Déjà découverte par extraits, je me suis enfin pris le temps de lire cette très ingénieuse pièce de théâtre (pourtant courte).
Serge a acheté un tableau. Un tableau blanc, tout blanc. Non, on voit quand même des lisérés blancs. Le comble, c’est qu’il l’a payé deux cent mille francs. Et ça, son copain Marc a du mal à l’accepter. L’autre copain, Yvan, est plus conciliant : « Si ça lui fait plaisir… il gagne bien sa vie. »
Ce tableau monochrome est le point de départ d’une énorme dispute entre ces trois potes et l’occasion de remuer de vieilles rancunes et d’évoquer de nouveaux problèmes. Il y a Yvan, un peu veule, qui se voit reprocher de n’avoir aucune personnalité et qui doit lutter pour ne pas faire apparaître le nom de sa belle-mère sur la carte d’invitation de son mariage, il y a Serge, le dermatologue, qui n’a jamais le temps, qui est donc « obligé d’aller à l’essentiel » et ne jure que par Sénèque. Il y a Marc qui ne peut s’empêcher de qualifier le dernier achat de Serge de « merde ».
Par le rire, Yasmina Reza parvient, dans cette comédie de mœurs, à nous faire réfléchir sur l’art et sur la modernité en particulier. Moderne est aussi un adjectif qui pourrait qualifier cette pièce au décor forcément minimaliste, qui ne s’appuie que sur les répliques des personnages… qui bougent peu. On est loin du temps de Molière où les comédiens bondissaient, couraient, se cachaient, multipliaient grimaces et pitreries. Et pourtant la mayonnaise prend, on sourit, on se retrouve dans certaines répliques, ça fleure bon le quotidien et la fin est une remarquable preuve d’amitié entre les trois hommes. Je n’ai eu aucun mal à imaginer les trois acteurs Fabrice Lucchini, Pierre Arditi et Pierre Vaneck interpréter les rôles des copains. Dommage qu’il n’y ait pas de place pour la femme là-dedans !
Et c’est toujours chez Eimelle qu’on lit du théâtre :