Voilà un roman qui dormait depuis longtemps dans ma PAL et que j’avais hâte de lire suite au Roman de monsieur Molière que j’avais adoré. Et bien, les deux livres ne sont absolument pas comparables !
Berlioz, rédacteur en chef d’une revue littéraire et Biezdomny, un poète, devisent tranquillement sur un banc, par une belle et chaude journée printanière, à Moscou. Leur conversation est interrompue par la venue d’un « étranger » qui leur tient des propos bizarres, affirmant avec force et conviction que le diable existe. Le nouveau venu, qui se fait passer pour un historien, dit connaître l’heure et les circonstances de la mort de Berlioz. Et effectivement, quelques instants plus tard, Berlioz se fait couper la tête suite à un accident de tramway. Le mystérieux étranger est Satan en personne et il se fait appeler Woland. Un certain nombre d’événements surnaturels vont se succéder à folle allure. Le lecteur va rencontrer plusieurs personnages, tous liés par leur rencontre avec Woland et sa clique, dont un énorme chat noir qui sait parler.
Les passages d’après moi les plus intéressants tournent autour du personnage de Marguerite. La jeune femme, éprise d’un écrivain dont le roman principal a pour thème Ponce Pilate, quitte son mari pour rejoindre son « Maître » et scelle, par la même occasion, un pacte avec le diable. Devenue sorcière, elle vole dans les airs et préside le bal chez Satan.
Que dire à part que j’ai vraiment souffert ! Si ça n’avait été Boulgakov, j’aurais arrêté ma lecture. Je suis allée jusqu’à vérifier qu’il s’agît bien du même auteur que celui du très maîtrisé et subtil Roman de monsieur Molière… Ici, tout est démesuré, baroque, fou, satirique et symbolique. Certains passages sont longuets et les personnages trop nombreux m’ont donné le tournis. Une critique sous-jacente du régime soviétique stalinien accompagne les exercices de magie noire. Ecrit par un écrivain malade, le roman n’est pourtant pas dénué d’humour. Ainsi, le texte est ponctué, régulièrement, d’expressions ayant trait au diable, comme « que le diable l’emporte» ou encore de jeux de mots : quand Woland trouve le chat noir cravaté et avec des moustaches dorées : « Les pantalons ne sont pas faits pour les chats, messire, répondit le chat avec une grande dignité. Allez-vous m’ordonner aussi de mettre des bottes ? Les chats bottés, cela ne se voit que dans les contes, messire. Mais avez-vous jamais vu quelqu’un venir au bal sans cravate ? Je ne veux pas me montrer dans une tenue comique, et risquer qu’on me jette à la porte ! »
Lorsque Woland donne un spectacle, tout peut arriver : Le chat noir « se cramponna à la chevelure clairsemée du présentateur et, dans un grouillement de ses grosses pattes, en deux tours, il arracha la tête du cou dodu, avec un hurlement sauvage. Les deux mille cinq cents personnes présentes dans le théâtre poussèrent un seul cri. Des geysers de sang jaillirent des artères rompues et retombèrent en pluie sur le plastron et l’habit. Le corps sans tête exécuta quelques entrechats absurdes, puis s’affaissa sur le plancher. »
Quand Marguerite quitte son mari, elle griffonne ces quelques mots à la hâte sur un bloc-notes : « Pardonne-moi, et oublie-moi aussi vite que possible. Je te quitte pour toujours. Ne me cherche pas, ce serait peine perdue. Les malheurs qui m’ont frappée et le chagrin ont fait de moi une sorcière. Il est temps. Adieu. Marguerite. »
Marguerite, au bal de Satan : « … je me suis beaucoup amusée à ce bal. Et s’il s’était prolongé, j’aurais de nouveau offert mon genou aux baisers de milliers de gibiers de potence et d’assassins. »