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12 mai 2024 7 12 /05 /mai /2024 12:50

Je suis au-delà de la mort - L'Homme étoilé - Librairie L'Armitière

Je ne connaissais pas du tout cet auteur, infirmier en soins palliatifs et instagrameur à succès apparemment, j’ai pris cette BD complètement au hasard à ma bibliothèque (comme très souvent).

Jean est chanteur guitariste dans un groupe de rock dont le succès est croissant. Il s’apprête à se rendre aux Etats-Unis pour enregistrer un premier album. Mais à 32 ans, une mauvaise nouvelle lui tombe sur la gueule : il est atteint d’un cancer des poumons. Prêt à se battre, bien entouré par sa femme et son chien, il renonce momentanément aux Etats-Unis et suit ses premières chimios. A l’hôpital, il rencontre un voisin de chambre odieux, Franck, 65 ans, qui, d’emblée, disqualifie le rock en lui opposant son idole de toujours, Sinatra, et qui semble mépriser le jeune d’à côté en se montrant sarcastique dès qu’il le peut. Jean et Franck se détestent jusqu’au jour où l’aîné l’emmène dans une virée nocturne clandestine et qu’il lui montre son véritable visage, celui d’un type très généreux à qui la vie n’a pas fait de cadeau. Va naître une belle (et courte) amitié.

Cet album se lit en apnée du début à la fin. Il n’y a pas de happy end, il n’y a pas de concessions ni de fioritures dans le récit de ces tragédies de tous les jours. L’humour, heureusement, s’immisce entre les chimios, les vomis, les fourmillements dans les mains, les nausées et la perte des cheveux. La passion pour la musique occupe également une grande place et l’amitié prend tout son sens jusque dans les dernières planches. J’admets que malgré les qualités des dessins, du scénario, de la sensibilité des personnages et des dialogues, j’aurais préféré ne pas lire cette BD qui me rappelle tant de souvenirs douloureux. Je trouve que la souffrance des proches n’est d’ailleurs que furtivement évoquée dans cet album.  Il me reste à exprimer toute la profonde admiration pour le personnel des soins palliatifs qui fait un travail remarquable ; ce sont de vrais héros, trop souvent oubliés. Il est inutile de dire à quel point cette BD est touchante, empathique et totalement bouleversante...

Je suis au-delà de la mort

(La Laiterie, salle de spectacle strasbourgeoise que je connais bien !!)

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7 mai 2024 2 07 /05 /mai /2024 15:37

Page des Libraires

« C’est l’histoire d’une famille, d’une maison et d’un pays. » Un narrateur s’adresse ainsi à Saule et jusqu’aux dernières pages, on ne saura rien de ce fameux Saule, et, au fil de la lecture, de plus en plus au sujet de ce mystérieux narrateur. C’est d’abord avec deux frères, Marty et Anzême, que nous partons à la campagne, dans le Morvan, dans une ferme qui s’appelle Les Chaumes. Nous sommes en 1914, dans la chaleur de l’été, il faut constamment surveiller Marty qui, simplet, cumule les bêtises. Anzême qui est marié à la belle Clairette, est contraint de troquer ses frusques de paysan pour l’uniforme de soldat car il est appelé à faire la guerre. Marty, resté à la ferme, se rapproche dangereusement de Clairette et ce qui était à craindre arriva : Clairette tombe enceinte de Marty sans que personne ne le sache. Le père de famille, Cytise, flairant cependant la vérité, va se battre avec son fils jusqu’à le tuer, involontairement. Charme, le fils de Clairette et Marty, va longtemps vivre avec ce secret. Un fils va naître, et un petit-fils... entre la province et Paris, les histoires vont se raconter, toutes différentes.

