Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 23:32

 

 

 

Tout comme pour Construire un feu, je n’ai pas réussi à lâcher cette BD une fois ouverte. Cet auteur a le don de happer le lecteur, et ici, avec  de l’horreur et de l’insoutenable !

            Les premières planches renvoient au procès du trop célèbre Landru, en novembre 1921. Un avocat énumère ses crimes, le condamne sans indulgence et le traite de « monstre », d’ « impitoyable Barbe-Bleue », d’ « assassin scrupuleux et méthodique ».  Puis, retour en arrière. Janvier 1915. Explication des faits à leur source, à leur origine. Sauf que Chabouté nous propose une version toute particulière de cette page historique sanglante. Landru n’est plus le coupable mais la victime ou du moins, le complice inconscient des meurtres commis sur les femmes.

            Du fond des tranchées, en janvier 1915, Paul exprime son désir de retrouver sa bien-aimée, Hélène, et de fuir. Ce qu’il ne tarde pas à faire. La guerre aura laissé des traces indélébiles sur son visage puisqu’un obus l’a complètement défiguré. Il lui faudra beaucoup d’argent, prévient-il dans une des dernières lettres adressées à Hélène. Landru, lui, passe son temps à séduire des jeunes femmes par le biais de petites annonces avant de les escroquer. Paul, ayant eu vent de ses petits larcins, le fait chanter en lui demandant de rameuter encore et encore, des femmes riches à la villa de Gambais : « C’est elles qui vont nous donner leur argent et nous supplier de les aider à quitter le pays … et je me ferai un plaisir et un devoir de leur  faire prendre un bateau pour l’Argentine ». Landru se voit forcer d’accepter le marché. Les trois complices suivent toujours le même procédé : ils feignent un cambriolage la nuit lorsque la jeune femme est au lit. Paul donne une arme à celle-ci et l’ordre de tirer sur tout ce qui bouge. Les femmes, les unes après les autres, vont croire qu’elles ont tiré et tué un Landru allongé au sol, inerte. Ce n’est qu’au bout de quelques voyages (pour lesquels Landru demandera toujours « deux allers, un retour ») que Landru apprendra le véritable destin des femmes : massacrées, Paul et Hélène leur extorquent leur argent,… mais aussi leur peau, qu’un médecin tente de greffer sur le visage mutilé de Paul.

            Pourquoi changer l’Histoire ? est-ce pour nous amener à réfléchir sur la justice ? sur la responsabilité des médias ? sur la « vérité » qui reste toujours une donnée incertaine ? Je ne sais pas mais en tous cas, la version que nous présente Chabouté est une réussite.  Le récit est prenant, le graphisme noir et blanc envoûtant. Le réalisme des planches évoquant la Première Guerre fait froid dans le dos. Landru avec sa célèbre barbe pointue passe pour un homme bienveillant trop crédule. Paul, momifié par ses nombreux bandages apparaît comme un monstre, au sens propre comme au sens figuré. Au final, c’est bon comme un excellent polar, images en prime.

  

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 22:50

 

 

Je suis tombée complètement amoureuse de cette BD dès la quatrième ou cinquième planche ! Je n’ai jamais été autant touchée, émue, remuée, ravie, bouleversée, retournée, étonnée, enchantée !!! … Oui, tout ça !

Nous sommes dans une rue un peu particulière par son nom rigolo : l’ « impasse du bébé à moustaches ». « En réalité, elle s’appelle « impasse Baron Van Dick » mais tout le monde l’appelle « l’impasse du bébé à moustaches ». A cause de la publicité, vous comprenez ? Qui a eu l’idée, au début du Xème siècle de peindre cette publicité sur le grand mur aveugle au bout de l’impasse ? Plus personne ne le sait. Une nuit, des années plus tard, quelqu’un – un garnement du quartier vraisemblablement - a affublé de grandes moustaches noires le bébé souriant. Tout le monde a ri, le bébé est resté. Les moustaches peintes aussi. »

