Elle est comédienne de doublage, mariée à un imprimeur et mère d’une grande ado. Un jour, le coup de fil d’un flic lui apprend qu’elle doit venir au plus vite au Havre, un homme mort a été découvert sur la plage, il a été impossible de l’identifier mais il portait sur lui un ticket de cinéma avec son numéro de téléphone à elle. Aller au Havre signifie pour la narratrice revenir dans la ville grise et froide où elle a grandi, où elle a connu son premier amour, la ville qu’elle a quittée pour ne plus jamais y retourner. L’interrogatoire au commissariat se solde par un échec puisqu’elle ne reconnaît pas le cadavre des photos. Lors de ce séjour qui fait comme une parenthèse dans sa vie, elle va errer dans cette ville à la fois connue et lointaine, amie et hostile.
De nombreux passages ainsi que l’ambiance générale empreinte de flottements, de souvenirs, d’hésitations, de balades portuaires, d’introspection, de murs de béton, de rencontres fugaces m’ont vraiment plu, je crois que je n’étais pas loin du coup de cœur. Le livre est porté par une écriture magnifique, que ce soit avec de longues phrases envoûtantes et poétiques, que ce soit avec une brièveté qui fait mouche. Evidemment, vous me voyez venir, il y a un « mais ». C’est l’ensemble qui m’a paru décousu, tels des morceaux séparés d’un patchwork, j’attendais en vain qu’on les unisse, qu’on tisse de vrais liens entre eux pour qu’ils soient moins solitaires et abandonnés à eux-mêmes. Un sentiment d’inachevé confirmé par la fin qui m’a laissée perplexe... Peut-être que le titre (très judicieusement trouvé) annonçait déjà ce flux et ce reflux. Mis à part ces bémols, la ville du Havre prend une telle place, se fait si belle malgré sa laideur, tellement attirante malgré la répulsion qu’elle pourrait susciter que je ne peux que conseiller cette lecture. Il me tarde de lire d’autres titres de cette autrice, je cueillerai vos conseils avec plaisir.
Je n'ai lu que Réparer les vivants de l'autrice.
« (...) la plage du Havre est populaire, elle est portuaire et municipale, les familles descendent en cortège depuis les quartiers du plateau, elles vont à la mer, elles vont à la cabane, les enfants ont la bouée autour du ventre, ils courent sans attendre vers le clapot, au risque de se perdre dans la foule puisque à marée basse, s'il fait soleil, c'est une multitude qui envahit l'estran, des milliers de corps se floutent dans la brume de chaleur, la clameur monte une nappe suave et bourdonneuse, et ce bruit-là est bien l'un de ceux que je préfère, celui qui dit la turbulence et l'allégresse, la récréation et les joies premières, la révélation de la peau, la rencontre du sable qui déconcerte, évoque la soie et rappelle la boue, d'autant que ces jours-là la hiérarchie sociale se dénude et se couche, elle se met à plat, et ce n'est pas qu'elle soit abattue pour de bon, non, faut quand même pas rêver, mais elle perd toute verticalité, elle s'étale des plus modestes côté digue aux plus cossues côté cap, partage du sensible, échantillon réparti d'est en ouest selon des revenus croissants, quand c'est bien un même cordon de galets sur lequel on se pose, et qui fait mal au cul. »
Si je n'avais pas débarqué avec un mois de retard, j'aurais pu participer au challenge citadin d'Ingannmic. :)