Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 juillet 2014 1 07 /07 /juillet /2014 14:03

Ce récit autobiographique, sorti en janvier de cette année, a déjà fait beaucoup parlé de lui.

            Eddy est né dans un petit village du Nord. Ses parents sont des rustres incultes gouvernés par la télé et les beuveries, et son entourage sans exception se complaît dans une vie faite de vulgarités et de violences. Si Eddy fait très vite ce constat, c’est aussi qu’il se sent différent des autres. Il est maniéré, il n’arrive pas à faire la brute, il n’aime ni le foot ni le rap mais apprécie « le théâtre, les chanteuses de variétés, les poupées ». Ses attitudes lui valent des « gonzesse » et « pédé », on l’insulte, on l’injurie et surtout on le frappe. Pendant des mois et des mois, Eddy va accepter sans broncher, sans se rebeller, que deux collégiens plus âgés le battent, presque tous les jours, dans un couloir de l’école, à l’abri des regards.

L’apprentissage de la sexualité passe par la douleur : entre les films pornos et l’insistance de son entourage pour qu’il sorte avec une fille, Eddy ne s’y retrouve plus et constate avec effarement que seuls les garçons le font bander…

Ce livre est extrêmement violent. L’enfant puis ensuite l’adolescent est constamment humilié dans un univers qui n’est pas le sien. La différence quelle qu’elle soit n’est pas acceptée, l’homophobie et le racisme ont encore de beaux jours devant eux, les mentalités sont figées et sclérosées et on ressort effaré de cette tragédie du XXIème siècle. Eddy a subi une malédiction et, heureusement pour lui, il va réussir à fuir. Ce récit a sans doute une visée thérapeutique, mais l’auteur l’a souvent expliqué, il a aussi éprouvé ce besoin de montrer ce qu’il se passait (encore !) dans certaines contrées isolées, comment on y vivait, comment on pensait. Une photographie de la misère intellectuelle et sociale.

Ce qui m’a le plus touchée, c’est cette volonté admirable du garçon à vouloir se couler dans un moule qui n’a pas fait pour lui. Il essaye d’avoir des discussions « meufs » avec des mecs qui ne sont pas des copains, il tente de fourrer lui aussi sa langue dans la bouche d’une fille (expérience dégoûtante pour lui), il ira même jusqu’à frapper une fille, motivé par les encouragements des autres enfants.

Moi qui ne suis pas une adepte de l’étalage de sa propre vie à la façon Annie Ernaux, j’ai beaucoup apprécié le procédé brut de décoffrage qui permet de connaître les souffrances de ce jeune garçon, sans jamais tomber dans la sensiblerie ni la caricature. D’une simplicité rudement efficace.

 

Lorsque la mère d’Eddy lui explique qu’elle aimerait qu’il fasse des études parce qu’elle a raté sa vie : « Elle pensait avoir fait des erreurs, avoir barré la route, sans vraiment le souhaiter, à une meilleure destinée, une vie plus facile et plus confortable, loin de l’usine et du souci permanent (plutôt : l’angoisse permanente) de ne pas gérer correctement le budget familial – un seul faux pas pouvait conduire à l’impossibilité  de manger à la fin du mois. Elle ne comprenait pas que sa trajectoire, ce qu’elle appelait ses erreurs, entrait au contraire dans un ensemble de mécanismes parfaitement logiques, presque réglés d’avance, implacables. Elle ne se rendait pas compte que sa famille, ses parents, ses frères, sœurs, ses enfants même, et la quasi-totalité des habitants du village, avaient connu es mêmes problèmes, que ce qu’elle appelait donc des erreurs n’étaient en réalité que la plus parfaite expression du déroulement normal des choses. »

 

« A table, lui (mon père) parlait de temps en temps, il était le seul à en avoir le droit. Il commentait l’actualité Les sales bougnoules, quand tu regardes les infos tu vous que ça, des Arabes. On est même plus en France, on est en Afrique, son repas Encore ça que les Boches n’auront pas. Lui et moi n’avons jamais eu de véritable conversation. Même des choses simples, bonjour ou bon anniversaire, il avait cessé de me les dire. »

Partager cet article
Repost0
1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 20:24

Séduite par Opération Sweet Tooth, je savais, à la fin de ma lecture que je n’en resterai pas là avec ce monsieur McEwan. Sur la plage de Chesil est un court roman complètement différent.