L’originalité initiale, c’est la narratrice : une madone, une statue installée dans une niche, au 3bis de la rue. Elle est la spectatrice des petites histoires, des mouvements, des rencontres, des personnages qui évoluent, grandissent et meurent dans cette rue. Et elle nous raconte. Le lecteur, devant les cases représentant les habitants de la rue, se croit d’abord dans une simple rue provinciale, grise, pas très propre, où on tue des chatons, où se saoule au café du coin, où les enfants accumulent sottises et blagues stupides. Mais cette impasse est bien plus que ça…

Camille, une fille simplette mais gentille, donne naissance à un enfant mort. On ne sait pas qui est le père. Elle aurait voulu appeler cette petite fille Lydie. Fortement marquée, Camille enterre sa petite Lydie, accompagnée de son père, Augustin. Mais quelques jours plus tard, les habitants de l’impasse assistent à la course effrénée d’une Camille radieuse s’élançant vers le landau vide en criant : « Il est revenu, il est revenu ! Mon bébé !! Mon bébé est revenu !! ». Malaise général. La jeune femme prend dans ses bras un bébé imaginaire : « Les anges du ciel me l’ont rapporté ».

Après s’être moqué de la jeune femme, son père, le docteur, et petit à petit tous les habitants de la rue, vont entrer dans le jeu de Camille. La vieille dame va le bercer doucement, le menuisier promet de fabriquer une chaise haute pour l’enfant, le grand-père lui donne avec tendresse le biberon, on va jusqu’à baptiser ce petit être invisible. Puis Lydie ira à l’école, tombera malade, se fera soignée par le docteur qui se lèvera au milieu de la nuit réveillé par une Camille affolée… Camille sera une véritable mère, la mère excellente d’une fillette appréciée dans le quartier.

La BD se clôt sur une chute merveilleuse, imprévisible, qui, personnellement m’a chamboulée.

Le scénario est un bijou mettant en valeur la solidarité, l’amitié, l’amour maternel, l’humanité d’une petite portion d’êtres simples mais méritants et formidables. Je multiplie les compliments mais cet album le vaut bien. Les couleurs des dessins sont plutôt ternes pour mieux mettre en valeur la lumière de cette histoire rayonnante. Elle n’est pas triste mais emplie d’un optimisme rare, d’un humour raffiné, d’un espoir ô combien précieux. Elle va à l’encontre des clichés.

COUP DE CŒUR

 

 

Partager cet article
Repost0
28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 23:46

 

 

           On entre dans cette BD comme dans un café surchauffé un soir d’hiver glacial… sauf qu’on n’a pas longtemps chaud !

On rencontre d’abord les personnages dans un bistrot. Tous attendent leur train. Il y a le fringant futur directeur des ressources humaines accompagné de son arrogant tuteur. Des types bien. Il y a les trois fêtards qui se rendent au mariage d’un de leur pote. Il y a l’ex-taulard qui retrouve enfin sa copine.

Dans ce bistrot, les auteurs nous permettent d’abord d’appréhender les différences sociales de ces trois groupes de personnes. Le copine de l’ex-taulard lui avoue qu’elle a dû faire le tapin pendant qu’il écumait sa peine de prison et lui ne sait s’exprimer qu’avec fougue,  jurons et menaces. Les trois copains sont de gais lurons qui tentent même de draguer la copine de l’ex-taulard. Les directeurs de ressources humaines sont bien habillés, instruits mais le plus âgé tente de rendre son protégé tout aussi vicieux que lui. Rien de bien particulier dans ce café ordinaire.

Tout dérape dans le train. Il fait trop chaud, la clim ne fonctionne pas, nos sept personnages sont presque seuls. L’un des trois copains insiste de plus en plus lourdement pour se taper la copine de l’ex-taulard. Le défi est à relever.

Avec une vision très pessimiste de la nature humaine, Jonquet nous montre que les salauds ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Le personnage le plus horripilant est ce vieux cadre qui ne fait que reluquer les femmes, qui se réjouit de l’altercation entre les deux groupes de jeunes, qui ne se positionne qu’en voyeuriste. Le jeune cadre, lui, semble faire preuve de meilleurs sentiments et pourtant, il est complètement passif, il n’alerte pas le contrôleur du train quand il assiste au viol de la jeune femme.  Personne n’est donc épargné dans ce huis clos.

