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19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 20:26

    Voilà un livre encensé par la critique littéraire et pourtant peu présent dans la blogosphère.

            Dell a quinze ans, une sœur jumelle nommée Berner, des parents et une existence paisible à Great Falls, aux Etats-Unis. Ce jeune amateur du jeu d’échecs va pourtant voir sa vie basculer à partir du moment où son père prend une décision aussi risquée que stupide, celle de braquer une banque. Vivant d’expédients et d’escroqueries, le père s’est, en effet, vu menacer s’il ne payait pas une certaine (grosse) somme. C’est tout naturellement et sans peur aucune qu’il associe sa femme (assez veule et influençable) à ce projet qu’il est certain de mener à bien.

C’était plutôt prévisible : le plan échoue et les parents de Dell se font très vite embarquer par la police, condamnés à vivre des années et des années derrière les barreaux. Dell et Berner sont livrés à eux-mêmes : la sœur fidèle à son projet initial fuit et Dell se laisse emmener par une amie de sa sœur, au Canada. C’est le frère de cette amie, Arthur Remlinger, qui prend Dell sous sa coupe en lui fournissant l’hébergement, les vivres et un petit travail. Pourtant, Dell doit bel et bien apprendre à vivre et à grandir seul, sans affection, sans conseil et en assistant à des scènes cruelles.

Roman initiatique, Canada est un livre sur les aléas de la vie et les choix qu’elle suppose mais c’est aussi un roman sur la filiation et la fratrie (Dell ne va plus souvent revoir sa sœur). Une réflexion est aussi proposée sur la manière de grandir, de se forger sa propre personnalité, en dépit d’une enfance chaotique. Dell s’est épanoui, en tant qu’adulte dans sa vie de couple et dans sa vie professionnelle, sa sœur a toujours été une paumée. Les deux ont pourtant été bouleversés par le même événement. Le père de Dell le résume ainsi si sobrement : « Il se peut qu’il t’arrive certains désagréments, mais que ça ne t’empêche pas de vivre. »

Pourquoi n’ai-je pas aimé ? Certains passages sont longs, longs, longs, sans rien apporter de nouveau, ils m’ont semblé plats. Les personnages, même s’il faut concéder qu’ils sont originaux et loin des stéréotypes, sont opaques et distants. Ne vous fiez cependant pas à mon avis, tous ceux que j’ai lus sont extrêmement positifs (certains y voient un chef d’œuvre). Rencontre manquée !

Merci à l’amatrice de roquefort pour ce beau cadeau J.  Il ne te reste plus qu’à le lire pour te faire ton propre avis !

            « Mieux vaut considérer notre vie et les agissements qui y ont mis fin comme les deux faces d’une même médaille à observer dans son entier pour bien la comprendre, l’avers, normal, le revers, désastreux. Contraires si proches. Toute autre façon de voir risque de ne pas rendre justice à la part rationnelle et banale de notre existence, celle où tout avait un sens pour ceux qui la vivaient, part essentielle sans laquelle ce récit ne vaudrait pas la peine qu’on le suive. »

« à l’origine des événements les plus terribles, il n’y a parfois qu’une déviation infime de la vie quotidienne. »

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13 janvier 2014 1 13 /01 /janvier /2014 15:54


Voilà un petit ovni dans le monde littéraire puisqu’on peut le qualifier de « polar rigolo », en tous cas, c’est un très court roman policier à prendre au second degré.

Le narrateur est un « technicien de cérémonie », c’est-à-dire un employé municipal chargé de vérifier le matériel avant les inaugurations, cérémonies et fêtes publiques en tout genre : « Mon palpitant boulot consiste à aiguiser les ciseaux à couper les rubans, à astiquer la truelle pour pose de première pierre et à ajuster le casque de chantier sur la tête de l’Elu (un casque qui tombe sur les yeux ou qui reste perché sur le sommet du crâne comme un chou à la crème, rien de tel pour vous fusiller « l’image », le seul bien qui appartienne en propre à un homme politique) ».

