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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 07:59

 

 

           Cette courte pièce de théâtre tourne autour du pouvoir des mots. Deux amis se retrouvent après un long moment. Le premier, H.1 demande des explications au second, H.2, car il lui semble avoir ressenti une certaine distance, un certain froid vis-à-vis de lui dernièrement. H.2 le fait un peu languir avant de lui avouer : quand il s’est vanté d’un certain succès, H.1 lui aurait répondu « C’est biiien… ça ».  Après cette offense, cette blessure, H.2 aurait voulu rompre mais il n’en a pas eu « l’autorisation ». L’autorisation est donnée par un groupe de personnes non déterminé qui estime, ici, que H.2 a tendance à vouloir rompre souvent avec amis ou membres de la famille. Il est donc celui qui brise une relation « pour un oui ou pour un non ». H.1 ne se laisse pas démonter pour autant et toutes les rancœurs, les incompréhensions, les mesquineries du passé ressurgissent pour, au final, mettre un terme à cette amitié.

           A travers une joute verbale délicieuse et souvent drôle, cette pièce met parfaitement en valeur la fragilité des relations humaines, le pouvoir parfois destructeur des mots et des intonations. Elle nous renvoie à nos propres disputes qui ont malheureusement souvent pour point de départ une baliverne, un mot prononcé trop haut, une phrase lâchée trop vite.

           La pièce, créée en 1981 comme une pièce radiophonique ne nécessite aucun décor, aucun accessoire. Avant-gardiste, elle laisse toute la place au dialogue. La belle mise en scène de Jacques Lassalle est à voir ici.

 

H.2 : Il y avait entre « C’est bien » et « ça » un intervalle plus grand : « C’est biiien… ça… » Un accent mis sur « bien »… un étirement : « biiien… » et un suspens avant que « ça » arrive… ce n’est pas sans importance.

 

             Encore une participation pour le challenge théâtral d’Eimelle !

 

 

 

Bonne rentrée à tous !

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 20:29

 

 

               Encore et toujours à la recherche d’une bonne comédie pour ma troupe de théâtre, j’ai découvert cette comédie en quatre actes, intelligente et fine, créée en 1951.

              Nous sommes dans la famille Jacquet. Attention, Monsieur Jacquet n’est pas n’importe qui, il est sénateur et il se bat contre l’avortement… Il se trouve que sa femme, Olympe, tombe enceinte ! A un âge bien avancé, avec deux enfants adultes, c’est une catastrophe ! Va-t-elle garder l’enfant ? Mais il y a pire, le fils, Georges, a couché avec la secrétaire de M. Jacquet et l’a mise enceinte, rendez-vous compte, une secrétaire ! La liste des surprises n’est pas terminée : la fille, Annie, attend elle aussi un enfant de son futur mari, mais avant leur mariage, quel scandale ! Pour couronner la tout, la bonne est enceinte d’un livreur de frigo !

              A une époque où un bébé hors mariage était de nature à déplaire tout le voisinage et bien plus, les Jacquet vont tenter de se dépatouiller de cette situation. Théâtre de boulevard par excellence, l’intrigue à rebondissements semble peu crédible à notre époque et pourtant, je me suis régalée de plonger dans un monde que je n’ai pas connu. Fausse naïveté et candeur feinte sont les clés de cette comédie. Pour ne pas nous déplaire, ça sent bon le Molière parfois. La secrétaire enceinte du fiston qui allait être gentiment éconduite devient tout à coup très intéressante parce qu’elle est une personne « de qualité » dirait M. Jourdain, parce qu’elle vient d’une famille russe célèbre, « si célèbre que le régime communiste a même conservé dans plusieurs villes des statues de savants, d’astronomes éminents qui furent les oncles ou les grands-pères de Natacha. ». A propos de grand-père, Annie a réussi à mettre le sien dans la poche, il a feint une attaque cardiaque afin d’avancer le mariage de la belle…

               Même si la pièce a vieilli, si le thème n’est plus d’actualité, la lecture a été bien agréable, souriante et plaisante. C’est bien  écrit, ce qui n’est pas toujours le cas pour tous les vaudevilles, normal c’est André Roussin de l’Académie française qui en est l’auteur. Sachez aussi que c’est Marthe Mercadier qui interprétait le rôle de Mme Jacquet et que Monsieur le Sénateur n’était autre que Guy Tréjan.