Quelle saga incroyable ! De 1914 à 2022, nous suivons avec passion cette famille Balaguère, ces générations d’hommes qui se succèdent avec une violence tapie en eux qui les empêche parfois - souvent - de mener une vie paisible. Evidemment les différents événements qui jalonnent ces décennies jouent leur rôle de chef d’orchestre : Anzême revient des tranchées avec un bras invalide ; Charme, blessé, ne pourra faire preuve de bravoure en s’engageant dans la résistance pendant la Seconde guerre mondiale ; Aloes, son fils, reviendra traumatisé de la guerre d’Algérie avant de voir mourir un ami du Sida, ... Si l’autrice a réussi à nous faire aimer ses personnages, à nous attacher à cette histoire familiale, je crois que je suis restée encore plus émue face à cette vue panoramique de tout un siècle que nous avons toutes tous, en partie, partagé. Les chapitres sont courts, les ellipses et les résumés judicieux, et, surtout, le roman gagne en profondeur et en intensité au fil des pages. Il serait intéressant d’avoir le point de vue d’un lecteur bien plus âgé ou, au contraire, celui d’un jeune qui n’a en mémoire que les dix dernières années. Pour ma part, les années 80-90 restent celles de ma jeunesse et Anne-Laure Bondoux a su les remémorer suffisamment bien pour me faire monter les larmes aux yeux. Qu’on se le dise, il n’y ni héros ni happy end, simplement un très beau roman, authentique et juste, à lire à tout âge. Rien que pour avoir eu constamment en tête la maison de ma toute petite enfance, ses étés, son jardin, sa vie dehors, c’est un COUP DE CŒUR.

Le roman a obtenu la récompense suprême au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse : « Pépite d’or ».

(des illustrations de la fille de l'autrice ponctuent agréablement le livre.)

J'avais adoré, de la même autrice : Et je danse, aussi 

« C'est le plus mauvais choix que je puisse faire : celui qui, de dissimulation en mensonge, va me conduire à devenir mon propre ennemi. Mais ce jour-là, fidèle aux hommes de ma famille, j'obéis à ce code d'honneur désastreux qui exige de nous, depuis la nuit des temps, d'avoir l'air fort alors que nous ne le sommes pas. »

« Est-ce que le monde serait moins violent si les hommes pleuraient plus souvent ? Est-ce qu’Hitler savait pleurer ? Est-ce que Vladimir Poutine sait pleurer ? Nous avons traversé tant d'orages. Saurons-nous encore traverser ceux qui s'annoncent ? J'espère que oui. »

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5 mai 2024 7 05 /05 /mai /2024 14:21

La Tectonique des sentiments

J’en mange du théâtre en ce moment !! Je n’en chronique pas la moitié pour diverses raisons.

Diane et Richard s’aiment d’un amour très fort et fusionnel. Mme Pommeray, la mère de Diane, adore son gendre... Enfin, pour qu’il y ait « gendre », il faudrait que les tourtereaux se marient. Et Diane, jusqu’à présent, ne voulait pas de ce mariage. Parce qu’elle a senti que Richard avait tendance à ne plus se montrer aussi fougueux (« Parfois, il bâille quand nous lisons côte à côte. Il n’arrive plus en courant lorsque nous avons été séparés quelques heures, avec cet air d’enfant bouleversé qui vient d’échapper à une catastrophe »), elle commet une maladresse que Richard interprète à sa façon, il pense qu’elle veut le quitter. Trop orgueilleux pour la contredire, il abonde dans ce sens : ils pourraient rester très bons amis, ah oui, heureusement qu’ils ont cessé de s’aimer au même moment, etc. Diane a appris, quelques jours auparavant, que Richard était atteint d’un cancer incurable et elle le pousse dans les bras d’une très belle jeune femme, Elina, une prostituée qui accepte de mimer l’amour en échange d’une vie décente.

Je commence par le positif ? Ça glisse tout seul, ça se lit comme du petit-lait, c’est divertissant et vraiment pas désagréable, en 1h30 max, c’est plié. Les gros bémols maintenant : que c’est lisse et mièvre ! Et plein de clichés ! Tous les personnages en sont affublés : la belle-mère est une pauvre pomme naïve et crédule, le mec est forcément amoureux de la première jolie donzelle qu’on lui met sous le nez, les prostituées quittent leur habit de lumière (et leurs manières) en un claquement de doigts, Diane est d’une bestiale jalousie et menteuse par-dessus le marché, et l’amour sent la guimauve cramée (et ça pue). C’est simple, ça m’a fait penser à la chanson d’Anaïs, je ne sais pas si vous vous en souvenez (« Mon cœur Mon Amour » qui se moquait des amoureux transis). A noter qu’on est entre le théâtre et le roman, les pseudo didascalies sont très nombreuses et longues pour que le lecteur tout public comprenne bien. C’est dommage de nous prendre pour des nigauds, le postulat de départ n’était pas inintéressant. Il vaut peut-être mieux revoir Pretty woman ...