Dans une ville imaginaire où les élus locaux sont encore plus bêtes que dans la vie réelle, on inaugure un tram, attention, pas n’importe lequel puisqu’il s’agit du « TAPA », le « Tramway Automatisé sur Pneumatiques Alignés », un tram qui avance tout seul en bref. A l’effarement général, alors que Jean-Charles Toumini, président de l’Agglo, s’apprête à couper le ruban, le tram avance et écrase l’élu. S’ensuivent d’autres accidents dirigés contre les politiciens… et qui ne seront jamais résolus. A noter que la chute est savoureuse !

A la fois polar et satire d’une société où la magouille, le gaspillage à grande échelle et les faux-semblants sont rois, ce petit roman comporte des images de coupures de journal qui rendent l’objet original. Je n’ai pas été aussi emballée que Loo (http://unepauselivre.over-blog.com/article-un-trolley-nomme-desir-kolazo-117076004.html) chez qui j’ai pioché le titre, mais j’ai passé un moment agréable et divertissant.

L’auteur est un mystère à lui tout seul puisque la quatrième de couverture précise que « Le seul contact que l’éditeur ait eu avec Kolazô s’est fait par Internet, aussi bien pour la réception du manuscrit que pour l’autorisation de le publier. Mais qui se cache sous ce pseudonyme piquant. »

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30 décembre 2013 1 30 /12 /décembre /2013 21:46

une promesse de chalandon

Après avoir été conquise par l’écriture de Chalandon avec Le petit Bonzi, je m’étais fait la promesse, justement, de lire ses livres dans leur ordre de parution.

Fauvette et Etienne sont morts voilà dix mois. Et pourtant, Lucien, le petit frère d’Etienne, refuse cette fatalité et offre une sorte de seconde vie à ce couple. Avec six autres amis de ce village de Mayenne, il va ouvrir la maison tous les jours, à tour de rôle, ils vont faire comme si Etienne et Fauvette y vivaient toujours. Berthevin vient le mercredi pour allumer et éteindre les lumières, Madeleine vient le jeudi pour dresser la table du souper et mettre des fleurs fraîchement coupées dans le vase, le jour d’Ivan est le samedi, il va tirer les rideaux et ouvrir fenêtres et volets de la vieille maison… Les visites se suivent à un rythme qui semble immuable. Les amis reviennent toujours en passant par le bar que tient Lucien qui leur sert le « verre de promesse ».

Ce que Lucien prenait pour acquis prend néanmoins fin un jour où un des sept ose dire qu’il ne viendra plus dans la maison d’Etienne et de Fauvette. Un autre ajoute qu’il se désiste aussi et tous les six vont finir par avouer que dix mois, c’est long. Afin de clore cette période, ils se réunissent une dernière fois dans la maison abandonnée où chacun évoque leur lien avec Fauvette et Etienne. C’est l’occasion pour Lucien de révéler un lourd secret…

Par petites touches, Etienne et Fauvette apparaissent dans la maison, comme des fantômes, ils continuent effectivement à vivre grâce aux allées et venues des sept amis. Comme si rien n’avait changé, Fauvette remplit sa grille de mots croisés et Etienne change l’ampoule de la veilleuse.

J’ai adoré certains passages pleins de poésie, de finesse, de tendresse. Un éloge à l’amitié couplé d’une réflexion sur la mort et l’après-mort rendent le texte touchant. Mais… le  fait de raconter à l’envers ne m’a pas permis d’adhérer complètement à cette histoire. En effet, le roman s’ouvre sur une soirée chez Etienne et Fauvette et c’est seulement petit à petit qu’on comprend que le couple n’est plus. J’ai eu du mal à m’attacher aux personnages aussi, sont-ils trop nombreux ou avais-je l’esprit ailleurs ? Et cette vision de la mort n’est pas sereine (oui, mais réaliste, sans doute, je sais bien). Toutes ces critiques personnelles n’ôtent en rien le charme inégalable de l’écriture de Chalandon, celle du juste mot qui fait mouche, de l’amour des mots qui transcendent les pages… Je finis même par me demander si ce n’est pas parce que j’ai été extrêmement touchée que j’ai refermé ce livre frustrée… et bouleversée !

Une promesse a obtenu le Prix Médicis 2006.

