Du théâtre ! Du théâtre !
Alice, chilienne de naissance, est une jeune adolescente solitaire dont les autres se moquent facilement. Elle et ses parents changent souvent de lieu d’habitation au gré des différents boulots de son père : « boxeur, déménageur, palefrenier, figurant dans des films, homme-Sandwich et Père Noël dans les rues d'une grande ville, artisan menuisier, artisan boulanger, artisan charcutier, affûteur de couteaux, rempailleur de chaises, magnétiseur, charlatan », ... C’est la vieille Mercedes qui tire une remorque emplie du bric-à-brac familial. Le père vole des noisettes et la mère fredonne une chanson chilienne de sa jeunesse.
Que j’aime l’écriture de ce dramaturge ! Non seulement ses mots, d’une belle simplicité, sonnent juste mais l’univers qu’il crée, légèrement à côté de celui du commun des mortels, est toujours empli de tendresse. Alice pour le moment, c’est aussi ce début de l’adolescence où le corps change, où la tête se cherche sans se trouver, c’est aussi le premier baiser avec un garçon qu’on ne reverra plus jamais, c’est ce nomadisme à la fois contraint et choisi, c’est « rouler tout droit jusqu’à la dernière goutte d’essence », c’est cet accent chantant et l’irrémédiable exil. Alice a des points communs avec Lys Martagon par son originalité, son affirmation de la différence, sa liberté. Une pièce avec 7 à 14 comédiens, à lire, à jouer, à regarder à tout âge.
« Je marchais
Je marchais dans le sens inverse au sens du matin.
Je marchais sur le chemin.
Celui que je prenais deux fois par jour.
Cinq fois par semaine depuis quatre mois.
Quatre mois que nous habitions ici.
On s’habitue très vite, trop vite peut-être, à suivre tous les jours le même chemin. »
« J'ai appris à marcher sur un trottoir qui n'était pas mon trottoir.
Avec une épée de Damoclès au-dessus de ma tête.
J'ai appris à penser, à écrire, à lire, à compter.
Dans un pays qui n'était pas mon pays. Mes papiers
Comme mes amis
Comme mes maisons
Comme mes amours
N'étaient que provisoires.
Je m'appelle Alice. Alice pour le moment.
Parce qu'il fallait bien décider d'un prénom à notre arrivée ici. »