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11 janvier 2025 6 11 /01 /janvier /2025 05:02

Frapper l'épopée de Alice Zeniter - Editions Flammarion

Tass, une jeune femme professeure de français, retourne sur son île, la Nouvelle-Calédonie, à la suite d’une rupture amoureuse. De toute façon, elle ne s’est jamais sentie complètement chez elle en métropole et n’a jamais su l’expliquer à son ex-compagnon. Dans l’une de ses classes, elle est intriguée par des jumeaux kanaks, Célestin et Pénélope, qui affichent un tatouage lié à un mouvement indépendantiste. Le jour où ils ne viennent plus au lycée, elle mène l’enquête, ce qui la conduira à en apprendre davantage sur l’histoire complexe de son île et sur des rebelles pacifiques néanmoins déterminés.

Entre roman et documentaire, Alice Zeniter semble vouloir offrir aux lecteurs un aperçu assez détaillé de ce qu’est la Nouvelle-Calédonie. Faune, flore, climat, parfums, géographie, gastronomie, habitants, tout y passe, et ça ne m’a pas du tout déplu, moi qui n’y connaissais pas grand-chose. Elle fouille son sujet à fond, donnant une image complexe et subtile de l’île et de ses problématiques. Mais je trouve qu’une insistance trop importante a été faite sur ce mouvement indépendantiste qui prône l’« empathie violente », l’intrigue même du roman s’est éloignée avec ses personnages pourtant intéressants et certains passages m’ont un peu perdue. J’ai aimé découvrir les coutumes et les traditions de « la Nouvelle » : les maisons emboucanées (ensorcelées) qu’on peut désemboucaner, les mettre à l’abri du mauvais sort ; le kava, cette décoction amère qu’on sirote pour s’enivrer dans un nakamal (lieu de rencontre), les cyclones que chacun appréhende à sa manière, les cagous (de gros oiseaux qui ne volent pas), les méliphages (sortes de corbeaux), ces adorables margouillats qui entrent dans les maisons... Pour conclure, ça a été pour moi un roman intéressant sans être captivant. J'ai nettement préféré L'Art de perdre.

(pour l’anecdote, du limoncello a été renversé sur la couverture de ce livre lors d’une escapade à Bruxelles... malheureusement, le livre n’en a pas gardé l’odeur !)

« La place des Cocotiers ressemble à un album pour enfants sur lequel on aurait collé, avec un plaisir féroce et sans minutie, toutes les gommettes disponibles. Les taches de couleur des parasols et des barnums sont rondes, carrées, bleues, vertes, rouges, pointues ou arrondies. Il faut y ajouter les stands protégés uniquement par un drap tendu, ceux hérissés d'une ombrelle ou d'un parapluie qui tient comme il peut sur un sommet branlant, et les tables qui étalent leur chalandise directement sous le soleil du matin. Taches de couleur partout, aveuglantes et disparates dans la lumière un peu grise. Des grille-pains côtoient des lampes sans abat-jour, des petits altères fluo écrasent des chaussures de randonnée, des tomes d'encyclopédie désuets s’élèvent en muraille à côté d'une carafe, des bijoux de pacotille sont exposés sur une table à langer. »

« Être kanak, dit FidR, c’est savoir ce qui est juste, ce qu’est l’honneur, et être capable de l’emporter dans un autre endroit si quelqu’un le menace ou le gâte. »

Les principes du mouvement indépendantiste : « créer chez les Blancs un sentiment de dépossession, troubler l’évidence du chez-soi, limer la confiance qu’ils ont dans leur statut de propriétaire. »

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7 janvier 2025 2 07 /01 /janvier /2025 11:37

La dame au petit chien et autres nouvelles - Anton Tchekhov - Folio - Poche  - Librairie Gallimard Paris

C’est le beau challenge Bonnes nouvelles de Je lis, je blogue dédié aux nouvelles, novellas et autres textes courts qui m’a incitée à (enfin) sortir ce recueil de ma PAL. Je n’en suis pas mécontente.