« Ils doivent s’enlacer fort, se tenir par les yeux, se protéger, ils doivent ne jamais se quitter du cœur. »

Lorsqu’Etienne fait ses premiers pas en tant que bibliothécaire, il fait la lecture aux enfants : « Ils s’asseyaient par terre et Etienne ouvrait pour eux le secret de ses pages. Il lisait. Il lisait doucement pour capturer leur attention, puis leurs yeux, puis leur silence. Il lisait dix pages, jamais plus. Il lisait en mettant le ton. Il chaloupait l’océan, il soufflait le vent, il ricanait le chacal, il croassait le corbeau. Lorsqu’un coup de feu éclatait, ils sursautaient à la force du bruit. Etienne marchait. Il lisait en parcourant la pièce. Il tournait le dos, il revenait, il appuyait sur certains mots et tremblait certains autres. Il regardait un à un ces enfants de la terre, il les aimait, il en était. Pour eux, il tournait chaque page comme on ouvre un rideau et quand il était temps, lorsqu'il était trop soir, ou qu'il allait pleuvoir ou qu'il fallait rentrer, il murmurait un mot, un dernier, comme une voix qui s'éteint d'avoir été brûlante? C'était ainsi, chaque fois. Pour qu'ils soient de retour la semaine suivante, au moment d'anxiété, à l'instant de savoir, juste avant la réponse que tous attendaient, il refermait le livre et disait au revoir. »

Ce dernier passage me touche tout particulièrement car je me souviens d’un moment de grâce (il en existe encore !) lors d’une séance de lecture expressive avec des 6ème, où je voyais leurs yeux s’écarquiller, leurs visages s’illuminer et sourire simplement parce qu’ils venaient de comprendre qu’on pouvait faire mille choses avec un mot, avec une phrase, avec un texte.

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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 09:50

 

Encore une fois, j’ai oublié mes sources mais, malgré de petites déceptions deci delà, je suis contente d’avoir découvert ce roman.

Rose est une centenaire qui vit à Marseille et qui nous raconte sa (forcément) longue vie. Elle a tout vécu, et c’est le cas de le dire ! Née en Arménie, elle a connu le génocide arménien et a vu toute sa famille mourir. C’est son petit fiancé de l’époque, Mustapha, qui l’a cachée dans un tas de fumier et qui, ainsi, lui a sauvé la vie. Lui, n’a pas eu cette chance puisque quand elle est sortie du fumier, elle l’a découvert la gorge tranchée. Elle n’avait que huit ans.

C’est ensuite son extrême beauté qui lui a permis d’avoir la vie sauve. Salim Bey, son maître turc la prostitue avant de la prêter à un ami obèse, Nazim Enver qui emmène la fillette alors âgée de dix ans sur un bateau. A Marseille, Rose réussit à s’enfuir. Elle devient une mendiante sous le jouc de Chapacan Ier. A 11 ans, elle mène enfin une vie un peu plus douce puisqu’un couple de fermiers, les Lempereur, la recueille et l’adopte.

En 1924, Rose a 17 ans et perd brutalement ses parents adoptifs. Les héritiers des Lempereur, Anaïs et Justin, débarquent à la ferme et considèrent d’emblée Rose comme une moins que rien, la traitant plus bassement que leurs chiens. Cette fois-ci, c’est l’amour qui sauve Rose : avec Gabriel, castreur, c’est le coup de foudre réciproque. Les deux tourtereaux s’enfuient pour Paris où un oncle du jeune homme les héberge à condition de rédiger pour lui un traité nazi.  Rose et Gabriel acquièrent enfin leur indépendance, fondent un foyer, achètent un restaurant baptisé « La Petite Provence » et voient naître leurs deux enfants, Edouard et Garance.

Lorsque les Nazis prennent le pouvoir, Gabriel est suspecté d’être juif alors qu’à part son nom, rien ne le prouve. Lui et les deux enfants sont rapidement arrêtés et conduits au Vel d’Hiv. Himmler débarque un jour au restaurant de Rose et attiré par sa cuisine, la phytothérapie où désormais elle excelle mais aussi par les charmes de la jeune femme, il l’embauche en tant que cuisinière, ce qui lui permet plus facilement de la prendre pour amante… En pleine guerre et malgré son dégoût, Rose tente de survivre, à sa manière. Elle abandonnera un enfant de père nazi, elle partira vivre à New-York, elle rencontrera Sartre et Beauvoir après la guerre, elle tombera follement amoureuse d’un Chinois avant de préférer la compagnie d’une jolie femme. Rajoutons encore qu’épisodiquement, Rose prend un malin plaisir à éliminer les personnes qui lui ont causé du tort, c’est thérapeutique, elle se sent bien mieux après s’être vengée.

