Comme l’indique le titre de ce recueil, trois nouvelles, d’une vingtaine de pages chacune, nous sont offertes.
Dans « En raison des circonstances », nous accompagnons un couple, un soir d’insomnie. Marie-Louise a marié son aînée, Aline, le matin même et ce mariage précipité, en temps de guerre, lui rappelle son premier mari qui est le père d’Aline et qui est décédé lors de la Première guerre mondiale. Son époux actuel, doux et aimant, Georges, a toujours voulu en savoir un peu plus sur cette première union. Ce huis clos interroge le présent à la lumière du passé d’un couple disparu.
« La Confidente », c’est Camille Cousin, cette vieille fille terne qui accueille Robert Dange, ce pianiste célèbre veuf, malheureux d’avoir perdu sa jeune épouse, Florence, dans un accident, deux mois plus tôt. Il veut tout savoir sur les derniers instants de vie de sa bien-aimée. Après quelques réticences, Camille finit par raconter la vérité : c’est elle qui a modelé son amie, qui a dirigé sa vie et qui l’a poussée à rencontrer Robert, cet homme que Florence n’a jamais aimé. Cet amour n’était donc qu’illusions et mensonges.
« M. Rose » est un homme imbu de sa personne, solitaire et condescendant qui, à 50 ans, se vit toujours seul. Alors qu’il est persuadé d’avoir anticipé la Deuxième guerre mondiale en assurant ses arrières, se procurant un pied-à-terre en Normandie, mettant ses biens à l’abri, il est pris dans cette grande Débâcle, l’exode de juin 1940 où les Français se trouvent sur les routes. Face à la situation, il perd de sa superbe et doit beaucoup à un jeune homme de 17 ans qui se montre si généreux et altruiste avec lui.
J’ai beaucoup aimé ces trois textes, l’autrice (d’origine ukrainienne, je l’ignorais) maîtrise parfaitement l’art de raconter brièvement un personnage, une vie, un événement. La deuxième nouvelle est à la fois drôle (le mari éploré s’est fait avoir depuis le début dans une vaste supercherie) et glaçante (il continue de l’aimer, bien malgré lui…), proche du thriller puisque le doute s’est insinué dans l’esprit du mari quand il a réalisé avoir reçu une lettre de Florence le lendemain de sa mort. La 3ème nouvelle se dévore tout aussi rapidement et permet d’avoir un aperçu juste et précis de l’exode de 1940. Et c’est bien là une des grandes qualités de l’écrivaine, cette acuité, cette précision de l’analyse extrêmement efficace puisqu’il ne faut au lecteur que quelques pages pour se plonger dans un contexte, marcher au côté d’un personnage. Cette édition destinée à des collégiens est dotée d’un dossier Images tout à fait cohérent et intéressant (notamment Room in New York d’Edward Hopper qui va si bien avec la première nouvelle et m’a aussi fait penser à l’excellente première nouvelle de Trois fois dès l’aube de Baricco).
J’ai une grande envie d’autres titres de Némirovsky, même de redécouvrir Suite française que j’avais écouté en support audio.