Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 décembre 2018 7 23 /12 /décembre /2018 12:11


Moderato cantabile par Duras

           Anne Desbaresdes, une riche bourgeoise, assiste à la leçon de piano de son fils, son unique enfant qu’elle chérit et craint à la fois, celui qui désobéit et qu’elle voudrait voir grandir plus vite. Alors que le professeur de piano rabroue une énième fois cet « enfant difficile » parce qu’il a encore oublié le sens de « moderato cantabile », dehors, c’est le drame. Une femme vient d’être tuée par l’homme qu’elle aime. Anne Desbaresdes observe victime et coupable et cet événement la chamboule. Elle revient le lendemain sur les lieux, un petit café fréquenté par des ouvriers, et interroge l’homme qui s’y trouve. Chauvin lui répond par bribes, la femme aurait souhaité mourir, les deux se rapprochent, liant une relation confuse et sensuelle, interdite mais quotidienne. Absolument détachée des occupations qui devraient être les siennes (l’organisation de réceptions, l’éducation de son enfant), Anne trouve un plaisir presque bestial dans la consommation de vin rouge, une curiosité morbide à en savoir toujours plus sur ce couple atypique.  

           Absolument pas spécialiste de l’auteur (j’ai dévoré et adoré L’Amant, livre comme film), je ne m’attendais pas à entrer dans un univers aussi décalé, aussi proche de l’absurde, aussi minimaliste. Duras a su parfaitement concilier deux opposés, la clarté (l’histoire se déroule dans une ville côtière, au printemps, un beau temps inhabituel perdure) et un sentiment d’étouffement. En disant moins que le minimum - on ne sait rien du père de l’enfant, du passé des personnages, de leurs motivations profondes - elle suggère des possibilités, des questionnements : abandonner cette cage dorée pour Anne, se livrer à cet homme inconnu, s’inspirer de cet acte fou ? Dans cette atmosphère pesante, de petits éclats de beauté et de lumière : un enfant qui joue, une sonatine qu’on fredonne, un magnolia glissé entre les seins, les yeux bleus de Chauvin… A la fois étrange et impalpable, ce très court roman a fait réagir, à sa sortie, comme le prouvent les nombreuses critiques – la fois positives et négatives – qui viennent clore le livre.

« La sonatine résonna encore, portée comme une plume par ce barbare, qu'il le voulût ou non, et elle s'abattit de nouveau sur sa mère, la condamna de nouveau à la damnation de son amour. Les portes de l'enfer se refermèrent. »

Une réception où le repas est composé de saumon puis de canard à l’orange : « Des femmes, à  la cuisine, achèvent de parfaire la suite, la sueur au front, l'honneur à vif, elles écorchent un canard mort dans son linceul d'orange. Cependant que rose, mielleux, mais déjà déformé par le temps très court qui vient de se passer, le saumon des eaux libres de l'océan continue sa marche inéluctable vers sa totale disparition et que la crainte d'un manquement quelconque au cérémonial qui accompagne celle-ci se dissipe peu à peu. »

Partager cet article
Repost0
21 décembre 2018 5 21 /12 /décembre /2018 08:35


Résultat de recherche d'images pour "il était une ville reverdy"