Je suis partagée, j’ai adoré certains passages, notamment la première moitié du roman. On se laisse très vite emporter par les aventures de ce personnage haut en couleur (un peu comme chez Teulé parfois !), toujours optimiste. C’es très romanesque, rocambolesque, dynamique. Deux gros points noirs cependant : la deuxième partie part dans tous les sens et dès que Rose s’est demandé si elle allait tuer Sartre ou non, j’ai décroché, agacée par le grotesque des situations. Autre point : malgré certaines critiques et une Rose qui nous répète qu’elle ne savait pas tout ce qu’il se passait pendant la Deuxième Guerre, l’auteur rend parfois les Nazis attachants, en tous cas, il nous en livre une image adoucie, et ça, c’est insupportable !

Enfin, si vous adorez qu’un personnage fictif se glisse dans l’Histoire (et la chamboule même quelque peu !), vous serez comblé en lisant ce livre mais aussi Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson !

Quelques citations que je n’ai pas pu m’empêcher de relever :

  • « Ce sont nos folies qui nous maintiennent debout »

  • « La générosité, c’est des cadeaux qu’on se fait à soi-même. Y’a pas mieux pour se sentier bien. »

  • « Ici-bas, il n’y a que la vie et les livres qui nous permettent de la vivre mieux. C’est mon père  qui m’a appris ça. Il est instituteur. Ma mère, elle, est maraîchère. Je tiens des deux. Du ciel et de la terre. »

  • « Mon obsession est toujours de recycler, mes plats, mes déchets, mes joies, mes chagrins. »

  • Prendre une autre femme, c’est « renouveler sa monture nocturne »…

 

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13 décembre 2013 5 13 /12 /décembre /2013 18:00

Encore une idée de bouquin dénichée je ne sais plus où…  J’ai classé cette lecture dans « récits » sans être pour autant convaincue !

Les deux auteurs (c’est un couple) d’origine russe et naturalisés allemands évoquent leurs pérégrinations dans les pays de l’Est, ces pays « socialistes » à travers le prisme de la gastronomie. Chaque chapitre est construit de la même manière : un pays, une brève présentation de ce pays d’un point de vue historique, politique et sociale ; des anecdotes personnelles et le rapport des auteurs à ce pays et enfin quelques recettes emblématiques de ce pays.

Alors, qu’est-ce qu’on apprend ? que la cuisine géorgienne ne peut presque se passer de noix (aubergines et noix feraient bon ménage !), les Biélorusses ne jurent que par les pommes de terre (galettes de pommes de terre à la confiture en dessert…), en Ukraine, si on n’aime pas l’ail, il vaut mieux passer son chemin. Des points communs ? beaucoup de viande et de vodka ! Les auteurs s’emploient aussi à étudier les clichés : pour la vodka, elle coule à flots, c’est clair, par contre le caviar n’est pas aussi répandu qu’on peut le penser, et c’est l’ananas qui serait l’aliment de luxe pour les millionnaires russes.

Mon avis est mitigé, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre divertissant, souvent amusant et appétissant (enfin, pas tout hein, la salade de poires aux noix et aux cornichons – pour moi qui déteste les cornichons – de Géorgie, me laisse un mauvais goût à la bouche rien qu’à la lecture de la recette !), on fait un petit tour d’horizon des ex-pays d’Union Soviétique, on voyage un peu mais en fait, pas assez à mon goût. Plutôt que de survoler tous les pays, je crois que j’aurais préféré que les auteurs insistent sur trois ou quatre. Ça manque un peu de profondeur et je crois qu’il ne va pas me rester grand-chose de ce livre d’ici quelques mois, même si j’ai noté quelques recettes ! Quand j’ai lu sur la quatrième de couverture que Wladimir Kaminer est « à la fois écrivain en vogue et icône de la scène alternative berlinoise », j’ai mieux compris, disons que le bonhomme n’avait plus besoin de faire ses preuves…

