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13 février 2025 4 13 /02 /février /2025 08:22

La nostalgie des sentiments de Hanni Münzer

La nostalgie des sentiments - Hanni Münzer

Un jeune couple d’amoureux, Laurenz et Anne-Marie Sadler, a dû reprendre la ferme familiale dans un village allemand, Petersdorf, près de la frontière polonaise. Nous sommes dans les années 20, Laurenz aurait préféré vivre de sa passion, la musique, sa femme se distingue aussi par son originalité, elle est intelligente, cultivée et cache un secret. Les ragots vont bon train dans ce village où tout le monde se connaît. Kathi naît en 1929, fillette vive, précoce et curieuse qui se met à adorer la nouvelle institutrice, Mlle Liebig, qui fait parler d’elle parce qu’elle est célibataire, porte un pantalon et se déplace à moto. Le national-socialisme prend de plus en plus d’ampleur, et... est-ce lié ? la maîtresse d’école si intéressante qui enseignait la physique en cachette à Kathi disparaît du jour au lendemain, laissant la place à un adorateur du Führer, autoritaire et stupide. Aux sept ans de Kathi, une petite sœur, Franzi, vient égayer le quotidien de sa soeur. Mais Franzi souffre d’une maladie invalidante : la sclérodermie, caractérisée par un durcissement des tissus externes et internes. Si Franzi bourdonne plus qu’elle ne parle, qu’elle chaparde des objets convoités, qu’elle aime fuguer, elle a un don avec les animaux et un sixième sens avec les humains. L’Allemagne déclare la guerre à la Pologne et la Seconde guerre mondiale se fera durement ressentir, même dans ce petit village allemand perdu.

Dans un roman dense et bavard, nous accompagnons cette famille très sympathique où Dorota, la cuisinière occupe une place importante, la grand-mère Charlotte acariâtre mais juste, une autre. Les parents s’aiment d’un amour fort et fusionnel même si Anne-Marie cache ce secret qui ne sera dévoilé que dans les dernières pages. Et puis il y a cette petite fée, Kathi, intelligence, perspicace, généreuse, combative. Avec un contexte spatio-temporel passionnant, (on n’est pas souvent du côté des Allemands dans les récits sur la 2e Guerre Mondiale), les ingrédients étaient réunis pour que j’apprécie ce gros roman (plus de 560 pages...), j'ai apprécié l'effort de recherches de l'autrice qui s'est également inspirée de l'histoire de sa propre famille, mais j’ai trouvé que l’intrigue patinait un peu trop souvent, que les acmés tombaient à plat alors qu’un suspens prenant aurait pu maintenir le lecteur pleinement éveillé. En outre, une traduction un peu maladroite m’a fait parfois lever les yeux au ciel. Avec certaines invraisemblances à la fin du roman, j’en suis arrivée à regretter cette lecture. Les lecteurs de Babelio qui ont mis la note de 4/5 liront la suite de cette saga... pas moi.

« Mlle Liebig lui offrit une autre règle importante pour sa vie future : il est parfois intelligent de cacher son intelligence. Seul l’idiot montre ce dont il est capable... »

« Écoute-moi, Franz, le coup Laurenz. Hitler n’oserait jamais ! S’il attaque la Pologne, les autres pays ne pourront plus se taire. L’Angleterre devra lui déclarer la guerre ! La France suivra. Et derrière ces deux pays, il y a les Etats-Unis d’Amérique. Sans oublier la Russie, qui s’intéresse aussi à la Pologne. Non, conclut-il avec force, Hitler n’osera pas. »

Je participe au challenge de Moka, Quatre saisons de pavés.

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9 février 2025 7 09 /02 /février /2025 15:58

Livre : Le silence des repentis écrit par Kimi Cunningham Grant - Buchet  Chastel

Cooper et sa fille de huit ans, Finch, vivent dans une cabane isolée dans les Appalaches. Seuls, depuis huit ans. Pourquoi ? La mère de Finch est décédée dans un accident de voiture et le père cache un lourd secret qui aurait pu lui enlever son bébé. Il a fui avec Finch se terrer. Le père procure l’essentiel vital à sa fille, il l’éduque du mieux qu’il peut et l’instruit mieux que ne le ferait la meilleure des écoles. Jack, un copain militaire, vient leur apporter des stocks de provisions une fois par an. Sauf que cette année-là, Jack ne vient pas. Cooper est bien obligé d’emmener sa fille faire les courses dans la ville la plus proche, de prendre le risque d’être découvert, de cacher une Finch de plus en plus désireuse de découvrir le monde. Il va se tisser, entre les rares personnages présents dans cette histoire, des liens particuliers et cruciaux pour la suite de l’intrigue, qu’il s’agisse du voisin un peu étrange et trop curieux ou de la sœur de Jack, venue à la rescousse.

