On connaît le visage de George Takei (même moi qui suis une piètre cinéphile) pour avoir interprété le rôle du lieutenant Sulu dans Star Trek. Il raconte ici son enfance et, par la même occasion, un pan de l’histoire nippo-américaine sans doute trop vite oublié.
Quand George est un petit garçon et qu’il vit paisiblement avec ses parents et ses frères et sœur à Los Angeles où il est né, toute la famille se voit sommée de quitter la maison. Ils seront tous transférés dans un premier temps dans les écuries d’un hippodrome. Pourquoi ? ils sont d’origine japonaise (mais les enfants sont tous nés sur le sol américain) et les forces navales nippones viennent d’attaquer Pearl Harbor en ce mois de décembre 1941. Ordre est donner d’arrêter tous les immigrés japonais. Après un séjour dans les écuries, la famille est menée dans l’Arkansas, au camp d’internement de Rohwer. 33 blocs, des miradors, des barbelés et jusqu’à 8500 Nippo-Américains entassés dans des baraques à la chaleur insupportable et aux cloisons archi fines. La famille de George s’est adaptée comme elle a pu, la mère a emporté avec elle sa machine à coudre pour fabriquer des vêtements décents, le père a été désigné « chef de bloc », une sorte de médiateur entre les différentes générations qui a permis à des familles entières de gagner un peu de dignité. George a grandi là, émerveillé par la neige, par une escapade en dehors du camp pour voir des animaux de la ferme, plus tard par des films projetés au réfectoire. C’est seulement en mars 1946 que la famille parvient à quitter le camp, à rejoindre Los Angeles pour d’abord vivre dans un hôtel infect. Un racisme antinippon perdure et le petit George doit subir des injustices provenant de sa maîtresse d’école. Il grandit et arrive à bout d’études de théâtre avant de faire la carrière qu’on lui connaît.
On appelle Issei ceux qui avaient quitté le Japon pour s’installer aux Etats-Unis, Nisei, leurs enfants nés en Amérique et Sansei, les enfants de Nisei. Tous étaient « punis » de la même manière injuste et tyrannique. Les amalgames me laissent encore une fois sceptiques : comment en vouloir à des Japonais nés en Amérique pour une guerre déclenchée à des milliers de kilomètres ? C’est de la bêtise à l’état pur. Tant mieux si la notoriété internationale de l’acteur a permis de faire connaître ces événements historiques dont les Etats-Unis n’ont pas à être fiers. J’ai beaucoup aimé cette lecture intéressante, les longues discussions après le dîner entre le père et le fils m’ont beaucoup touchée, c’est ce qui a permis à George de devenir l’homme qu’il est. Les dessins sont à la fois originaux tout en restant simples. C’est à lire !
La mère de famille tente d’agrémenter le voyage vers le camp : « J’ai des souvenirs émus de son merveilleux sac de friandises, qui a fait de ce voyage un périple inoubliable. Elle avait généreusement truffé son petit sac de voyage de cadeaux pour nous. Contribuant à forger deux expériences diamétralement opposées : la première, une aventure pleine de découverte et la seconde, un trajet angoissant vers un inconnu terrifiant. »