En 1999, Caroline a 12 ans et vit avec son Père, cachée dans la forêt. Ils rejoignent de temps en temps la civilisation citadine, à Portland, pour faire de petites courses ou se rendre à la bibliothèque mais l’homme fait l’école à sa fille, elle dévore les encyclopédies, elle est agile, court très vite et sait grimper aux arbres. Il faut cependant se terrer à la moindre approche, s’éloigner des autres hommes, s’isoler d’eux pour ne pas se faire découvrir. Pourquoi ? Le lecteur le découvrira bien plus tard. Un jour pourtant, un joggeur repère la fille et la dénonce à la police qui, après examens médicaux, tests divers, accepte très généreusement de placer père et fille dans un endroit sûr, entouré de chevaux, où le père pourra travailler. Même si ce confort éphémère leur plaît, Caroline et son père succombent encore une fois à la tentation de fuir dans la forêt. Cette tentative rencontrera bien des embûches et des drames, le froid et la neige n’étant pas leurs meilleurs alliés.
Ce roman assez étrange remet en question la société de consommation, le panurgisme, le moule dans lequel on veut tous nous faire entrer et les limites de la liberté. L’auteur donne à voir avec un certain talent un mode de vie différent, en marge de notre vie routinière et en lien étroit avec la nature -et aussi une relation exclusive entre un homme et sa fille. Certains passages font l’apologie de la vie sauvage de manière quasi bucolique et d’autres expriment une violence qui n’est pas loin d’un Sukkwan Island ou de La Route de McCarthy. L'absence de sentiments pose parfois problème, le ton est souvent froid et neutre, sans doute permet-il de renforcer la personnalité très forte de Caroline, son mental d'acier transmis par son Père. J’ai trouvé la fin très belle et le roman réussi dans le sens où Caroline -devenue grande- sait parfaitement faire communier les avantages de la ville, la culture avec la nature, ses bienfaits et son besoin de solitude. Pour ceux qui aiment les nature writing, n’hésitez pas !
« Si l’on avance hardiment dans la direction de ses rêves, on sera payé de succès inattendus en temps ordinaire. On franchira une borne invisible. »
« Un oiseau n’est pas censé pouvoir voler en arrière mais j’en ai vu le faire. Si je suis assez patiente, je vois les nuages se séparer et se reformer. Un renard roux fait trois bonds en avant puis revient à son point de départ. Ses pattes touchent le sol aux mêmes endroits puis il repart en avant et je le vois passer devant moi en bondissant. Je reste immobile. Un daim à la queue blanche passe devant moi en s’ébrouant, entraînant l’air dans son sillage avant de bondir brusquement sur les mêmes traces. Une feuille tombe d’un arbre puis remonte pour se remettre à sa place. Le soleil tressaillit avant de redescendre en douceur vers la fin de journée. Je me sens dans mon élément au cœur de ces odeurs de sauge et de pin, avec toutes les égratignures sur mes bras nus. »