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23 octobre 2022 7 23 /10 /octobre /2022 09:57

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L400xH544/arton28625-dfa3a.jpg?1663875476

En 1940, le journal belge Le Soir est « emboché », c’est-à-dire que des collabo ont pris le pouvoir et le journal, devenu le Soir volé, a perdu toutes libertés et prône les nombreux bienfaits de l’occupation allemande. En 1943, un petit groupe de résistants journalistes décide de publier clandestinement un « Faux Soir », un pastiche du journal nazi. Il faut trouver des rédacteurs, des imprimeurs, du papier, des coursiers, jouer avec le temps, le Faux doit paraître avant le vrai… Cette course contre la montre s’avère un vrai succès puisqu’en novembre 1943, 50000 exemplaires ont pu être distribués dans les kiosques bruxellois et en province. Les lecteurs rient dans les rues, le journal à la main, découvrant les parodies des auteurs, les moqueries visant les Allemands. Malheureusement, la plupart des responsables de cette vaste blague se retrouveront arrêtés et, pour certains, exécutés.

J’ignorais tout de cet épisode historique qui est une belle démonstration d’audace et de bravoure de la part d’un groupe de résistants. Paraît-il qu’en Belgique, l’histoire est bien connue de tous, tant mieux. Un va-et-vient entre présent et passé permet de suivre les réflexions des trois auteurs à l’origine de cet album. Un fac-similé accompagne la BD, j’avoue que je n’ai pas compris toutes les allusions et subtilités du pastiche mais rien que les petites annonces sont drôles « Mari trompé, rondouillard, millionnaire, disposant loisirs, désire épouser Miss, pour alibi. Ecrire Degrelle, dit Boubouroche, Katastrofenstrasse, Berlin. » ou : « Peau de l’U.R.S.S. vendue trop tôt, toujours disponible, chez A. Hitler, Blitzkriegsallee, Berchtesgaden. »

J’avais déjà pu apprécier les dessins de Durieux lors de la lecture des Gens honnêtes ou d’Appelle-moi Ferdinand.

Le Faux Soir - (Christian Durieux / Denis Lapière / Daniel Couvreur) -  Documentaire-Encyclopédie [BDNET.COM]

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19 octobre 2022 3 19 /10 /octobre /2022 10:34

Juste avant l'oubli de Alice Zeniter - Editions Flammarion

J’avais tellement aimé L’Art de se perdre que je m’étais fait la promesse de lire encore cette autrice.

Franck est infirmier et vit avec Emilie, une professeure qui a décidé de faire une thèse sur un auteur de polars réputé, Galwin Donnell, disparu en 1985 au large d’une île écossaise, Mirhalay. Sa mort est une énigme, le corps n’a jamais été retrouvé, on le soupçonne de s’être volontairement jeté à la mer. Emilie vient donc participer aux Journées d’études internationales et Franck la rejoint sur l’île où se trouvent déjà une dizaine d’autres conférenciers. Ce séjour sera l’occasion d’aviver la jalousie de Franck mais aussi de creuser l’écart entre les amoureux ; Emilie se rapproche d’un autre conférencier très charismatique, Emilie veut passer deux années à Cambridge, Emilie ne veut pas encore de l’enfant que lui réclame son compagnon… Bref, Franck noie son chagrin dans l’alcool et dans des balades improbables avec Jock, le gardien de l’île.

J’ai bien aimé me plonger dans cette ambiance un peu dixpetitsnègresques (oui, oui…) où le huis clos - cette petite île hostile - permet au mystère de prendre toute sa place entre deux groupes de personnes : Franck et son nouveau pote le gardien et les conférenciers qui ont leur jargon, leur langue, leu univers à eux, complètement gagas de ce Galwin Donnell. Le huis clos exacerbe aussi les tensions et les émotions, on assiste ainsi à une histoire d’amour qui se termine… Evidemment, le roman n’a absolument rien à voir avec L’Art de se perdre mais je l’ai trouvé très agréable et le fait que l’île et le romancier sortent de l’imagination de l’autrice ne m’a pas dérangée. Elle pousse le bouchon jusqu’à citer très souvent des extraits des romans de cet auteur. C’est bien fichu, joliment écrit aussi et mystérieux ; j’ai lu des avis mitigés voire négatifs, je ne les suis pas du tout. Transparaît déjà ici la belle plume de l’autrice, maligne et délicate.