         Un ingénieur français, Eugène, est muté à Détroit, ville sur le déclin. Motivé et enthousiaste, il se laisse vite envahir par cette impression stagnante de morosité, d’échec et de vide. Effectivement, les gens quittent cet endroit, les buildings et les usines sont à l’abandon, rien ne va plus. Heureusement pour Eugène, une jolie serveuse, Candice, saura lui remonter le moral. Quelques rues plus loin, Charlie s’amuse, avec quelques copains, à brûler une maison, occupation favorite des gamins de quartier qui disparaissent par dizaines. La grand-mère de Charlie, Georgia, en fera le douloureux constat : s’apercevoir un beau matin que son petit-fils a disparu ! L’inspecteur Brown est chargé de l’affaire mais dans la police, les moyens sont réduits à néant et tout traîne.
         J’ai aimé me promener dans cette ville qui dégringole et que désertent ses habitants. Ces endroits reclus où les enfants font leur loi.  Il y règne une atmosphère à la fois douceâtre et apocalyptique où les dernières âmes semblent être des marginaux. Eugène nage un moment à contre-courant comme un ultime combattant dans une guerre perdue d’avance. Il en ressort une mélancolie poétique assez intéressante. A côté de ça, le gros point faible du roman c’est que l’auteur n’est pas parvenu à m’accrocher à son histoire. Ça vous est sans doute arrivé déjà, on relit une phrase comme si on ne la comprenait pas, on arrive au bout d’un paragraphe, on le relit comme si on avait déjà oublié le début. C’est un auteur que je lis pour la première fois et le style ne m’a pas parlé, la brièveté des chapitres y est pour quelque chose, on passe trop rapidement d’un personnage à l’autre. La fin est réussie car une lueur jaillit dans cette ville faite d’incertitudes, de fuites vers un ailleurs meilleur, une ville fantôme où « Que le dernier qui parte éteigne la lumière. »

 

Les enfants arrivent dans une école déserte, à l’abandon : « Le long des murs, les faisceaux de leurs lampes surprenaient des affiches punaisées listant des numéros d’urgence, promouvant des associations de lutte contre la violence, des placards illustrés sur l’hygiène et la grippe, une feuille jaune annonçant la date de la prochaine réunion des parents d’élèves, il y a deux ans, une feuille verte indiquant le menu de la semaine. Sur le panneau de liège à moitié dévoré par l’humidité, des listes de noms, des horaires, des tableaux d’activités, basket, danse hip-hop, dessin, lecture, gymnastique. »

« L’avenir, même quand il n’y en a plus, il faut bien qu’il arrive. »

« Dieu, bien sûr, mais Dieu on dirait que lui aussi, il a quitté la ville. Georgia en est persuadée. Dieu est parti quand on s’est mis à installer des fontaines à soda dans des centres commerciaux géants,  que tout le monde a eu la télévision en couleur, que les salles de bal se sont transformés en supermarchés de la drogue, qu’on a troué la ville avec pas moins de six autoroutes et qu’on a rasé les quartiers pour construire des casinos en plein centre. Dieu nous aime, c’est sa seule faiblesse, mais une bêtise aussi crasse, quand même, cela a dû le dégoûter »

Partager cet article
Repost0
14 décembre 2018 5 14 /12 /décembre /2018 11:44

            Victor est un journaliste au chômage et un écrivain raté. Il possède une petite particularité puisqu’il a récupéré un pingouin d’un zoo qui n’en voulait plus. Micha se promène donc entre le salon et la cuisine de son petit appartement de Kiev, dévorant des poissons surgelés et dormant debout. Le patron d’un grand quotidien confie à Victor un boulot surprenant : écrire des nécrologies d’hommes pas encore décédés, qui ont tous commis des crimes et des délits plus ou moins graves dans leur vie. Ces biographies paraissent suspectes à leur auteur d’autant plus qu’il doit absolument y intégrer certaines données mais ... ça rapporte gros. Un ami policier, une fillette de quatre ans pour nouvelle colocataire, une nounou attirante, un pingouin très convoité, une datcha piégée, des limousines, voilà quelques-uns des ingrédients qui vont pimenter la vie de Victor.

           Belle surprise que cet auteur ukrainien ! Le roman mêle le burlesque et le satirique, avec un pied dans le polar et un autre dans le genre de la chronique post-soviétique. Le récit est drôlement bien ficelé et nous tient en haleine jusqu’à la dernière ligne. Alors bien sûr il faut aimer les datchas, la vodka, les filatures, la mafia russe et les visites nocturnes mais j’ai tout apprécié dans ce roman qui m’a fait penser – animal insolite oblige – à éléphant de Martin Suter. S’il n’y a ici aucune dimension fantastique, il faut bien admettre qu’on nage dans l’étrange dans cet univers ukrainien où on entre dans les maisons la nuit sans toucher aux serrures, où un pingouin est très prisé pour les enterrements, où les sentiments sont des données accessoires. Cette plongée dans la mentalité post-soviétique teintée d’absurde m’a beaucoup plu !