Si l’écriture n’a rien de révolutionnaire (ça glisse un peu trop...), l’intrigue est prenante dès la première page, le duo de personnages fonctionne très bien, père et fille sont très attachants et c’est surtout un excellent page-turner ! Je m’attendais à un thriller haletant assez classique mais ce n’est ni le suspense ni la tension qui font la richesse de ce roman, plutôt les relations entre les personnages, les choix de vie, l’humanité. J’ai aimé la douceur et le réconfort qui se dégagent de cet environnement pourtant hostile, j’ai aimé la justesse du ton, l’authenticité des personnages, la subtile originalité qui fait qu’on s’éloigne du fameux « derrière les apparences, se cache un monstre... ».  Et puis il y a la nature, le grand air, la montagne. Pour le grand plaisir que j’ai pris à lire ces pages, j’en fais un coup de cœur. Un week-end hivernal comblé pour ma part grâce à cette lecture passionnante.

« Je sors de la cabane, tends l'oreille. Le calme est si parfait à cette période de l'année, maintenant que les rainettes et les grillons de l'été se sont tus. Ce soir, les nuages cachent le minuscule croissant de lune, ce qui assombrit la clairière et brouille ses contours. Je glisse mes pieds dans mes chaussures pour descendre les marches du perron. Je vais vérifier que rien ne trouble la paix du poulailler. Balaie lentement la nuit avec ma lampe torche, de gauche à droite. Rien. Je rentre, ferme les verrous de la porte et place la pelle sous la poignée. »

« Dans le règne animal, les créatures protègent leur progéniture de la façon la plus insensée qui soit. Elles s’interposent face aux dangers. Elles se battent, becs, ailes et ongles. »

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6 février 2025 4 06 /02 /février /2025 19:33

 

Monte-Cristo au 11·Avignon

Récit musical de la Compagnie La Volige

Résumer le célèbre roman d’Alexandre Dumas en 1h45 ? Tel est le pari réussi de cette troupe musicale et guillerette. Le conteur Nicolas Bonneau nous emmène dans cette histoire de vengeance ; avec simplicité et finesse, il revient sur les coups de chance d’Edmond Dantès, celui d’être le fiancé de la belle Mercedes, celui de devenir capitaine du Pharaon, le trois-mâts de marine marchande, celui d’être comblé, tout simplement. Il retrace sa chute aux Enfers avec pour responsables Danglars fou de jalousie, Fernand amoureux de Mercedes également, Villefort craignant pour sa notoriété et Caderousse, stupide et cupide. Et la renaissance en comte de Monte-Cristo, puissant et richissime, qui balaie d’un revers de manche tous ses anciens ennemis.

J’avoue avoir éprouvé quelques réticences avant le spectacle, avec ce genre « récit musical » ... je me suis trompée sur toute la ligne, la mise en scène originale et créative (j’ai adoré ce mur de cordes), le jeu des acteurs juste et varié, les musiques à la Ennio Morricone, tout m’a plu et je n’ai pas vu passer le temps. Du support vidéo aux divers instruments de musique en passant par une séance de doublage complètement burlesque (qui rend hommage aux différentes adaptations cinématographiques du roman), le spectacle enchante et surprend. Mention particulière à Fanny Chériaux (co-productrice) et à sa voix sublime qui a incarné un abbé Faria envoûtant. Ils ne sont que trois sur scène mais chacun est polyvalent et prestidigitateur. Que les spectateurs soient complètement vierges par rapport à la connaissance de l’histoire d’Edmond Dantès (encore qu’avec le succès du film de l’été dernier, ils doivent être rares) ou qu’ils soient fins connaisseurs de l’œuvre de Dumas, je crois que tout le monde y trouvera son compte. La troupe tourne encore au moins jusqu’au mois de mai, jetez un coup d’œil aux dates et n’hésitez pas.
Pour ma part, le spectacle m’a donné une furieuse envie de relire le roman (dévoré à 20 ans) !

