Une famille banale dans un lotissement ordinaire… non, cette famille-là n’est pas banale car nous avons en 1) un père complètement fana de taxidermie qui va régulièrement jusqu’au bout du monde pour tuer éléphant, hyène ou lion ; une pièce dans la maison est réservée à ces cadavres. Incapable de faire preuve de tendresse, il n’a que deux autres loisirs : la télé et le whisky. En 2) une mère transparente et sans caractère qui meurt de peur face à son mari qu’elle semble ne pas aimer. En 3) Gilles, un petit frère qui est passé de l’adorable garçonnet rieur à un dangereux psychopathe, égorgeur de chats. En 4) Enfin, la narratrice et jeune ado qui semble la seule personne saine d’esprit. Son petit monde déjà pas très gai bascule le jour où le siphon du glacier lui explose la tête. Elle assiste à cette scène d’horreur avec son petit frère mais les parents ne leur en toucheront pas un mot. C’est à partir de ce jour que Gilles ne rit plus et que sa grande sœur se fait la promesse de tout mettre en œuvre pour le faire revenir à la vie, la vraie vie ! Quitte à retourner dans le passé…
J’ai adoré ce roman ! L’autrice a l’art de nous emmener dans son monde, on visualise parfaitement ce pavillon et son jardinet, cette famille de timbrés et cette jeune fille à la fois courageuse et inconsciente, brave et lucide. Si l’animal est très présent, le sauvage n’est pas à chercher de ce côté-là. Ce père aux allures d’ogre et cette mère incompétente et éteinte pourraient bien symboliser les pires parents du monde. Et cette fille veut s’en sortir, armée de ses connaissances, de son amour pour son frère, de sa clairvoyance à toutes épreuves. Avec une écriture simple et efficace, Adeline Dieudonné nous offre un roman original, métaphorique, qui hésite avec finesse entre la fable et le polar. Un grand bonheur de lecture.
« Gilles passait de plus en plus de temps dans la chambre des cadavres à parler à la hyène. La vermine dans sa tête avait pris le pouvoir. Même son visage s’en trouvait modifié. Ses yeux s’étaient enfoncés dans leurs orbites, autour desquelles son visage semblait s’être dilaté à cause de la prolifération des parasites qui lui dévoraient le cerveau. Pourtant, j’étais certaine qu’il existait quelque part, tout au fond de son âme, un bastion qui résistait encore. Un village de Gaulois qui survivait à l’envahisseur. »