« Le Sibérien moyen, homme ou femme, est grand et fort. Les gens grandissent plus vite dans le froid tout simplement parce qu’ils ont besoin d’une bonne santé et de meilleurs défenses naturelles pour braver les conditions climatiques rigoureuses. (…) Je crois que dans le cas de  la Sibérie, la taille est une réaction naturelle aux conditions de vie très dures. Les gens sont aimables et discrets. Mais il faut dire qu’ils ne se font  quasiment jamais agresser. A quoi bon chercher des noises à un homme qui a des mains aussi grosses que des lunettes de toilettes ? »

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 16:02

 

 

J’avais découvert cet auteur avec  Cœur de chien, un court roman axé sur le fantastique mais non dénué  d’humour, me voilà comblée avec cette biographie romancée du grand  et génialissime dramaturge et comédien français, Molière.

            Je ne vous raconterai pas la vie de Molière que certains connaissent sans doute sur le bout des doigts mais ce qui m’a frappée dans l’œuvre de l’écrivain russe et ce que j’avais oublié.

Molière bégayait et, enfant, adorait observer - on l’avait d’ailleurs surnommé « le contemplateur ». C’est son grand-père maternel qui emmène le jeune Jean-Baptiste au théâtre, et le garçon éprouve déjà un vrai penchant pour les farces. Quand, à vingt ans, Molière décide de suivre Madeleine Béjart sur les planches et de renoncer à ses études de droit, son père, un grand tapissier, le prend très mal et le jeune homme est contraint de rendre le titre de valet de chambre du roi que son père lui avait donné.

Les débuts théâtraux sont catastrophiques : Molière s’entête à jouer des tragédies, le public est absent et les créanciers se déclarent de tous côtés, Poquelin père paye toujours au final et à contrecœur évidemment.

C’est en province et grâce à des pièces comiques que la troupe de « L’Illustre Théâtre » commence à faire salle comble, elle connaît son premier triomphe avec L’Etourdi. Molière n’a que 26 ans quand il joue pour la première fois devant le roi et sa cour, d’abord une tragédie qui ne recueille que de « maigres applaudissements » puis « Le Docteur amoureux que Molière avait écrit au cours de ses nuits d’insomnie vagabondes. ». C’est le succès : « Le regard du médecin amoureux s’illumina d’un coup. Il se rendait compte que c’était là un bruit qu’il avait déjà entendu. Et pendant qu’il ménageait entre les répliques les pauses nécessaires à l’écoulement des vagues de rires, il se rendait compte qu’il avait affaire au bruit intraduisible, bien connu et toujours annonciateur du succès qui avait reçu dans la troupe le nom de « brouhaha » ! Un frisson délicieux courut sur la nuque du grand acteur comique. Il pensa : « Victoire ! » et se donna tout entier. Et les mousquetaires qui montaient la garde devant les portes, et qui ne devaient en aucun cas se départir de leur impassibilité, se mirent à leur tour à hoqueter de rire. »

Molière bénéficiera presque toute sa vie du soutien de Louis XIV, il en aura bien besoin car l’hostilité constante du clergé, les nombreuses censures, les remontrances des hauts personnages qui se sentent pointés du doigt dans les comédies de Molière et les médecins qui lui en voudront jusqu’à l’heure de sa mort, vont être des obstacles qui mettront la carrière et la santé du dramaturge et écrivain en péril.

Molière se fait aussi connaître par et à cause de sa vie personnelle : après avoir quitté Madeleine Béjart, il se marie, en 1662, avec Armande qui se fait passer pour la sœur de Madeleine. En réalité, Armande est la fille de Madeleine… et peut-être même la fille de Molière ! Une fois mariée, Molière est trompé par sa femme, il passe pour le personnage du cocu qu’il dépeint si bien dans ses propres farces. Le moral est au plus bas, heureusement que ses amis, Boileau et La Fontaine sont là.

La fin de Molière est connue, il meurt après avoir joué Le Malade imaginaire et sans le secours d’un seul médecin.

Cette lecture fut un grand plaisir pour moi, on sent l’attachement profond de l’auteur russe à l’écrivain et comédien français, son regard tendre, humble et amusé nous livre un Molière plus vivant et plus proche que jamais. Le récit est simple et passionnant à la fois, il devrait être une lecture obligatoire pour tous les lycéens et étudiants.

