de lecture presque équivalent à celui d’un roman.

D’un côté, Cyrano, chef cuisinier d’un trois étoiles qui, parce qu’il n’a pas eu le prix du meilleur cuisinier de France pète un plomb : il rentre dans son restaurant et y met le feu. On le retrouve quinze ans plus tard, en 1952, solitaire bougon mais toujours amoureux des bons produits de sa Bourgogne, isolé du reste des habitants de son village qui méprisent son geste... D’un autre côté, Ulysse, adolescent parigot préparant laborieusement son bac, fils du grand patron Ducerf, à la tête de la plus grande cimenterie de France. Ces deux-là vont se rencontrer : le père Ducerf exile son fils et sa femme en Bourgogne pour les éloigner d’un scandale de collaboration avec les Allemands pendant la guerre. Ulysse tombe sur Cyrano, ce gros bonhomme rustre et bon vivant qui lui fait découvrir sa cuisine... que le garçon adore d’emblée. En douce, il va devenir son commis avant de lui-même élaborer de bons petits plats pour se rendre compte qu’il est fait pour ça : devenir cuisinier. Mais le père Ducerf, autoritaire au possible, n’a qu’une idée en tête, faire de son fils le successeur de son immense entreprise. Entre héritage et vocation, Ulysse ne sait plus où donner de la tête mais la phrase fétiche de Cyrano, « in voluptas veritas », dans le plaisir, la vérité... résonne en lui.

Même si l’intrigue a des allures de comédie télé sympathique, elle est plus profonde qu’il n’y paraît : Ducerf a collaboré avec les Allemands, certes, mais avait-il vraiment le choix ? Si Cyrano a réduit en miettes son restaurant, c’est parce qu’il n’en pouvait plus de cette pression quotidienne rendue parfois insupportable avec un métier si prenant. La mère Ducerf est capable d’entendre les souhaits de son fils malgré l’étroit carcan imposé par son mari. On prend un plaisir fou à se plonger dans cette histoire qui aurait bien pu être découpée en plusieurs tomes (merci aux auteurs d’en avoir fait un one-shot). Il est aussi question de cuisine traditionnelle vs cuisine moderne, de liberté, d’autorité paternelle (Ducerf a encore un père qui est tout aussi odieux avec lui que lui l’est avec son fils !). Bref, comme les plats de Cyrano, les planches sont copieuses, colorées, vivantes, goûteuses, appétissantes. Malgré une fin prévisible, un engouement que j’aurais aimé plus franc (j’en attendais beaucoup) et quelques clichés, j’en fais un coup de cœur pour le plaisir de lecture (et de la bouffe, très très importante à mes yeux...)

« La cuisine, c’est comme le théâtre ! Chaque soir, tu remets le couvert. Et chaque soir, tu peux ruiner dix ans d’efforts... »

« Imagine que la cuisine, c’est comme une nouvelle langue pour toi. Je vais juste de donner les bases du vocabulaire, mais au moins tu sauras causer ! Et ce qui va compter, plus que tout, c’est : qu’est-ce que tu vas raconter ? Quelle émotion, qu’est-ce que tu vas mettre de toi, dans ton assiette ? »

Ulysse & Cyrano - 2203171472 | Cultura

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15 janvier 2025 3 15 /01 /janvier /2025 09:42

Spy x family Tome 2

Eh oui, j’ai poursuivi cette série (du moins pour un tome supplémentaire) ...

Twilight, alias Loid Forger, espion chargé de maintenir la paix dans le pays, sa « fausse » femme Yor, tueuse professionnelle, et leur « fausse » fille, l’incroyable Anya, capable de lire dans les pensées des autres, vivent ensemble tant bien que mal. Anya a été intégrée dans la prestigieuse école Eden qui devrait permettre un rapprochement avec Damien, le fils de Donovan Desmond, un homme politique susceptible de déclencher une guerre. Mais il y a deux problèmes : Anya est d’emblée entrée en conflit avec le petit Damien, un gamin prétentieux et désagréable ; et elle n’est pas aussi bonne élève qu’il le faudrait. En effet, il s’agit pour elle d’intégrer l’élite de l’école afin d’approcher Desmond et donc, de briller, d’être la meilleure mais, malgré ses pouvoirs, elle reste une petite fille qui aime s’amuser, aller à la piscine et regarder la télé, ce que Loid a du mal à comprendre...

