Je crois que je ne serais pas tombée sur ce roman graphique si on ne me l’avait pas offert pour mon anniversaire. Merci à elle ;)
Catel, dessinatrice d’origine alsacienne rencontre Benoîte Groult lorsque Libé lui donne carte blanche pour une double page et lui permet de choisir son héroïne. Le coup de foudre entre les deux femmes que 44 ans séparent est évident. Catel fait la connaissance d’une dame qui a déjà 88 ans, une pêche admirable mais qui ne connaît, de l’univers de la BD, que Bécassine ! Tout en douceur et en sincérité, Benoîte Groult va se livrer à celle qui passe ses journées à dessiner.
Benoîte Groult est la fille de Nicole Poiret, femme séductrice et extravertie, amante de Marie Laurencin pendant la Première guerre, et d’André Groult célèbre pour ses créations de meubles. Enfant et ado, Benoîte se sent incomprise de sa mère qui est aux antipodes de la fille disciplinée, intellectuelle et soumise qu’elle est. Elle se sent plus proche de son père : latin, discrétion et pêche sont leurs points communs. Veuve à 24 ans, Benoîte se dégage petit à petit de la pression familiale et épouse Georges de Caunes avec qui elle aura deux filles. Elle le quittera parce qu’il « est juste resté un homme de son époque », macho et possessif. Avec Paul Guimard, c’est différent : il la pousse à écrire sur le féminisme, partage avec elle le goût de la poésie et de la liberté conjugale. François Mitterrand deviendra un ami fidèle et fera de Paul son conseiller.
La BD retrace ce passé tumultueux sur fond d’Années folles mais évoque aussi le présent d’une dame qui continue à écrire dans les années 2000, qui voyage et rencontre un succès mérité, évidemment surtout auprès des femmes qu’elle a aidées à émanciper. Le titre rend hommage au roman Ainsi soit-elle publié en 1975 et vendu à plus d’un million d’exemplaires.
J’ai beaucoup apprécié cette lecture passionnante et instructive. J’ai adoré les passages évoquant le féminisme et la famille de Benoîte, ses parents valent déjà un livre à eux seuls ! Benoîte, par sa liberté, son absence de complexes, son hédonisme et son franc-parler devient un modèle de femme. La réhabilitation d’Olympe de Gouges par les deux femmes ne peut qu’inviter à lire leur livre respectif. Je ne sais pas si certains l’ont remarqué, j’ai toujours été réfractaire à la féminisation des noms, je ne suis pas une professeure mais un professeur, je n’aime pas qu’on modifie cette sacro-sainte orthographe que j’enseigne et que j’aime pour ses rigueurs et ses inepties. Et pourtant, je dois bien admettre que Benoîte Groult n’est pas loin de m’avoir convaincue, lorsqu’elle nous explique que Frédéric Mitterrand la nomme « commandeure » de la Légion d’honneur, la féminisation du mot prend tout son sens.
Benoîte Groult sceptique mais authentique au début de la collaboration avec Catel : « Tu vas écrire mes textes dans des petites bulles ? Tu vas réduire ma pensée dans des cases ? »
Petit rappel d’un extrait du Code civil de Napoléon : « La femme et ses entrailles sont les propriétés de l’homme » !
« Quand on pense que les Françaises n’ont eu le droit d’avoir leur propre compte en banque, d’utiliser leur chéquier et d’exercer une profession dans l’autorisation de leur mari qu’à partir de 1965, on réalise combien les progrès pour l’égalité sont lents ! »
« La maternité, c’est comprendre quelque qui ne nous ressemble pas. Nous nous apportons et nous éduquons réciproquement.»