Edward et Florence viennent de se marier et nous les rencontrons pour la première fois le soir de leurs noces. « Jeunes, instruits, tous les deux vierges », ils sont à la fois réjouis de se retrouver seuls et un peu intimidés par l’acte charnel qui est censé entamer cette lune de miel. Chacun se souvient de son enfance, de leur rencontre, du chemin fait pour en arriver là. Edward est issu d’une famille modeste, son père est enseignant et sa mère, il le découvre tard est dérangée mentalement. Florence vient, elle, d’une famille aisée, son père est un homme d’affaire qui réussit, sa mère est professeur de philo.

Ian McEwan est un petit malin, il nous présente deux beaux jeunes gens sur le point de passer à l’acte, il nous installe dans une belle et spacieuse chambre d’hôtel, entre un homme très excité et une jeune femme complètement paniquée à l’idée d’accomplir cette chose sur laquelle elle s’est renseignée comme elle a pu mais qui la répugne énormément. La maladresse des amants est tantôt hilarante, tantôt touchante et sensuelle. Et voilà pas McEwan qui nous emmène dans une grande digression pour nous expliquer, exemples à l’appui que les tourtereaux s’aiment vraiment. On retourne un court instant dans la chambre nuptiale, le temps à Edward de poser la main sur la cuisse de sa belle tétanisée, et c’est reparti pour une longue parenthèse néanmoins intéressante où on découvre la passion de Florence pour son métier de violoniste et l’intégration réussie d’Edward dans sa future belle-famille.  

Je ne nous dévoilerai pas le dénouement de ce « Je t’aime moi non plus » dans le contexte si particulier des années 60, de l’hésitation entre les frustrations passées et la libération sexuelle à venir, par contre, je me permets d’insister sur la réussite de ce roman. La lecture fut pour moi un vrai délice, l’intensité dramatique parvient à lier parfaitement sensualité et humour ; les portraits sont réalisés avec brio et précision, l’écriture est délicieusement fluide.  Aucune fausse note. Je ne peux m’empêcher d’apposer mon sceau que je pensais perdu (mais non !) : COUP DE CŒUR !

 

« C’était encore l’époque – elle se terminait vers la fin de cette illustre décennie – où le fait d’être jeune représentait un handicap social, une preuve d’insignifiance, une maladie vaguement honteuse dont le mariage était le premier remède. »

« Depuis plus d’un an, Edward était obsédé par ce soir précise de juillet où la partie la plus sensible de son anatomie résiderait, même brièvement, à l’intérieur d’une cavité naturelle du corps de cette jolie femme rieuse et formidablement intelligente. Le moyen d’y parvenir sans se ridiculiser ni être déçu le préoccupait. »

 

« Leur cour ressemblait à une pavane, à une manifestation solennelle, ralentie par un protocole jamais signé ni mentionné, ralentie par un protocole jamais signé ni mentionné, mais généralement observé. »

Partager cet article
Repost0
25 juin 2014 3 25 /06 /juin /2014 10:25

En 1968, à Londres, le cadavre d’une jeune femme est retrouvé, nu, sous un matelas, dans le quartier d’Abbey Road à une époque où la «beatlesmania » commence à prendre de plus en plus d’ampleur.

Breen est le policier chargé de cette mission. Son père vient de mourir, il vit seul et en plus, a tout intérêt à résoudre rapidement cette enquête. Effectivement, alors qu’un collègue se faisait poignarder par un voleur lors d’une précédente enquête, il n’a rien trouvé de mieux que de prendre la fuite. Bref, il est mal vu de toute la division B et en guise de punition, se retrouve flanqué d’une collègue femme, Tozer, pensez-vous, une femme policier dans les années 60 !