« Les femmes renforcent le système nerveux des hommes. »

« Ce qui, auparavant, semblait monstrueux, était maintenant devenu quotidien, et les gens, pour éviter de trop s’inquiéter, l’avaient intégré comme une norme de vie, et poursuivaient leur existence. Car pour eux, comme pour Victor, l’essentiel était et demeurait de vivre, vire à tout prix. »

« Pas d’amour, mais ce n’était pas l’essentiel. Peut-être l’amour se gagnait-il aussi ? »

Partager cet article
Repost0
3 décembre 2018 1 03 /12 /décembre /2018 16:29

Résultat de recherche d'images pour "leurs enfants après eux"

            En été 1992, à Heillange, dans l’est de la France, Anthony et son cousin tuent le temps comme ils peuvent. Anthony a 14 ans ;  la poitrine et la queue-de-cheval sexy de Steph l’attirent, il essaye de l’approcher mais se heurte à sa propre timidité, à l’arrogance de la belle, au qu’en-dira-t-on. Un soir, pour rejoindre une soirée sans parents, il pique la bécane de son père, celle qu’il n’utilise jamais. Mais, alors qu’il fume et s’enivre, Hacine, un petit caïd qui doit se faire un nom, vole l’engin. Dans ce microcosme où Paris fait rêver, où les parents perdent leur boulot ou divorcent après la fermeture des hauts-fourneaux, les grands enfants se dépatouillent comme ils peuvent en découvrant alcool, sexe et drogue. Deux ans plus tard, toujours en été, sur l’air de « You could be mine », Anthony a grandi et un peu mûri. Grâce à Vanessa, le sexe n’a plus que très peu de secrets pour lui mais il convoite encore Steph en secret. Hacine, lui, a fait une virée très productive au Maroc, et revient avec une Volvo remplie de barres de shit. Les années s’écoulent et après 94, on se retrouve en 96 puis en 98 lors de ces quelques jours enchanteurs qui ont bouleversé le pays entier, la Coupe du monde et la victoire de la France contre la Croatie. Les choses ont bougé mais finalement peu changé, comme si une malédiction pesait sur cette petite ville, qu’on se refilerait de père en fils, de mère en fille. Peu s’en sortent et réussissent.

          Il m’a bien fallu une cinquantaine de pages pour apprécier à la fois l’histoire, l’univers et les personnages. Si on se limite aux beuveries, fumettes, tentatives de drague d’ados de 14 ans, on risque de dépérir à force de soupirer. Et pourtant, l’auteur réussit, par un exploit assez extraordinaire, à rendre cet univers plutôt navrant, ces personnages un peu agaçants et platement ordinaires tout à fait attachants et passionnants ! Mon engouement grandissait à mesure que je tournais les pages et j’en aurais bien rajouté une centaine ! Nicolas Mathieu avait 14 ans en 1992 comme Anthony, un de personnages principaux… et il se trouve que j’ai le même âge. Alors les balades à  biclou (je n’avais plus entendu ce mot depuis des décennies !), les pulls Waïkiki, les baskets Torsion, Miguel Indurain, la Coup du Monde de 98, tout ça fait bien plus que me parler, c’était mon adolescence avec ce qu’elle comportait de rêves, de complexes, d’affranchissements, de doutes et d’espoirs. Entre un foisonnement à la Zola et un réalisme social façon frères Dardenne, le roman dissèque de manière très juste un monde resté clos où les ados semblent perdus entre l’enfance et l’adolescence dans une jungle âpre et sans concession où les adultes, encore plus paumés, ne sont plus des repères. Il se trouve que j’ai regardé la série Aux animaux la guerre diffusée sur France 3 à la même période que la lecture de ce roman et j’ai retrouvé les mêmes ingrédients chers à l’auteur, cette volonté de se sortir d’un bourbier par n’importe quel moyen, les malchances, les déviances, le réalisme fouillé et juste, les personnages brillamment dessinés. Attention, je suis en passe de devenir fan !