J’ai encore une fois aimé me plonger dans ces histoires d’espionnage (j’adore ça, pourquoi je ne lis pas plus de romans d’espionnage ?) avec des personnages attachants et complexes, ni vraiment bons ni vraiment mauvais, et je trouve que c’est une vraie lecture divertissante (testée en période de stress, ça coupe directement) et captivante. C’est assez drôle de voir le meilleur des espions, Loid, s’évertuer à faire faire les devoirs à sa « fille » et à essayer de trouver des méthodes efficaces d’apprentissage. Malgré tout, je crois que je suis encore un peu perturbée par le format manga : j’aimerais des couleurs, des pages plus grandes, ... Mais si je ne lis pas la suite, ce sera en grande partie à cause de l’état déplorable des livres de ma bibliothèque, ils sont crasseux et collants (je n’ose imaginer l’ado dans sa toute-puissance lire le manga en buvant du coca et en mangeant des Haribo... ô Cliché, tu as encore de belles heures devant toi 😊!) Une série parfaite pour découvrir le genre du manga.

 

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4 janvier 2025 6 04 /01 /janvier /2025 09:28

Mon Refuge - Jen Wang - Akileos - Grand format - Librairie le Chat Pitre  FECAMP

Ash était auparavant une fille mais, à quinze ans, fille/garçon, elle ne veut pas choisir et iel a décidé qu’on l’appellerait désormais ainsi. Ash se sent différent-e des autres, plus touché-e que ses parents par la disparition de son cher grand-père, Edwin, plus préoccupé-e par la crise climatique que les jeunes de son âge. Aussi Ash a-t-iel décidé de retrouver et de retaper la cabane de son grand-père, perdue au milieu de la forêt, sans personne pour l’accompagner mis à part son chien, Chase. Ash a suivi des tutos sur internet, iel a lu des livres pour savoir comment survivre en forêt, seul-e : reconnaître les plantes, savoir les utiliser, protéger ses provisions, fabriquer des pièges à rongeurs, baliser son chemin, ... mais Ash va se retrouver confronté-e à des difficultés : une indigestion, un chien qui dévore la nourriture mal cachée, une rencontre inattendue mais finalement bienheureuse et surtout, un immense incendie. Iel va tout raconter dans son journal avec, pour ambition finale, d’écrire un livre.

J’ai fait l’effort de rédiger le résumé avec l’écriture inclusive mais je crois que ce n’est pas l’essentiel de ce bel album graphique. J’ai aimé ce contact au plus près de la nature, j’ai aimé que ce ne soit pas le manichéisme qui l’emporte, (non la nature n’est pas seulement un havre de paix bénéfique et ressourçant), j’aimé la relation entre le maître et le chien, pas si évidente ni si facile que cela, j’ai aimé qu’Ash, fort-e de cette expérience, retourne avec plus de douceur dans le monde civilisé. J’ai aimé ces dessins tout en douceur et en rondeur réalisés au Bic (les précisions techniques sont données en début d’ouvrage), j’ai aimé ce personnage entre deux sexes si fort, si courageux mais aussi tellement humble et fragile dans sa solitude qu’il recherche et déteste à la fois. J’ai aimé cet album qui ne tombe pas dans le piège du manichéisme, j’ai aimé cet inexplicable petit quelque chose en plus. Un récit initiatique réussi et dans l’air du temps.