L’enquête policière n’a, en soi, rien de bien original mais le contexte spatio-temporel est complètement envoûtant. Alors que des centaines de jeunes filles commencent à se damner pour Georges, Paul, John, … la guerre de Biafra fait rage, le racisme n’a rien de choquant (« Ni Noirs, ni Irlandais ») et la femme londonienne a encore bien du boulot pour se faire valoir (une femme flic ne peut pas conduire, la femme ne peut pas payer dans un bar, celle qui prend la pilule est une salope, se maquiller signifie aguicher un homme, …). Les deux personnages principaux s’attirent et se repoussent, Breen est gauche, timide, démodé, Tozer le bouscule par ses bavardages, les verres d’alcool qu’elle s’envoie, ses excès de vitesse, son modernisme, son côté garçon manqué.

Après moult bourdes et quiproquos, les deux compères devenus presque des amis (voire plus…), réussissent à résoudre cette fameuse énigme de la jeune fille nue. Ce bouquin plaît à tout le monde mais ce n’est pas étonnant, il est drôle et captivant, parfois étonnant et puis sur fond de musique Beatles, comment ne pas craquer ! Excellente nouvelle, ce roman est le premier volet d’une trilogie !

« On est en 1968, monsieur. On n’est plus « censé » faire quoi que ce soit. »

 

Devant une boutique hippie… ou le choc des générations : « Une des caisses de guitare était peinte comme l’Union Jack. S’il fallait y voir de l’ironie, elle échappait à Breen. Etre jeune et anglais, c’était être supérieur. L’empire des lois mouvantes. Au mieux, Breen se sentait étranger dans ce pays. Et devant cela, deux fois plus. Ces gens n’avaient que quelques années de moins que lui, mais ils vivaient dans un univers différent. Les hommes de sa génération avaient grandi en voulant porter de plus beaux costumes que leurs pères. Ceux-là ne voulaient pas de costume. »

Partager cet article
Repost0
19 juin 2014 4 19 /06 /juin /2014 09:58

Le narrateur est un spécialiste du yiddish, il traduit les récits d’Israel Joshua Singer. En juillet, il choisit les Dolomites à la fois pour escalader des montagnes et pour écrire. C’est dans une auberge, en buvant une bière et en mangeant des beignets à la ricotta et aux épinards qu’il croise une femme d’une quarantaine d’années qui le surprend par son large sourire.

C’est à ce moment-là seulement que l’auteur nous dévoile le passé de cette femme. Elle a souri à l’inconnu car il lui rappelle un garçon sourd-muet qui lui avait appris à nager, à apprivoiser l’eau, « à faire la planche », à « manger les oursins crus, ceux qui ont des pointes rouge foncé ». La femme a un passé bien particulier puisque son père est un criminel de guerre nazi, en fuite depuis la deuxième guerre mondiale, sans cesse dans la crainte d’être découvert. L’homme devenu facteur n’éprouve ni regrets ni remords, son seul tort, d’après lui, est d’avoir perdu la guerre. Il passe sa vie dans le silence, parlant peu pour ne pas que sa voix le trahisse. Sa fille a découvert sa véritable identité lorsqu’elle était étudiante, elle n’a pas choisi de suivre sa mère mais est restée avec ce père criminel de guerre.

Dans cette auberge, le traducteur prononce à haute voix le mot yiddish « èmet » et aussitôt le père criminel qui a rejoint sa fille pense qu’on l’a retrouvé, que le mot yiddish est un nom de code. Il quitte rapidement l’auberge, sa fille sur ses talons.

Ce court roman est un chef d’œuvre, « aussi bref que percutant » comme nous dit la quatrième de couverture, un livre qu’il vaut mieux lire et relire plutôt que d’en parler car je sens bien que mes mots sont pauvres et vains pour tenter de décrire la beauté de cet ouvrage. D’une part, cet hommage rendu aux Juifs par le truchement de la littérature, d’autre part ce vieil homme fuyant ses vrais torts, et cette fille qui cherche à retrouver une nouvelle identité. La fin est brillante et Le tort du soldat est un de ces livres qu’on aimerait relire tout de suite.