Encore une pièce pour le challenge théâtral d’Eimelle !

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4 juin 2015 4 04 /06 /juin /2015 17:20

               

 

              Toujours à la recherche de bonnes comédies et de vaudevilles pour ma troupe d’amateurs, je tombe parfois sur des pièces complètement différentes de ce que je cherche… Vie privée est une pièce de théâtre américaine en quatre actes qui a été traduite par Pierre Laville (titre original : The Philadelphia Story).

               Juin 1939. Les Lord sont de très riches Américains qu’on retrouve ici dans leur maison de campagne, à quelques kilomètres de Philadelphie.

               Tracy, la fille aînée de la famille, s’apprête à se marier… pour la deuxième fois. Au milieu des préparatifs d’un mariage grandiose, débarque Dexter, l’ex-mari de Tracy qui la prévient qu’un piège va se refermer sur eux : un couple de journalistes, Liz et Mike, sont prêts à révéler au grand jour, dans leur journal à scandale, la liaison du père de Tracy et d’une pin-up. Ils n’en feront rien si la richissime famille accepte de se faire photographier et suivre tout le long de la journée des noces. Dexter en profite pour tenter de reconquérir Tracy. Mais c’est plutôt dans les bras de Mike que la froide beauté va trouver refuge.

               Une pièce romantique qui n’a de romantique que le décor et les costumes. L’intrigue manque de consistance, les personnages sont plutôt froids et parfois amoraux et incompréhensibles (la mère de famille, Margaret, ne semble pas perturbée de savoir que son mari la trompe).  Les dialogues sont pourtant bien écrits et la pièce doit être plus belle à voir qu’à lire… Elle a connu un immense succès à Broadway avant d’être portée à l’écran en 1940 par George Cukor, avec Katherine Hepburn, Cary Grant, James Stewart et John Howard.

Je participe encore et toujours au challenge théâtral d’Eimelle :

 

 

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 11:11

 

 

            Après avoir apprécié la lecture de la pièce « Art », j’ai voulu découvrir un autre pan du travail de cet auteur.

             Henri et Sonia sont parents du petit Arnaud. On est dans leur salon, un soir. Une dispute commence parce qu’Arnaud, qui est déjà au lit, réclame à manger. Sonia choisit l’intransigeance : cet enfant s’est brossé aux dents, il est au lit, il n’aura rien. Henri est plus indulgent, il est prêt à lui donner un quartier de pomme. Oui, mais l’enfant (qu’on ne verra jamais sur scène) en veut toujours plus, ce qui augmente la tension dans le couple. Ils crient. On sonne à la porte. C’est un couple d’amis, les Finidori qui devaient venir le 17… mais on est le 17 ! Les hôtes affolés, accueillent tant bien que mal leurs invités. Placards et frigos sont vides, on attendait les Finidori le lendemain soir.  Ils font ce qu’ils peuvent avec chips, Babybel et Fingers… Il s’agit d’un rendez-vous intéressé, Henri a besoin de Hubert pour grimper les échelons dans sa boîte.

           Deuxième acte ou chapitre ou version : on prend les mêmes et on recommence. Cette fois, le métier d’astrophysicien des deux hommes est mis en valeur, comme pour mieux accentuer le manque de mérite des femmes qui ne comprennent rien à rien.  Hubert fait du gringue à Sonia qui l’accepte volontiers.

            Dans la troisième et dernier version, les personnages se révèlent encore davantage, le ton se fait plus acerbe, Hubert court littéralement après Sonia et réussit à l’embrasser.  On a mis un DVD à Arnaud qui vit sa petite vie d’enfant, seul, dans la pièce d’à côté.