D’emblée, on apprend dans la préface que l’auteur n’a pas été capable - de toute sa vie -  de tomber amoureux (le pauvre), et c’est peut-être pour combler cette frustration qu’il a fait de l’amour et des femmes le fil conducteur de ces quinze nouvelles. Qui sont-elles ? Une pharmacienne qui, comme Madame Bovary, est si avide de nouvelles rencontres ; la cliente d’une grande mercerie qui avoue ne pouvoir se défaire d’un étudiant aussi charmant que toxique ; la jolie Zinotchka qui en voudra à vie au petit garçon qui l’a dénoncée à ses parents pour un baiser volé ; Mlle X, si fière d’être riche et de haut rang qu’elle manquera l’amour de sa vie ; deux beautés si tristement belles ; la femme qui pense que son adultère est un péché de Dieu qui a tué son mari ; une riche héritière qui ne sait pas à qui offrir les roubles qu’elle a gagnés lors d’un procès et qui se demande ensuite (entre copines) pourquoi il est devenu si difficile de se marier ; une « Dame au petit chien » devenue la maîtresse d’un homme qui lui sera impossible de voir autant qu’elle le souhaiterait.

On se plonge très rapidement dans un univers teinté tantôt de malice et d’espièglerie tantôt d’une certaine mélancolie avec des personnages généralement maladroitement touchants, délicieusement imparfaits. J’ai beaucoup aimé la nouvelle « La Princesse » : une riche princesse passe un court séjour dans un monastère où elle aime se faire dorloter, toute contente d’elle et de sa vie, elle croise le Dr Ivanovitch qui était auparavant à son service ; après quelques hésitations il ouvre son cœur : elle a été une maîtresse égoïste, hautaine, hypocrite, mauvaise avec ses domestiques et imbue de sa personne. Passent quelques heures où la princesse semble réfléchir à tous ces reproches, et le lendemain là revoilà guillerette et satisfaite de sa propre personne. C’est quand même étonnant de se dire qu’un grand écrivain n’a écrit que sur les femmes... ou alors, est-ce pour cette raison qu’il est un grand écrivain 😊 J’ai donc apprécié ce recueil de nouvelles (avec un intérêt qui n’a pas toujours été le même d’une nouvelle à l’autre), on voyage dans un pays qui donne envie d’être découvert (malgré le contexte actuel).

« Il faut croire que la haine n'est pas aussi sujette à l'oubli que l'amour...»

« Dans les villes toute l’éducation et toute l’instruction que reçoivent les femmes se ramènent à en faire des êtres mi-humains mi-animaux, c’est-à-dire des êtres qui plaisent au mâle et savent le conquérir. »

Challenge Bonnes nouvelles 2025 (crédit photo : Library of Congress via Unsplash)

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4 janvier 2025 6 04 /01 /janvier /2025 09:28

Mon Refuge - Jen Wang - Akileos - Grand format - Librairie le Chat Pitre  FECAMP

Ash était auparavant une fille mais, à quinze ans, fille/garçon, elle ne veut pas choisir et iel a décidé qu’on l’appellerait désormais ainsi. Ash se sent différent-e des autres, plus touché-e que ses parents par la disparition de son cher grand-père, Edwin, plus préoccupé-e par la crise climatique que les jeunes de son âge. Aussi Ash a-t-iel décidé de retrouver et de retaper la cabane de son grand-père, perdue au milieu de la forêt, sans personne pour l’accompagner mis à part son chien, Chase. Ash a suivi des tutos sur internet, iel a lu des livres pour savoir comment survivre en forêt, seul-e : reconnaître les plantes, savoir les utiliser, protéger ses provisions, fabriquer des pièges à rongeurs, baliser son chemin, ... mais Ash va se retrouver confronté-e à des difficultés : une indigestion, un chien qui dévore la nourriture mal cachée, une rencontre inattendue mais finalement bienheureuse et surtout, un immense incendie. Iel va tout raconter dans son journal avec, pour ambition finale, d’écrire un livre.