« La beauté invente des variantes, elle ne répète pas en miroir. »

« Escalader est le plus lent déplacement du corps humain. Le poids sur chaque prise est une syllabe pensée, en gagnant des centimètres. »

 

« Le yiddish a été mon entêtement de colère et de réponse. Une langue n'est pas morte si un seul homme au monde peut l'agiter entre son palais et ses dents, la lire, la marmonner, l'accompagner sur un instrument à cordes. »

Partager cet article
Repost0
13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 19:58

           Cet écrivain m’a d’abord enthousiasmée, puis déçue. C’est donc avec une légère appréhension que j’ai débuté cette lecture.

Trois récits, trois vies, trois femmes. La première s’appelle Anne et vit à Bruges à la Renaissance. Elle fait partie des rares privilégiées à pouvoir se marier à un bel homme qui la veut et malgré cette chance, la jeune femme fuit, elle erre dans la forêt et va se cacher dans le tronc d’un chêne, et « arbre puissant, hypnotique ». Anne n’est bien qu’en communion avec la nature, elle parle avec les arbres et les animaux, même un loup l’a apprivoisée. Evidemment, les humains s’en méfient. Seul un moine, Braindor, veillera sur la jeune femme, la guidant vers un béguinage pour qu’elle associe sa pureté au mysticisme religieux.

Hanna vit, elle, à Vienne, au début du XXème siècle. Mariée à Franz, un très riche aristocrate, elle a tout pour être heureuse. Pourtant, elle se réfugie dans une passion, les sulfures, de manière un peu trop fanatique pour être saine. Les lettres qu’elle envoie à son amie Gretchen nous permettent d’assister à l’évolution de sa personnalité, à la découverte de ses besoins les plus intimes, à ses séances avec un psychanalyste (nous sommes à l’époque de Freud !). Elle va finir par s’émanciper et se détacher complètement de son mari qu’elle croyait tant aimer.

Anny côtoie les plus grands studios d’Hollywood, à notre époque. Brillante comédienne, elle n’a que vingt ans et passe son temps libre à se saouler, à coucher avec n’importe qui et à se droguer. Elle ne se sent vraie que quand elle joue. Petit à petit, elle va apprendre à dire non à son agent et va se rapprocher d’Ethan, un infirmier qui ne lui veut que du bien…

Ces trois femmes sont liées par leur besoin de liberté mais aussi parce qu’elles se démarquent de leurs contemporains (de leurs contemporaines surtout), elles jouent le rôle du canard boiteux.  C’est l’évolution de ces femmes qui est le plus intéressant. D’abord, elles essayent de nier leur différence puis s’en effrayent avant de s’y accoutumer et d’en faire une force. Le ton est résolument féministe et c’est même très étonnant de savoir que l’auteur est un homme. J’ai beaucoup aimé les chapitres consacrés à Anne et Hanna, ceux réservés à l’Hollywoodienne m’ont paru un peu trop enclins à tomber dans la marmite bouillonnante des clichés et j’ai été encore plus sceptique face au personnage d’Ethan. J’ai moins aimé la fin car le rapprochement presque concret des trois femmes est un peu artificiel. Mais j’avoue que Schmitt m’a épatée, il a su réaliser trois portraits à la fois différents et si proches, avec une finesse et un souci du détail vraiment intéressants. Par le biais du fil directeur du miroir, il propose une jolie réflexion sur l’identité, la quête de soi et l’image qu’on peut ou qu’on veut donner aux autres.

