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17 septembre 2015 4 17 /09 /septembre /2015 18:08

 

 

           Jasper Gwyn a en main les clés de la réussite : écrivain talentueux, ses écrits plaisent tant qu’il commence à devenir célèbre. Et pourtant, il arrête tout du jour au lendemain. Il envoie un article au Guardian pour qui il travaille régulièrement, détaillant les cinquante-deux choses qu’il ne ferait plus jamais, la dernière étant de ne plus écrire de livres. Délaissant la vie professionnelle et médiatique, Mr Gwyn va connaître les affres de la solitude, de la déprime, mais, malgré les sollicitudes de son ami et agent Tom, il va tenir bon et ne plus écrire. Ça le démange pourtant tellement qu’il lui arrive d’écrire des livres entiers dans sa tête ! Et puis, surgit une idée : celle d’écrire des portraits à la manière d’un peintre qui tente de croquer son modèle de la manière la plus juste. Pour cela, quelques ingrédients lui sont nécessaires : un grand appartement vide qui sera son atelier, une musique discrète que lui composera un ancien ami, dix-huit ampoules allumées constamment pendant trente-deux jours et diffusant une « lumière enfantine » et un modèle nu. Mr Gwyn demande à Tom de lui « prêter » son assistante Rebecca, une femme ronde et charmante qui accepte le défi parce qu’elle a l’habitude qu’on lui propose tout et n’importe quoi.

           Pendant trente-deux jours, à raison de quatre heures par jour sans aucun repos, Rebecca va évoluer nue dans ce grand appartement, marcher, s’asseoir, se coucher… et Mr Gwyn va l’observer avant de prendre des notes. Il ne s’agit pas de la décrire au sens propre du terme mais d’apprendre à la connaître, écrire une histoire qui lui ressemble, une histoire qui EST elle. L’expérience insolite plaît aux deux protagonistes. Rebecca se sent vite à l’aise, il lui arrive même de s’endormir, de parler. Mr Gwyn aimerait en faire son métier qu’il a nommé « copiste ». L’aventure continue avec d’autres modèles qui, chaque fois, se prêtent au jeu, qui, chaque fois, lisent avec délectation LEUR histoire de quelques pages.

         Il m’est toujours très difficile de parler d’un roman que j’adore, j’ai peur de l’abîmer, de ne pas lui rendre justice. Cette lecture fut un véritable COUP DE CŒUR. Elle allie avec beaucoup de grâce poésie, philosophie, ésotérisme et intrigue policière. Le parfum de magie qui y règne du début à la fin m’a envoûtée. Imaginez deux êtres se connaissant très peu cohabitant dans la même pièce pendant quatre heures, sans se parler, en vivant simplement l’un à côté de l’autre… et cet écrivain qui essaye d’extraire l’essence même de l’être qu’il côtoie … et ces dix-huit ampoules qui s’éteignent une à une, qui « meurent simplement, sans agoniser et sans faire de bruit ». Sans parler de l’idée en elle-même, révolutionnairement géniale : écrire un texte qui symbolise un être humain, consacrer son temps, son silence, son âme à un parfait inconnu, j’adore !

 

« Jasper Gwyn s’était imaginé que les gens rapporteraient chez eux quelques pages écrites, et qu’ils conserveraient dans un tiroir fermé à clé ou sur une table basse. Comme ils auraient pu conserver une photographie ou accrocher un tableau au mur. »

« Souvent il arrivait en retard, quand Rebecca était déjà dans l’atelier. Il pouvait s’agir d’une dizaine de minutes, mais parfois d’une heure. Il le faisait délibérément. Il aimait la trouver étrangère à elle-même, abandonnée au fleuve sonore de David Barber et dans cette lumière – tandis que lui était encore sous l’emprise de la réalité crue et du rythme du monde extérieur. Il entrait alors en faisant le moins de bruit possible et s’arrêtait sur le seuil, la cherchant du regard comme dans une grande volière : l’instant où il la repérait, c’était l’image la plus nette qu’il garderait en mémoire. Elle, avec le temps, s’était habituée et ne bougeait pas à l’ouverture de la porte ; elle se tenait comme elle se tenait. »

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commentaires

M
Qu'est-ce que j'ai aimé ce roman... Un poil loufoque mais terriblement bien écrit et poétique ! Un vrai coup de coeur également !
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V
une pépite! et pas assez connue!
A
Pareil ! Pareil ! Un quasi coup de coeur ! Un plaisir de lecture indescriptible !
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V
on n'en lit pas souvent des comme ça, n'est-ce pas?
M
Passionnés des livres, j’aimerais partager ceci avec vous. Il s’agit d’un passage que j’ai particulièrement aimé dans le roman Nauranéüs de la romancière L. A. Griffont<br /> <br /> « Vous ai-je déjà mentionné que j’adorais les livres? Ils sont mes amis, mes compagnons de voyage et mes thérapeutes. Si je me sens triste ou stressée, j’en ouvre un, et voilà que s’amorce une nouvelle aventure. À une époque où la vitesse, le numérique, le virtuel et le texto sont devenus maitres de notre temps, il m’arrive d’être dépassée par la technologie. Ces communications instantanées et ces intrusions en permanence dans mon intimité me rendent nostalgique d’une période que j’ai à peine connue. Un bouquin électronique, c’est pratique, mais un livre aux odeurs d’encre séchée demeure pour moi une richesse inestimable. »<br /> <br /> En passant, super ton blogue.
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A
Je me rappelle avoir passé une très belle après-midi en compagnie de ce livre. Même si ce ne fut pas un coup de coeur.
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V
je suis complètement sous le charme!
J
Dire qu'il m'attend depuis sa sortie !
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V
il fera une sortie remarquée de ta PAL alors... il serait temps ! :)
Y
C'est souvent plus compliqué de parler d'un livre qu'on a aimé, de peur d'en dire trop ou pas assez et de ne pas être à la hauteur de ce qu'on a ressenti. De Baricco, je n'ai lu que Soie...
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V
je ne veux pas trop m'avancer mais je crois bien que celui-ci est le meilleur de l'auteur!
L
Un très joli roman, très poétique !
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V
oh oui !
H
J'ai vu hier qu'il était à la bibli, chic !!!
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V
je l'ai acheté et je suis ravie, je pourrai le relire!
K
Mais pourquoi ma bibli ne l'a qu'en italien celui là? ^_^
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V
et tu ne lis pas l'italien? :)
N
Mais pourquoi je le fais poireauter sur mes étagères celui là ?
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V
n'hésite plus, il est génial !