Chauzy s’exprime grâce aux couleurs, la palette doit être exhaustive… de temps en temps une tache de rouge qui n’est pas sans rappeler le sang et la barbarie : la chevelure de la copine, la veste du contrôleur, les cheveux du pote rouquin… Juste une remarque sur la couverture qui, d’après moi, donne toutes les clés de l’album, et c’est dommage. Le couple apparaît au premier plan, elle amoureuse, lui à la fois attentionné et blessé, les trois compères à l’arrière-plan ont un sourire sournois. On aurait pu souhaiter plus de mystère.

C’est du réalisme pas joli joli et du quotidien morose qui composent cette BD. Tout comme dans La Vie de ma mère, Jonquet nous crache cet univers de violence et de bêtise à la figure, sans concession, sans pincettes. Et c’est tant mieux. Encore une fois, j’ai apprécié la justesse du ton. Un événement sordide qui passe inaperçu…

 

Partager cet article
Repost0
19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 10:20

Sous-titre : Le Secret du janissaire.

Si je connais cette série c’est uniquement parce que quand on pose la question : « quelle BD préférez-vous ? », les gens autour de moi répondent le plus souvent : « De Cape et de Crocs, mais bien sûûûûr ! » Il fallait bien que je vérifie par moi-même ce « bien sûûûûr » enflammé !

Un renard, Armand Raynal de Maupertuis fait équipe avec un loup, Don Lope de Villalobos y Sangrin. Les deux compères sont de fameux bretteurs, justiciers et téméraires. Par un heureux concours de circonstance, ils tombent sur une carte au trésor… mais aussi sur un vieillard menteur, Cénile, qui, après leur avoir demandé de libérer son fils Andreo (qui serait retenu captif au bord d’une chébèque de Barbares) les entourloupe. Plutôt que de les faire sortir de prison comme il leur avait promis, il les condamne à vingt ans de galère. Ce passage sur la galère est mon préféré, les personnages sont délicieusement drôles et forts en caractère : le capitan Mendoza règne en tyran, un petit lapin galérien, Eusèbe, se fait passer pour nigaud mais parvient à sauver les deux compères qui se retrouvent sur la chébèque du début de l’album, celle du raïs Kader.

Je me rends compte qu’il est bien difficile de résumer cet album si dense. Il se passe plein de choses sur chaque planche, le rythme est haletant, nous avons là une vraie BD d’aventures !

Ce qui m’a assez vite surprise et ravie, c’est la richesse de cet album. Il faut avouer que, bien souvent, dans les BD, si le dessin est sublime, le texte boîte, et si, à l’inverse, les dialogues sont époustouflants, le dessin plaît moins. Ici, tout y est. C’est complet. Non seulement les dessins sont d’une rare beauté, colorés, raffinés, soucieux du moindre détail, mais les textes sont savoureux par leurs références culturelles et par leur humour ! On rit dans un méli-mélo de sources littéraires : La Fontaine, le Roman de Renart, Cyrano, les Mousquetaires, Molière, Blacksad (je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser … même si le chat naît bien après le renard et le loup).

Je vais m’empresser de lire les autres aventures du loup et du renard !

 

Lorsque Cénile, le vieillard qui feint le malheur et le chagrin, demande de l’aide à notre duo de choc :

-         Senor ! souffrez que nous intervenions. Moi : Don Lope de Villalobos y Sangrin, hidalgo, et par là-même rempart de la chrétienté…

-         Et votre serviteur : Armand Raynal de Maupertuis… allons de ce pas délivrer votre progéniture.

-         Gratuitement ? Vous le reconnaîtrez sans peine : il est beau comme un dieu et me ressemble en tout point. Il s’appelle Andreo. Lorsque vous l’aurez libéré, amenez-le au Palazzo Spilorcio ; Campo del Duomo.

 

Partager cet article
Repost0
7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 23:11

 

 

 

            Je vous avais dit, fin 2011, qu’avec la lecture de Louis à la plage, je ne comptais pas en rester là avec ce cher Monsieur Delisle (oui, il est déjà « cher » puisque je l’apprécie beaucoup).