Et l’œuvre d’E.-E. Schmitt est décidément tellement inégale de qualité !

Du meilleur : Madame Pylinska et le secret de Chopin, Les deux messieurs de Bruxelles, Ulysse from Bagdad, La Femme au miroir et évidemment, La Part de l’autre.

Parole de prostituée « Je ne crois qu'au vice, au calcul, à l’intérêt aux petites jouissances, au mal qui procure du bien. Dans ma vie, je n'ai rien vu de différent. Je n'ai rencontré que la laideur. (...) C'est bon, la haine, c'est chaud, c'est solide, c'est sûr. À l'opposé de l'amour, on ne doute pas, dans la haine. Jamais. Je ne connais rien de plus fidèle que la haine. Le seul sentiment qui ne trahit pas. »

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2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 15:01

Les oiseaux - Tarjei Vesaas - ACTES SUD - Poche - Paris Librairies

Mattis et Hege, frère et sœur, vivent ensemble dans une maison isolée au bord d’un lac. Elle, Hege, travaille pour deux et tolère avec patience et amour la présence et les maladresses de son frère. Lui, Mattis, est un simplet qui s’émerveille des dons de la nature. Il essaie bien parfois d’accomplir de petits boulots mais son esprit s’embrouille, il finit par faire n’importe quoi et part de son propre chef. Un jour, la parade nuptiale d’une bécasse perturbe Mattis, il y voit un présage important. Quelques jours plus tard, Hege l’envoie sur le lac : peut-être pourrait-il faire passeur ? Mattis prend très à cœur son nouveau rôle et c’est avec une grande fierté qu’il emmène son premier et unique passager, Jörgen, sur l’autre rive. L’homme, un peu bourru, cherche un toit pour la nuit. Mattis lui propose de l’héberger pour se faire pardonner : la barque, ne pouvant supporter le poids de deux hommes, ne cessait de prendre l’eau. Jörgen ne quittera plus le grenier de la maison de Mattis et Hege, la grande sœur tombant amoureuse de l’homme.

Entre amour et haine, ce court roman est empreint d’une poésie remarquable, toujours associée à la nature et à la candeur de Mattis. Il comprend bien que sa sœur est enfin heureuse mais il s’aperçoit aussi qu’elle s’éloigne de lui. Il voit bien que c’est Jörgen qui rend sa sœur heureuse mais il ne peut s’empêcher de s’en méfier et, de réfléchir, peut-être même, pour la première fois de sa vie de se montrer intelligent. L’œuvre est suffisamment juste, pudique et touchante pour ne pas donner de réponse, chaque personnage de ce trio navigue entre le Bien et le Mal, sans qu’on puisse, en tant que lecteur, se placer dans l’un ou l’autre camp. Il est certain que Mattis est un être bouleversant, qui émeut par son désarroi et sa fragilité. Son lien avec la nature domine tout le reste et en fait une ode à la simplicité. C’est encore une fois un podcast de Radio France (ici - d'1h57) qui m’a fait découvrir cette œuvre et, pour la première fois, cet auteur norvégien que j’aimerais continuer à lire (version papier cette fois-ci). L’avez-vous déjà lu ?

« Tout en méditant, Mattis observait les versants ouest, par-delà les lacs, un beau crépuscule d’été partout dans le ciel et sur la terre. « C’est calme de ce côté du vent. » C’est alors que survint le grand événement. Quelque chose filtrait entre la cime des arbres, quelque chose que Mattis imaginait pouvoir discerner tant le ciel était clair, non pas le vent mais quelque chose qui passait au travers, quelque chose qui fusait juste au-dessus de la maison et aussi droit à travers Mattis. « Une bécasse ? Une bécasse... voilà ce qui a battu des ailes par ici. Il y a une parade amoureuse au-dessus de mon toit. » C’était bien le premier printemps que Mattis voyait ça, aussi loin que remontaient ses souvenirs, ce n’était jamais arrivé. »