         Pour sa perspicacité, ce pessimisme révélateur d’une génération et d’une région, la tendresse insufflée aux personnages, ce roman mérite amplement le prix Goncourt. J’en fais un coup de cœur.

Merci à Tiphanie pour ce prêt –je suis jalouse de la dédicace !!!

Le choc de l’adolescence : « Il courut comme ça un moment, mais il ne savait pas où aller et n’avait pas l’intention de rentrer. Il en voulait à la terre entière. Il n’y a pas si longtemps, il lui suffisait de se taper des popcorn devant un bon film pour être content. La vie se justifiait toute seule alors, dans son recommencement même. Il se levait le matin, allait au bahut, il y avait le rythme des cours, les copains, tout s’enchaînait avec déconcertante facilité, la détresse maximale advenant quand tombait une interro surprise. Et puis maintenant, ça, ce sentiment de boue, cette prison des jours. »

Partager cet article
Repost0
1 décembre 2018 6 01 /12 /décembre /2018 17:32

Résultat de recherche d'images pour "mémé dans les orties valognes"

 

             Certains ont leurs livres de plage, personnellement, je peux presque lire n’importe quoi en me laissant bercer par la musique des vagues… mais j’ai mes « lectures d’avion ». Puisque je suis phobique de l’avion, (sauter à l’élastique me paraît de la gnognotte à côté d’un décollage), je cherche une alternative aux mots fléchés que je pratique de manière frénétique pour faire passer les heures le plus vite possible. Les romans feel good, drôles, faciles à lire, seraient donc une ébauche de solution. Mais Mémé dans les orties n’a pas rempli sa mission…

             Ferdinand Brun, à 83 ans, vit seul dans un appartement d’une résidence où il est entouré de voisines plus ou moins âgées qu’il déteste. Il faut dire que Ferdinand est méchant, mauvais, difficile, ronchon, aigri, boudeur. Lorsqu’il perd son unique amour, son chien, c’est le drame. Une petite fille va venir lui faire causette pendant le repas de midi (comme ça, par pure gentillesse alors qu’il passe son temps à la rabrouer) et une très vieille dame va lui prouver qu’on peut encore avoir bien des activités lorsqu’on est vieux.

             Bon, c’est à peu près tout ce que j’ai retenu. Le roman est truffé de clichés, le vieux bonhomme très méchant, la mamie super cool et très jeune d’esprit, la fillette précoce… pffff et encore pfff. Les répétitions sont abondamment présentes, combien de fois nous dit-on que Ferdinand économise ses sous mais aussi ses sentiments ? Il y a une mini intrigue qui bifurque dangereusement vers le polar sans l’atteindre véritablement et qui m’a laissée pantoise, je n’ai pas souri un seul moment, le livre m’est tombé des mains, il est vite lu mais sans aucun intérêt. Vous allez me dire que j’aurais pu deviner tout ça avant lecture (comme on devine aisément la fin à la 3è page) et vous avez raison.

