Un cargo de marchandises en direction des Antilles avec à son bord une commandante et des hommes d’équipage qui, ce jour-là, obtiennent gain de cause : une belle pause leur est accordée, une baignade en pleine mer. Le moteur est coupé, la commandante seule garde le bateau, les hommes s’étonnent de prendre du bon temps. Cette parenthèse va avoir des retentissements importants pour la suite du voyage. Le nombre de marins ne colle pas avec les données de départ, la météo se révèle bien étrange et exceptionnelle et un halo de mystère entoure hommes et bateau.
En général, je choisis un livre pour son auteur ou parce que j’en ai lu du bien. Je démarre la lecture sans rien savoir de son contenu, sans jamais lire la quatrième de couverture. Ici, l’incipit fait mouche, tout de suite ; il m’a profondément touchée dès les premières lignes sur cette femme commandante de bateau dans cette immensité marine. La belle plume de l’autrice nous emporte instantanément dans de exquis abysses. Avec un charme fou, elle nous permet de côtoyer cet équipage où chacun reste anonyme, plongés que nous sommes dans cette étendue aquatique avec, pour seul point d’ancrage, cet immense cargo devenu bête. En peu de mots, la magie s’installe comme lorsque le second pose un petit galet lisse - cet objet venu de la terre - sur une carte, et en fait une « île ronde, rassurante, inhabitée. Une petite île de poche, mais immense par rapport à l’échelle de la carte, un continent nouveau. » Le lecteur se sent sans cesse délicieusement bousculé alors qu’il pense être dans un univers confortable, une tension apparaît et lorsqu’il croit que le drame ou le fantastique va surgir, c’est une ode à l’humanité qui est offerte avec délicatesse. Un condensé de poésie et de beauté et une œuvre impeccable à la fois pour sa forme et pour son contenu. Je reviendrai vers cette autrice qui est aussi dramaturge.
Un très beau COUP DE CŒUR !
« Ils commencent donc par là. Par la suspension. Ils mettent, pour la toute première fois, les deux pieds dans l'océan. Se glissent dans l'eau. À des milliers de kilomètres de toute plage. Personne ne le saura jamais, mais c'est maintenant qu'ils naissent, de l'air vers l'eau, expulsés volontaires de leur condition verticale et de leur âge. L'espace d'une seconde ils renversent l'ordre des choses. Peut-être que quelque part des oiseaux prennent leur envol à l'envers ou qu’une rivière, d'un coup, remonte à sa source : voilà ce qu'ils pressentent, en vrac, et chacun dans sa langue. »
« Elle sait qu’on n’est pas toujours les bienvenus sur le dos des océans, qu’on ne peut pas impunément s’agripper à leur crinière. »