Ce roman a obtenu le prix Renaudot des lycéens 2015, Alice Zeniter n’avait même pas encore 30 ans.

« Donnell existait auprès d’Emilie comme une excroissance littéraire, ou plutôt comme un membre fantôme que personne ne pouvait voir mais donc elle sentait la présence, les démangeaisons. Lorsqu’elle se couchait près de Franck, elle apportait Donnell dans le lit – « avec eux », pensait-elle, « entre eux », aurait-il dit. »

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15 octobre 2022 6 15 /10 /octobre /2022 17:06

Et rester vivant - Livre de Jean-Philippe Blondel

Je fais partie de celles/ceux qui ont découvert cet auteur tardivement. Parmi mes précédentes lectures, c’est La mise à nu que j’avais préférée.

Le narrateur a tout perdu. Ado, son frère et sa mère sont morts dans un accident de voiture. Maintenant, à 22 ans, il vient d’apprendre le décès de son père avec qui il n’était plus très lié, certes, mais il devient alors l’héritier, le seul survivant de la famille. Il accède aussi à une liberté totale, celle de ne plus rendre de compte à personne. Il en profite pour foutre le camp, aller aux Etats-Unis avec ses deux meilleurs amis, Laure qui est son ex, et Samuel qui est devenu l’amoureux de Laure. Autant dire que rien n’est stable, tout est mouvant dans cette existence qui semble devenue bancale et périlleuse. Les trois jeunes voyagent aux USA au petit bonheur la chance : Los Angeles, le Grand Canyon, Las Vegas et même le Mexique. Le narrateur se lie d’une amitié fugace avec Rose, 50 ans, une gérante d’un petit hôtel perdu. Puis il veut à tout prix rejoindre Morro Bay, en Californie, l’endroit évoqué dans sa chanson préférée, celle de Lloyd Cole.

Un petit bonheur de lecture. Court mais dense, c’est un concentré tonique et percutant où il est question de résilience, d’apprentissage de la vie, de renaissance, d’amitié. Ou quand celui qui se retrouve seul, vraiment seul, se demande pourquoi il est encore là et quelle est sa tâche à part « rester vivant ».  Les phrases sont courtes, l’auteur va à l’essentiel et ça fait mouche. Je n’ai pas réussi à savoir quelle est la part exacte d’autobiographie dans ce texte d’une belle sensibilité mais on s’en fout, on s’y reconnaîtra tous, à se demander quels peuvent être les différents sens de la vie, pourquoi certains meurent si tôt, pourquoi d'autres restent. Un beau roman à mettre entre toutes les mains.

« Je peux faire de moi ce que je veux. Salto arrière. Flip. Lune.

Je ne rends plus de compte à personne. »

 

« Une liberté radicale.

C’est rare.

C’est cher.

C’est terriblement cher. »

 

« J’emporte Rose et ses cinquante ans. Elle garde ici l'idée de mes vingt-deux ans tandis que de l'autre côté de l'Atlantique, je voyagerai ma vie entière avec elle, sans qu’elle vieillisse jamais. Même quand elle mourra, elle continuera de se mouvoir en moi. »

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12 octobre 2022 3 12 /10 /octobre /2022 17:59

Guacamole vaudou , bd chez Seuil de Judor, Fabcaro

Vu les noms des auteurs, on pense savoir à quoi s’attendre… c’est pire en réalité !

                Une agence de pub perdue quelque part dans les années 80. Les meilleurs côtoient les winners et les forces vives de l’entreprise… sauf un. Stéphane Chabert est un looser, on se moque de lui, on l’exclut, on l’insulte, il ne donne que des idées pourries, il mange seul à la cantine, vit seul, se fait rejeter par celle qu’il aime, Marie-Françoise, la préposée aux photocopies. Quand il découvre une petite annonce pour « un week-end découverte vaudou » qui promet de régler ses problèmes et de changer sa vie, il n’hésite pas une seconde. Après des rencontres avec des gens plus cinglés les uns que les autres, le gourou réussit effectivement à ensorceler Stéphane grâce à un mot de passe étonnant : « Guacamole ». A partir de ce jour, tout change : Stéphane devient populaire, adulé, célèbre. Il gravit les échelons dans son entreprise, multiplie les conquêtes et finit par briguer le poste de Président de la République, oui, rien que ça, toujours grâce à son mantra « Guacamole ». Mais ce secret sera découvert et alors…