Anne : « Il y a dans l’univers un amant invisible, un amant à qui je dois tout et que je ne remercierai jamais assez. Cet amant, il se trouve partout et nulle part. C’est la force de l’aube, c’est la tendresse du soir, c’est le repos de la nuit. C’est tout autant le printemps qui épanouit la terre que l’hiver qui l’économise. C’est une force infinie, plus grande que le plus grand d’entre nous. »

 

Hanna : « A Vienne, je vivais tel un oiseau en cage, une jolie perruche au plumage chatoyant, que son mâle propriétaire se régalait d’exhiber. Je méconnaissais le bonheur même si je croyais le posséder ; du coup, je me plaignais constamment de ne pas l’apprécier. […] Mon mariage avec Franz n’avait que l’apparence d’une réussite. Quoiqu’il fût jeune, je considérais mon mari comme un père, un patriarche qui m’enseignait ma conduite, les usages du monde, les devoirs d’une épouse. Je ne l’aimais pas, je le révérais. Au lit ou en société, je lui obéissais. » 

Partager cet article
Repost0
7 juin 2014 6 07 /06 /juin /2014 21:22

            Voilà un livre qui m’a été recommandé par ma maman, friande de polars, qui me l’a décrit comme un des polars les plus haletants lus dernièrement par elle.

            Samantha, la trentaine bien entamée, vit enfin la vie dont elle rêvait : mariée depuis huit mois à un homme qui lui semble parfait, Marty, elle est comblée. Pour remercier cet homme si attentionné, elle a décidé de lui organiser une fête d’anniversaire en grande pompe : non seulement elle veut réunir tous leurs amis dans leur cinq-pièces newyorkais mais veut également fouiller dans le passé de son mari pour inviter d’anciens copains ou professeurs. Et là, oh surprise, l’université puis l’école que Marty dit avoir fréquentées lui font la même réponse : chez eux, il n’y a jamais eu de Marty Shaw.

L’étonnement fait très vite place à la peur chez la jeune femme qui se rend compte que son époux lui a menti sur toute la ligne en ce qui concerne son passé.

En parallèle, on suit Marty et ses préparatifs à lui pour son anniversaire, bien particuliers puisqu’il envisage de tuer sa femme. L’explication et le mobile donnés m’ont paru crédibles, le rythme est haletant, le suspense fait vite tourner les pages et la petite surprise finale joue bien son rôle de cerise sur le gâteau. Le contexte américain, le style – ou l’absence de style… - m’ont fait penser à Mary Higgins Clark. Pas tellement étonnant puisque c’est un des auteurs préférés de ma maman. Le thème du mec très beau et très riche, parfait en apparence, et qui est en réalité un petit démon est un peu rebattu mais fonctionne toujours.

Une agréable et fraîche lecture de plage… endroit que j’ai justement choisi pour découvrir cet auteur à succès.

 

« Marty lui adressa l’un de ses larges sourires qui avaient fasciné Samantha depuis le premier jour. Les questions se pressaient dans sa tête. Comment l’interroger ? Comme découvrir la vérité ? Quand l’aborder ? »

Partager cet article
Repost0
1 juin 2014 7 01 /06 /juin /2014 22:12

Ce roman qualifié de « roman d’espionnage » est sorti en janvier dernier et il a déjà fait beaucoup parlé de lui…

La narratrice est une femme qui revient quarante ans en arrière pour nous raconter ses débuts d’agent secret. Fille d’un pasteur, douée en mathématiques mais passionnée de lecture de romans, Serena se voit embaucher par le MI5, une agence de renseignements anglaise. Précisions que nous sommes alors au début des années 70 et que Serena n’a qu’une petite vingtaine d’années. Une mission particulière lui demande d’aller recruter un jeune écrivain que le MI5 pourrait contrôler à sa guise. Serena se prête au jeu, elle commence à lire les nouvelles de ce Tom Haley avant de le rencontrer et… de tomber amoureuse de lui. Cette liaison la contraindra à ne rien révéler de sa mission. Il n’est pas simple de résumer cette histoire sans en révéler certaines clés essentielles à sa compréhension. Il est beaucoup question d’écriture, à la manière des poupées gigognes, il y a plusieurs nouvelles narrées dans le roman, commentées et presque toujours approuvées par Serena. C’est un roman d’amour plus encore qu’un roman d’espionnage. Avant tout, ce fut un grand bonheur de lecture, l’écriture est fluide, le rythme haletant et les personnages remarquablement bien dessinés.

