Première découverte de Véronique Ovaldé à travers ce roman qui nous transporte dans des contrées exotiques et imaginaires, quelque part en Amérique du Sud.
Vida Izzara incarne la femme riche qui règne en maîtresse belle et élégante sur sa luxueuse villa et sa petite famille. Sauf que la photo parfaite n’est pas si nette que ça. Vida vient d’une région populeuse, dangereuse et famélique du pays, l’Irigoy. Elle en a été extirpée par son mari, Gustavo. Gustavo est l’homme riche, pompeux, guindé et froid par excellence. Leur fille, Paloma, se différencie très tôt de ses parents. La mort de son amie Chili, décédée à l’adolescence d’une leucémie, ne fait que renforcer les contrastes entre elle et son entourage proche. A peine sortie de l’adolescence, Paloma rencontre le bel et mystérieux Adolfo, il la séduit, elle l’ensorcèle, et elle fuit avec lui. Ils iront squatter les villas des alentours, profitant impunément des avantages de l’endroit.
Vida fait la rencontre du lieutenant Taïbo venu enquêter sur sa fille, justement. C’est le coup de foudre. Vida abandonne tout pour lui, ou plutôt pour la vraie vie. Taïbo sort le petit oiseau de sa cage dorée, comme Adolfo avait sauvé Paloma.
C’est un beau roman, il n’y a pas à dire. Après certains navets que j’ai lus récemment, j’ai été charmée par cette ambiance suave, nonchalante, raffinée. Ovaldé réussit à nous transporter dans un univers à part, fait de moiteur, de verdure, de couleurs, de musique et surtout de désir de liberté. Car c’est bien de liberté qu’il s’agit dans tout le roman.
J’ai trouvé certains passages légèrement monotones, d’autres audacieusement dépourvus de virgules (et ça m’a agacée parfois, oui… déformation professionnelle !), seuls bémols que j’apporterai. Mais l’auteur, sait, par la variation de longueur de ses phrases redonner du souffle et du rythme à l’intrigue et surtout à ses personnages féminins qui renaissent lentement mais sûrement. La fin m’a touchée, le pari sur la vie que font les deux femmes est courageux, simple, vrai. Sans être moraliste, Ovaldé insuffle un petit élan d’espoir et d’optimisme dans un monde étriqué et statique.
Exceptionnellement, je cite un chapitre entier, celui qui, en tant que mère, m’a atteinte en pleine poitrine, vous pensez bien.
« Mon cœur en sautoir
Se souvenir toujours de son petit corps, de sa grâce, de la texture de sa peau, de son haleine, de son odeur, de sa voix, emmêlées l’une dans l’autre, la moiteur de son coup, la finesse de ses bras, le délié parfait de chacun de ses muscles minuscules et sublimes, comment graver ses gestes dans le souvenir, comment être sûre de ne jamais rien oublier de tout cela, de pouvoir s’en servir et le réactiver quand elle serait seule et vieille, puiser dans son trésor de souvenirs et d’images, la peau bronzée de Paloma, son grain un peu sec et salé, la connaissance que Vida en avait, qui semblait être quelque chose de tangible et d’éternel, mais cette connaissance même n’existait que le temps que la chose connue existât, ses cheveux désordonnés et longs qui lui donnaient l’allure d’une sauvageonne, sa blondeur iodée d’enfant, la pulpe de ses lèvres, l’immensité de ses yeux (qui paraissaient à une autre échelle que les autres éléments de son visage), l’arc de ses sourcils noirs et fatals (des sourcils de femme). Vida voulait prendre la totalité de ces fragments parfaits et en faire un trésor réellement inaltérable. Et quand elles étaient ensemble elle savait que c’était impossible et cette impossibilité la plongeait dans un désespoir infini. Elle avait l’impression que sa beauté, sa tendre enfance lui échappaient déjà. Qu’elles s’en allaient en particules dans l’air, comme des filaments de sa perfection. Elle se disait “il faut que je la photographie, que je l’enregistre”, mais toutes ces opérations étaient vaines et elle échouait à conserver la douceur éphémère de cette fusion de leurs deux corps allongés dans une chambre estivale, l’une à côté de l’autre, les bras de la petite autour de son cou et les lèvres de la petite sur ses paupières. Elle savait ce qui la faisait rire alors elle la faisait rire et ce rire d’enfant, ce rire qui s’en allait déjà à toute vitesse, lui piétinait le cœur. »
Et un autre extrait, parce que c’est bon :
« Elle décide de ne pas retourner chez ses parents (…), elle décide cela parce qu'on est le matin très tôt encore, parce que l'automne est encore doux et que le soleil fait rougeoyer les immeubles du front de mer, parce que les études de droit ne la passionnent pas et ne la passionneront jamais, parce qu'elle a vingt et un ans, qu'une partie d'elle-même croit encore qu'elle est immortelle, et qu'une autre lui dit impatiemment que le temps presse, parce qu'elle a une folle envie de déposer sa confiance dans les paumes d'Adolfo alors qu'elle le connaît si peu mais que le peu qu'elle sait de lui la bouleverse et lui donne l'illusion d'être vivante. »
Je remercie Priceminister de m’avoir gracieusement envoyé ce roman.
http://www.priceminister.com/offer/buy/131413156/des-vies-d-oiseaux-de-veronique-ovalde.html