Soyons totalement sincère, c’est con, totalement et profondément con de la première à la dernière page. Le support du roman-photo renforce la stupidité naïvement imbécile (ne craignons pas les pléonasmes, l’album le vaut bien) des personnages, de l’intrigue, des dialogues.  Des êtres perruqués avancent dans un monde psychédélique et surfait où les pensées et les idées sont creuses, abyssalement creuses. Cette surenchère de conneries fait pourtant sourire, voire rire. Eh oui, tout arrive dans ce bas monde. Je ne vais pas dire que c’est un livre indispensable dans votre bibliothèque (la couverture risque un peu de jurer) mais j’ai passé un bon moment après une grosse semaine de boulot. J’en profite pour avouer un plaisir coupable : j’étais une fan absolue des « Mots d’Eric et Ramzy » (fin des années 90), on peut encore trouver certaines vidéos. Bien absurde, comme j’aime !

Merci à Soukee de m’avoir rappelé ce titre, elle me comprend, elle 😊

Après avoir pris Véronique pour maîtresse, Stéphane pense qu’il vaut mieux - il la quitte : « Tu sais, Véroni, la vie est insaisissable, elle est faite de mille choses… Parfois c’est un cheval fou dans le menu best of des sentiments, et puis le lendemain c’est une tente Quechua en banlieue de Strasbourg… Mes nouvelles responsabilités de Master boss managing winner force me laissent peu de temps, Véroni, je suis désolé… »

Guacamole Vaudou - broché - Fabrice Caro, Eric Judor - Achat Livre ou ebook  | fnac

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9 octobre 2022 7 09 /10 /octobre /2022 04:14

Les envolés - Etienne Kern - Gallimard - Grand format - Librairie Gallimard  PARIS

Dans les années 1910, Franz Reichelt est tailleur pour dames. Un de ses amis, Antonio Fernandez, est tailleur lui aussi mais a déjà le regard et le cœur tournés vers ce qui deviendra sa passion : l’aviation. Malheureusement son aéroplane s’écrase au premier essai, il meurt sur le coup. Pour rendre hommage à son copain, pour donner un sens à sa vie, Franz va lui aussi se lancer dans l’aviation : il va imaginer un costume-parachute qu’il ne va tester que de rares fois, sur un mannequin, du haut d’une grange. Il croit en lui, il aimerait séduire la veuve d’Antonio et s’envoler… Il choisit la Tour Eiffel, le 4 février 1912 : il monte au premier étage et grimpe sur la rambarde, hésite longtemps avant de sauter dans le vide et … de s’écraser au sol.

Cette biographie romancée a quelque chose d’aérien, comme le sujet qu’elle évoque, cette évanescence perturbe un peu au début mais finalement tous les morceaux du puzzle de l’intrigue, des intrigues, s’emboîtent pour former un récit assez original et marquant. J’ignorais tout de cet aventurier raté mais j’ai visionné trois fois sa tentative d’envol à la tour Eiffel. Etienne Kern l’utilise comme noyau dur de son roman, il s’adresse à Franz quand il raconte. On y retrouve l’esprit des toutes premières images que nous offre le cinéma : quelque chose de beau, de saccadé, de burlesque, de naïf et d’un peu flou. J’ai un petit regret : l’auteur a glissé quelques pages de sa vie, des tragédies qu’il a vécues et qu’il veut relier à cette anecdote de 1912 ; il le fait de manière trop brève et trop fugace. J’aurais aimé y trouver plus de profondeur. Ce roman reste à lire pour la mise en lumière de ce héros raté de la Belle Epoque.