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3 février 2025 1 03 /02 /février /2025 16:47

Quand j'ai froid - Valentine Choquet - Editions De La Gouttiere - Grand  format - Librairie Goulard Aix en Provence

                Louise, une jeune étudiante, mène, à Paris, une existence plutôt tristounette, solitaire et monotone. Un jour de neige, elle croise sa voisine, une vieille dame, Andrée, haute comme trois pommes, qui entame la conversation. Elle lui raconte ses hivers de petite fille, le patin à glace, la veste perdue et celle, beaucoup trop grande, prêtée par son père. D’autorité, elle l’emmène au marché de Noël du quartier, la sortant un peu de sa coquille.  Au fil des saisons, la jeune femme et l’aïeule vont sympathiser davantage, se voyant régulièrement, et les récits d’Andrée vont indirectement donner confiance à Louise qui va devenir plus sociable. Du Tour de France 1957 à la rencontre avec celui qui deviendra son mari, Andrée n’a pas la langue dans sa poche mais certains souvenirs se voilent d’une légère brume qui se fera plus opaque au fil des mois.

Malgré ses 210 planches, la BD se lit comme ces carnets qu’on feuillette à toute allure pour créer de minuscules films. Les dialogues sont quasi absents mais de jolis dessins tout en rondeur et en couleurs raconte le parcours de ces deux femmes, l’une va vers la vie, prend confiance en elle, l’autre décline petit à petit, laissant à sa nouvelle amie quelques bonnes doses de tendresse et d’assurance. C’est doux et subtil, feutré et touchant. « Une version améliorée de la tristesse » chanterait Peter Peter ou la vie qui s’en va doucement, sans faire de vacarme...

Une très belle première bande dessinée sur deux solitudes qui se rencontrent, d’une toute jeune autrice aux talents prometteurs.

Quand j'ai froid, bd chez Editions de la Gouttière de Choquet

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30 janvier 2025 4 30 /01 /janvier /2025 08:22

Livre : Le temps d'après écrit par Jean Hegland - Gallmeister

Dites-vous que Dans la forêt est mon roman fétiche que je classerais même Coup de cœur hors catégories de tous les temps... alors se voir offrir la suite du livre, ça émeut ! (Merci Tiphanie !)

Eva a accouché d’un petit garçon à la fin de Dans la forêt. Les deux sœurs ont élevé ce bébé appelé Burl et nous voilà quinze ans plus tard, au fin fond de la forêt, coupés du reste du monde. Burl et ses deux mères vivent dans une capane, dorment souvent à touche-touche, cohabitent avec les inhalants (les animaux) et les exhalants (les végétaux) dans une harmonie plutôt heureuse faite de chasse, de cuisine, de bricolage, de jeux, d’histoires racontées et inventées, de danses. Le soir du solstice d’été, c’est normalement la fête mais cette année-là, il est trop dangereux d’allumer le traditionnel feu de joie parce qu’il n’a pas plu depuis trop longtemps et que le risque d’incendie est grand. Le trio décide d’aller au sommet de la montagne et c’est là que Burl découvre, au loin, un feu. Il n’a désormais plus qu’une seule idée en tête : retrouver les humains qui en sont l’origine. Les brèves rencontres par le passé avec les autres hommes ne sont cependant pas les meilleurs souvenirs de Nell et Eva et rejoindre la plaine (et les hommes) devient source d’âpres discussions. Finalement, c’est Nell qui décide de partir à la découverte d’un monde dont les trois ignorent tout, vraiment tout...