« Le bruit courut que Jean-Baptiste père, outre son commerce de fauteuils et de tapisseries, s’occupait également de prêts d’argent à des taux confortables. Je ne vois rien là de blâmable chez un homme de commerce. Mais les mauvaises langues affirmèrent que Poquelin père avait tendance à saler quelque peu les intérêts et qu’en peignant l’horrible grigou Harpagon le dramaturge Molière ne fit que mettre en scène son cher père. Cet Harpagon-là est celui qui essaya de refiler à compte d’argent à l’un de ses clients un impressionnant bric-à-brac où l’on trouvait entre autres une peau de crocodile bourrée de foin qui, de l’avis d’Harpagon, pouvait être avantageusement pendue au plafond en guise d’ornement.

Je ne veux pas croire ces ragots de bonne femme ! Le dramaturge Molière n’a pas Sali la mémoire de son père, ce n’est pas moi qui le ferai. »

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1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 20:30

Je ne sais plus pourquoi et comment je suis tombée sur ce bouquin. Toujours est-il que le titre m’inspirait puisqu’il m’arrive, hélas ! de soupirer avec exaspération « Ahhh, les gosses ! » au sujet des deux miens !

La narratrice est une mère de trois enfants, divorcée, qui, à 42 ans, se pose des questions sur sa vie, sur sa jeunesse qui est en train de foutre le camp, sur ses gamins qui lui échappent et sur ses rides qui sont de plus en plus marquées.

Plutôt que de nous raconter une histoire, l’auteur brosse le portrait de cette famille qui se veut une famille-type du XXIème siècle. La mère travaille à la maison, elle est dessinatrice mais se trouve sans cesse interrompue par ses enfants. L’aîné de la fratrie est le roi de la glande, à 18 ans, il a décidé d’arrêter les études et de se chercher du boulot mais il ne tient pas plus de quelques jours de travail que ce soit dans un supermarché ou dans un restaurant. Autres particularités : il mange des tonnes de nourriture, est souvent retrouvé en position horizontale et vit au gré de sa vie sentimentale. Il y a la grande sœur qui, à 16 ans, joue les super coquettes, critique sa mère du matin au soir parce qu’elle est démodée, qu’elle s’habille mal, qu’elle est vieille ! Il y a enfin la petite dernière qui, à 9 ans, sauve un peu la face de la famille car elle est encore douce et naïve, elle trouve sa maman très jolie et l’aime très fort. Sa passion pour un lapin domestique va tout de même chambouler l’équilibre – si équilibre il y a – familial…

Il y a l’ex-mari qui tente de récupérer sa femme alors qu’il s’est mis en ménage avec une femme plus jeune qu’elle. Et enfin, il y a le beau voisin, peut-être un futur compagnon pour la mère esseulée !

Si j’ai bien compris, c’est censé être un livre drôle, la quatrième de couverture parle même de « fous rires »… pour ma part, j’ai oscillé entre agacement profond (qu’elle est casse-pieds cette mère qui se laisse envahir par ses gamins, elle leur obéit au doigt et à l’œil !) et sombre inquiétude : c’est ça avoir des gamins ados ?  Mon Dieu, quelle horreur ! J’ai trouvé la relation mère-enfants effrayante, les plus jeunes passent leur journée à critiquer la mère, se moquer d’elle, tout en se servant d’elle.

Malgré tout, j’ai lu ce roman très rapidement, le style est fluide, l’univers réaliste (malheureusement…), ça reste léger et divertissant (même si ça m’a par endroits angoissée, vous l’aurez compris…).  Je dirais enfin qu’il est parfait pour ceux qui ne veulent pas d’enfants, ce récit les confortera dans leur choix !

« Quand je suis dans la rue avec ma fille, la grande, elle marche toujours loin devant moi. Comme si on ne se connaissait pas. Il ne faut pas qu’on la voie avec sa mère, « ça fait pitié ». C’est comme si c’était la honte d’avoir des parents et encoe plus de les montrer. On veut bien les tolérer pour les courses, les repas, le linge, l’argent, mais il faut qu’ils restent cachés, bien planqués à la maison. Pourquoi ils auraient besoin de sortir d’abord ? Ils sont vieux. Ma fille marche devant moi, perchée sur ses talons compensés, cheveux au vent, longs et lissés, impeccable dans son leggings et sa petite veste cintrée. »

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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 18:11

Quel plaisir de retrouver Kurt Wallander après l’avoir quitté, quelques six mois plus tôt !