Partager cet article
Repost0
25 novembre 2018 7 25 /11 /novembre /2018 15:52

            Résultat de recherche d'images pour "Les fantômes du vieux pays de Nathan Hill"

           Un scandale énooorme heurte les Américains : une femme, Faye Andresen, a osé jeter une poignée de cailloux vers le visage d’un candidat à la présidentielle (qui est – par ailleurs – réac, misogyne et raciste) qui a été légèrement blessé à l’œil. Samuel, un professeur d’université qui passe tout son temps sur Elfscape, un jeu vidéo, tente, de son côté, de se débarrasser d’une étudiante tricheuse et menteuse. Il apprend, par hasard, que Faye, désormais considérée comme une dangereuse terroriste, n’est autre que sa propre mère, celle qui l’avait abandonné lorsqu’il avait onze ans. Samuel, insensible et indifférent vis-à-vis de cette femme, profite de l’occasion pour écrire un livre, lui qui a connu une très brève carrière de romancier très vite tombée dans l’oubli. Son opportunisme va se retourner contre lui mais le lecteur en profitera aussi pour découvrir le passé raté de Samuel et la jeunesse mouvementée de sa mère. Ces fameux fantômes avec lesquels il est nécessaire de cohabiter. Il faudra attendre la fin du roman pour comprendre pourquoi celle-ci a la fâcheuse tendance à fuir.

              Pas évident de résumer un roman de plus de 700 pages aussi dense et riche que celui-ci ! Si l’intrigue est passionnante et les personnages –par leur non-conformisme- nous rappellent aisément ceux d’un John Irving, l’humour est omniprésent : satire du monde étudiant, de l’éducation, des hôpitaux, de la société de consommation, des médias, de la dépendance aux jeux vidéo, de la société américaine dans sa globalité. Le prologue m’a plu tout de suite : cette mère de famille qui, discrètement et inexorablement, vide les placards, dépouille penderies et bibliothèques, ôtant un livre par-ci, une fourchette par-là, subtilise une partie des biens pour, un beau matin, disparaître complètement. Le personnage de Samuel, anti-héros par excellence, avec ses mauvais choix aux mauvais moments et sa tendance à pleurer très facilement, devient attachant et agaçant à la fois. Les émeutes de Chicago de 1968 occupent une importante partie du roman et permettent de dévier les trajectoires de vie des uns et des autres. Malgré certaines longueurs en fin de livre, j’ai beaucoup apprécié cette lecture, ses allers-retours d’une époque à l’autre, l’alternance des personnages, et, comme la plupart, je suis restée bouche bée en apprenant qu’il s’agissant d’un premier livre. Nathan Hill, un auteur à suivre, donc.

 

Lorsque Laura, étudiante malhonnête, pleure devant Samuel pour attirer sa pitié : « Dans l’immédiat, le problème de Samuel, c’est que quand il voit quelqu’un pleurer, il ne peut s’empêcher d’avoir envie de pleurer lui aussi. Ça a toujours été ainsi, aussi loin qu’il se souvienne. Il a l’impression d’être un bébé dans une pouponnière, pleurant par solidarité avec les autres bébés. Pleurer lui semble une chose si impudique et si fragilisante qu’il se sent honteux et embarrassé quand quelqu’un le fait devant lui, cela vient réveiller en lui toutes les strates d’humiliation enfantines accumulée jusqu’à l’âge adulte et lui donne le sentiment d’être un gamin pleurnichard dans la peau d’un homme. […]Le sanglot qu’il réfrène est à présent localisé dans sa gorge, enroulé autour de sa pomme d’Adam, et il sent toutes les crises de larmes de son enfance fondre sur lui, toutes les fêtes d’anniversaire fichues en l’air, tous les dîners en famille interrompus en plein milieu, les classes entières figées devant lui qui s’enfuit en courant […] » Je vous laisse découvrir la suite parce que, finalement, pour éviter de fondre en larmes, Samuel utilise la technique de l’éclat de rire… ce qui s’avère désastreux pour l’étudiante éplorée ! (mais c’est très drôle pour le lecteur)

Une éducation… à l’ancienne : « Ce que j’essaie de vous dire, jeunes filles, c’est de vous fixer de grands objectifs. Vous installer avec un plombier ou un fermier n’est pas une fatalité. Vous n’arriverez peut-être pas à épouser quelqu’un dans le domaine médical, comme moi, mais ne vous interdisez pas d’envisager quelqu’un dans la comptabilité. Ou bien dans les affaires, la banque ou la finance. Trouvez avec quel genre d’homme vous voulez vous marier, et organisez-vous pour que cela se produise. »