Expliquer pourquoi on adore un roman n’est pas toujours chose aisée. J’ai retrouvé cette plume si particulière (et, avec tous ces néologismes, la traductrice a fait des merveilles !), vivante et colorée, avec cette impulsion primitive et viscérale qui va à l’essentiel comme les protagonistes de cette histoire absolument dingue. Le rapport à la nature prend encore davantage d’importance dans ce tome-là puisque les personnages ne vivent que par, pour et avec la nature. Il n’en demeure pas moins que cette question du manque de l’autre, de la curiosité de Burl pour les autres gens sonne d’une justesse évidente pour cet adolescent qui n’a jamais vu que ses deux mères. Des contacts, il va y en avoir, je ne vais rien dévoiler mais j’ai été étonnée, heurtée puis j’ai compris les choix judicieux de l’autrice.  Même si je garde ma préférence pour Dans la forêt, c’est une lecture qui donne le vertige, qui absorbe complètement, qui engloutit dans un espace-temps à la fois si loin et si proche de nous. Avec la réélection de Trump, elle a une saveur hélas ! très actuelle et un avertissement clair. Au-delà de l’aspect écologique, le roman réfléchit aussi sur l’éducation, l’humanité, la relation entre les humains, nos vrais besoins... et, ce qui ne gâche en rien le plaisir : les références littéraires sont nombreuses (amoureux de Tolkien, foncez !) Un roman – à part - qui m’accompagnera longtemps encore.

---     COUP DE CŒUR    ---

Quelques beaux néologismes : « découvercler la marmite, (...) le vent qui fait valsiller les flammes, (...) elle s’avançait dans le pré sombrissant, (...) on s’apprête à solider nos espoirs noutrois. »

« Au contraire, je trouve que c'est le monde dAavant qui était étrange, quand les gens mangeaient des choses qu'ils n'avaient jamais vues vivantes, qu'ils voyageaient en restant assis et pouvaient passer toute leur vie entassés dans des villes où il leur était impossible de toucher la Terre ou de voir les étoiles. Ou quand ils chiaient dans de l'eau et se servait de papier-arbre pour essuyer leur trou. J'ai été élevé dans une Forêt vivante avec des arbres et des étoiles et des histoires, qu'est-ce qu'il y a d'étrange à cela ? »

«  Je sais que mes mères vont me dire d'oublier mon intérêt pour les gens, de ne pas l'entretenir en essayant de sculpter un homme. Mais ce soir, au lieu de fabriquer quelque chose que le monde n'a jamais connu, à partir des dépouilles d'autres inhalants, je veux trouver tout l'humain caché dans cette branche. Ce soir, j'aime l'idée de fabriquer quelque chose que je n'ai jamais vu, mais que j'ai seulement été. Je me demande si fabriquer une créature qui a ma forme pourrait me rapprocher du fait que je suis un homme en devenir. Je me pose davantage de questions ces temps-ci sur ce que cela veut même dire être un homme, et à quel point le sens qu'on donne à ce mot est important. »

Et, contre toute attente, je participe au challenge SF de Sandrine qui souhaiterait qu'on lise une oeuvre de science-fiction par mois en  2025.

Objectif SF 2025

 

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27 janvier 2025 1 27 /01 /janvier /2025 17:20

Histoires comme ça - Texte intégral - Rudyard Kipling - Livre de Poche  Jeunesse - ebook (ePub) - Kléber Strasbourg

Pourquoi le chameau a-t-il une bosse ? Figurez-vous qu’à force de répéter « bof » à toutes les invitations à venir travailler faites par le djinn, l’Homme et les autres animaux l’entourant, ce mot « bof » s’est collé sur son dos. Condamné à vivre avec sa « boffe » (devenue « bosse » pour ne pas lui faire trop de peine), il travaille un peu plus. Le tatou, cet animal étrange, est en réalité un savant mélange d’une tortue et d’un hérisson, la tortue ayant appris à s’enrouler comme sa compagne et le hérisson ayant appris à nager comme la tortue. L’éléphant avait d’abord un petit nez court mais c’est parce qu’il a tenté de réchapper au crocodile qui le tire par son nez que l’appendice s’est allongé... et finalement, tous les éléphants voulurent obtenir la même trompe, tellement pratique pour filer des beignes autour de soi ou pour choper la nourriture plus facilement.