« En revanche il appréciait de moins en moins sa sœur, elle n’était plus aussi douce qu’avant. Chaque jour, il avait le sentiment qu’elle était un peu plus sur son dos comme s’il faisait et disait tout de travers. Elle cherche à se faire belle, à se faire belle pour le bûcheron. Je vois bien comment elle le regarde, comme elle le lorgne du coin de l’œil. Jörgen, ça ne lui faisait aucun effet apparemment, ce qui rassurait Mattis. Il travaillait en forêt et s’affairait à la maison, constamment dans son coin. »

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30 avril 2024 2 30 /04 /avril /2024 09:48

Casterman - Olympe de Gouges

Cette énorme BD trônait dans ma bibliothèque depuis quelques années (elle est sortie pour la première fois en 2012). Nous en avons fait une lecture commune avec mon ado de fille.

Née d’une union illégitime entre le marquis de Pompignan, un lettré poète, et une fille du peuple, Anne-Olympe, la petite Marie grandit en Occitanie. Mariée très jeune à Louis-Yves Aubry qu’elle n’aime pas du tout et qui lui donne un fils, elle sera veuve à 18 ans et c’est à ce moment-là qu’elle choisit le nom d’Olympe de Gouges (plutôt que celui de « Veuve Aubry »...) Amoureuse de Jacques Biétrix, un riche entrepreneur, elle refuse pourtant de l’épouser et lui fait même accepter d’autres amants. Il consent à tout, paie ses souhaits et folies. A Paris, elle embauche Bertrand, un secrétaire et va s’adonner à l’écriture d’une pièce de théâtre qui défend les Noirs et dénonce l’esclavagisme. Après la Révolution, s’étant brouillée avec Marat et Robespierre, elle rallie le camp des Girondins, n'aura de cesse de placarder ses opinions sur des affiches, ce qui lui vaudra la peine d’être guillotinée, « victime de mon idolâtrie pour la Patrie et pour le Peuple ».

C’est une sacrée masse d’informations à ingérer que ce pavé-là ! Il faut bien conter toute la vie de cette femme pour la comprendre et appréhender ses combats. Présentée comme fonceuse, travailleuse, audacieuse, libertine, elle va à l’encontre de tous les (milliers) de préjugés et idioties de cette fin XVIIIè siècle avec un optimisme et une conviction assez remarquables. Attachée à sa sœur, attachée à son fils Pierre, elle semble ne pas avoir vraiment besoin des autres.  Pourtant, elle a eu Jacques Biétrix pour les sous et un secrétaire pour ses œuvres. J’ai découvert à quel point elle a souhaité l’égalité pour tous et défendu impitoyablement la cause des Noirs. Nul besoin de relire La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle y est dans son intégralité dans la BD. Si j’avais un petit reproche à formuler à ce remarquable hommage, c’est qu’il est tout de même exigeant et ambitieux, j’ai bien senti mon ado de fille se laisser distraire et se moquer des visages dessinés plutôt que de s’intéresser au contenu, il faut dire que j’étais larguée aussi par moments, la Révolution est une de mes lacunes et je me suis un peu perdue au milieu de tous les personnages... En fin de BD, un récapitulatif intéressant permet d'y voir plus clair. A noter que certaines idées d’Olympe seront reprises plus tard par d’autres féministes, Louise Weiss notamment a insisté sur le fait que si la femme est jugée pour un délit de la même manière qu’un homme, elle devrait aussi pouvoir voter comme un homme. Formidable précurseur (précurseure, précurseuse, précurseresse ?) encore trop souvent oubliée ou méconnue, Olympe de Gouges mérite qu’on la connaisse un peu mieux. Et puisque La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est au programme de Première, cette BD est un excellent complément de lecture qui permet de contextualiser les écrits de cette femme remarquable.

J’en profite pour participer à la der des der du challenge Les classiques c’est fantastique qui portait sur la littérature engagée, MERCI à Moka pour ces douze mois que j’ai presque tous honorés, moi qui ai tant de mal à suivre un rythme de challenge !

De Catel, j'avais adoré Ainsi soit Benoîte Groult et Kiki de Montparnasse.