« à force de choisir la facilité, chaque jour qui passe, la facilité devient une habitude, et cette habitude devient votre vie. »

« parfois une crise n’est pas vraiment une crise – c’est juste un nouveau départ. Si elle a appris une chose de toute cette histoire, c’est que lorsqu’un nouveau départ est vraiment nouveau, il ressemble à une crise. Tous les vrais changements commencent par faire peur. »

Partager cet article
Repost0
15 novembre 2018 4 15 /11 /novembre /2018 11:09

 

L'Abandon par Rock

            En 1999, Caroline a 12 ans et vit avec son Père, cachée dans la forêt. Ils rejoignent de temps en temps la civilisation citadine, à Portland, pour faire de petites courses ou se rendre à la bibliothèque mais l’homme fait l’école à sa fille, elle dévore les encyclopédies, elle est agile, court très vite et sait grimper aux arbres. Il faut cependant se terrer à la moindre approche, s’éloigner des autres hommes, s’isoler d’eux pour ne pas se faire découvrir. Pourquoi ? Le lecteur le découvrira bien plus tard.  Un jour pourtant, un joggeur repère la fille et la dénonce à la police qui, après examens médicaux, tests divers, accepte très généreusement de placer père et fille dans un endroit sûr, entouré de chevaux, où le père pourra travailler. Même si ce confort éphémère leur plaît, Caroline et son père succombent encore une fois à la tentation de fuir dans la forêt. Cette tentative rencontrera bien des embûches et des drames, le froid et la neige n’étant pas leurs meilleurs alliés.

            Ce roman assez étrange remet en question la société de consommation, le panurgisme, le moule dans lequel on veut tous nous faire entrer et les limites de la liberté. L’auteur donne à voir avec un certain talent un mode de vie différent, en marge de notre vie routinière et en lien étroit avec la nature -et aussi une relation exclusive entre un homme et sa fille. Certains passages font l’apologie de la vie sauvage de manière quasi bucolique et d’autres expriment une violence qui n’est pas loin d’un Sukkwan Island ou de La Route de McCarthy. L'absence de sentiments pose parfois problème, le ton est souvent froid et neutre, sans doute permet-il de renforcer la personnalité très forte de Caroline, son mental d'acier transmis par son Père. J’ai trouvé la fin très belle et le roman réussi dans le sens où Caroline -devenue grande- sait parfaitement faire communier les avantages de la ville, la culture avec la nature, ses bienfaits et son besoin de solitude. Pour ceux qui aiment les nature writing, n’hésitez pas !

« Si l’on avance hardiment dans la direction de ses rêves, on sera payé de succès inattendus en temps ordinaire. On franchira une borne invisible. »

« Un oiseau n’est pas censé pouvoir voler en arrière mais  j’en ai vu le faire. Si je suis assez patiente, je vois les nuages se séparer et se reformer. Un renard roux fait trois bonds en avant puis revient à son point de départ. Ses pattes touchent le sol aux mêmes endroits puis il repart en avant et je le vois passer devant moi en bondissant. Je reste immobile. Un daim à la queue blanche passe devant moi en s’ébrouant, entraînant l’air dans son sillage avant de bondir brusquement sur les mêmes traces. Une feuille tombe d’un arbre puis remonte pour se remettre à sa place. Le soleil tressaillit avant de redescendre en douceur vers la fin de journée. Je me sens dans mon élément au cœur de ces odeurs de sauge et de pin, avec toutes les égratignures sur mes bras nus. »