« Si quelque chose te fait peur, dis-le au feu. Et le feu va consumer ta peur. »

« Jour 26. Un seul poisson. C'est pas la meilleure récolte, mais c'est déjà ça. Peut-être que je pourrais fabriquer plusieurs pièges pour multiplier mes chances ? »

« Jour 37. Joyeux 16 ans à moi !  J'ai commencé ma journée avec un thé d'armoise et des biscuits au sarrasin. Je me suis accordé un jour (quasiment) de congés sur mes projets et j'ai économisé pour avoir de la nourriture que j'ai cueillie. Mais j'ai quand même dû aller chercher un peu de nourriture. Je suis allé-e dans mon coin à laitue pour prendre de la salade et un peu plus de fenouil. J'ai vérifié le piège à poissons. J'ai pêché à la canne pour essayer d'attraper quelque chose de plus gros. »

 

Jen Wang semble être assez connue pour son précédent ouvrage, Le Prince et la Couturière, qui a reçu le Fauve Jeunesse à Angoulême en 2019.

Mon Refuge

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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 12:16

La maison de la plage (Grand format - Broché 2019), de Séverine Vidal,  Victor Pinel | Marabout

Julie, une Parisienne, revient pour cet été encore dans la maison familiale située en bord de mer, en Loire Atlantique. Ces vacances ont un goût particulier puisqu’enceinte, elle doit faire le deuil du père du bébé et, comme si le malheur n’arrivait jamais seul, l’oncle Albert voudrait récupérer sa part de la maison que les trois frères seraient donc susceptibles de devoir vendre. Mais la famille est plus soudée qu’il n’y paraît, Julie peut compter sur sa cousine, son frère et également sur de vieux amis du village. Reste que cette maison est importante et précieuse avec son arbre au milieu du jardin, ses nombreuses pièces, la chambre où il était interdit de toucher au vieux papier peint jaune avec des motifs de montgolfières. Serait-ce le dernier été passé dans cette vaste demeure ?

J’aime les contrastes et là, j’ai été servie puisque cette BD m’a occupée une petite partie de soirée lorsqu’assise sur mon canapé, devant mon feu de cheminée, je devinais la neige tomber dehors et le froid cingler. Comme pour la superbe série Les Beaux étés, cet album nous transporte en vacances, à la plage, dans différentes époques (de 1960 à 2018), on fait des barbecues et on prend des bains de minuit, on fait la grasse mat’ et on se concentre pour faire le plus beau château de sable du monde, bref, la vraie vie (ce n’est pas que je n’aime pas l’hiver... je déteste l’hiver !) Les dessins pastel tendent vers cette atmosphère de douceur touchante, la maison se transmet d’une famille à l’autre, plus que des murs, elle est un amas de souvenirs et a gardé les traces des gens qu’on a aimés. Moi qui ne suis pas matérialiste, j’ai été gagnée par cette émotion de l’héritage immobilier, j’ai aimé les personnages autant que cette Maison des Trémières où il me plairait bien de séjourner.

J'ai déjà lu Vidal : Les Pays d'Amir et Pinel : Puisqu'il faut des hommes.

 

La maison de la plage - cartonné - Séverine Vidal, Victor Lorenzo Pinel -  Achat Livre | fnac

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6 décembre 2024 5 06 /12 /décembre /2024 08:23

Spy x family Tome 1

C’est Fanja la coupable, son engouement pour cette série de mangas a été contagieux. Moi, lire des mangas... eh bien oui.

Loid alias Twilight est un excellent espion qui sait se grimer et vaincre ses adversaires avec une efficacité redoutable. La dernière mission qu’il a acceptée consiste à neutraliser un personnage qui menace la paix entre l’ouest et l’est, mais ce Donovan Desmond ne se laisse pas approcher facilement. La couverture de Loid ? Devenir un bon père de famille pour inscrire son enfant dans l’école privée du fils de Desmond. Loid doit donc rapidement trouver enfant et femme (parce que l’entretien initial de l’école exige la présence des deux parents). Anya, une orpheline qui lit dans les pensées va devenir sa fille, et Yor, une tueuse professionnelle qui se cache derrière le masque d’une jolie célibataire très naïve va devenir sa femme. Avec cette famille créée de toutes pièces, Loid va tout faire pour réussir l’entrée extrêmement sélective de cette école privée.

