Sibylle est séparée de son mari Benoît et vit à Bordeaux avec leur fils Samuel. Samuel, un ado rebelle, file du mauvais coton jusqu’à une soirée où il cumule les emmerdes et les conneries (alcool, drogue, témoin passif d’une scène de viol). Sibylle, en souffrance elle-même dans une vie qui ne lui correspond plus, décide de revendre la maison familiale qui lui est si chère et d’emmener Samuel au Kirghizstan. A dos de cheval, ils vont parcourir des centaines de kilomètres, vivre une autre vie, se retrouver espère-t-elle. Et il ne devrait plus être question que de yourtes, de koumis, de chevaux, d'hospitalité kirghize. Samuel s’ouvre difficilement aux autres, il ne veut pas de ce voyage, s’emporte encore régulièrement même si de petites prises de conscience s’opèrent doucement... jusqu’au drame, une nuit où il fuit seul, à dos de cheval, et où Sibylle, folle d’inquiétude, part à sa recherche.
J’ai eu, pendant toute la lecture, une très forte impression de déjà lu mais nulle trace de ce roman dans mes archives... (j’ai pensé à un Olivier Adam qui y ressemblait, mais non). En tous cas, j’ai beaucoup aimé cette lecture addictive et à suspens, cette histoire d’amour entre une mère et son fils, d’une mère pour son fils ; cette tentative de reconquête qui paraît vaine les trois premiers quarts du roman ; le courage de cette mère dont le passé n’a pas toujours été heureux. C’est très romanesque, Mauvignier flirte avec le cliché pour finalement atteindre une certaine vérité dans la beauté de cette relation mère-fils et cette difficulté à connaître son propre enfant. Il y en aura eu des drames et des tragédies dans ce roman... Mais le voyage au Kirghizstan m’a plu et j’aime qu’on trouve des solutions insolites plutôt que se laisser dépérir dans son malheur. Pour résumer, un roman très fort et prenant même s’il tombe parfois dans la caricature.
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« Ils se parlent peu, ils économisent leurs forces et se concentrent sur ce qu'ils ont à faire, ce qu'ils voient, ce qu'ils entendent, ce qu'ils ressentent. Les mots sont ici comme tous ces poids morts dont on se débarrasse parce qu'ils ne servent qu'à alourdir les bagages. Tous les jours, toutes les heures, d'autres occupations les attendent, tellement indispensables qu'ils y pensent même le soir, avant d'aller se coucher - trouver de l'herbe et de l'eau, un village, un campement où l'on pourra prendre des vivres. Mais tout tourne autour des chevaux. »
Lorsque Samuel fuit, une nuit : « mais ses hennissements, Samuel pense bien que sa mère ne les entendra pas, Samuel est fou et avec son cheval, il s'élance dans la nuit, personne n'entendra rien parce que tout le monde s'en fout, Samuel est comme un souffle imprévisible et sauvage, comme une ombre qu'on oublie parce qu’invisible, muette, trop secrète dans les ténèbres qui s'ouvrent. »