Après la mort de son collègue Blaras, Moroni – inspecteur - est muté dans un bureau qu’il doit partager avec un petit homme nommé Pedro. L’objectif des deux hommes n’est pas le même : pour Moroni, il s’agit de faire son travail au mieux, il est plutôt discipliné et consciencieux mais Pedro, quant à lui, fait tout pour mettre des bâtons dans les roues de son nouveau collègue afin qu’un de ses bons copains prenne sa place. Moroni, par sa naïveté, ne se doute de rien. Il trouve un peu étrange que sa tâche ne consiste qu’à faire semblant de travailler, mais il suit les directives de Pedro. Il se fait très vite épingler par le grand chef, Wilkinson, mais un bienheureux concours de circonstance lui permet de s’en sortir la tête haute.

Moroni est un personnage succulent qui n’est pas sans rappeler les héros du cinéma burlesque américain : il lui arrive un tas de coups durs, il n’a pas de bol, il accumule les maladresses et les bêtises mais il persévère, il ne voit pas le mal qu’il entoure, il a même tendance à confondre les bons et les méchants. Ces problèmes s’enchevêtrent pour finalement se démêler grâce à un tout petit événement qui a lieu en sa faveur.

J’ai donc adoré cet album, ses dessins simples aux traits géométriques, son humour, ses personnages attachants (la groupie du chef Wilkinson qui lèche le gobelet dans lequel il a bu son café est désopilante ! … ou encore la jolie prostituée qui se fait envoyer balader par Moroni qui ne comprend pas ce qu’elle lui veut – elle est nue pourtant !)

N’oublions pas la mission que Moroni s’est confié à lui tout seul : enquêter sur l’utilisation de la machine à café : « après un minutieux recoupement de ces données, une constation troublante s’imposa… certains jours, les rapports sucres/bâtonnets et cafés/gobelet de correspondent pas. » Ciel !!!

Et ce chien, ce chien-amant, ce chien-compagnon de tous les jours, qui pique des crises de jalousie, qui mitonne de bons petits plats à son Moroni, qui l’écoute et le conseille avec intelligence et indulgence !

De quoi passer un bon moment, à la fois drôle et divertissant. Un p’tit zut à la fin de ma lecture quand j’ai réalisé que je venais de lire le tome 2 d’une série de trois … donc pas dans l’ordre… et ça, ça m’énervouille toujours, pouvez pas savoir !

Partager cet article
Repost0
30 décembre 2011 5 30 /12 /décembre /2011 23:40

 

           Après le coup de cœur du Gourmet solitaire qui me laisse encore aujourd’hui une délicieuse saveur dans la bouche, je me suis attaquée au genre de la science-fiction. C’est Moebius qui écrit et Taniguchi qui dessine. Le premier est plus que célèbre puisqu’il est à l’origine de la série Blueberry mais qu'il s’est aussi mêlé du concept design de Willow, d’Abyss et du Cinquième élément (entre autres!)

La science-fiction n’est pas mon genre favori, loin de là, et pourtant, ici encore, je me suis laissé complètement happer par l’histoire. Elle est simple : un jeune Icare a un don merveilleux : il sait voler. Cet être mutant est, depuis sa naissance, contrôlé, surveillé chaque seconde, hyper stimulé et surtout enfermé dans une immense cage appelée le jardin. Non seulement ce magnifique éphèbe sait se mettre en lévitation, mais il a acquis une force exceptionnelle qui lui permet de briser des chaînes, porter une charge très lourde en volant… et transpercer les murs. L’histoire ne serait rien sans l’amour. Icare tombe amoureux d’Yukiko et l’élan de la passion décuple sa puissance. Mais vous vous doutez bien que des méchants rôdent et veulent utiliser les pouvoirs d’Icare d’une toute autre manière…

Si je n’ai pas craqué à 100% comme pour ma précédente lecture de Taniguchi, le thème d’Icare m’a beaucoup plu car pour moi aussi, voler est un de mes vieux rêves. Je ne suis pas assez spécialiste ès BD pour apprécier toute l’ampleur du talent de Taniguchi mais j’ai adoré les dessins mettant en scène cet Icare aérodynamique comparable à une plume pour sa légèreté et son harmonie, à une fusée pour sa vitesse.

