Combien de fois m’a-t-on conseillé cet auteur danois ? J’avais hâte de le découvrir !
C’est l’histoire d’une vie. La vie d’un homme prise à trois moments différents, trois moments cruciaux : à 18 ans, à 40 ans passés puis à 60 ans.
A 18 ans, le narrateur découvre l’amour physique dénué de sentiments, il se passionne de littérature allemande et tombe amoureux de la fille de son professeur d’allemand, Erika, qui lui fera comprendre qu’un attachement à longue durée de l’intéresse pas, elle n’appartient à personne. Devant sa mère atteinte d’un cancer et condamnée à mourir, il a tendance à fuir. Devant son père qui trompe sa femme, il ne pardonne pas.
Les éléments de sa jeunesse faits de bouleversements, de rencontres et de désillusions vont sans conteste façonner notre bonhomme que nous retrouvons une bonne vingtaine d’années plus tard. Professeur divorcé, père d’une ado, Julie, il aime vivre seul, pédaler pour rentrer chez lui, se réfugier dans la lecture. La présence d’un élève serbe dans une de ses classes va lui permettre de rencontrer sa mère, Ivana, et de nouer avec elle une histoire brève mais passionnelle.
A l’aube de ses soixante ans, notre homme regarde derrière lui. Il ne veut pas fêter son anniversaire en grande pompe avec sa fille et la famille de sa fille, il préfère fuir à Rome où il va faire une rencontre insolite : une jeune femme photographe qui a la moitié de son âge et qui s’entête à utiliser un matériel lourd et ancien. C’est sur le site archéologique de Paestum et quelques kilomètres italiens plus tard qu’une relation ambiguë et particulière se crée entre les deux êtres.
Une belle écriture associée à des réflexions philosophiques, il ne m’en fallait pas beaucoup plus pour être séduite. Ce livre qui fait réfléchir laisse aussi des portes ouvertes, ne donne pas de réponse définitive, questionne sans cesse. Le personnage ne choisit pas la facilité et ne suit pas la route qui était tracée pour lui. Il a quitté les femmes les plus merveilleuses, est-ce parce que la plus admirable d’entre elles, sa mère, l’a délaissé quand il n’avait que dix-huit ans ? L’auteur qui, on peut le supposer, a livré une bonne part de lui-même dans le personnage principal, évoque avec brio les thèmes de l’engagement, de l’individualité, de la liberté, de la solitude. De l’amour aussi qui n’a pas de définition immuable.
Eloge de la solitude et du célibat : « Je n’ai jamais eu de doutes sur la manière dont je devais utiliser mont temps, peut-être parce que, à mon sens, il était faux d’associer le mot utiliser avec ces heures qui n’étaient qu’à moi. Je ne devais rien faire quand je n’avais pas à travailler, et c’était une richesse. Cela avait même cessé d’être un problème qu’il n’y ait pas de femme dans ma vie. […] Le renoncement était presque un soulagement. »
« Si seul le présent était réel, nous ne serions pas réels. Le présent est un lieu impossible que l’on ne peut pas fouler, parce qu’il avance sans cesse sous nos pieds. Il n’a de réalité que comme maillon dans une métamorphose permanente, un continuum où, en revanche, il ne perd jamais sa réalité. Comme l’eau dans une source qui coule plus loin, mais c’est une image trompeuse. Il n’y a pas d’image idoine pour le temps et l’expérience étonnante qui veut que l’instant rétrospectif ne perde pas sa réalité dans le présent grâce à la langue, aux conjugaisons et à leur souplesse. »