Mon commissaire préféré, Wallander,  vieillit mal. Son histoire d’amour avec Baiba se termine, et même si le bonhomme y est un peu pour quelque chose, il souffre de se retrouver encore une fois seul. Sa fatigue perpétuelle, ses soifs incontrôlées et ses besoins fréquents d’uriner le conduisent à consulter un médecin : il est diabétique. Se promettant de faire du sport et de perdre du poids, Wallander doit aussi affronter une douloureuse nouvelle : son collègue et ami, Svedberg, est retrouvé sauvagement assassiné dans son appartement. Pourquoi ? Qui ?

Parallèlement et de façon épisodique, une autre affaire est évoquée : trois jeunes gens ont disparu depuis la nuit de la Saint-Jean… enfin, « disparus » n’est peut-être pas le bon terme puisque, régulièrement, des cartes postales sont parvenues à leurs parents, expliquant que les jeunes faisaient un petit tour en Europe et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Pourtant, une des mères n’est pas dupe, elle prétend que ce n’est pas sa fille qui a écrit la carte… et elle a bien raison !

Comme très souvent dans les enquêtes de Mankell, le lecteur en sait un peu plus que Wallander mais pas assez pour rompre un suspens ici haletant. Comme d’habitude aussi, le rythme est très lent, il pourra en exaspérer certains, moi il me subjugue complètement. J’adore quand Wallander nous raconte la petite histoire du pizzaïolo chez qui il a l’habitude de se ravitailler, quand on s’embarque avec lui sur une fausse piste, quand il croise le tueur sans savoir que c’est lui, quand on sent qu’il a le béguin pour la une femme qu’il n’a vue qu’une seule fois.

Je suis complètement gaga de cette série policière, j’ai dévoré le livre à toute allure. C’était mon 6è polar de l’auteur, et dans l’ordre s’il vous plaît. Le prochain, La muraille invisible est déjà tout en haut de ma PAL.

 Encore une réflexion sur le déclin de la Suède, ce qui me fait toujours sourire, comme si ce pays nordique était le seul en proie à la violence et aux dégénérés ! Wallander s’explique à un autre flic, plus jeune que lui : « Il y a quelques années, j’aurais été d’accord avec toi. Il n’y a pas de violence gratuite, toute violence a une explication, etc. Mais ce n’est plus le cas. On n’a rien vu venir, mais il y a eu un changement dans ce pays. La violence est devenue naturelle. On a franchi un cap invisible. Des générations entières de jeunes sont en train de perdre pied. Personne ne leur enseigne plus ce qui est bien ou mal. Il n’y a plus de bien ou de mal. Chacun revendique son propre droit. Quel sens y a-t-il alors à être policier ? »

 

 

 

N.B : quand on voit la tête de l’écrivain, on se dit qu’il n’est pas allé chercher bien loin pour décrire son « héros » !

 

 

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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 12:36

Maria est une avocate espagnole qui est prête à tout pour réussir et se faire un nom. L’affaire qui lui permettra d’accéder à la notoriété est la suivante : un flic, César Alcala, a tabassé un petit voyou, Ramoneda, au point que ce dernier frôle la mort. Maria réussit à envoyer César en prison jusqu’à la fin de ses jours. Quelques années plus tard, Maria se rend compte qu’elle s’est peut-être trompée. Ramoneda est en réalité un dangereux psychopathe et si César l’a battu, c’est parce que Ramoneda détenait des informations sur l’endroit où est séquestrée sa fille, Marta, kidnappée.

Des retours en arrière nous permettent de comprendre que César paye pour une faute que son père n’a même pas commise : Publio, un phalangiste, avait fait accuser Marcelo du meurtre de son épouse, Isabelle. En réalité, c’est Gabriel, le père de Maria qui a tué la jeune femme qui était aussi son amante !