Partager cet article
Repost0
12 novembre 2018 1 12 /11 /novembre /2018 16:47

Petits oiseaux par Ogawa

              Deux frères, inséparables depuis l’enfance. L’aîné est différent car il ne parle pas la langue des hommes mais le pépiement des oiseaux – appelé pawpaw - que personne ne comprend sauf le frère. Le cadet subvient aux besoins de la famille, travaille, traduit le galimatias du frère. A la mort des parents, ils sont seuls, l’un reste cloîtré à la maison, ne sortant que pour acheter une sucette hebdomadaire, l’autre ne côtoie le monde extérieur que pour le strict minimum. Quand l’aîné meurt, la vie de cadet ne va pas vraiment changer sauf qu’il va s’évertuer à s’occuper d’une grande volière présente dans le jardin d’enfants voisin, qu’il nettoiera et bichonnera si bien en hommage à son frère qu’on l’appellera « le monsieur aux petits oiseaux ». A la bibliothèque, il va lire tous les ouvrages traitant de près ou de loin des oiseaux. C’est dans ce monde de livres qu’il rencontrera la seule jeune femme qui s’intéressera à lui de manière très fugace. Mais lui-même arrive à la fin de sa vie et un oisillon blessé qu’il recueille lui procurera un de ses derniers élans de tendresse, ayant toujours son frère adoré à l’esprit.

              Ce livre est comparable à une séance de yoga : étant ouvert, serein, il va vous faire atteindre des hautes sphères de plénitude où seul vous parviendra un doux gazouillis d’oiseaux. Dans une période d’effervescence extrême pour diverses raisons, je ne suis pas parvenue à accéder à ce second palier de lecture et j’ai observé ces deux frères, un peu sceptique, vivoter une existence morne et monotone dans un environnement finalement hostile… où il ne se passe vraiment pas grand-chose. Certains passages sont effectivement délicieusement poétiques et emplis d’une sagesse à méditer mais, globalement, je suis restée complètement en dehors de cet univers ascétique quasi monacal. Je le répète, cette lecture est certainement tombée à un mauvais moment pour moi. D’autres lecteurs ont beaucoup apprécié .

« Les oiseaux ne font que répéter les mots que nous avons oubliés. »

« La cage n’enferme pas l’oiseau. Elle lui offre la part de liberté qui lui convient. »

La vie des deux frères : « Ils vivaient en protégeant leur nid à tous les deux. Un nid discrètement  dissimulé qui ne se remarquait pas au creux de la végétation. Un nid aux petites branches délicatement entrelacées qui leur ménageaient un espace convenable, dont les brins de paille qui tapissaient le fond étaient doux. »

Parole de bibliothécaire : « Les gens qui lisent des livres ne posent pas de questions superflues, ils sont paisibles… »

Partager cet article
Repost0
5 novembre 2018 1 05 /11 /novembre /2018 20:11


Résultat de recherche d'images pour "Les complémentaires de Jens Christian Gröndahl gallimard"

           Après avoir aimé Les Portes de fer, rebelote satisfaite avec cet auteur danois !

           Emma et David s’approchent de la cinquantaine. Elle est une artiste peintre anglaise, lui un avocat danois et ils vivent depuis des années à Copenhague. Heureux parents d’une jolie jeune fille, Zoë, qui s’émancipe de plus en plus, ils mènent une vie bourgeoise, tranquille et bien rangée. Un  concours de circonstances, de petites failles dans un laps de temps très condensé vont mettre à mal cette sérénité. David reprend contact avec son premier amour, Emma se met à le suivre et à se demander si elle le connaît vraiment, Zoë leur présente un petit ami pakistanais avec qui elle a participé à une exposition plus que particulière.

            Tout en douceur, Gröndahl pénètre dans une famille ordinaire pour en relever les fêlures, mettre à nu les ombres et les non-dits et finalement révéler la fragilité d’un couple. D’intéressantes réflexions parsèment le roman, l’amour à long terme, les relations enfant-parents, la définition de l’art, le « pour quoi » d’une vie. En alternant les points de vue, l’auteur parvient à nous faire apprécier chacun des personnages. J’ai retrouvé des points communs avec Les Portes de fer et … attention, je vais m’autociter : « Une belle écriture associée à des réflexions philosophiques, il ne m’en fallait pas beaucoup plus pour être séduite. Ce livre qui fait réfléchir laisse aussi des portes ouvertes, ne donne pas de réponse définitive, questionne sans cesse » Ces remarques sont tout à fait valables pour ce roman-là. Belle lecture en somme !

