Dans ce très court roman, l’auteur évoque son père, les carences affectives qu’il a subies pendant son enfance et son adolescence, la misère et la pauvreté culturelle de son milieu, la dureté de son père. A travers des souvenirs datés, il revient sur ses frustrations, ses manques, l’absence de reconnaissance paternelle. Ainsi, quand il avait improvisé un spectacle avec quelques autres enfants à même pas dix ans, il a vu son père tourner la tête pour ne pas le voir. Un père qui avait honte des attitudes féminines de son fils, qui a provoqué la violence dans un univers déjà violent. Un père qui, finalement, se retrouve seul et infirme après une vie pénible d’ouvrier.
On peut nettement diviser cette harangue en deux parties : la première, pas vraiment étonnante ou novatrice pour celui qui a lu Pour en finir avec Eddy Bellegueule, une sorte d’attaque en règle contre un père peu présent, incapable de faire preuve d’affection ou de soutien. La seconde partie fustige les politiciens au pouvoir, ceux qui ont, successivement, supprimé les aides sociales et, par conséquent, l’estime de soi du père d’Edouard Louis (Sarkozy, Chirac, Hirsch, Macron, etc.) Ces deux parties m’ont paru trop contradictoires pour être crédibles : la défense après l’attaque, la soi-disant reconversion du père, l’apitoiement du fils, je n’y ai pas adhéré. Je veux bien croire en la souffrance du fils, à qui on n’a jamais donné suffisamment d’amour mais ce virage politique des dernières pages m’a laissée pantoise. En outre, il faut bien admettre que ce discours de 85 pages, lu en même pas une heure, manque finalement de consistance. J’espère au moins qu’il aura eu ses vertus thérapeutiques pour l’auteur.
« Je voudrais essayer de formuler quelque chose : quand j'y pense aujourd'hui, j'ai le sentiment que ton existence a été, malgré toi, et justement contre toi, une existence négative. Tu n'as pas eu d'argent, tu n'as pas pu étudier, tu n'as pas pu voyager, tu n'as pas pu réaliser tes rêves. Il n'y a dans le langage presque que des négations pour exprimer ta vie. »
Absolument d'accord avec cette remarque et pourtant ce sont eux qui ne vont pas voter :
Une année, la prime de rentrée augmente de presque cent euros : « Chez ceux qui ont tout, je n’ai jamais vu de famille aller voir la mer pour fêter une décision politique, parce que pour eux la politique ne change presque rien. Je m’en suis rendu compte, quand je suis allé vivre à Paris, loin de toi : les dominants peuvent se plaindre d’un gouvernement de gauche, ils peuvent se plaindre d’un gouvernement de droite, mais un gouvernement ne leur cause jamais de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. La politique ne change pas leur vie, ou si peu. Ça aussi c’est étrange, c’est eux qui font la politique alors que la politique n’a presque aucun effet sur leur vie. Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’était vivre ou mourir. »