Nous sommes aux Pays-Bas. Ils sont trois frères : les jumeaux Klaas et Kees16 ans et Gerson, 13 ans. Leur mère a disparu quelques années auparavant, ils savent seulement qu’elle est en Italie, elle envoie parfois des cartes postales avec quelques mots épars. Leur père, Gerard, vit tant bien que mal cette situation, il élève au mieux les garçons et cache difficilement son chagrin. Le Jack Russell, Daan, est l’ami fidèle de Gerson. Un accident de voiture va briser cet équilibre familial. Gerson, après quelques jours de coma, se retrouve complètement aveugle, sans espoir de guérison. Evidemment contrarié de tout ce qu’il ne peut plus voir, qu’il ne peut plus faire, il se confronte à la bienveillance et aux conseils de son entourage.
Il y a dans le début de ce texte une simplicité qui frise le burlesque : ces hommes vivant seuls avec la mère absente en tête, les quelques soucis d’intendance, la gestion bancale et maladroite du père qui met un point d’honneur à suivre son rituel de lavage de voiture « couleur morve », tout cela amène le lecteur à sourire avec tendresse. L’accident survient avec sa part de gravité et de grandeur, les frères vont tisser de nouveaux liens, le malheur du petit ne trouvera plus qu’une maigre réponse dans la présence du chien et l’impuissance de tous se fait émouvante. Tout en pudeur et en retenue, ce n’est pas un roman donneur de leçons qui fait de beaux discours mais qui ouvre discrètement et subtilement la porte d’une maison où une tragédie – comme il en arrive tant – a pris la première place. Et les sujets comme la résilience, l’habitude de la souffrance, le temps qui passe et qui devrait guérir sont mis à mal. D’une implacable justesse, l’auteur pose ses personnages et surtout ce Gerson (il lui donne régulièrement la parole), dans une impossible résignation. Le dénouement flirte avec le sublime. Un texte à lire, sans aucun doute !
Roman repéré chez Sacha, Keisha, Alex, Eva, entre autres... nous sommes toutes d’accord sur ses qualités.
L’accident : « Personne n’a rien vu, ça nous a pris au dépourvu. Nous riions et, quelques secondes plus tard, nous ne riions plus. »
« S’habituer. Si ce n’est qu’une question de temps, alors c’est comme la croûte qui se forme sur les écorchures. A la fin, il vous reste au maximum un petit bout de peau d’une autre couleur. A cause de teinte différente, vous savez qu’un jour il s’est passé quelque chose mais la teinte en elle-même a disparu, engloutie par la peau saine, engloutie par le temps. »
Gerson : « Quand je rêve, je vois. Mes rêves s’en moquent que je sois devenu aveugle. Je me demande comment ça se passe chez les aveugles de naissance. »