Les personnages représentant le côté obscur m’ont, par contre, laissé totalement insensible, il y en a trop, c’est confus et désordonné : entre un neurochirurgien hyper optimiste, deux lesbiennes qui ne servent pas à grand-chose et des soldats qui s’auto-explosent, bof, bof, bof. Les dessins sont en noir et blanc et encore une fois, ça m’a gênée. Mais la lecture de droite à gauche m’a amusée, on s’y habitue vite, on s’y perd parfois un peu mais ça apporte forcément une touche d’originalité au manga.

En conclusion : belle découverte même si je ne le relirai pas et si je n’en ferai pas un livre culte.

Partager cet article
Repost0
21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 14:56

 

J’avais adoré Persépolis (lu et vu). Il me tardait de découvrir Poulet aux prunes dont on a entendu parler ces derniers temps puisqu’on en a fait un film, sorti fin octobre 2011..


C’est l’histoire de Nasser Ali Khan, musicien iranien qui, du jour au lendemain, décide de mourir. Il veut mourir. D’abord, on croit que c’est à cause de son instrument de musique, le tar, que son épouse a brisé lors d’une dispute. Il désespère de n’en plus trouver un aussi bon. Puis, on comprend que son mal-être ne vient pas uniquement de son instrument de musique. Il a raté sa vie, il est passé à côté de son amour de jeunesse, s’est marié avec une femme qu’il n’aime pas et se trouve maintenant entouré d’enfants dans lesquels il ne se reconnaît pas.

C’est le compte à rebours de ses derniers jours de vie. Il reste alité, se souvient de ses moment de bonheur, de ses erreurs ; il reçoit la visite de ses enfants, de son frère. Tout ça paraît triste mais Satrapi a le don de balancer d’une case à l’autre d’un ton dramatique à un humour léger, un ton moqueur.

Quant au noir et blanc qui parfois me dérange dans d’autres albums, il m’a fait penser ici au trait de khôl qui entoure le blanc de l’œil, et puis, c’est drôle, on a l’impression de deviner les couleurs derrières cette bicoloration (ça se dit, ça ? ?), l’effet obtenu n’est pas terne.

Et il y a cet ange de la mort, Azraël, qui vient discuter avec Nasser Ali Khan. Il apparaît comme un être aux prises avec une force supérieure à qui il obéit. Loin d’être démoniaque, il se veut rassurant, presque protecteur.

Je ne sais pas si l’auteur l’a voulu ainsi, mais le personnage de Nasser Ali Khan engendre des réactions contradictoires chez le lecteur : il peut soit s’apitoyer sur son sort, en effet, Nasser n’a pas eu de chance, soit se révolter contre ce personnage inerte qui est tout l’inverse d’un battant. On voit ses enfants évoluer autour de lui et plutôt que d’y chercher un espoir, une envie de vivre, une seconde chance, il se laisse aller, les ignore et se tourne une énième fois… vers son petit nombril. Je ne vais pas dire que cet égocentrisme est typiquement masculin mais j’avais déjà rencontré ce genre de personnage dans une pièce de théâtre, L’Aquarium.

Dernier point : l’Iran. Satrapi nous en montre un visage des années 50 mais aussi, par de brefs retours en arrière, un pan des années 30 où le port du voile était interdit. Un Iran très proche de nous finalement.

 

Je ne résiste pas à l’envie de vous rapporter l’histoire de l’éléphant racontée par un poète iranien, Rûmi :

« il y a cinq types qui se retrouvent dans une étable obscure dans laquelle il y a un éléphant… Aucun d’eux n’a jamais vu cet animal. Ils décident donc de le toucher afin de définir sa forme… au bout d’une heure d’inspection :

-         C’est un énorme tuyau.

-         Mais non ! ça ressemble à un grand éventail !

-         Vous vous trompez tous les deux ! c’est une colonne.

-         Oh non ! les colonnes il y a en a quatre, je les ai comptées.

