C’est l’histoire d’un mec qui achète en Afrique un python pour lequel il ressent « une amitié immédiate, un élan chaud et spontané ». Malheureusement, arrivé en France, il faut au serpent nommé Gros-Câlin, de la chair vivante. Et Michel Cousin a beau acheter une souris blanche puis un cochon d’Inde, il s’attache très vite à ces mignonnes créatures qu’il est incapable de donner en pâture à Gros-Câlin ! De plus, Michel Cousin est amoureux de Mlle Dreyfus, il est sûr qu’ils vont vivre une belle histoire d’amour, commencée déjà, pour sa part, puisque tous les jours ils effectuent un voyage formidable ensemble : ils prennent quelques poignées de secondes l’ascenseur ensemble ! De fantasmes en désillusions, le personnage va surtout se sentir très seul et va trouver, en la compagnie de son serpent, un double qu’il va imiter, s’enrouler sur lui-même, se contorsionner, se dérouler, se cacher, se faufiler…
Juste ciel ! Laissez tomber toutes vos lectures ou vos projets de lecture pour vous jeter sur – au moins – les premières pages de ce roman génialissime ! Encore une fois, Gary surprend. Il n’est pas étonnant qu’il ait voulu garder son anonymat en signant ce texte Emile Ajar parce que le roman est complètement déjanté, loufoque et allumé. Oscillant entre Queneau et Ionesco, il plonge dans l’absurde tout en évoquant avec finesse les thématiques de la relation à l’autre, de la solitude et de la marginalité. Quelle tendresse dans ces lignes, quelle poésie pour évoquer l’amour et aussi les prostituées (oui, c’est surprenant) et quel humour aussi ! Il existe deux fins proposées dans mon édition, la seconde me paraît trop terre-à-terre, elle évoque des blouses blanches alors que j’aimais bien rester dans une ambiance onirique. Le personnage principal est un anti-héros aussi burlesque que sublime, épris d’absolu et incompris des siens dont il a bien raison de s’éloigner en rampant… Un texte surprenant aux multiples entrées, polysémique (la mue du serpent et celle de l’auteur), sensuel et mystérieux comme un serpent, cet animal qui m’a toujours fascinée (mes parents n’avaient pas voulu que j’en adopte un quand j’étais ado !) - A lire -
« C'est un homme avec personne dedans. »
La souris blanche : « Blondine a aussitôt commencé à s'occuper de moi, grimpant sur mon épaule, farfouillant dans mon cou, chatouillant l'intérieur de mon oreille avec ses moustaches, tous ces mille petits riens qui font plaisir et créent l'intimité. En attendant, mon python risquait de crever de faim. J'ai acheté un cochon d’Inde, parce que c'est plus démographique, l’Inde, mais celui-ci aussi trouva moyen de se lier immédiatement d'amitié avec moi, sans même faire le moindre effort dans ce sens. »
« Les pythons sont très attachants. Ils sont liants par nature. Ils s’enroulent. »
« chacun de vous est entouré de millions de gens, c’est la solitude. »
« Ils ont cru que je souffre seulement de manque extérieur, alors que je souffre aussi d'excédent intérieur. Il y a surplus avec absence de débouchés. »
« Vers onze heures du soir, je m'étais à ce point entortillé autour de moi-même, que je jugeai plus prudent de ne pas chercher à m'en sortir, pour éviter de me nouer encore davantage, comme les lacets des souliers qu'il convient de tirer avec les plus grands ménagements. Je demeurai donc couché, en proie à une circulation intérieure intense, avec heure de pointe, embouteillages et signaux bloqués au rouge, hurlement des ambulances, pompiers et extincteur d'incendie cependant que cela ne faisait que s'accumuler autour de moi, et que les naissances continuaient pseudo-pseudo dans un but de main d'œuvre, d'expansion et le plein emploi. »
tellement différent : Lady L.