Je me suis très vite laissé embarquer dans cette histoire romanesque, les personnages sont attachants, et si on ne peut encore parler d’affection véritable, on devine déjà une admiration des uns pour les autres. La petite Anya est adorable avec ses grands yeux, ses envies enfantines et ses réflexions d’adulte, Yor se distingue par ses compétences physiques hors du commun, son agilité, sa réactivité et Loid est un espion charmant mais impulsif dans un univers sclérosé et misogyne où la femme doit avant tout se marier et savoir faire la cuisine. Les trois protagonistes font taire les imbéciles en s’adaptant à chaque nouvelle situation et Anya qui, à six ans, a presque tout saisi n’a qu’une seule envie : « J’aimerais vivre avec eux tout le reste de ma vie ! ». J’ai déjà réservé le 2e tome à ma bibliothèque, pas sûre de lire tous les tomes (le 13e vient de sortir si j’ai bien compris) mais c’est prenant et divertissant. Complètement novice, j’ai cependant l’impression que les dessins diffèrent peu d’un manga à l’autre (ne m’en voulez pas...)

Spy x Family #1 | BoDoï, explorateur de bandes dessinées - Infos BD,  comics, mangas

 

 

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17 novembre 2024 7 17 /11 /novembre /2024 08:23

Le voyage d'Abel

Abel est un vieux monsieur qui vit seul dans un coin isolé de Reclesme, un petit village au cœur de la France. Paysan, il cultive la terre et s’occupe de deux vaches et d’une poignée de moutons. Il déteste son chien qui vient régulièrement lui mordiller le mollet sans prévenir, il déteste d’ailleurs à peu près tout le monde dans le village et, surtout, il n’a qu’un seul rêve : fuir. Il rêve d’aller en Ethiopie et, début de l’automne, il est vraiment décidé à vendre animaux et ferme pour s’en aller. Les autres se moquent de ses lubies d’aventurier et de marin en devenir. Au mois de février, Abel est toujours là, dans sa maison enfouie sous la neige, à pester contre ses frères qui l’ont laissé seul, contre les poivrots du bistro toujours mauvaise langue. Il n’y a que Mme Huong, la boulangère, qu’il apprécie, sans doute parce qu’elle vient de si loin, du Vietnam...

Les dessins de Duhamel m’ont plu, comme ça avait déjà été le cas pour Jamais ou Le retour. A la fois simple, précis et juste, le trait représente parfaitement les paysages mais aussi les personnes, Duhamel n’a pas son pareil pour dessiner les trognes des types. Beaucoup de gris, de noir et de blanc pour évoquer le triste quotidien d’Abel, quelques touches de couleurs lorsqu’il se voit en pleine mer ou sur une plage de cocotiers. Vous l’aurez peut-être deviné, ce sont les rêves et l’espoir qu’un jour il partira qui font tenir le vieux bonhomme aigri et grincheux. J’ai tout de même trouvé l’ensemble un peu tristounet et frustrant par rapport au dénouement. Le tout n’en demeure pas moins très agréable à lire, parfois vraiment drôle comme les dialogues au café du village. Un hommage aux ruraux sans doute... ceux qui ne partent jamais...

« Ah..., ils viennent de trouver un médicament contre l’alcoolisme...

- Houlàà... moi, j’attends de connaître les effets secondaires...

