Fin du XIXème siècle, au nord de la Norvège. La grand-mère Dina a péri dans un incendie en laissant un « testament » des plus sanglants : c’est à sa petite-fille Karna que revient la mission d’avouer à tout le monde que l’aïeule a tué deux hommes au courant de sa vie. Après cette révélation lors de l’enterrement, Karna se réfugie dans un mutisme et une folie qui obligent son médecin de père à la placer dans un asile à Copenhague. C’est Anna, la belle-mère qui va l’accompagner. Elle rencontrera un des médecins qui s’occupe de la jeune malade et tombera amoureuse de lui. Karna guérira-t-elle pour retrouver son Peder en Norvège ?
Ce fut comme un long accouchement douloureux… J’ai eu un mal fou à entrer dans le livre, il m’a fallu 150 pages pour commencer à l’apprécier. Mais accouchement douloureux ne dit pas bébé affreux et je dois admettre que plus j’avançais, plus je me mettais à m’attacher aux personnages complexes et humains et à trouver très intéressante la manière dont les thèmes sont traités. Féminisme, adultère, tyrannie des apparences, émancipation, fidélité… accompagnent le thème qui m’a paru central : celui de ce trio, la femme, le mari et l’amant. Leurs relations ambiguës et paradoxales (amant et mari s’apprécient sincèrement au bout d’un moment) ont plus fait écho en mois que Karna, ses hallucinations et ses errances. J’ai déjà eu du mal à entrer dans le roman lu précédemment de cette autrice, La véranda aveugle, je finis par me demander si ce style me correspond. Ne vous y trompez pas, c’est un grand roman, avec une plongée directe dans un univers norvégien parfois insolite (on mange du hareng et on boit du schnaps au petit-déjeuner ; on parle à son interlocuteur non pas à la 2ème personne mais à la 3ème…) ; cette immersion dans la Scandinavie du XIXème siècle est surprenante et certains passages très beaux. Mais bon sang qu’il m’en aura fallu du temps pour venir au bout de ces 558 pages !
« Et ce muscle vital, celui que l’on nomme le coeur dans le langage courant ou les poèmes romantiques, ignora instantanément les signaux habituels envoyés par le cerveau. Résultat : je me suis senti ridicule, non seulement à mes yeux, mais aussi vis-à-vis d’elle. J’avais l’impression absurde qu’elle pouvait entendre mon muscle interne battre la chamade. »
Selon un gynécologue réputé… : « il est dangereux pour les jeunes femmes de trop étudier ou de mener, hors de leur foyer, une vie sociale trop active. Selon lui, les épouses ou les mères qui se surmènent mentalement peuvent contracter de graves maladies de l’appareil génital ou du système nerveux. »
« Être libre, c’est avoir la possibilité de partir. De changer de rôle. Une chance qui était offerte à n’importe quel homme. Tandis que les femmes étaient confinées dans des endroits qu’elles ne semblaient pas choisir. Des pièces dans lesquelles les autres passaient ou venaient parce qu’ils avaient à y faire. Mais dans lesquelles ils ne restaient pas. C’étaient à croire que les femmes étaient une race à part, nées pour être là où on les attendait. Un mal nécessaire. Qui pleurait, saignait. Des êtres exigeants parfois pénibles à supporter mais qu’il fallait protéger. Des êtres versés dans la rêverie et non dans l’action. »