« Aujourd’hui j’ai compris l’ordre de la nature humaine qui n’est pas celui de la société. Il ne peut y avoir l’amour conjugal et l’amour passion dans le même corps. »

« Le mariage est le tombeau de l’amour. »

« Très jeune, j’ai compris qu’une femme ne peut être condamnée à demeurer celle d’un seul homme si celui-ci est mort... »

« Article premier : La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »

"Article 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi." 

Olympe de Gouges, bd chez Casterman de Bocquet, Catel

 

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25 avril 2024 4 25 /04 /avril /2024 18:09

Panorama - Lilia Hassaine - Librairie La Grande Ourse

En 2029 a eu lieu la Revenge Week : une partie de la population française a décidé de punir les criminels sans passer par la justice, au fonctionnement trop long et inefficace. Suite à ce mouvement révolutionnaire où chaque Français prend ses responsabilités, des maisons de verre ont été construites afin de surveiller tout le monde, l’ère de la « Transparence citoyenne » a démarré... En 2049, une famille, les Royer-Dumas, disparaît : Rose, Miguel et leur garçon Milo. Un fait assez rare et incompréhensible puisque les voisins voient constamment dans les maisons des autres, s’épiant sans cesse. Hélène, la narratrice, une ancienne flic, enquête.

Vous l’aurez compris, c’est une dystopie qui interroge sur quelques thèmes qui nous menacent et nous préoccupent déjà aujourd’hui : le besoin de transparence, les failles de la justice, l’omniprésence des réseaux sociaux. Grâce à ces maisons-vivariums, il y a bien moins de violences conjugales, de viols, d’enfants battus, d’agressions, ... mais encore beaucoup plus de mensonges, de cachotteries et de faux-semblants. Dans cette nouvelle DDR, l’extrême vigilance de tous les instants n’a cependant pas empêché le crime. L’enquête qui piétine est complètement bancale, le rythme tout aussi irrégulier, les personnages souvent à peine dessinés. L’ensemble est poussif, on nous rappelle par mille détails dans quel univers nous sommes et le côté répétitif m’a agacée. Je n’ai pas été convaincue par ma lecture (Prix Renaudot des Lycéens 2023...), je n’ai pas adhéré à ce monde transparent qui ne m’a pas paru crédible un instant. Des maladresses de ponctuation (comme dans l’extrait ci-dessous) et de style n’ont pas non plus arrangé mes affaires.

Manou a, elle, été complètement emballée, je vous laisse lire son billet bien plus complet que le mien.

« La maison d’en face est moins bigarrée. C'est un cube translucide dans lequel vit un couple sans enfants : Lou et Nadir. Je suis arrivée à l'heure où ils faisaient l’amour. Pour préserver un minimum d'intimité, certains couples ont investi dans des lits-sarcophages. Le principe est simple : chacun à son tour appuie sur le déclencheur - ce qui garantit le consentement - et le lit se referme comme une boîte. En cas de problème, un bouton d'urgence à l'intérieur permet d'ouvrir le coffre et d'alerter les gardiens. »

Il n’y a presque plus de livres dans ce nouveau monde : « On préfère désormais les tablettes numériques, plus légères, plus pratiques. Surtout, elles permettent de lire la dernière version en date d'un ouvrage : depuis que les auteurs peuvent retoucher leur texte après publication, le livre n'est plus cet objet poussiéreux, figé dans le passé, il évolue, s'adapte à l'époque. Les maisons d'édition ont même recruté des modérateurs professionnels, chargés de retravailler et de nettoyer certains passages à la place de l'auteur. Trois versions d'un même ouvrage (une version brute, pour les universitaires, une version abrégée, pour les impatients, et une version normalisée, pour les plus sensibles) sont aujourd'hui disponibles grâce aux nouvelles tablettes. »

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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 11:45

Petit pays, bd chez Dupuis de Faye, Sowa, Savoia

Je ne pouvais pas passer à côté de l’adaptation d’un roman magnifique écrit par un de mes artistes préférés.