J’ai fait l’effort de rédiger le résumé avec l’écriture inclusive mais je crois que ce n’est pas l’essentiel de ce bel album graphique. J’ai aimé ce contact au plus près de la nature, j’ai aimé que ce ne soit pas le manichéisme qui l’emporte, (non la nature n’est pas seulement un havre de paix bénéfique et ressourçant), j’aimé la relation entre le maître et le chien, pas si évidente ni si facile que cela, j’ai aimé qu’Ash, fort-e de cette expérience, retourne avec plus de douceur dans le monde civilisé. J’ai aimé ces dessins tout en douceur et en rondeur réalisés au Bic (les précisions techniques sont données en début d’ouvrage), j’ai aimé ce personnage entre deux sexes si fort, si courageux mais aussi tellement humble et fragile dans sa solitude qu’il recherche et déteste à la fois. J’ai aimé cet album qui ne tombe pas dans le piège du manichéisme, j’ai aimé cet inexplicable petit quelque chose en plus. Un récit initiatique réussi et dans l’air du temps.

« Si quelque chose te fait peur, dis-le au feu. Et le feu va consumer ta peur. »

« Jour 26. Un seul poisson. C'est pas la meilleure récolte, mais c'est déjà ça. Peut-être que je pourrais fabriquer plusieurs pièges pour multiplier mes chances ? »

« Jour 37. Joyeux 16 ans à moi !  J'ai commencé ma journée avec un thé d'armoise et des biscuits au sarrasin. Je me suis accordé un jour (quasiment) de congés sur mes projets et j'ai économisé pour avoir de la nourriture que j'ai cueillie. Mais j'ai quand même dû aller chercher un peu de nourriture. Je suis allé-e dans mon coin à laitue pour prendre de la salade et un peu plus de fenouil. J'ai vérifié le piège à poissons. J'ai pêché à la canne pour essayer d'attraper quelque chose de plus gros. »

 

Jen Wang semble être assez connue pour son précédent ouvrage, Le Prince et la Couturière, qui a reçu le Fauve Jeunesse à Angoulême en 2019.

Mon Refuge

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1 janvier 2025 3 01 /01 /janvier /2025 01:06

109 400+ 2025 Photos, taleaux et images libre de droits - iStock

2024 fut, sur le plan personnel, une belle année mais lente au démarrage et parfois tristounette comme la météo (qui était quand même, chez moi en tous cas, humide à pleurer du 1er au dernier jour). Côté lectures, j’ai la nette certitude d’avoir moins lu, en fin d’année à cause d’un boulot vraiment trop prenant ☹ mais les premiers mois sans que je parvienne à me l’expliquer. J’essaye de me faire à l’idée qu’on peut passer une journée sans lire plus de quatre pages (c’est dur, quand même !)

Assez de blablas, mon traditionnel bilan du blog avec mes coups de cœur :

 

 

  • Théâtre : pas véritablement de coup de cœur mais de nombreuses belles découvertes dont Les Téméraires de Julien Delpech et Alexandre Foulon et surtout une pièce – LA pièce enfin dégotée pour un projet personnel qui me tient tellement à cœur. J’en reparlerai peut-être ici.

 

 

 

Pas de souhaits particuliers ni de résolutions pour 2025, l’actualité m’effraie suffisamment pour que j’espère simplement que la situation ne se dégrade pas encore davantage.

Cela ne m’empêche pas de vous souhaiter une très

✨✨✨BELLE ANNÉE 2025✨✨✨

et de vous remercier pour vos visites, souriantes et gratifiantes.

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28 décembre 2024 6 28 /12 /décembre /2024 17:58

Les terres animales

Après mon coup de cœur pour Ce qu’il faut de nuit, je voulais poursuivre ma découverte de l’auteur, j’ai donc emprunté ce roman sans rien savoir de plus.