           La lecture fut divertissante, l’idée de départ est excellente et le début m’a beaucoup plu mais j’aurais aimé que l’auteur enfonce davantage le clou quitte à ridiculiser complètement les personnages, on est dans une comédie satirique quand même ! La dernière version est trop courte et m’a laissée sur ma faim. Dommage. A noter que Yasmina Reza elle-même a joué le rôle d’Inès (la femme de Hubert), aux côtés notamment, de Richard Berry et de Catherine Frot.

 

Je participe encore et toujours au challenge théâtral d’Eimelle :

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8 mai 2015 5 08 /05 /mai /2015 17:45

 

 

            Pièce de théâtre en 14 séquences qu’on peut aisément qualifier de « drame ». Mauvignier, qui s’est illustré dans l’écriture de récits (Autour du monde), se fait connaître ici en tant que dramaturge.

            Un homme, le Père, revient dans sa maison familiale à l’occasion de l’enterrement de son père. Accompagné de sa femme, la Mère, il rencontre Elisa, une jeune fille discrète qui affirme être sa fille. En effet, le Père et la Mère ont perdu leur fille aînée une dizaine d’années auparavant, mystérieusement disparue près d’un bois, non loin de cette maison familiale.

            Alors que la Mère ne veut même pas rencontrer cette fille qu’elle accuse de n’être qu’une usurpatrice, le Père fait venir le Fils de la ville. Lui aussi a son mot à dire, lui aussi veut sans doute revoir sa sœur dont la disparition a hanté toute la famille. Mais la Mère s’entête, cette Elisa ne peut être sa fille, le Père aimerait y croire. Les cordes trop tendues lâchent, la mère avoue qu’elle ne peut voir revenir une fille qui a grandi,  qui n’est plus telle qu’elle l’était alors : « Elle a six ans et elle aura toujours six ans. »

           Après le calme du début de la pièce, la tension monte, les vérités claquent, les faux-semblants se révèlent au grand jour. Le style de Mauvignier apporte une puissance à cette histoire de fille retrouvée (ou non retrouvée, la pièce ne donne pas de réponse), une force aux relations si fragiles des personnages. J’ai trouvé de nombreux points communs entre ce texte et Le Voyageur sans bagage d’Anouilh mais ici, on insiste sur ceux qui restent, sur cette mère qui pense que son mari en sait plus qu’elle, sur ce fils à qui on ne fête plus les anniversaires avec le même engouement, sur la vie qui prend finalement un masque, un masque sordide, on fait semblant de vivre sans en sentir la vraie saveur.

          Un joli moment de lecture. Les indications scéniques, très importantes et très précises, sont tout aussi intéressantes que les répliques. L’auteur privilégie la sobriété et la simplicité pour mettre en valeur les êtres et les sentiments exprimés : « Ce qui travaille d’abord, c’est la notion de frottement : l’intime se joue entre les êtres sur le plateau. Silences, dénis, non-dits, souffles entre les corps. »

          Le cri du cœur d’une mère pour son fils, pour « celui qui reste » … : « Tout mon amour… mais c’est elle mon amour, c’est à elle que je l’ai donné, à son absence, à son manque… tout mon amour c’est ce qui me déchire toutes les minutes de ma vie alors… qu’on donne tout à celui qui reste ? Mais… je ne peux pas, je n’ai jamais pu. Et le pire, c’est que de toute façon, je ne veux pas. Tu entends ? Je ne veux pas. »

 

Et je participe au challenge d’Eimelle !

 

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2 avril 2015 4 02 /04 /avril /2015 18:12

 

 

            Déjà découverte par extraits, je me suis enfin pris le temps de lire cette très ingénieuse pièce de théâtre (pourtant courte).