A travers douze nouvelles, l’auteur nous emporte dans un univers exotique où les animaux vivent leur petite vie, ayant rarement à faire aux hommes. Le point de départ de ce qui va souvent constituer une métamorphose, c’est un défaut : la paresse, l’orgueil, la curiosité, la maladresse, ... Mais même ces particularités rendent les personnages attachants car ils restent malicieux et inventifs. Un de mes textes préférés s’appelle « Comment le Rhinocéros eut cette peau » : un rhinocéros ayant volé le gâteau d’un Parsi, se retrouva puni : un jour de grosse chaleur, l’homme ôta ses vêtements et l’énorme mammifère sa peau. Pour se venger, le Parsi va coller les « vieilles miettes gratteuses de gâteau rassis et de raisins brûlés » sur la peau du rhinocéros. Cette nouvelle peau démange énormément, et depuis, « les rhinocéros ont tous la peau qui plisse et très mauvais caractère. » Ces contes explicatifs ont été un vrai plaisir de lecture inattendu, tant la plume de l’auteur se fait drôle, légère, poétique, intelligente et savoureuse. Je rechigne toujours à lire de la littérature jeunesse mais Kipling a su me satisfaire pleinement, m’emmenant dans son délire subtil et élégant. Je conseillerais tout de même d’accompagner la lecture d’un enfant de moins de douze ans.

C’est grâce au challenge Les Classiques c’est fantastique qui exigeait ce mois-ci que les personnages soient des animaux, que j’ai sorti ce livre de ma PAL. J’en connaissais des extraits mais je conseille sa lecture intégrale ! Et ce recueil de textes peut convenir également au challenge des Bonnes nouvelles de Je lis, je blogue.

Je me permets de rajouter que le roman idéal pour ce beau challenge est et restera le formidable Watership Down de Richard Adams.

Histoires comme ça de Rudyard Kipling
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24 janvier 2025 5 24 /01 /janvier /2025 18:39

ULYSSE & CYRANO | LIBRAIRIE BD 16

 

Il me tardait de lire cette BD assez impressionnante, 168 pages, une couverture épaisse, un grand format, bref, un temps de lecture presque équivalent à celui d’un roman.

D’un côté, Cyrano, chef cuisinier d’un trois étoiles qui, parce qu’il n’a pas eu le prix du meilleur cuisinier de France pète un plomb : il rentre dans son restaurant et y met le feu. On le retrouve quinze ans plus tard, en 1952, solitaire bougon mais toujours amoureux des bons produits de sa Bourgogne, isolé du reste des habitants de son village qui méprisent son geste... D’un autre côté, Ulysse, adolescent parigot préparant laborieusement son bac, fils du grand patron Ducerf, à la tête de la plus grande cimenterie de France. Ces deux-là vont se rencontrer : le père Ducerf exile son fils et sa femme en Bourgogne pour les éloigner d’un scandale de collaboration avec les Allemands pendant la guerre. Ulysse tombe sur Cyrano, ce gros bonhomme rustre et bon vivant qui lui fait découvrir sa cuisine... que le garçon adore d’emblée. En douce, il va devenir son commis avant de lui-même élaborer de bons petits plats pour se rendre compte qu’il est fait pour ça : devenir cuisinier. Mais le père Ducerf, autoritaire au possible, n’a qu’une idée en tête, faire de son fils le successeur de son immense entreprise. Entre héritage et vocation, Ulysse ne sait plus où donner de la tête mais la phrase fétiche de Cyrano, « in voluptas veritas », dans le plaisir, la vérité... résonne en lui.

Même si l’intrigue a des allures de comédie télé sympathique, elle est plus profonde qu’il n’y paraît : Ducerf a collaboré avec les Allemands, certes, mais avait-il vraiment le choix ? Si Cyrano a réduit en miettes son restaurant, c’est parce qu’il n’en pouvait plus de cette pression quotidienne rendue parfois insupportable avec un métier si prenant. La mère Ducerf est capable d’entendre les souhaits de son fils malgré l’étroit carcan imposé par son mari. On prend un plaisir fou à se plonger dans cette histoire qui aurait bien pu être découpée en plusieurs tomes (merci aux auteurs d’en avoir fait un one-shot). Il est aussi question de cuisine traditionnelle vs cuisine moderne, de liberté, d’autorité paternelle (Ducerf a encore un père qui est tout aussi odieux avec lui que lui l’est avec son fils !). Bref, comme les plats de Cyrano, les planches sont copieuses, colorées, vivantes, goûteuses, appétissantes. Malgré une fin prévisible, un engouement que j’aurais aimé plus franc (j’en attendais beaucoup) et quelques clichés, j’en fais un coup de cœur pour le plaisir de lecture (et de la bouffe, très très importante à mes yeux...)