Un « club des cinq » plutôt original : deux couples, Sarah et le narrateur, Lorna et Marc et puis Alessandro. Ils ont choisi de rester vivre sur ces terres hostiles et contaminées depuis une certaine catastrophe... Il leur faut se munir d’une combinaison et d’un masque pour sortir, faire leurs provisions en glanant de la nourriture dans les villages alentours, désertés par les autres depuis fort longtemps. La cohabitation entraîne inévitablement des chamboulements dans les relations mais un équilibre a, à peu près été trouvé, jusqu’au jour où Sarah se retrouve enceinte...

Je ne m’attendais pas à lire un roman post-apocalyptique à la Cormac McCarthy ou à la Sandrine Collette, j’ai donc mis un petit moment à me détacher de ces références (sans y arriver jamais...) sachant qu’en outre, c’est loin d’être mon genre de prédilection. L’atmosphère s’installe rapidement dès les premières pages avec ces êtres qui errent, seuls avec quelques Ouzbeks qui restent aussi dans cette zone éminemment toxique et qui abattent les drones de surveillance qui survolent la région. Ils sont donc complètement livrés à eux-mêmes et l’arrivée d’un bébé cause autant de joies que d’inquiétudes, et redistribue encore une fois les cartes des liens entre les cinq. Si on peut citer les nombreuses qualités de ce roman aux chapitres courts : l’alternance des points de vue, la beauté et l’efficacité de l’écriture de Petitmangin, les contrastes entre l’humanité et l’environnement devenu nocif, ... certains passages m’ont paru incohérents et (je spoile) cette question « Pourquoi sont-ils donc restés ici ? » ne trouve jamais de vraie réponse concrète. Je pense aussi que la fin est un peu bâclée et vite liquidée. Dommage que mon sentiment dominant soit la perplexité. Même le titre et la couverture ne me paraissent pas appropriés. Une déception, donc.

« On est dans l’après. Je crois qu’on y est finalement plus à l’aise. Davantage que dans tout ce qui a précédé la catastrophe. Notre pacte de Faust, comme me l’a dit un jour Lorna, la quasi-certitude de finir nos jours plus tôt que la moyenne (quasi, car il y en a pour continuer à croire en leur bonne étoile) contre des vacances perpétuelles. Et, contre l’absence totale de sécurité et le devoir de se protéger en permanence, ce temps libre qu’on scinde à l’envi, dans des kyrielles d’heures essentielles. Etrange sentiment. On ne se rue pas sur ce temps, on ne le brûle pas, alors qu’on le pourrait, on respecte la vie, sans exagération, en s’offrant seulement des parenthèses comme aujourd’hui. »

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24 décembre 2024 2 24 /12 /décembre /2024 10:53

Pas de neige (il n’y en a eu que trois flocons), pas de chalets décorés (je n’ai pas eu le temps de faire des marchés de Noël), pas de lutin farceur (quelle mode devenue virale !) mais des chats : Comète ci-dessous, notre gros matou et la petite Tokyo très facétieuse qui prend un malin plaisir à dégommer les décorations de Noël quand on a le dos tourné.

Je vous souhaite un doux et joyeux Noël !

 

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20 décembre 2024 5 20 /12 /décembre /2024 18:28