            Serge a acheté un tableau. Un tableau blanc, tout blanc. Non, on voit quand même des lisérés blancs. Le comble, c’est qu’il l’a payé deux cent mille francs. Et ça, son copain Marc a du mal à l’accepter. L’autre copain, Yvan, est plus conciliant : « Si ça lui fait plaisir… il gagne bien sa vie. »

          Ce tableau monochrome est le point de départ d’une énorme dispute entre ces trois potes et l’occasion de remuer de vieilles rancunes et d’évoquer de nouveaux problèmes. Il y a Yvan, un peu veule, qui se voit reprocher de n’avoir aucune personnalité et qui doit lutter pour ne pas faire apparaître le nom de sa belle-mère sur la carte d’invitation de son mariage, il y a Serge, le dermatologue, qui n’a jamais le temps, qui est donc « obligé d’aller à l’essentiel » et ne jure que par Sénèque. Il y a Marc qui ne peut s’empêcher de qualifier le dernier achat de Serge de « merde ».

         Par le rire, Yasmina Reza parvient, dans cette comédie de mœurs, à nous faire réfléchir sur l’art et sur la modernité en particulier. Moderne est aussi un adjectif qui pourrait qualifier cette pièce au décor forcément minimaliste, qui ne s’appuie que sur les répliques des personnages… qui bougent peu. On est loin du temps de Molière où les comédiens bondissaient, couraient, se cachaient, multipliaient grimaces et pitreries. Et pourtant la mayonnaise prend, on sourit, on se retrouve dans certaines répliques, ça fleure bon le quotidien et la fin est une remarquable preuve d’amitié entre les trois hommes. Je n’ai eu aucun mal à imaginer les trois acteurs Fabrice Lucchini, Pierre Arditi et Pierre Vaneck interpréter les rôles des copains. Dommage qu’il n’y ait pas de place pour la femme là-dedans !

Et c’est toujours chez Eimelle qu’on lit du théâtre :

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27 mars 2015 5 27 /03 /mars /2015 02:11

 

 

            Pièce de théâtre des années 80 regroupant cinq personnages hauts en couleur interprétés, en 1984, par quelques célébrités (Ginette Garcin, Maria Pacôme, Patrick Bruel, …)

             Emilie est une femme d’un certain âge qui gagne sa vie en tirant les cartes. Elle vit avec celui qu’elle considère comme son fils, Henri, la vingtaine. Elle l’a recueilli dès sa naissance, sa mère prostituée étant morte peu après l’accouchement. La copine d’Emilie, c’est Jaja. Jaja est une clocharde heureuse qui trouve régulièrement refuge dans la très modeste maison d’Emilie.

             Michel, un journaliste, veut faire un reportage dont le sujet porte sur les squatters, il souhaiterait interroger et filmer Emilie. C’est sans compter le bagou et l’enfance complètement romancée qu’elle offre à notre reporter. L’arrivée de la jolie Lucille, la photographe, va semer le trouble chez le frétillant Henri qui, même s’il ne voulait plus continuer ses études, se lasse de faire le clown dans la rue pour gagner quelques sous.

           Des propositions d’ordre professionnel, des débuts d’histoire d’amour, des promesses de vivre mieux vont perturber notre trio initial et amènent Emilie à réfléchir sur sa vie, ce qu’elle espère pour Henri. J’ai beaucoup aimé les petits moments de tendresse, les brèves réflexions sur l’essence de la vie. Les personnages sont joyeux et volubiles pour une comédie légère et profonde à la fois. La critique qui se trouve à la fin de la pièce disant qu’ « on meurt de rire » n’est franchement pas honnête mais ça doit être très sympathique à regarder (et à jouer !)

 

HENRI. Et toi qu’est-ce qu’il te prend maintenant de grimper aux arbres chaque fois que j’ouvre la bouche ?

JAJA. C’est vrai, Emilie. Il ne peut plus rien dire le pauv’ chien sans que tu l’engueules.

EMILIE. Parce que depuis quelque temps, il prend un ton sentencieux qui m’agace.

HENRI. Ve qui t’agace surtout et qui te rend grognon, c’est ta propre inquiétude.

EMILIE. Ma quoi ?