Opération Sweet Tooth est un roman complet, alliant mystère et suspense, Histoire et amour. La réussite est totale, on ne s’ennuie pas une seule minute et quand on pense arriver au bout, la surprise finale nous ravit ! Est-ce que tous les romans de ce monsieur McEwan sont aussi bons que celui-ci ? Ça me démange d’aller vérifier par moi-même !

« […] on m’envoya en mission secrète au-dehors, et Shirley m’accompagna. […] Une camionnette attendait dans un garage fermé à clé donnant sur une rue de Mayfair,  cinq ou six cent mètres de là. Nous devions prendre le volant et rejoindre une adresse à Fulham. Celle d’une cache, bien entendu, et l’enveloppe brune qu’il nous lança en travers de son bureau contenait plusieurs clés. A l’arrière de la camionnette, nous trouverions des produits d’entretien, un aspirateur et des tabliers en plastique que nous devions enfiler avant de partir Nous étions prétendument employées par une société qui  s’appelait Springklene. Arrivées à destination, nous devions nettoyer les lieux « de fond en comble », c’est-à-dire, entre autres, changer les draps de tous les lits et faire les vitres. Des draps propres avaient été livrés. Le matelas d’un lit à une place avait besoin d’être retourné. Il aurait dû être remplacé depuis longtemps. Les toilettes et la baignoire devaient faire l’objet d’une attention particulière. »

 

 

« A cinq heures le samedi après-midi, nous étions amants. Cela n’alla pas tout seul, il n’y eut aucune explosion de soulagement ou de plaisir dans l’union des corps et des âmes. »

Partager cet article
Repost0
26 mai 2014 1 26 /05 /mai /2014 13:53

 

 

Voilà un roman qui dormait depuis longtemps dans ma PAL et que j’avais hâte de lire suite au Roman de monsieur Molière que j’avais adoré. Et bien, les deux livres ne sont absolument pas comparables !

Berlioz, rédacteur en chef d’une revue littéraire et Biezdomny, un poète, devisent tranquillement sur un banc, par une belle et chaude journée printanière, à Moscou. Leur conversation est interrompue par la venue d’un « étranger » qui leur tient des propos bizarres, affirmant avec force et conviction que le diable existe. Le nouveau venu, qui se fait passer pour un historien, dit connaître l’heure et les circonstances de la mort de Berlioz. Et effectivement, quelques instants plus tard, Berlioz se fait couper la tête suite à un accident de tramway. Le mystérieux étranger est Satan en personne et il se fait appeler Woland. Un certain nombre d’événements surnaturels vont se succéder à folle allure. Le lecteur va rencontrer plusieurs personnages, tous liés par leur rencontre avec Woland et sa clique, dont un énorme chat noir qui sait parler.

Les passages d’après moi les plus intéressants tournent autour du personnage de Marguerite. La jeune femme, éprise d’un écrivain dont le roman principal a pour thème Ponce Pilate, quitte son mari pour rejoindre son « Maître » et scelle, par la même occasion, un pacte avec le diable. Devenue sorcière, elle vole dans les airs et préside le bal chez Satan.

Que dire à part que j’ai vraiment souffert ! Si ça n’avait été Boulgakov, j’aurais arrêté ma lecture. Je suis allée jusqu’à vérifier qu’il s’agît bien du même auteur que celui du très maîtrisé et subtil Roman de monsieur Molière… Ici, tout est démesuré, baroque, fou, satirique et symbolique. Certains passages sont longuets et les personnages trop nombreux m’ont donné le tournis. Une critique sous-jacente du régime soviétique stalinien accompagne les exercices de magie noire. Ecrit par un écrivain malade, le roman n’est pourtant pas dénué d’humour. Ainsi, le texte est ponctué, régulièrement, d’expressions ayant trait au diable, comme « que le diable l’emporte» ou encore de jeux de mots : quand Woland trouve le chat noir cravaté et avec des moustaches dorées : « Les pantalons ne sont pas faits pour les chats, messire, répondit le chat avec une grande dignité. Allez-vous m’ordonner aussi de mettre des bottes ? Les chats bottés, cela ne se voit que dans les contes, messire. Mais avez-vous jamais vu quelqu’un venir au bal sans cravate ? Je ne veux pas me montrer dans une tenue comique, et risquer qu’on me jette à la porte ! »

