On n’a plus le droit d’aller au théâtre, on n’a plus le droit de jouer (si, seul chez soi, ô splendeur) mais on a encore le droit de lire du théâtre. Découverte d’un dramaturge israélien savoureux. Le recueil comporte trois pièces.
Dans « Yaacobi et Leidental », Yaacobi déclare dans la première scène « avoir pris conscience que si je suis venu au monde, c’est pour vivre. Je vais donc de ce pas rompre avec mon meilleur ami, David Leidental. » Le meilleur ami n’accepte pas cette décision. En parallèle, Yaacobi rencontre Ruth, la femme aux fesses généreuses avec qui il veut faire sa vie, du moins, il essaie de s’en convaincre. Le ton est donné, il sera sarcastique, drôle et déroutant. J’ai absolument adoré cette pièce, ce style désabusé qui côtoie l’absurde l’air de rien…
« - J’espère que vous appréciez.
- (pour elle-même) C’est ça, espère. »
Leidental s’offre en cadeau de mariage et devient un « confident multifonction » : « Je n’ai pas besoin de moi ».
« à part la santé, je n’ai pas grand-chose à apporter à cette union. »
Yaacobi : « Ecoute, je t’ai peut-être blessé, peut-être même un peu anéanti, mais rien de bien exceptionnel, entre amis. Aime ton prochain comme toi-même. »
« tu me connais, je n’ai pas changé, j’en veux toujours autant et j’en fais toujours aussi peu. »
« Kroum l’Ectoplasme » est celui qui a voyagé et revient au pays mais sans avoir rien gagné ni rien appris. Les personnages sont nombreux mais tous anti-héros, apathiques, veules. Il y a l’hypocondriaque qui veut enfin vivre quand il arrive au bout de son existence, malade pour de bon ; il y a celui qui se trompe de femme et celle qui ne sait jamais ce qu’elle veut. C’est la pièce que j’ai le moins aimée.
« Une Laborieuse Entreprise » : c’est noir, caustique et cruel. Yona décide, une nuit, de quitter sa femme avec qui il vit depuis trente ans. Elle ne comprend pas, le supplie de rester, est prête à tout. Surgit un ami qui, par son impertinence, réussit à rabibocher les deux mais un court laps de temps : « Qu’ai-je en commun avec ce tas de viande qui se la coule douce dans un sommeil paisible » … Une belle image de la vie de couple !
Hanokh Levin est un auteur subversif qui a vraiment su éveiller ma curiosité, il était connu de son vivant (il est mort en 1999), parfois acclamé, parfois hué pour ses propos jugés scandaleux.