J’achète rarement un roman sans rien connaître ni de l’auteur ni du livre… quelle bonne pioche j’ai faite ici !
Sud de la Sardaigne. Une fliquesse, Mara Reis, qui a la langue bien pendue, va devoir faire équipe avec Eva Croce venue de Milan pour d’obscures raisons. Une unité des affaires classées a été créée à Cagliari et les deux femmes que tout oppose doivent collaborer avec un certain Moreno Barrali, un enquêteur à qui il ne reste plus que quelques mois à vivre. La vie et la carrière de ce flic ont été marquées par une affaire non résolue : le meurtre de deux femmes à 11 ans d’intervalle commis selon les mêmes rituels, très proches de la civilisation nuragique, celle d’un peuple de paysans sardes qui s’est adonné au culte de la Déesse-mère puis de celui de Dionysos. A trop vouloir s’obstiner, Moreno en a perdu la santé mais aussi toute crédibilité parmi ses pairs. Lorsqu’une jeune femme, Dolores, est retrouvée sauvagement assassinée selon le même rituel, les enquêtrices vont faire le lien avec les crimes non élucidés mais sur leur parcours, les découvertes macabres vont se succéder, comme si cette affaire était maudite…
Quel roman passionnant !! Sauvage, organique, puissamment sarde, il me semble qu’il pourrait entrer dans la catégorie des « ethno-polars » tant il nous en apprend sur la culture sarde et la civilisation nuragique. Les personnages sont forts et marquants, ils évoluent avec brio dans cette enquête sombre et mystérieuse. Les chapitres courts, la variation des points de vue et les changements de décor permettent de créer un rythme très enlevé. L’écriture est belle et efficace, la poésie de certaines descriptions tranche avec le langage cru de Mara, c’est délicieux. Et puis vivre quelques centaines de pages sur cette merveilleuse île sarde (je n’ai vu qu’une partie du nord, il me tarde d’en découvrir un jour davantage !), quel plaisir ! Pulixi a repris nos enquêtrices préférées pour les placer dans son dernier roman, L’Illusion du mal.
- COUP DE CŒUR -
Eva Croce quitte Milan pour la Sardaigne : « Le tangage du bateau lui évoquait les contractions d'une parturiente. Le clapot des vagues, les gémissements causés par les douleurs. Le souffle du vent, la respiration haletante de la femme sur le point de perdre les eaux. Le battement sourd des moteurs du ferry qui montaient dans les tours, l'augmentation vertigineuse du pouls. Elle sourit, amère. En un sens, c’était ça : cette nuit enveloppante était l'utérus qui la retiendrait encore quelques heures, jusqu'à ce qu'elle accouche d'une nouvelle vie, d’une nouvelle elle. »
« La Sardaigne n'est pas une île. C’est un archipel d'innombrables îlots séparés non par la mer, mais par des langues de terre. Certaines ne sont que de petits atolls, mais chacune a sa propre identité. Parfois même une langue et des coutumes spécifiques. Et les démarcations qui les séparent sont invisibles à l'œil nu. Du moins pour qui n'est pas du coin. Pour tous les autres, elles sont bien perceptibles, car tracées avec du sang en des temps immémoriaux. Des frontières inviolables qui imposent le respect. Parce qu’en certains lieux la mort est plus sacrée que la vie. »