Après une enfance insouciante, gaie et colorée sous le soleil de Bujumbura, au Burundi, les parents du petit Gabriel se séparent, la guerre civile éclate, le génocide sévit alors qu’il n’y a qu’une petite différence de nez entre les Hutus et les Tutsis... Gabriel va voir mourir une partie de sa famille, sa mère devenir folle et va devoir s’exiler en France. (résumé plus détaillé ici)

Pari réussi ! Si la BD prend quelques libertés avec le roman (des ajouts parfois étranges comme ce vautour que la famille a domestiqué, par exemple...), qu’elle a tendance à appuyer sur les clichés, elle a vraiment gardé l’esprit du roman, cette dichotomie entre le monde d’avant et celui d’après, la violence qui heurte et tue l’innocence de l’enfance, cette poésie qui effleure les bons moments et surtout la nostalgie de la paix à la fin du livre. Dans Brut, Gaël Faye a confié qu’il s’est reconnu dans les visages et les paysages dessinés parce que Sylvain Savoia s’est inspiré de documents personnels, photos de l’époque et photos de famille de l’artiste (ça vaut de l’or). J’ai bien aimé me laisser surprendre par des personnages et des panoramas que je voyais autrement mais qui ne m’ont pas déçue. L’impasse où vit Gabriel et ses copains est vraiment différente de celle que je m’étais créée, par exemple. J’ai trouvé très juste de représenter les scènes de guerre dans la crudité de leur réalité et ne pas omettre les horreurs racontées dans le livre d’inspiration autobiographique. On sent une belle cohésion entre les trois auteurs pour aboutir à un ouvrage de 126 planches. Bref, lisez et le roman et la BD qui valent vraiment le détour, ne serait-ce que pour commémorer le massacre de 1974.

--- coup de coeur ---

Ces lignes que j’aime tellement :

« Des jours et des nuits qu’il neige sur Bujumbura.
Des colombes s’exilent dans un ciel l’auteur, les enfants des rues décorent des sapins de mangues rouges, jaunes et vertes.

Des paysans descendent tout schuss de la colline à la plaine, dévalent les grandes avenues dans des luges de fer et de bambou. Le lac Tanganyika est une patinoire où des hippopotames albinos glissent sur leurs ventres mous.

Des jours et des nuits qu’il neige sur Bujumbura.
Les nuages sont des moutons dans une prairie d’azur. Les casernes des hôpitaux vides, les prisons des écoles saupoudrées de chaux. La radio diffuse des chants d’oiseaux rares.

Le peuple a sorti son drapeau blanc, se livre des batailles de boules de neige dans des champs de coton. Les rires résonnent, déclenchent des avalanches de sucre glace dans la montagne.

Des jours et des nuits qu’il neige sur Bujumbura.
Les soûlards du cabaret boivent au grand jour un laid chaud dans des calices de porcelaine. Le ciel démesuré s’emplit d’étoiles qui clignotent comme des illuminations de Times Square. 

Des jours et des nuits qu'il neige sur Bujumbura. Te l'ai-je déjà dit ?

Les flocons se posent délicatement à la surface des choses, recouvrent l'infini, imprègnent le monde de leur blancheur absolue jusqu'au fond de nos cœurs d'ivoire. Il n'y a plus ni paradis ni enfer. Demain, les chiens se tairont. Les volcans dormiront. Le peuple votera blanc. Nos fantômes en robe de mariée s'en iront dans le frimas des rues. Nous serons immortels.

Depuis des jours et des nuits, il neige.

Bujumbura est immaculé.»
 

Petit pays, bd chez Dupuis de Faye, Sowa, Savoia

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19 avril 2024 5 19 /04 /avril /2024 15:10

Les Rougon-Macquart Tome 4 ; la conquête de Plassans - Emile Zola - Folio -  Grand format - Librairie Gallimard PARIS

Plus de onze ans après mon dernier Zola (oui, j’ai honte, j’ai vérifié trois fois... onze ans !!), je m’attaque à la suite du Ventre de Paris.