HENRI. Mais oui Emilie… tu es inquiète, je le sais bien. Je t’observais tout à l’heure pendant que tu préparais ton baluchon…. Le cœur n’y était pas vraiment, t’as plus la joie, tu sais plus sur quel pied danser… et du coup… nous… on perd le rythme.

 

 

C'est Eimelle qui nous gâte avec son challenge théâtral : 

 

          C'est Sophie et ses bavardages qui met à l'honneur la journée mondiale du théâtre ! Pour l'occasion (mas c'est pas fait exprès!), je suis sur scène, ce soir, avec ma troupe adorée!

blogsenscène2

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15 février 2015 7 15 /02 /février /2015 11:51

 

              Je poursuis mon chemin dans l’univers du théâtre avec cette magnifique réécriture du mythe œdipien.

               C’est une « Voix » qui introduit l’acte I, elle résume l’histoire d’Œdipe, de sa naissance jusqu’à son errance. Dans ce premier acte, il n’est point question d’Œdipe mais surtout de Laïus. Nous sommes sur les remparts de Thèbes, le fantôme de Laïus apparaît régulièrement à deux soldats. La reine Jocaste veut en savoir plus, veut elle aussi voir son défunt mari mais Tirésias, le devin aveugle l’en empêche et, de toute manière, elle est incapable d’apercevoir ou d’entendre le fantôme qui veut la prévenir du danger qui la guette.

              Le deuxième acte est consacré à la rencontre entre Œdipe qui vient de fuir ceux qu’il croit être ses parents et le Sphinx accompagné d’Anubis, le dieu à tête de chacal, le plus lucide des trois. Ce Sphinx a l’apparence d’une jolie jeune femme et un jeu de séduction s’amorce entre les deux êtres à tel point que le Sphinx donne la réponse à l’énigme posée, souhaitant sauver Œdipe. Et c’est un Œdipe fat et arrogant qui se considère comme un héros, persuadé d’échapper à ce destin tragique, qui s’en va, fier, portant le Sphinx sur son épaule comme Hercule le faisait avec son lion.

             L’acte III nous emmène dans le lit nuptial d’Œdipe et de Jocaste. Chacun lutte pour ne pas s’endormir, chacun est hanté par son cauchemar bien à soi, chacun se complaît dans une relation tellement maternelle… les remarques de Tirésias n’atteignent ni l’un, ni l’autre.

             C’est dix-ans plus tard, dans l’acte IV, que nous retrouvons nos héros tragiques : Jocaste est la première à tout comprendre, les circonstances du meurtre de Laïus créent le lien avec Œdipe, et c’est Tirésias l’aveugle qui ouvre les yeux d’Œdipe : « Vous avez assassiné l’époux de Jocaste, Œdipe, le roi Laïus. Je le savais de longue date, et vous mentez : ni à vous, ni à elle, ni à Créon, ni à personne je ne l’ai dit. Voilà comment vous reconnaissez mon silence. »  Les révélations s’enchaînent rapidement, le titre de la pièce prend tout son sens, Antigone affirme avec entêtement son envie de suivre son père désormais aveugle et le fantôme de Jocaste plane sur le départ lent et titubant d’Œdipe.

                Ce mythe modernisé garde son essence tragique tout en y intégrant une dimension fantastique avec les fantômes de Laïus et de Jocaste mais aussi une dimension comique basée sur la répétition : cette écharpe qui agace tant Jocaste finira par la tuer au sens propre, les allusions incessantes de Jocaste sur l’amour d’une mère et d’un fils, les moqueries dont Tirésias est victime (Jocaste le surnomme « Zizi » !). J’avais lu cette pièce il y a très longtemps, je l’ai retrouvée avec bonheur, la lecture est fluide et à mettre entre toutes les mains…

 

« ŒDIPE : J’ai tué celui qu’il ne fallait pas. J’ai épousé celle qu’il ne fallait pas. J’ai perpétré ce qu’il ne fallait pas. La lumière est faite... »

 

« JOCASTE : Les petits garçons disent tous : Je veux devenir un homme pour me marier avec maman." Ce n'est pas si bête, Tirésias. Est-il plus doux ménage, ménage plus doux et plus cruel, ménage plus fier de soi, que ce couple d'un fils et d'une mère jeune ? »

 

Et je participe au challenge d’Eimelle !