Quel bouquin ! Le thriller se mêle au genre historique, les histoires personnelles scarifiées sont toutes mêlées à l’Histoire de l’Espagne. Les destins se croisent, se heurtent les uns aux autres, la violence est partout, j’ai pensé à  La Ville rouge de Paolo Roversi, lu l’été dernier où le pastel n’a pas sa place non plus, à la tragédie grecque (personne ne sort indemne…) ou encore aux romans de Zafon puisque l’action se passe souvent à Barcelone. Si l’on cherche un policier original qui va un peu plus loin, ce roman est parfait.

César Alcala en prison : « Le temps s’écoulait de façon étrange, comme s’il n’existait pas. Tout était continuité, le même instant sans cesse répété. Les mêmes routines, les mêmes gestes, le même épuisement. A son insu, ou sans pouvoir s’y opposer, l’espoir d’Alcala s’estompait, comme celui de tous les hommes qui vivaient entre ces murs. Peu à peu, il oubliait le passé, sa vie antérieure, les odeurs de la réalité. Seuls ces mots qui lui parvenaient de temps en temps semblaient le ranimer, telle une goutte d’eau tombant sur une terre assoiffée. Mais cet effet vivifiant durait peu, et l’inspecteur replongeait dans sa léthargie habituelle. »

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 14:56

 

Pour une fois que je me souviens de mes sources : c’est chez Jostein et Saxaoul que ce livre m’avait fait de l’œil. Elles sont d’accord pour dire que le roman valait bien qu’on s’y intéresse et elles ont bien raison.

Andreas Kuppler est un journaliste sportif. En 1936, il couvre les Jeux Olympiques d’hiver. L’homme est sérieux, passionné par le sport mais un sentiment le malaise le poursuit depuis quelques années, depuis l’avènement du Troisième Reich, en fait. Le boycottage des commerçants juifs qui s’en suivit ou encore l’autodafé de livres organisé par Goebbels qui mit le feu à des milliers de livres « anti-allemands » révolta profondément Andréas. Il s’en voulait de ne pas être d’accord avec la grande majorité, il essayait de suivre le mouvement lui aussi, il avait pris sa carte au NSDAP bien que contraint par son patron.

Dans sa vie privée, c’est le chaos également. Andreas s’est éloigné de son épouse, Magdalena, principalement parce qu’ils n’arrivent pas à faire un bébé. Magdalena ayant abandonné son métier de laborantine pour fonder une famille, sombre petit à petit dans une dépression qui la coupe du monde. Les discours nazis l’aident cependant à garder un peu d’espoir, en effet, peu importe la manière dont l’enfant est conçu, l’essentiel est de créer une famille, selon Hitler. La jeune épouse finit par prendre ce discours à la lettre et, une nuit, rejoint clandestinement un nazi.

Andreas comme Magdalena ont été manipulés, ils le découvrent bien trop tard. Dans ce roman, le mécanisme fourbe et vicieux de l’idéologie nazie est démontré : il fallait suivre, il fallait faire comme les autres, les êtres différents étaient pointés du doigt. Il faut beaucoup de courage à Andreas pour seulement admettre qu’il pense différemment ; quant à sa femme, l’idéologie d’Hitler est un refuge qui la rassure ; comme tant d’autres elle préfère la sécurité à l’honnêteté, le confort à la prise de risque.

Même si c’est une fiction, l’auteur, on le sent bien, tente de comprendre ne serait-ce qu’un peu, l’endoctrinement qui a contaminé les esprits allemands dans les années 30. Grâce au personnage d’Andreas, on se met à croire que le doute avait germé dans certaines têtes mais que, par peur de représailles nazies, il n’est pas allé jusqu’à une tentative de rébellion.

Un beau livre passionnant, qui, dans un grand élan romanesque, mêle vie privée, problèmes de couple et événement historique.

« Les services de Goebbels donnaient chaque jour des directives très précises sur la façon dont l’information devait être traitée : quels étaient les événements, les thèmes qu’il convenait d’aborder, quelle couleur dominante donner aux articles en unes et aux couvertures, quelles nouvelles passer sous silence ou traiter dans l’optique du régime, quels articles devaient être illustrés de photographies… Aucun domaine n’échappait à ces instructions, encore moins le sport en cette année olympique où chaque record, chaque médaille mettait en jeun l’image du Reich. La quasi-totalité des rédactions appliquaient avec zèle ces dispositions. »

 

 

Un roman qui m’a beaucoup rappelé  La Femme de nos vies de Didier van Cauwelaert.

 

 

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