« La cuisine, c’est comme le théâtre ! Chaque soir, tu remets le couvert. Et chaque soir, tu peux ruiner dix ans d’efforts... »

« Imagine que la cuisine, c’est comme une nouvelle langue pour toi. Je vais juste de donner les bases du vocabulaire, mais au moins tu sauras causer ! Et ce qui va compter, plus que tout, c’est : qu’est-ce que tu vas raconter ? Quelle émotion, qu’est-ce que tu vas mettre de toi, dans ton assiette ? »

Ulysse & Cyrano - 2203171472 | Cultura

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21 janvier 2025 2 21 /01 /janvier /2025 15:14

Livre : Les Rougon-Macquart. Vol. 2, Les Rougon-Macquart,, le livre de  Emile Zola - Seuil - 9782020007399

Je continue - mais alors très doucement – ma progression dans la lecture des Rougon-Macquart avec ce cinquième tome (j’en ai évidement déjà lu d’autres mais je tiens à l’ordre de parution).

Serge Mouret, fils de Marthe et François Mouret disparus dans un incendie dans La Conquête de Plassans, exerce son métier de prêtre dans le petit village des Artaud où les habitants sont tous plus ou moins cousins. Il a vraiment la foi mais se retrouve confronté à des villageois pas tellement pieux (une seule dévote au compteur), une gouvernante autoritaire et acariâtre, le frère Archangias ordurier et grossier ; heureusement qu’il a la Vierge Marie, l’idole de sa vie pour illuminer son cœur, ses jours et ses nuits... A la suite d’une sorte de crise mystique, il va faire un malaise et se retrouver au Paradou, une vaste propriété abandonnée dans un écrin de verdure où vivent un philosophe et sa fille adoptive, Albine. Cette dernière sera la seule présence humaine pour Serge, une présence de plus en plus douce et agréable, qui, en accord avec une Nature extrêmement généreuse et mystérieusement abondante, va devenir son idole, son objet de vénération, sa Vierge Marie ... et sa tentatrice. Surpris dans sa « faute », l’abbé va devoir retourner aux Artaud ; qui choisira-t-il alors, Dieu ou Albine ?

Chaque fois que j’entame un Zola je me demande pourquoi je lis autre chose... L’incipit m’a déjà complètement enchantée avec la bonne à tout faire de l’abbé, La Teuse, qui entreprend un grand nettoyage de l’église, avec les différentes postures de l’abbé, complètement obsédé par sa croyance, principalement par son culte à la Vierge Marie. La suite ne m’a pas déçue, cette incursion dans l’univers clérical avec un abbé d’abord pieux et complètement sincère, les habitants d’un bourg hypocrites et grossiers et ce revirement total dans l’univers magique du Paradou (si cet endroit existe, je veux y aller !!). L’abbé s’appelle simplement « Serge », il ne sait même plus qui est Dieu et son cœur ne bat plus que pour Albine. Nous voilà dans un fouillis luxueux et luxuriant laissé à l’état libre (l’urbex avant l’heure...), dans cet Eden, nos Adam et Eve, innocents au possible, vont découvrir la sensualité comme de petits animaux sauvages. D’une construction rigoureuse en trois parties (l’avant-Paradou, la vie au Paradou, l’après-Paradou), le roman gratte la religion de toutes les manières possibles notamment en forçant les traits de l'enthousiasme mystique de l’abbé ou de la monstruosité d’Archangias (qui porte bien son nom... et il déteste la Vierge parce que c’est une femme). J’ai souvent souri, je ne suis pas sûre que Zola voulait qu’on s’attache à ses personnages, la petite Désirée sort peut-être du lot avec son amour des animaux et sa naïveté touchante -qui peut cependant aller vers une cruauté candide. Si on connaît mal l’auteur, il vaut mieux ne pas commencer par cette œuvre dont les descriptions peuvent refroidir (je n’ai jamais vu autant de noms de fleurs inconnus : les agératums, les fraxinelles, les schizanthus, les phlox, ...) ainsi que l’onirisme du deuxième chapitre. Une lecture jouissive pour moi !