- Si vos femmes apprennent ça, vous êtes bons pour la grenadine. » 

Le Voyage d'Abel, bd chez Bamboo de Sivan, Duhamel

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29 octobre 2024 2 29 /10 /octobre /2024 11:13

Dans la forêt - Éditions Sarbacane

-   Adapté du roman de Jean Hegland   -

Non loin de San Francisco, Eva et Nell sont deux sœurs qui ont survécu à une catastrophe, un ensemble d’événements qui les ont coupées du monde. Seules dans leur maison familiale, orphelines, elles tentent de survivre sans électricité, sans supermarché, sans voiture, sans aide humaine. Elles ne peuvent que se souvenir de leur passé et de sa lente et inexorable déchéance vers ce qui semble atteindre une forme de minimalisme absolu. Eva danse même sans musique, Nell bricole et cuisine avec le peu de provisions restantes. Un ancien ami va parvenir à les retrouver et leur propose d’aller avec lui vers l’est mais les Etats-Unis sont devenus trop dangereux. Les sœurs vont petit à petit évoluer vers un autre mode de vie, plus tourné vers la nature, à l’écoute de ses bienfaits. Elles se redécouvrent, grandissent à leur manière, trouvent des solutions, écoutent l’univers qui les entoure.

J’ai cette BD dans ma PAL depuis des mois voire des années et j’en repoussais la lecture par peur d’être déçue. Les années ont passé depuis mon immense coup de cœur (inégalable, je crois bien) pour le roman de Jean Hegland (lu en avril 2017), j’ai donc pris du plaisir à retrouver cette histoire incroyable, cette idée de pouvoir survivre même après la civilisation, cette force qui pousse à croire qu’on est capable de surmonter bien des difficultés. Mais je suis loin, très loin, de la révélation qui m’a éblouie lors de la lecture du roman. Il y a quelque chose de plat, de terne et de fade dans les dessins (mise à part cette canopée si subliment réussie), je n’ai pas retrouvé la force ni la profondeur des personnages, l’intense émotion de la connexion humain/nature, la subtilité des sentiments des filles, la grandeur exceptionnelle du roman. Et pourquoi avoir choisi la couleur sépia ? pour mieux rendre le gris de leur vie ? Je voyais bien surgir une explosion de couleurs, au moins à la fin ; et puis des cases immenses pour rendre hommage à la beauté de la nature. Bref, j’ai été déçue mais je m’y attendais.

« Bien sûr, ce genre de choses arrive. J’ai suffisamment étudié l'histoire pour le savoir. Que les civilisations périclitent, que les sociétés s'effondrent. Il n'y a qu'à regarder Rome, Babylone, la Crète, l'Égypte, les Incas ou les Indiens d'Amérique. Finalement l'électricité n'aura été qu'un accident passager d'à peine deux siècles, autant dire une poussière de temps à l'échelle de l'histoire de notre monde. Éva et moi faisons désormais partie d'une époque révolue. »

Dans la forêt, bd chez Sarbacane de Lomig

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21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 18:32

Plein ciel, Pierre-roland Saint-dizier - les Prix - Format Kindle

Dans le quartier du Bois Fleuri, plus précisément dans l’immeuble appelé Plein Ciel, un vieil homme, Emile, se jette du 17ème étage. Ce suicide paraît incompréhensible pour ses voisins : Martine côtoyait l’homme depuis des années et elle ne soupçonnait rien de son mal-être. Les autres n’en savent pas plus mais se réunissent pour lui rendre hommage ; l’un récupère le chat d’Emile, l’autre sa grande plante verte ou encore une collection de diapositives. L’appartement du vieil homme ne reste pas longtemps vide, son petit-fils vient l’occuper avec son compagnon. Les deux taisent un secret autour d’un projet de rénovation du quartier...