 Terrasses | Actes Sud

- Ou notre long baiser si longtemps retardé - 

Laurent Gaudé rend hommage aux victimes directes ou collatérales de ce vendredi 13 novembre à Paris où les attentats ont ravagé insouciance et bonheur, ont tué et blessé. Une soirée bien douce pour un mois de novembre, propice à boire un verre en terrasse. Les premiers tirs ne ratent pas leur cible choisie tellement au hasard, les secours arrivent effarés devant une telle boucherie, les blessés et les morts sont évacués puis il faut nettoyer les lieux du carnage : Laurent Gaudé n’omet personne dans ce déroulé méthodique des faits. Les proches des victimes ne sont pas oubliées, ceux qui appellent des dizaines de fois un portable qui ne répondra plus, les secouristes et les médecins sont évoqués également, ceux qui doivent « trier par gravité », ceux qui n’ont jamais vu de telles horreurs malgré leur expérience. Laurent Gaudé donne même la parole aux morts, ces êtres qui étaient là, à rire, à s’aimer, à se séduire, à se retrouver, à trinquer, et qui d’une seconde à l’autre, sont passés du côté de la Mort.

Ce n’est pas une lecture agréable à l’approche des fêtes de Noël. Ce n’est pas une lecture agréable quelque que soit la période de l’année. Elle remue des souvenirs et place en exergue les souffrances des protagonistes qu’ils soient réels ou fictifs. La plume de Laurent Gaudé a cela d’impeccable qu’elle trouve le mot juste, n’en dit ni trop ni pas assez. C’est le terrible Hasard qui choisit ses victimes même si celui ou celle qui a touché de près ou de loin ce tragique événement en ressortira irrémédiablement changé. A l’instar de ces guerres dont il faut entretenir la mémoire, il faut parler et reparler sans cesse de ces attentats qui ont meurtri la France et heurté à tout jamais tant de personnes, Laurent Gaudé le fait admirablement bien, tout en retenue et en pudeur. Parce qu’il donne la parole à ceux qui ne sont plus, le texte devient lumineux et humaniste, empli d’un amour et d’une tendresse pour tout un chacun, distillant une beauté incroyable.

« Toi, oui. L’autre, pas. A une seconde près, un centimètre près. Avoir de la chance ou pas. »

« Le peuple des blessés est immense. En premier marchent les victimes. Mais la foule est nombreuse derrière elles. Il y a ceux qui étaient dans l'immeuble d'en face et ont vu des gens courir et mourir. Ils auront peur désormais. Il y a ceux qui resteront hantés par une image, qui feront des cauchemars récurrents. Ceux qui vivent à Paris et chez qui une inquiétude nouvelle s'est déposée. Comme à chaque attaque. C'est la mémoire du sang, la mémoire de ces minutes de terreur où nos vies deviennent fragiles. La rue des Rosiers. L’attentat de la rue de Rennes. Celui de la station Port-Royal. Du métro Saint-Michel. De Charlie et de l’Hyper Cacher. Nous portons la mémoire de ces coups, de ces cris, de ces vies emportées. »

De Laurent Gaudé : Ouragan, Cris, La Porte des Enfers, Le Soleil des Scorta, Chien 51, Grand menteur, La mort du roi Tsongor, Eldorado, Salina

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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 12:16

La maison de la plage (Grand format - Broché 2019), de Séverine Vidal,  Victor Pinel | Marabout

Julie, une Parisienne, revient pour cet été encore dans la maison familiale située en bord de mer, en Loire Atlantique. Ces vacances ont un goût particulier puisqu’enceinte, elle doit faire le deuil du père du bébé et, comme si le malheur n’arrivait jamais seul, l’oncle Albert voudrait récupérer sa part de la maison que les trois frères seraient donc susceptibles de devoir vendre. Mais la famille est plus soudée qu’il n’y paraît, Julie peut compter sur sa cousine, son frère et également sur de vieux amis du village. Reste que cette maison est importante et précieuse avec son arbre au milieu du jardin, ses nombreuses pièces, la chambre où il était interdit de toucher au vieux papier peint jaune avec des motifs de montgolfières. Serait-ce le dernier été passé dans cette vaste demeure ?