Lorsque Woland donne un spectacle, tout peut arriver : Le chat noir « se cramponna à la chevelure clairsemée du présentateur et, dans un grouillement de ses grosses pattes, en deux tours, il arracha la tête du cou dodu, avec un hurlement sauvage. Les deux mille cinq cents personnes présentes dans le théâtre poussèrent un seul cri. Des geysers de sang jaillirent des artères rompues et retombèrent en pluie sur le plastron et l’habit. Le corps sans tête exécuta quelques entrechats absurdes, puis s’affaissa sur le plancher. »

Quand Marguerite quitte son mari, elle griffonne ces quelques mots à la hâte sur un bloc-notes : « Pardonne-moi, et oublie-moi aussi vite que possible. Je te quitte pour toujours. Ne me cherche pas, ce serait peine perdue. Les malheurs qui m’ont frappée et le chagrin ont fait de moi une sorcière. Il est temps. Adieu. Marguerite. »

 

Marguerite, au bal de Satan : « … je me suis beaucoup amusée à ce bal. Et s’il s’était prolongé, j’aurais de nouveau offert mon genou aux baisers de milliers de gibiers de potence et d’assassins. »

Partager cet article
Repost0
2 mai 2014 5 02 /05 /mai /2014 19:04

Si vous suivez un peu ce modeste blog, je lis les romans de Chalandon en respectant la chronologie de leur parution. Après Mon traître et avant Retour à Killybegs, voilà La Légende de nos pères, un roman sur la Deuxième Guerre mondiale, sur la vérité et la résistance.

Le narrateur, Marcel Frémaux, est biographe, un écrivain qui propose ses talents pour raconter la vie d’un homme, d’une femme, d’une famille. Lorsque Lupuline s’est présentée à lui, il a tout de suite su que cette rencontre-là était particulière. Ne portant que des chaussures rouges, jolie comme un cœur, la jeune femme demande au biographe de raconter la vie de son père, Tescelin Beuzaboc, et plus précisément, sa vie pendant la guerre. En effet, Beuzaboc a passé des soirées entières à raconter à la petite Lupuline ses exploits de résistant. Et la fillette devenue femme aimerait que tout cela soit consigné dans un beau livre qu’elle pourrait offrir à son entourage, qu’elle pourrait offrir à son père pour ses quatre-vingt-quatre ans. « Il a passé sa vie à hausser les épaules chaque fois qu’on lui reparlait de ça. Il dit qu’il a fait ce qu’il fallait, et que ce n’était pas la peine d’en faire toute une histoire. Et moi, je viens vous voir aujourd’hui pour vous demander d’en faire une histoire. »

Un peu troublé par le charme de Lupuline, Marcel se met à la tâche. Beuzaboc est d’abord réticent, il a du mal à s’ouvrir puis, dans la chaleur lilloise de l’été 2003, il se livre, raconte l’Anglais qu’il a caché, le train qu’il a saboté, sa jambe blessée à la suite d’un bombardement. Pourtant, Marcel sent une distance, un petit quelque chose qui le rend méfiant. Il se renseigne sur le contexte, les faits narrés, les amis de Beuzaboc pendant la Deuxième Guerre… et ne trouve rien ! Il comprend que le vieil homme ment et a menti toute sa vie à la petite fille.

Entre mémoire et mensonge, entre amour filial et fierté, l’intrigue se déroule doucettement, toute en subtilité, gagnée par la moiteur de la ville aux volets clos. Marcel a eu un père résistant, un père qui n’a jamais voulu raconter à un fils qui n’a jamais voulu savoir. Il n’est donc pas neutre dans cette histoire de passé réécrit, modifié, inventé.