J’ai toujours adoré les histoires d’immeuble, je ne sais pas si ça tient au souvenir de lecture de Vie mode d’emploi de Perec ou parce qu’a contrario j’ai toujours vécu dans une maison individuelle. Découvrir que cette BD évoque un endroit de ma région, à savoir le quartier des Coteaux à Mulhouse (qui a plutôt mauvaise presse), m’a fait plaisir également. Le scénariste sait de quoi il parle puisqu’il est Mulhousien et a grandi dans un de ces grands ensembles (au 16e étage d’une tour). Ce que j’ai particulièrement aimé, c’est la vision qui est tout sauf négative de cette barre et de ses habitants, l’auteur le précise dans l’annexe, avec 400 personnes de tous âges, des dizaines de nationalité différente, c’est un petit village à la verticale. Solidarité, entraide, amitié sont les qualités qui sont valorisées dans cette très belle BD aux dessins élégants aux allures un brin désuètes (un style parfait pour exprimer la nostalgie). Le même genre d’histoire est relaté dans l’excellent film Gagarine de Liatard et Trouilh avec ces tours et ces barres construites à la va-vite dans les années 60-70 qui incarnent alors renouveau et modernité et qui, un demi-siècle plus tard sont destinées à être montrées du doigt voire détruites. C’est avec une grande tendresse que l’humanité transparaît entre les cages d’escalier, les ascenseurs et les paliers des différents étages. Une belle réussite.

Plein ciel – Pierre-Roland Saint-Dizier, Michaël Crosa – la chronique BD

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7 octobre 2024 1 07 /10 /octobre /2024 18:21

Bandes dessinées - Les Filles de Salem - DARGAUD

-  Comment nous avons condamné nos enfants  -

Fin XVIIè siècle. Abigail Hobbs vit à Salem Village avec ses parents, sa vie modeste mais heureuse est petit à petit entachée pour différentes raisons. On lui explique que, parce qu’elle est réglée, elle ne peut plus accepter le cadeau d’un garçon sans lui offrir quelque chose en contrepartie, qu’elle est désormais une tentation pour tous les hommes. Contrairement aux recommandations, elle va se rapprocher d’un Indien à la peau noire qu’elle rencontre régulièrement dans les bois et avec qui elle finit par danser, emmenant avec elle son amie Betty.  On les surprend et les accuse de côtoyer le Diable. Et puis, il y a cette femme qui prépare d’étranges potions à base de plantes, ces deux autres – mère et fille – qui tiennent l’unique taverne du village, c’est étrange, et cette mendiante... et ces filles qui tentent de lire l’avenir dans des œufs cassés. En bref, toutes les femmes originales et particulières, toutes celles qui se démarquent et se distinguent, les vieilles stériles et les jeunes épileptiques, mais aussi celles qui ont vu ce qu’elles n’auraient pas dû voir, sont menacées. La quiétude du village fait place à un sentiment omniprésent de menace et de suspicion et les femmes accusées de sorcellerie sont arrêtées avant d’être pendues.

Dense et imagé, aussi violent et détraqué que certains esprits de l’époque, l’album reprend cet épisode connu qui mêle obscurantisme, misogynie et ignorance crasse. L'auteur joue un peu avec la réalité historique, me semble-t-il, mais l'état d'esprit y est... On comprend bien, dans toutes les ramifications de cette affaire sordide que tout vient de la peur de l’inconnu mais aussi des fautes commises par les hommes qui, trop honteux et orgueilleux pour les admettre, rejettent le mal (le Mal !) sur les femmes. L’ensemble baignant dans un puritanisme délétère, on obtient des condamnations stupides et absurdes dans un monde où naître femme est déjà une sacrée tare. J’ai beaucoup aimé les illustrations passant de la folie diabolique à l’apaisement de la nature et les dernières planches (comme la couverture d'ailleurs), de toute beauté, allient parfaitement la Femme et la Nature. A mettre entre toutes les mains !

« A partir d'aujourd'hui, tu n'es plus une enfant. Pour les hommes, tu es une proie, tu le resteras jusqu'à ton mariage. Tu ne dois plus leur parler en public. Sauf si tu es accompagnée. À partir d'aujourd'hui, tu dois être invisible. Quand tu marcheras dans la rue, tu regarderas le sol. Tu seras courtoise, tu répondras par un hochement de tête. Tu vas saigner, ma fille, tous les mois ton cycle reprendra. C’est ta punition pour devenir une tentation aux yeux des hommes. »

« C’est la liberté qui me rend gaie La liberté nous donne du courage. »

Les Filles de Salem - (Thomas Gilbert) - Historique [BDNET.COM]

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