François Mouret est désormais un homme aisé, négociant en vins, en amandes et en huiles. Il vit dans une grande maison à Plassans, cette petite ville (imaginaire) du sud de la France, avec sa femme Marthe, ses deux garçons Octave et Serge et sa fille un peu simplette, Désirée. Il décide de louer le second étage. L’abbé Bourrette lui a trouvé des locataires : l’abbé Faujas et sa mère, une femme austère. Cette nouvelle présence se fait tellement discrète qu’elle intrigue quotidiennement Mouret. Finalement, c’est le jeu du piquet confrontant chaque soir Mme Faujas à Mouret qui va rapprocher tout ce petit monde. Marthe, pour qui la vie a, jusqu’alors, toujours été plate et insignifiante, va se découvrir un but : fonder, sur l’idée de l’abbé – bien plus malin qu’il n’en a l’air, une maison pieuse dédiée aux jeunes filles des rues. Plus qu’un but, elle se prend d’une passion folle pour Dieu... et son représentant, l’abbé Faujas. Celui-là, glacial à son égard, se montrera plus préoccupé par l’idée d’acquérir, doucement mais sûrement, une certaine notoriété dans la ville. L’arrivée de sa sœur et de son mari, les Trouche, va évincer petit à petit les Mouret de leur propre maison, Marthe s’abîmant dans son amour sans retour, Mouret se voyant accusé de violence conjugale. Plane la menace des Tulettes, cet asile de fous où se trouve déjà la grand-mère de François...

Le style de Zola m’étonne à chaque fois, tellement fluide, accrocheur et imagé ! Le microcosme où il nous entraîne permet de voir évoluer les personnages, et ici, tout l’enjeu réside dans la manipulation de certains au détriment d’autres qui se font royalement duper (François et Marthe). Si le thème de la folie m’a moins intéressée (et cette fameuse hérédité dont on ne peut absolument pas se défaire), le récit se tend comme un arc au fil des pages à travers les hypocrisies et mesquineries des habitants dans cette ville qui est un personnage à elle toute seule. Le roman finit en apothéose avec un superbe incendie dans lesquels périssent des personnages qu’on ne plaint pas du tout. Ou comment une petite ville provinciale voit sa soi-disant tranquillité éclaboussée... La dernière phrase mettant en scène la mort de Marthe, annonce la suite, La Faute de l’Abbé Mouret : « Puis, elle joignit les mains avec une épouvante indicible, elle expira, en apercevant, dans la clarté rouge, la soutane de Serge. »

Un petit tour à l'Église : « les veilleuses piquaient de leurs pointes d'or les profondeurs noires de l'église."

« L'été se passa. L'abbé Faujas ne semblait nullement pressé de tirer les bénéfices de sa popularité naissante. Il continua à s'enfermer chez les Mouret, heureux de la solitude du jardin, où il avait fini par descendre même dans la journée. Il lisait son bréviaire sous la tonnelle du fond, marchant lentement, la tête baissée, tout le long du mur de clôture. Parfois, il fermait le livre, il ralentissait encore le pas, comme absorbé dans une rêverie profonde ; et Mouret, qui l’épiait, finissait par être pris d'une impatience sourde, à voir, pendant des heures, cette figure noire, aller et venir, derrière ses arbres fruitiers. »

« Les plus fous ne sont pas ceux qu'on pense... Il n'y a pas de cervelle saine pour un médecin aliéniste... Le docteur vient de nous réciter là une page d'un livre sur la folie lucide, que j'ai lu, et qui est intéressant comme un roman.

LA CONQUETE DE PLASSANS | Librairie des Bauges - Commande en ligne    

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16 avril 2024 2 16 /04 /avril /2024 11:05

Mes mauvaises filles de Zelba

J’ai emprunté cette grosse BD sans savoir de quoi elle parlait.

Bri n’a plus que quelques heures à vivre. Hospitalisée à la suite d’une maladie pulmonaire qui l’a handicapée toute sa vie, elle a toujours dit à ses filles qu’elle ne voulait pas d’un acharnement thérapeutique. Yvla et et Liv, les deux sœurs, ont ainsi choisi un moment précis pour la mort de leur mère adorée mais les heures qui les séparent de ce rendez-vous morbide ne sont faites que de doutes, de souvenirs, de pleurs. Elles occupent ensemble la chambre de leur mère. Lorsqu’elles doivent enlever le masque à oxygène et augmenter la morphine, accompagnées d’un médecin qui finalement réalise ces actes, douze longues minutes de souffrance s’écoulent encore jusqu’à la mort effective de la mère. La vie, évidemment, poursuit son cours après la mort de la mère qui reste présente à la manière d’une ombre bienveillante. Le père se remarie, Liv semble avoir rencontré l’amour, Yvla accouche de son deuxième enfant... et le souvenir de cette mère formidable reste toujours dans leur esprit.