C’est une très belle histoire, racontée en retenue, à tâtons, avec des phrases courtes et simples. Tantôt c’est le vieil homme qui mène le jeu, tantôt l’écrivain. La jeune femme est comme une fée qui virevolte entre les deux. Si j’ai beaucoup aimé ce livre, je n’ai toujours pas retrouvé l’enivrement que j’avais éprouvé à la lecture du Petit Bonzi.

 

Cette image de deux enfants jouant, grimpant sur un monument aux morts dédié aux héros de la Seconde Guerre. Le père de Marcel Frémaux en agrippe un : « Je me suis battu pour que tu aies le droit de jouer, a souri mon père. »

Partager cet article
Repost0
26 avril 2014 6 26 /04 /avril /2014 14:22

Vu le peu d’informations que je trouve sur ce livre et même sur ce romancier, je me demande comment le roman a pu se retrouver sur mon étagère de livres à lire… Mystère…

Philip Cavanaugh, le narrateur, est un parolier gay qui sort tout juste d’un fiasco : la comédie musicale qu’il avait montée avec sa meilleure amie, Claire, a été un échec cuisant. Gilbert, un de ses meilleurs amis, vient lui proposer un travail un peu particulier, il ‘agit en effet de jouer à l’espion en s’introduisant dans la maison de Peter Champion. Pourquoi Peter Champion ? Parce que c’est un milliardaire qui construit à peu près tout ce qu’il veut à New York et nos deux amis vont tenter de prouver que c’est illégal. C’est Boyd Larkin, un autre milliardaire véreux, qui tire les ficelles et dirige Philip et Gilbert. Comment faire pour s’introduire dans la famille Champion ? Proposer à Elsa, l’épouse de Peter, de faire un concert où elle exhiberait son talent de chanteuse. Oui mais de talent, Elsa, n’en a guère. La tâche s’avère donc difficile pour Philip et Claire (cette dernière n’est même pas au courant de la supercherie). Quiproquos et renversements de situation rythment le roman. On se cache, on ment, on planque des chewing-gums qui sont en fait des micros, on retourne sa veste…

Lorsque j’ai commencé le livre, j’ai failli arrêter ! Ces histoires de milliardaires américains encore plus bêtes que riches, cette foule de gays (un hétéro est clairement un intrus !), les noms propres des célébrités que je ne connais pas, cet humour qui est censé nous faire éclater de rire (la quatrième de couverture nous le promet, en tous cas) n’est pas du tout ma tasse de thé. Et pourtant…, et pourtant, je suis allée jusqu’au bout des 382 pages avec une rapidité déconcertante ! Il faut avouer que j’ai pris du plaisir à lire les mésaventures et déconvenues de ces personnages qui finissent toujours par s’en sortir avec le sourire (et une coupe de champagne !). Du (très) léger, du burlesque, du fantasque et du farfelu, voilà les ingrédients que j’avais déjà trouvés chez Tante Mame et qui sont ici, omniprésents. Des ressemblances avec Les nouvelles chroniques de San Francisco apparaissent également. Si je n’ai pas ri aux éclats, j’ai souri maintes fois.

 

Voilà le genre de description qui me fait habituellement fuir… le superbe yacht de Peter Champion : « Nous savions qu’il y avait une discothèque, un cinéma, un chenil, une pâtisserie, un salon de coiffure et un de massage, une piscine (avec piste de danse amovible en marbre), un gymnase (avec machines), une cuisine (avec chambre froide), un salon de réception (avec grand orchestre prêt à intervenir à tout moment), un pont promenade (avec jardin anglais), et une chapelle pour ceux qui se sentiraient enclins à remercier luxueusement le ciel de tout ce qu’il avait fait pour eux. (…) Chaque suite était équipée de couettes en chinchilla et de nécessaires de toilette en écaille de tortue, pour ne rien dire de l’ivoire des robinets, des dérouleurs de papier-toilette, et des poignées de trappes à serviettes périodiques usagées.»

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Violette
  • : Un blog consignant mes lectures diverses, colorées et variées!
  • Contact

à vous !


Mon blog se nourrit de vos commentaires...

Rechercher

Pages