J’aime les contrastes et là, j’ai été servie puisque cette BD m’a occupée une petite partie de soirée lorsqu’assise sur mon canapé, devant mon feu de cheminée, je devinais la neige tomber dehors et le froid cingler. Comme pour la superbe série Les Beaux étés, cet album nous transporte en vacances, à la plage, dans différentes époques (de 1960 à 2018), on fait des barbecues et on prend des bains de minuit, on fait la grasse mat’ et on se concentre pour faire le plus beau château de sable du monde, bref, la vraie vie (ce n’est pas que je n’aime pas l’hiver... je déteste l’hiver !) Les dessins pastel tendent vers cette atmosphère de douceur touchante, la maison se transmet d’une famille à l’autre, plus que des murs, elle est un amas de souvenirs et a gardé les traces des gens qu’on a aimés. Moi qui ne suis pas matérialiste, j’ai été gagnée par cette émotion de l’héritage immobilier, j’ai aimé les personnages autant que cette Maison des Trémières où il me plairait bien de séjourner.

J'ai déjà lu Vidal : Les Pays d'Amir et Pinel : Puisqu'il faut des hommes.

 

La maison de la plage - cartonné - Séverine Vidal, Victor Lorenzo Pinel -  Achat Livre | fnac

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13 décembre 2024 5 13 /12 /décembre /2024 10:38

L'Illusion du mal - Piergiorgio Pulixi - Éditions Gallmeister

J’avais tellement adoré L’île des âmes du même auteur que je savais que j’allais continuer ma découverte.

En Sardaigne, on retrouve les deux inspectrices de choc, l’Irlandaise Eva Croce, au look négligé, meurtrie dans son passé et à tout jamais - excellente flic, et Mara Reis, élégante au possible, non moins compétente. Tout les oppose et il semblerait qu’elles se détestent mais un homme vient les rejoindre : Vito Strega, criminologue de renom et tristement célèbre pour avoir tué un collègue. Le trio doit enquêter sur l’enlèvement d’un pédophile, son ravisseur a offert ses dents arrachées à sa première victime, en demandant, via les réseaux sociaux, à tous de voter pour ou contre sa condamnation à mort. Les crimes commis par celui qui sera surnommé le « Dentiste » répondent aux failles même de la justice sarde. Là où les juges ont échoué, le Dentiste sanctionne ceux qui l’ont apparemment mérité... Et ce Dentiste devient une vraie vedette, déclenchant la passion des Italiens.

Dans ce polar dense de presque 600 pages, on poursuit un justicier qui veut régler les comptes de criminels non jugés ou mal jugés. Forcément romanesque, cette intrigue monopolise des policiers au caractère et au passé marqués. Le charisme et la musculature de Vito (une sorte de mec parfait, il faut bien le dire...) va émoustiller Mara et quelque peu modifier la donne dans les relations entre les enquêteurs. Eva n’est pas en reste, elle vit toujours dangereusement, happée par l’idée de mort depuis qu’elle a perdu sa fille. Le secret de Pulixi ? un rythme effréné rendu possible par de nombreux chapitres courts, des dialogues vifs et des personnages colorés. J’ai adoré ce page-turner et cette réflexion sur la justice à travers ce vengeur masqué,  mais j’ai perçu quelques minuscules défauts, des petits clichés qui se promenaient deci delà ... rien de bien grave mais qui m’empêchent d’aller jusqu’au « coup de cœur ». Les rebondissements et les surprises m’ont comblée et je continuerai à lire cet auteur. J’étais en manque de polars, cette lecture a tout à fait rempli sa mission.

Lisez quand même - avant tout - l’excellentissime Ile des âmes.