« Il songea que s’il n’y a personne d’autre chez soi pour allumer et éteindre la lumière, si l’on est le seul à appuyer sur les interrupteurs, l’obscurité devient un partenaire, un compagnon, au lieu de n’être qu’un fait. »

Emma parle danois couramment mais quand elle discute en anglais, sa langue maternelle, avec sa mère, il y a quelque chose en plus : « il y avait la combinaison génétique de tempérament et d’humour, il y avait les mots, tous ces mots merveilleusement familiers et leurs sous-entendus. »

« Lorsque l’art la touchait, l’émotion ne se distinguait pas d’une pensée et, d’après ce qu’elle avait compris, c’était bien le sens de l’art. »

Partager cet article
Repost0
1 novembre 2018 4 01 /11 /novembre /2018 02:45

 

Résultat de recherche d'images pour "adeline dieudonné vraie vie"

                Une famille banale dans un lotissement ordinaire… non, cette famille-là n’est pas banale car nous avons en 1) un père complètement fana de taxidermie qui va régulièrement jusqu’au bout du monde pour tuer éléphant, hyène ou lion ; une pièce dans la maison est réservée à ces cadavres. Incapable de faire preuve de tendresse, il n’a que deux autres loisirs : la télé et le whisky. En 2) une mère transparente et sans caractère qui meurt de peur face à son mari qu’elle semble ne pas aimer. En 3) Gilles, un petit frère qui est passé de l’adorable garçonnet rieur à un dangereux psychopathe, égorgeur de chats. En 4) Enfin, la narratrice et jeune ado qui semble la seule personne saine d’esprit. Son petit monde déjà pas très gai bascule le jour où le siphon du glacier lui explose la tête. Elle assiste à cette scène d’horreur avec son petit frère mais les parents ne leur en toucheront pas un mot. C’est à partir de ce jour que Gilles ne rit plus et que sa grande sœur se fait la promesse de tout mettre en œuvre pour le faire revenir à la vie, la vraie vie ! Quitte à retourner dans le passé…

               J’ai adoré ce roman ! L’autrice a l’art de nous emmener dans son monde, on visualise parfaitement ce pavillon et son jardinet, cette famille de timbrés et cette jeune fille à la fois courageuse et inconsciente, brave et lucide. Si l’animal est très présent, le sauvage n’est pas à chercher de ce côté-là. Ce père aux allures d’ogre et cette mère incompétente et éteinte pourraient bien symboliser les pires parents du monde. Et cette fille veut s’en sortir, armée de ses connaissances, de son amour pour son frère, de sa clairvoyance à toutes épreuves. Avec une écriture simple et efficace, Adeline Dieudonné nous offre un roman original, métaphorique, qui hésite avec finesse entre la fable et le polar. Un grand bonheur de lecture.

« Gilles passait de plus en plus de temps dans la chambre des cadavres à parler à la hyène. La vermine dans sa tête avait pris le pouvoir. Même son visage s’en trouvait modifié. Ses yeux s’étaient enfoncés dans leurs orbites, autour desquelles son visage semblait s’être dilaté à cause de la prolifération des parasites qui lui dévoraient le cerveau. Pourtant, j’étais certaine qu’il existait quelque part, tout au fond de son âme, un bastion  qui résistait encore. Un village de Gaulois qui survivait à l’envahisseur. »

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Violette
  • : Un blog consignant mes lectures diverses, colorées et variées!
  • Contact

à vous !


Mon blog se nourrit de vos commentaires...

Rechercher

Pages