Petit livre extrait de ma PAL dont je ne savais pas de quoi il retournait : il s’agit de la retranscription de plusieurs discours prononcés en octobre 1928 devant un parterre de femmes, dans des collèges pour femmes (notamment celui de Cambridge).
Les femmes n’ont souvent eu pas la possibilité d’écrire pour la bonne et simple raison qu’elles manquaient de temps, trop occupées à gérer ménage et enfants, et d’argent. Virginia Woolf réclame ainsi « une chambre à soi », c’est-à-dire une certaine autonomie, un possible isolement dédié à la concentration. Elle nous prouve qu’à l’heure de cette conférence, une femme doit encore être accompagnée pour pénétrer dans une bibliothèque universitaire… Elle a pu constater que pendant des siècles, les hommes ont écrit au sujet des femmes, l’inverse arrive peu souvent. Les héroïnes de fiction sont nombreuses, Antigone, Lady Macbeth, Phèdre, Clarisse, Anna Karénine ou Emma Bovary mais la femme de la vraie vie, loin d’être aussi sublime qu’elles, était le plus souvent « enfermée, battue et traînée dans sa chambre. » Les quelque rares autrices sont citées : George Eliot, George Sand, Jane Austen, les sœurs Brontë… et la difficulté d’écrire sans modèle ou d’imiter le style masculin. Virginia Woolf revendique le mélange des genres : « il faut être femme-masculin ou homme-féminin », viser une « certaine collaboration entre la femme et l’homme. »
D’abord un peu surprise d’avoir à faire à un genre que je lis peu, je dois admettre que la prose de Virginia Woolf, alerte, parfois drôle, élégante et intelligente, a su capter mon attention. Lorsqu’elle imagine la sœur de Shakespeare qui aurait pu être dramaturge et écrivaine à son tour si elle n’avait pas eu à raccommoder les chaussettes ou à surveiller le ragoût, si on l’avait laissée faire du théâtre ou même simplement dîner dans une taverne ou errer seule dans la nuit, c’est tellement criant de vérité ! Féministe avant l’heure, Virginia Woolf est aussi une visionnaire. Ce court livre nous permet aussi de constater que des progrès ont été faits et que, même s’il en reste à faire en matière d’égalité femmes-hommes (et non pas l’inverse…), on a gagné en liberté et en autonomie.
« On ne peut ni bien penser, ni bien aimer, ni bien dormir, si on n’a pas bien dîné. »
« les femmes sont restées assises à l’intérieur de leurs maisons pendant des millions d’années, si bien qu’à présent les murs mêmes sont imprégnés de leur force créatrice ; et cette force créatrice surcharge à ce point la capacité des briques et du mortier qu’il lui faut maintenant trouver autre chose, se harnacher de plumes, de pinceaux, d’affaires et de politique. »