-         Pfff ! vous êtes tous dupes !!! c’est un siège.

Puis soudain, on alluma les chandelles et les cinq hommes virent l’éléphant en entier. Chacun d’eux  avait donné son interprétation de l’animal selon ce qu’il avait touché. La vie est pareille. Nous donnons un sens à la vie d’après notre point de vue. Seule la sagesse, comme la lumière de la chandelle, peut nous apporter une vision globale de l’existence. La clef de la sagesse est le doute ! »

 

N’oublions pas le Roaarrr Challenge de Mo’ : cette BD a obtenu le Fauve d’Or du meilleur album en 2005 (ça étonne quelqu’un ?)

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2011 4 15 /12 /décembre /2011 23:30

 

La vie d’artiste sans s’emmêler les pinceaux sur les chemins détournés est le titre intégral de cet album. C’est sur la pointe des pieds que je suis entrée dans cette lecture, avec réserve et prudence car j’avais déjà lu Cestac pour Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps qui fut une rencontre-fiasco. Rien à voir ici. J’ai pris beaucoup de plaisir avec cette tranche de vie.

Noémie, qu’on devine vite être l’ombre de l’auteur elle-même, raconte sa vie d’artiste. Tout démarre par une remarque apparemment anodine d’un fan qui vient de faire dédicacer son exemplaire : « C’est cool votre boulot, et en plus vous devez vous marrer tout le temps, non ? » Noémie se dit que ça n’a pas toujours été facile et que « c’est pénible de faire de l’humour, surtout quand ça ne vient pas ». Flashback.  

Petite fille, elle se démarquait déjà par son originalité, elle préfèrait son vieil ours rafistolé et bizarrement attifé à une poupée Barbie toute neuve. A l’école, sa dyslexie l’a isolée des autres et on ne prêtait même pas attention à sa foule d’idées. Adolescente, elle se distinguait pas ses tenues vestimentaires bariolées et saugrenues. Malgré un avis parental plus que contrarié, elle intègre les Beaux-Arts où elle trouve enfin des gens qui la comprennent. Vie de bohème, fumettes, 2CV colorée, potes et plans foireux pour éviter un quotidien trop fauché. Elle joue des coudes dans le monde de l’art, essaye de trouver son propre style mais se heurte aux éditeurs exigeants, subjectifs, délurés ou encore pervers.

Elle atteint son objectif mais que de montagnes a-t-elle gravies ! que d’obstacles a-t-elle franchis ! La détermination de la jeune femme se diffuse dans toutes les pages.

Un album empli de couleurs vives où les personnages tout en courbes et tout en rondeurs sont attachants et drôles. On se marre vraiment bien, on s’identifie facilement au personnage qui nous chuchote, entre deux blagues, que la vie d’artiste est un long combat.

Dialogue entre Noémie et son amoureux guitariste, Nico, suite à son premier mini-succès :

-         Regarde ! regarde !

-         Où ça ? ah ! là, le timbre-poste ! C’est comme si je jouais deux notes ! Pouf ! Pouf !

-         Arrête de ramener toujours tout à toi !

-         Non ! je ne vais pas avoir mes ours ! … j’appelle maman !

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 23:26

 

 

 

Je croyais connaître cet auteur de bandes dessinées québécois mais en fait, non. Voilà bien un album empli de tendresse et d’humour qui est destiné à toute la famille ! Pourquoi ? parce qu’il n’y a ni bulles, ni textes.

Louis est un petit garçon haut comme trois pommes, dont on suit les aventures… à la plage. Le titre fait un peu penser aux Martine. Mais c’est sans compter deux éléments essentiels et originaux : Louis est un looser. Il est plein d’enthousiasme et de vitalité mais il faut bien admettre que ce Mister Bean miniature se fait doubler par les autres enfants de son âge. Il a aussi un père qui lui refuse beaucoup de choses et le laisse porter le gros panier d’affaires de plage. Et il n’obtient pas ce qu’il désire, ce pauvre Louis, il n’arrive pas à faire des pâtés de sable comme son petit compagnon de jeu, il ne reçoit pas de glace, il se fait emporter par une grosse vague, il ne retrouve plus son père parmi la masse des adeptes de la bronzette. Mais, deuxième élément qui fait tout le charme de l’album. Il y a cet âne. Un doudou-âne qui règle les soucis de Louis. Il le sauver de la noyade, il va récupérer son gros ballon perdu, il va même le soulager de ses coups de soleil le soir venu. Et heureusement qu’il est là, cet âne, dans un monde où Louis ne peut compter sur personne, surtout pas sur les adultes. Sa persévérance et sa ténacité sont pourtant remarquables !