Le beau Vito Strega : « Il sortir de la piscine à contrecœur. Epaules carrées. Un mètre quatre-vingt-quinze de muscles raffermis par la natation, innervés de veines pulsant après l’effort. Cheveux noirs crépus coupés très court. Quelques centimètres de barbe soigneusement taillée, à peine saupoudrée de gris au menton. Visage osseux, aux traits réguliers et anguleux. Peau mate qui suggérait une ascendance caribéenne plutôt qu’italienne. »

« La haine est comme un orchestre. Elle a besoin de quelqu’un qui la dirige, qui fait monter la tension et la cadence, pour laisser ensuite exploser toute son impétuosité dans une chevauchée majestueuse. Mais tu sais quel est l’aspect de la haine qui me fascine le plus ? J’aime sa manière d’effacer les distances sociales... »

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9 décembre 2024 1 09 /12 /décembre /2024 18:41

Jour de ressac - Maylis de Kerangal - Gallimard - ebook (ePub) - Librairie  Privat TOULOUSE

Elle est comédienne de doublage, mariée à un imprimeur et mère d’une grande ado. Un jour, le coup de fil d’un flic lui apprend qu’elle doit venir au plus vite au Havre, un homme mort a été découvert sur la plage, il a été impossible de l’identifier mais il portait sur lui un ticket de cinéma avec son numéro de téléphone à elle. Aller au Havre signifie pour la narratrice revenir dans la ville grise et froide où elle a grandi, où elle a connu son premier amour, la ville qu’elle a quittée pour ne plus jamais y retourner. L’interrogatoire au commissariat se solde par un échec puisqu’elle ne reconnaît pas le cadavre des photos. Lors de ce séjour qui fait comme une parenthèse dans sa vie, elle va errer dans cette ville à la fois connue et lointaine, amie et hostile.

De nombreux passages ainsi que l’ambiance générale empreinte de flottements, de souvenirs, d’hésitations, de balades portuaires, d’introspection, de murs de béton, de rencontres fugaces m’ont vraiment plu, je crois que je n’étais pas loin du coup de cœur. Le livre est porté par une écriture magnifique, que ce soit avec de longues phrases envoûtantes et poétiques, que ce soit avec une brièveté qui fait mouche. Evidemment, vous me voyez venir, il y a un « mais ». C’est l’ensemble qui m’a paru décousu, tels des morceaux séparés d’un patchwork, j’attendais en vain qu’on les unisse, qu’on tisse de vrais liens entre eux pour qu’ils soient moins solitaires et abandonnés à eux-mêmes. Un sentiment d’inachevé confirmé par la fin qui m’a laissée perplexe... Peut-être que le titre (très judicieusement trouvé) annonçait déjà ce flux et ce reflux. Mis à part ces bémols, la ville du Havre prend une telle place, se fait si belle malgré sa laideur, tellement attirante malgré la répulsion qu’elle pourrait susciter que je ne peux que conseiller cette lecture. Il me tarde de lire d’autres titres de cette autrice, je cueillerai vos conseils avec plaisir.

Je n'ai lu que Réparer les vivants de l'autrice.

«  (...) la plage du Havre est populaire, elle est portuaire et municipale, les familles descendent en cortège depuis les quartiers du plateau, elles vont à la mer, elles vont à la cabane, les enfants ont la bouée autour du ventre, ils courent sans attendre vers le clapot, au risque de se perdre dans la foule puisque à marée basse, s'il fait soleil, c'est une multitude qui envahit l'estran, des milliers de corps se floutent dans la brume de chaleur, la clameur monte une nappe suave et bourdonneuse, et ce bruit-là est bien l'un de ceux que je préfère, celui qui dit la turbulence et l'allégresse, la récréation et les joies premières, la révélation de la peau, la rencontre du sable qui déconcerte, évoque la soie et rappelle la boue, d'autant que ces jours-là la hiérarchie sociale se dénude et se couche, elle se met à plat, et ce n'est pas qu'elle soit abattue pour de bon, non, faut quand même pas rêver, mais elle perd toute verticalité, elle s'étale des plus modestes côté digue aux plus cossues côté cap, partage du sensible, échantillon réparti d'est en ouest selon des revenus croissants, quand c'est bien un même cordon de galets sur lequel on se pose, et qui fait mal au cul. »

 

Si je n'avais pas débarqué avec un mois de retard, j'aurais pu participer au challenge citadin d'Ingannmic. :)

 

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