 

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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 21:04

 

 

           Ecrite en 1933, cette pièce ne vaut pas La Guerre de Troie n’aura pas lieu écrite deux ans plus tard, disons-le clairement.

            En rase campagne, les rumeurs vont bon train : le maire, le droguiste, l’inspecteur, le contrôleur sont en pleine discussion pour savoir si la remplaçante de l’institutrice, Isabelle, fait correctement son travail. En effet, elle ose emmener les fillettes dans la nature pour leur apprendre le nom des plantes ! Mais les hommes soupçonneux ont d’autres griefs contre la jeune femme : c’est le monde à l’envers dans le village, les enfants battus quittent leur foyer, les épouses quittent leur mari ivrogne, ce n’est plus le plus riche qui gagne à la loterie mensuelle, bref, rien ne va plus et Isabelle est sans doute responsable. Responsable aussi de l’arrivée fréquente et nocturne d’un spectre. En effet, un beau jeune homme vient s’entretenir avec la jeune femme tous les soirs, il semblerait même qu’Isabelle soit tombée amoureuse de lui.

          De prime abord fort surprenante par sa dimension absurde, cette pièce en trois actes se laisse cependant doucettement apprivoiser. Certains passages sont délicieusement lyriques (cette vision de la mort complètement onirique ferait presque envie !), d’autres très drôles, d’une subtilité et d’une dérision rares de nos jours. Les thèmes de l'amour, de la mort mais aussi du conformisme sont traités avec originalité. Première lecture théâtrale de 2015 : réussie !

 

ISABELLE. Cher monsieur le Contrôleur, je me suis  obstinée toute ma jeunesse, pour obéir à mes maîtres, à  refuser toutes autres invites que celles de ce monde. Tout  ce qu'on nous a appris, à mes camarades et à moi, c'est  une civilisation d'égoïstes, une politesse de termites. Petites  filles, jeunes filles, nous devions baisser les yeux devant les oiseaux trop colorés, les nuages trop modelés, les hommes  trop hommes, et devant tout ce qui est dans la nature  un appel ou un signe. Nous sommes sorties du couvent  en ne connaissant à fond qu'une part bien étroite de l'univers,  la doublure intérieure de nos paupières. C'est très beau,  évidemment, avec les cercles d'or, les étoiles, les losanges  pourpres ou bleus, mais c'est restreint, même en forçant sa  meilleure amie à appuyer de son doigt sur vos yeux.

LE CONTRÔLEUR. Mais vous avez été reçue la première  au brevet, mademoiselle Isabelle. On vous a appris le  savoir humain?

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 LE SPECTRE. – Vous m'attendiez?

ISABELLE. Ne vous excusez pas. Moi aussi, si j'étais  spectre, je m'attarderais dans ce crépuscule et ces vallons  où je n'ai pu jusqu'ici mener qu'un corps opaque. Buissons,  ruisseaux, tout me retiendrait de ce qui ne m'arrêterait plus.  Je ne serais pas encore là si je pouvais, comme vous, envelopper  de mon ombre tout ce que je ne peux que toucher ou que  voir, et me donner pour squelette, selon mon humeur, à travers  moi, un oiseau immobile sur sa branche, ou un enfant, ou de  biais un églantier avec ses fleurs. Contenir, c'est la seule façon  au monde d'approcher. Mais ce que je vous reproche, c'est de  revenir ce soir encore seul, toujours seul. Aucun des vôtres n'a  pu encore être atteint par vous, se joindre à vous?

 

 

Et je participe au challenge d’Eimelle !

