Je ne connaissais cette pièce que parce qu’elle est souvent étudiée, soit en 3ème, soit au lycée. Il fallait bien que je sache de quoi il en retourne.
L’atelier, c’est un atelier de confection, après la Deuxième Guerre Mondiale. Cette courte phrase suffirait à résumer la pièce. Il est surtout question de bonnes femmes et d’histoires de bonnes femmes. Les ouvrières se racontent leur vie, se disputent, se marrent, pleurent, se fâchent, se taisent.
Il y a Hélène, la patronne, une Juive réfugiée en zone libre pendant la guerre et dont le mari s’est caché en zone occupée. Ils tentent tant bien que mal de tenir leur petite entreprise, balayant quand il le faut, les sales souvenirs de guerre.
Il y a Gisèle, une mère de famille préoccupée par des soucis d’intendance, qui tient des propos irrévérencieux sur les Juifs.
Il y a Mimi qui ne pense qu’à sortir, faire la fête et profiter des nouveautés apportées par les Américains.
Il y a Madame Laurence, la discrète, qui avoue qu’elle préfère les Allemands aux Américains.
Il y a, enfin, le personnage le plus poignant, Simone, celle qui souffre parce que son mari n’est pas revenu des camps. A partir de 1945, on suit son cheminement, son parcours difficile : elle a d’abord encore un peu d’espoir, puis souhaite connaître les conditions dans lesquelles son mari est mort, puis elle cherche à obtenir les papiers qui lui permettent d’avoir une pension…
J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’œuvre, j’ai trouvé ça insignifiant voire soporifique par endroits mais lorsqu’on arrive au bout des dix tableaux, on se rend compte que l’auteur a su dépeindre avec justesse et tendresse une société en train de renaître, les différents visages de cette reconstruction de l’après-guerre. L’originalité, c’est le lieu, cet atelier de confection est délicieux, on imagine les « outils » de travail : la table de presse, les aiguilles, les amas de tissu, les ciseaux. L’unique décor est le théâtre des années qui passent, de 1945, on arrive petit à petit à 1952, les conditions de travail sont évoquées (travailler le samedi matin, avoir des chaises plutôt que des tabourets, avoir un meilleur éclairage, être payé à l’heure et non à l’ouvrage), la relève est assurée, la jeune Marie est enceinte, le fils de Simone fait une apparition dans la dernière scène.
Une œuvre réaliste où le langage familier parfois cru projette le lecteur dans une époque bien particulière, une pièce tellement réaliste qu’elle sent le vécu. Effectivement, pour le personnage de Simone, Grumberg s’est largement inspiré de sa mère.
« C’est vrai que les Américains tant qu’ils étaient pas là on priait pour qu’ils arrivent, maintenant qu’ils sont là, on prierait pour qu’ils repartent ». (Madame Laurence)
L’humour n’est pas absent même s’il est souvent noir :
La colère de M. Léon devant un veston mal réalisé :« Si on travaille pour les vivants, il faut prévoir qu’un vivant sera inévitablement amené à faire certains gestes comme bouger un bras, s’asseoir, respirer, se lever, boutonner, déboutonner ; je parle même pas dut temps de guerre où fréquemment le vivant pour rester vivant est obligé de lever les deux bras en l’air et en même temps, non, je parle des mouvements ordinaires, de la vie ordinaire dans la confection ordinaire. »
Terminons sur la jolie et très juste citation de l’un des metteurs en scène de la pièce, Gildas Bourdet : « L’Atelier est une comédie parce que la tragédie s’est déroulée avant que la pièce ne commence ».
2/12!