L’album a été découvert en famille, le Grand s’est amusé à raconter l’histoire, avec brio (avec dialogues, intonations et pensées de Louis, s’il vous plaît !) et innocence (il n’a pas vu que le père de Louis draguait la nana qui faisait seins nus) et la Petite a tout à fait compris que le doudou pouvait résoudre tous les problèmes, son doudou à elle fait exactement la même chose !

C’est vraiment un coup de cœur pour la simplicité et le charme de cet album. L’imagination et le rêve s’épanouissent comme une fleur qui s’éclot. Ravissant !

La bonne nouvelle, c’est qu’une autre BD de Guy Delisle m’attend dans ma PAL. Youpi !

 

Partager cet article
Repost0
28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 23:14

 

Voilà un petit cadeau que je me suis fait pour mon anniversaire il y a environ deux mois… quel instinct sublime, j’ai eu là !

Je l’ai déjà dit ici, le Japon est un des pays au monde qui me tente le moins. La mentalité, les villes, le côté carré et travailleur, autant de choses qui ne m’attirent pas. Paradoxe (ou pas !): je suis complètement fan des sushis, sashimis, makis, et autres poissons crus. Figurez-vous que ce livre m’a tout simplement donné envie d’aller au Japon !

Le personnage principal est un commercial dans le domaine de la mode. Et il a faim. Et c’est ainsi, qu’au fil des journées où il a l’estomac dans les talons, on découvre la cuisine japonaise. C’est assez drôle parce que c’est terriblement naïf et que les chapitres se déroulent presque toujours de cette façon : le type a bossé sur, il n’a pas vu le temps passer mais là, il a super faim. Il tombe sur une gargote ou un restaurant qu’il ne connaît pas ou dans lequel il n’a pas mis les pieds depuis des années-lumière. Il prend un air circonspect devant les plats qu’on lui propose. D’autres clients commandent grosso modo la même chose que lui (ce qui a l’avantage de le rassurer un peu). Le type goûte et n’en croit pas ses papilles tellement c’est délicieux ! Il sort, la peau du ventre bien tendue et fume sa petite cigarette, heureux.

Cet album m’a complètement dépaysée, m’a ouvert les portes d’un pays où la gastronomie revêt une grande importance. J’ai appris quelles étaient les coutumes culinaires, j’ai découvert les habitudes des Japonais, des plats dont l’existence m’était totalement inconnue jusqu’alors. Bref, un régal ! Et moi qui suis radine dans la distribution des coups de cœur, je le crie haut et fort : cet album est un coup de cœur !

Entre autres petites merveilles qui m’ont fascinée : Les petits barbecues individuels, certains restos en font leur spécialité. La phrase rituelle du serveur qui apporte le plat au client « Merci d’avoir attendu ». Les haricots rouges, très présents en salé ou en sucré. Le nomiya : « gargote où l’on trouve une cuisine simple, variée et bon marché pour accompagner l’alcool. » : en fait, on boit beaucoup et on mange un peu. Et puis cette diversité dans la bouffe, j’ai passé toute ma lecture à baver sur les pages !

J’ai dévoré, je m’en suis léché le bout des doigts, j’en veux encore !

Un gros regret cependant : les couleurs ! Pourquoi un album pareil est-il en noir et blanc ? La cuisine, c’est aussi la couleur ! Quel dommage de ne pas nous faire voyager en rouge, en bleu, en noir, en jaune, en vert, en… Mais les odeurs étaient là, c’est l’essentiel !

Dans un domaine bien moins gustatif, j’avais lu Mon année de Taniguchi qui m’avait bien plu.

 
Partager cet article
Repost0