Séduite par Opération Sweet Tooth, je savais, à la fin de ma lecture que je n’en resterai pas là avec ce monsieur McEwan. Sur la plage de Chesil est un court roman complètement différent.
Edward et Florence viennent de se marier et nous les rencontrons pour la première fois le soir de leurs noces. « Jeunes, instruits, tous les deux vierges », ils sont à la fois réjouis de se retrouver seuls et un peu intimidés par l’acte charnel qui est censé entamer cette lune de miel. Chacun se souvient de son enfance, de leur rencontre, du chemin fait pour en arriver là. Edward est issu d’une famille modeste, son père est enseignant et sa mère, il le découvre tard est dérangée mentalement. Florence vient, elle, d’une famille aisée, son père est un homme d’affaire qui réussit, sa mère est professeur de philo.
Ian McEwan est un petit malin, il nous présente deux beaux jeunes gens sur le point de passer à l’acte, il nous installe dans une belle et spacieuse chambre d’hôtel, entre un homme très excité et une jeune femme complètement paniquée à l’idée d’accomplir cette chose sur laquelle elle s’est renseignée comme elle a pu mais qui la répugne énormément. La maladresse des amants est tantôt hilarante, tantôt touchante et sensuelle. Et voilà pas McEwan qui nous emmène dans une grande digression pour nous expliquer, exemples à l’appui que les tourtereaux s’aiment vraiment. On retourne un court instant dans la chambre nuptiale, le temps à Edward de poser la main sur la cuisse de sa belle tétanisée, et c’est reparti pour une longue parenthèse néanmoins intéressante où on découvre la passion de Florence pour son métier de violoniste et l’intégration réussie d’Edward dans sa future belle-famille.
Je ne nous dévoilerai pas le dénouement de ce « Je t’aime moi non plus » dans le contexte si particulier des années 60, de l’hésitation entre les frustrations passées et la libération sexuelle à venir, par contre, je me permets d’insister sur la réussite de ce roman. La lecture fut pour moi un vrai délice, l’intensité dramatique parvient à lier parfaitement sensualité et humour ; les portraits sont réalisés avec brio et précision, l’écriture est délicieusement fluide. Aucune fausse note. Je ne peux m’empêcher d’apposer mon sceau que je pensais perdu (mais non !) : COUP DE CŒUR !
« C’était encore l’époque – elle se terminait vers la fin de cette illustre décennie – où le fait d’être jeune représentait un handicap social, une preuve d’insignifiance, une maladie vaguement honteuse dont le mariage était le premier remède. »
« Depuis plus d’un an, Edward était obsédé par ce soir précise de juillet où la partie la plus sensible de son anatomie résiderait, même brièvement, à l’intérieur d’une cavité naturelle du corps de cette jolie femme rieuse et formidablement intelligente. Le moyen d’y parvenir sans se ridiculiser ni être déçu le préoccupait. »
« Leur cour ressemblait à une pavane, à une manifestation solennelle, ralentie par un protocole jamais signé ni mentionné, ralentie par un protocole jamais signé ni mentionné, mais généralement observé. »