Première partie, l’abbé Mouret pendant une messe : « Et, se retournant devant l’autel, il continua, en baissant la voix. Vincent marmotta une longue phrase latine dans laquelle il se perdit. Ce fut alors que des flammes jaunes entrèrent par les fenêtres. Le soleil, à l'appel du prêtre, venait à la messe. Il éclaira de larges nappes dorées la muraille gauche, le confessionnal, l'autel de la Vierge, la grande horloge. Un craquement secoua le confessionnal ; la Mère de Dieu, dans une gloire, dans l'éblouissement de sa couronne et de son manteau d'or, sourit tendrement à l'Enfant Jésus de ses lèvres peintes ; l'horloge, réchauffée, battit l'heure à coups plus vifs. Il sembla que le soleil peuplait les bancs de poussière qui dansaient dans ses rayons. La petite église, l’étable blanchie, fut comme pleine d'une foule tiède. »

Deuxième partie, Serge dans le jardin : « Il naissait dans le soleil, dans ce bain pur de lumière qui l'inondait. Il naissait à vingt-cinq ans, les sens brusquement ouverts, ravi du grand ciel, de la terre heureuse, du prodige de l'horizon étalé autour de lui. Ce jardin, qu'il ignorait la veille, était une jouissance extraordinaire. Tout l'emplissait d'extase jusqu'aux brins d'herbe, jusqu'aux pierres des allées, jusqu'aux haleines qu'il ne voyait pas et qui lui passaient sur les joues. Son corps entier entrait dans la possession de ce bout de nature, l'embrassait de de ses membres ; ses lèvres le buvaient, ses narines le respiraient ; il l'emportait dans ses oreilles, il le cachait au fond de ses yeux. C'était à lui. »

Albine : « Dieu est une invention de méchanceté, une manière d’épouvanter les gens et de les faire pleurer... »

J’ai lu le roman dans cette vieille édition peu commode (deux colonnes par page) mais avec des notes et des tableaux intéressants.

Grâce à ses 512 pages, je participe au challenge de Moka, Quatre saisons de pavés.

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18 janvier 2025 6 18 /01 /janvier /2025 08:26

La mouche. Temps mort - George Langelaan - Librairie Mollat Bordeaux

Deux nouvelles, la première de 35 pages, la seconde de 56 pages, appartenant toutes deux au genre de la science-fiction.

« La Mouche » retrace le parcours d’un scientifique, Robert Browning, que l’on retrouve mort, au début de la nouvelle, écrasé par un énorme marteau-pilon actionné volontairement par son épouse, Anne. Cette dernière a été déclarée folle mais le narrateur est rapidement persuadé qu’elle est saine d’esprit et, en confiance, elle lui remet les confessions de feu son mari. Ayant mis au point une cabine de transmission qui permet de téléporter des objets et des êtres d’une pièce à l’autre, Browning, après un cendrier, un chat, un cobaye et un chien, décide de la tester sur lui-même mais une mouche s’est glissée dans la cabine avec lui. Résultat : il en ressort mi-homme mi-mouche avec une tête de chat (celui-ci avait disparu). La femme, épouvantée, décide de suivre la recommandation de le tuer. Mais une étrange mouche à tête blanche volette encore dans les parages...

Dans « Temps mort », il est question de relativité et du temps qui passe. Yvon Darnier accepte d’être cobaye : après une injection, il se retrouve bloqué dans une sorte d'autre dimension, dans un Paris où lui seul est encore vivant, entouré d’êtres encore chauds mais morts, figés dans le temps. Lorsqu’il se passe un mois pour lui, il ne s’agit que d’une minute dans l’espace-temps de son monde initial. Il met par écrit tout ce qu’il vit et voit, finit par constater que ce monde figé ne l’est pas tant que ça puisqu’il bouge de quelques millimètres en ce qui constitue pour lui des mois. Il va revenir à la « vraie » vie mais dans quel état...