Quelle claque ! Moi qui ai vécu les derniers jours de vie de mon père, j’ai évidemment pleuré lors de la lecture de certaines planches (qui pourrait rester indifférent ? ) C’est sans détours ni concessions que l’autrice évoque un thème encore tabou et complexe, s’inspirant de son propre vécu puisqu’elle a perdu sa mère en 2006 et qu’elle a décidé d’entreprendre cette BD le jour même de la mort de Vincent Lambert, en 2019. L’histoire exprime de manière très juste l’évolution des sentiments, allant de la culpabilité à la certitude de bien faire, en passant par les tiraillements du doute. La complicité entre les deux sœurs est remarquable et ce trio de femmes m’a profondément émue. La mère, d’une santé fragile toute sa vie, a toujours ménagé et épargné ses filles et la BD souhaite qu’elle continue à les accompagner en douceur même après sa mort. Si le thème évoqué est éprouvant, je souhaite faire de cette lecture un coup de cœur parce que c’est une réussite à tous points de vue, les dessins  - variés - m’ont autant plus que le scénario avec ses dialogues tantôt drôles, tantôt graves ; c’est un sujet essentiel qu’on devrait évoquer dans les familles. Une belle postface évoque l’affaire ô combien douloureuse et tumultueuse de Vincent Lambert.

« 12 minutes à suffoquer sur son lit de mort... c’est simplement inadmissible. Ces 12 minutes-là ont duré une éternité. C’était barbare. Bestial. Non ! Pas bestial. On ne laisserait pas une bête crever ainsi. Si le professeur Keller avait eu le droit de lui injecter un produit qui l’endorme et arrête son cœur, elle serait partie en douceur. »

Mes mauvaises filles de Zelba

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13 avril 2024 6 13 /04 /avril /2024 14:02

Fureurs : un podcast à écouter en ligne | France Culture

     -     Saison 1     -

France Culture est décidément devenu mon vivier favori en matière de podcasts.

A quelques jours de la Fête du Progrès, Thomas a été embauché pour un nouveau job : il sera gardien d’une forêt, dans une cabane isolée. Un type un peu bourru, Jacques, l’emmène à cette cabane et lui explique sa mission : ne laisser personne ni entrer ni sortir de la forêt. Thomas reçoit même un revolver pour se défendre, au cas où. Une fois seul, Thomas se rend compte de l’insolite de sa situation puisqu’il n’a absolument rien à faire. Une radio avec une seule fréquence lui est fournie : Lucie, une autre gardienne d’une cabane située quelques kilomètres plus loin communique avec lui. Elle est là depuis plusieurs mois mais le prédécesseur de Thomas a disparu au bout de quelques jours dans d’étranges circonstances. Tantôt enjouée, tantôt complètement flippante, Lucie deviendra la seule « amie » de Thomas. La nuit tombée, de mystérieuses lumières intriguent Thomas et le convainquent définitivement que son boulot est plus dangereux qu’il ne le pensait. Au village, une journaliste, Marie, enquête... et Ahmed, un homme exclu des autres habitants, lui raconte avoir vu une créature étrange et des phénomènes complètement irrationnels.

Récit fantastique qui tend vers la SF, ce podcast est particulièrement réussi grâce à la voix des acteurs mais aussi aux bruitages et à la musique qui tendent à créer une atmosphère inquiétante dès les premières minutes d’écoute. Il se trouve que je l’ai écouté en courant, seule, dans une forêt... frissons garantis (une méthode toute nouvelle pour courir plus vite !) L’intrigue, originale, tient la route et l’auditeur est très vite plongé dans cet univers dystopique effrayant où la nature n’a rien de rassurant, où un dirigeant diabolique mène son monde à la baguette. L'auteur se serait inspiré d'un conte écrit par Olga Tokarczuk. Il paraît qu’il y aura une suite, je m’en réjouis déjà !

5 épisodes de 25 à 27 minutes chacun.

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