 

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14 mai 2014 3 14 /05 /mai /2014 21:01

J’apprécie beaucoup Didier van Cauwelaert. Même si je n’ai pas aimé tout ce que j’ai lu de lui, j’ai eu une expérience théâtrale formidable avec Noces de sable que j’ai adoré. Et il suffit parfois d’un énorme coup de cœur pour faire passer tout le reste. Rapport intime n’arrive pas à la cheville de Noces de sable mais n’en est pas très loin.

« Rapport intime » est une émission de télé-réalité qui consiste à essayer de rabibocher un homme et une femme séparés. Pour cela, le décor du plateau reconstitue celui de la maison ou de l’appartement où ont vécu les anciens amoureux (histoire de leur rappeler de bons souvenirs). Mais des caméras vont également directement voir l’amant parti, chez lui, à la maison, pour lui faire entendre raison et tenter de le faire revenir.

Paul est l’invité du jour. C’est un prof de grec qui n’a jamais enseigné sa matière (parce que plus personne n’en veut !), il est bougon et rentre mal dans le jeu dirigé par la pimpante présentatrice, Clara. Lui, ce qu’il veut, c’est parler à Aude, sa femme. Il va même jusqu’à … menacer toute l’équipe en prétendant que son cartable contient un kilo d’explosifs relié à un détonateur, de quoi tout faire sauter 100m à la ronde. Bien sûr, Clara panique. Pourtant, Bex, le directeur adjoint de l’antenne, lui fait comprendre que, malgré les risques, l’audimat est en train de battre tous les records. En pleine crise, les vrais visages apparaissent. Clara admet qu’elle a fait des sacrifices et des concessions pour rester à l’antenne, les téléspectateurs adorent voir quelqu’un risquer sa vie en direct et les objectifs de Paul ne sont peut-être pas ceux qu’il laissait entendre au début de l’émission…

Satire de la télé, réflexions sur le sens qu’on donne à sa vie, sur l’amour et la sincérité. Dans un unique décor, l’auteur réussit le pari de faire des flashbacks et des bonds dans le temps. La comédie n’est pas juste une comédie, le suspens ne nous lâche pas la main et les personnages sont attachants. J’ai bien sûr songé à ma petite troupe d’amour dont je fais partie depuis maintenant quinze ans pour jouer cette pièce. Il n’y a malheureusement pas assez de personnages mais le pari est tentant.

 

CLARA Y a quoi, dans ton cartable ?

PAUL Une surprise

CLARA Ah ! Fais voir

PAUL Je préfère attendre qu’on soit à l’antenne.

CLARA Ça se mange, c’est un truc de ton bled ? (Inquiète soudain.) C’est pas du munster ?

PAUL Non. C’est pas du munster.

CLARA Sympa. Le mois dernier, j’ai un Alsacien qui est venu avec un munster – sous les projos, pendant une heure, j’te raconte pas. On fait quoi, dans ton bled, au point de vue bouffe ?

PAUL Je ne sais pas

CLARA (sans écouter) J’te préviens : je mange rien à l’antenne.

PAUL Je n’y suis pas retourné depuis que je suis né.

CLARA (désignant le cartable) On montre, on applaudit, et on remet dans le cartable.

Paul a un petit rire, bouche fermée, en regardant Clara avec un air légèrement inquiétant, vaguement névropathe.

PAUL C’est ça, oui.

CLARA (révisant une dernière fois sa fiche) Bon, ta femme. J’ai rien sur la fiche. Elle fait quoi, elle est comment, c’est fini depuis quand ? Je te lance et tu racontes. Surtout, pense que tu te bats, que tu es en guerre contre deux millions et demi de zappeurs qui vont se barrer sur La Vie ou la Mort si tu les fais pas chialer dans les trois minutes avec ton histoire, alors vas-y à fond : t’as mal, t’as tout perdu, la maison, els voisins, le chien, j’sais pas, la joie de vivre, y a plus que l’absence et la solitude – t’aurais pas été sélectionné pour Rapport intime, tu te flinguais. OK ? C’est parti !

 

Et je participe toujours (mais très doucettement) au Challenge Théâtre d’Eimelle 

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