... Ou quand l’adaptation cinématographique éclipse complètement la nouvelle qui l’a inspirée ! En effet, qui connaît Georges Langelaan, agent secret passionné de sciences et d’histoire ? Il est étonnant de savoir qu’un texte aussi court a pu donner lieu à au moins trois films (que je ne pense pas avoir vus). En non-adepte de la science-fiction, j’ai vraiment beaucoup aimé ces deux nouvelles et davantage « Temps mort » que j’ai trouvé à la fois passionnant et intéressant. Le personnage évolue dans un Paris figé, il se promène dans les Galeries Lafayette, l’Opéra, le long de la Seine ou encore les Grands Magasins du Louvre, touche des vendeuses et serveurs statufiés en pleine action, mange la nourriture laissée dans les assiettes et toujours restée chaude, il avance dans un monde silencieux où seul un gong retentit régulièrement. Cette solitude au milieu d’une foule inerte a de quoi fasciner et j’ai trouvé que l’écriture rendait l’histoire aussi captivante qu’effrayante.

         Une belle découverte pour un livre qui traînait depuis longtemps dans ma PAL et que je n’aurais peut-être pas sorti sans le challenge Bonnes nouvelles de Je lis, je blogue dédié aux nouvelles.

Récit de la femme de Browning dans la « Mouche » : « Jamais je ne pourrai effacer l'image de cette tête de cauchemar, cette tête blanche, velue, au crâne plat, aux oreilles de chat, mais dont les yeux auraient été recouverts par deux plaques brunes, grandes comme des assiettes et remontant jusqu'aux oreilles pointues. Rose et palpitant, le museau était aussi celui d'un chat, mais à la place de la bouche était une fente verticale garnie de longs poils roux et doux et d’où pendait une sorte de trompe noire et velue qui s'évasait en forme de trompette. »

« Temps mort » : « Sauf accident, je pourrais survivre encore un bon moment, tel un nouveau Robinson Crusoé égaré dans le cœur de Paris, capable de voir et de toucher des millions de gens et pourtant complètement seuls au monde, sans même un perroquet ou une chèvre, peut-être même sans un seul microbe pour m'aider à tomber malade et à mourir. Combien de temps pourrais-je supporter de vivre dans le silence effrayant de cet immense musée Grévin ? Je préférai ne pas y penser et je laissai mon esprit s'occuper de ce qui pouvait et devait être fait. »

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15 janvier 2025 3 15 /01 /janvier /2025 09:42

Spy x family Tome 2

Eh oui, j’ai poursuivi cette série (du moins pour un tome supplémentaire) ...

Twilight, alias Loid Forger, espion chargé de maintenir la paix dans le pays, sa « fausse » femme Yor, tueuse professionnelle, et leur « fausse » fille, l’incroyable Anya, capable de lire dans les pensées des autres, vivent ensemble tant bien que mal. Anya a été intégrée dans la prestigieuse école Eden qui devrait permettre un rapprochement avec Damien, le fils de Donovan Desmond, un homme politique susceptible de déclencher une guerre. Mais il y a deux problèmes : Anya est d’emblée entrée en conflit avec le petit Damien, un gamin prétentieux et désagréable ; et elle n’est pas aussi bonne élève qu’il le faudrait. En effet, il s’agit pour elle d’intégrer l’élite de l’école afin d’approcher Desmond et donc, de briller, d’être la meilleure mais, malgré ses pouvoirs, elle reste une petite fille qui aime s’amuser, aller à la piscine et regarder la télé, ce que Loid a du mal à comprendre...

J’ai encore une fois aimé me plonger dans ces histoires d’espionnage (j’adore ça, pourquoi je ne lis pas plus de romans d’espionnage ?) avec des personnages attachants et complexes, ni vraiment bons ni vraiment mauvais, et je trouve que c’est une vraie lecture divertissante (testée en période de stress, ça coupe directement) et captivante. C’est assez drôle de voir le meilleur des espions, Loid, s’évertuer à faire faire les devoirs à sa « fille » et à essayer de trouver des méthodes efficaces d’apprentissage. Malgré tout, je crois que je suis encore un peu perturbée par le format manga : j’aimerais des couleurs, des pages plus grandes, ... Mais si je ne lis pas la suite, ce sera en grande partie à cause de l’état déplorable des livres de ma bibliothèque, ils sont crasseux et collants (je n’ose imaginer l’ado dans sa toute-puissance lire le manga en buvant du coca et en mangeant des Haribo... ô Cliché, tu as encore de belles heures devant toi 😊!) Une série parfaite pour découvrir le genre du manga.

 

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