Goncourt du Premier Roman 2022 (je ne vous dis pas que j’ai choisi le livre parce qu’il est né dans la même ville que moi…)

« J’aimais cette idée : te donner la parole. Dans la vidéo, on ne t'entend pas. Le film préserve le visage, l’allure, le sourire, l'assurance bonhomme avec laquelle tu te présentes à la caméra, la peur même, quand tout ton corps se cabre au-dessus du vide, mais il te condamne au silence. »

« Tu es tous ceux qui sont tombés. Tu es ceux qu'on a perdus. Tu es cette évidence qui suffit à me rendre le jour un peu plus beau et le soir un peu plus triste, cette évidence que mes mots ne font qu'attester, cette évidence que dit chacune des images où demeure quelque chose de leur présence et se retrouve leur visage familier, aimé, envolé : ils ont été. »

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5 octobre 2022 3 05 /10 /octobre /2022 17:03

Contours du jour qui vient de Léonora Miano - Grand Format - Livre - Decitre

Dans un pays africain imaginaire, Mboasu, Musango est chassée de la maison familiale sous prétexte qu’elle est une sorcière. Elle n’a que neuf ans et s’écarte d’une mère tortionnaire qui n’a fait que la battre et l’humilier depuis sa naissance. Orpheline d’un père aimant, Musango commence un périple qui lui fera rencontrer les adeptes de l’« Eglise d’éveil », une sorte de secte  - qui n’est qu’une arnaque spirituelle qui a pour objectifs véritables la traite des femmes et la prostitution. D’autres rencontres émailleront son parcours pendant les trois années suivantes : une « mangeuse d’âmes », une grand-mère aimante ou encore des femmes qui veulent « faire l’Europe ». Mais Musango n’a de cesse de rechercher sa mère, cet être qu’elle aime tant et qui la hait. Cette quête se fera dans une atroce souffrance qui finira tout de même par aboutir.

C’est un roman difficile et exigent qui apporte une vision pessimiste de l’Afrique et met en lumière deux catégories de victimes : les femmes et les enfants dans un monde où le patriarcat cisaille le peu d’amour restant. Une Afrique où des parents démunis utilisent le prétexte d’avoir un enfant sorcier et malfaisant pour le mettre à la porte. Oui, c’est dur et l’espoir n’est qu’un pâle filet même s’il apparaît à la fin et qu’il permet de souffler un peu avant de fermer le roman. L’écriture de Léonora Miano est une écriture que j’ai envie de qualifier de capiteuse et d’astringente. Elle ne laissera personne indifférent. Sans concession, elle secoue et traîne le lecteur dans une Afrique impitoyable, misogyne et cruelle qui ne laisse la vie sauve et belle qu’aux hommes malhonnêtes. La noirceur y est « érigée en principe inébranlable » et rares sont les lueurs d’optimisme. J’ai aimé découvrir cette plume à part, j’y reviendrai mais j’ai besoin d’une pause.

« Nous n’aimons rien autant qu’éteindre toutes les lumières, afin de ne laisser brûler que les brasiers qui nous consument de notre vivant, faisant du lendemain une impossibilité. »

Musango, à sa mère : « Je saurai m’aimer sans que tu m’y aides. »

« chaque fois que la mélancolie me quitte, je suis heureuse. Le bonheur va et vient. On ne peut pas l’emprisonner. C’est un grand voyageur. »

« Je me réveille à l'heure où la nuit tient la rampe pour monter sur les planches, comme une prima donna tonitruante et autoritaire, afin d'en déloger le jour qui a épuisé le temps imparti à ses péroraisons. Le moment est venu maintenant d'un récital ombrageux, où bruissent des créatures souveraines à cette heure, qu'elles soient visibles ou non. La nuit porte un long manteau dont la couleur change à chaque enjambée, et en deux minutes ou moins, le ciel passe du bleu sombre au noir profond, après que le soleil a exhalé quelques brefs soupirs mauves et orangés. »

« La nuit se fait attendre, et ce n’est pas son genre. Aujourd’hui, elle laisse le jour s’épuiser tout seul. Nous le voyons clignoter, puis mourir sous la voûte céleste. »

« c’est le cœur ardent que j'étreins puissamment les contours du jour qui vient. »                     

-    Le roman a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens en 2006   -

 

Et je participe au challenge de Jostein

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2 octobre 2022 7 02 /10 /octobre /2022 10:47

Virginia Woolf - broché - Gabriele Liuba - Achat Livre | fnac

                C’est en décembre 1922 que Virginia Woolf rencontre Vita Sackville-West, c’est le coup de foudre entre les deux jeunes femmes. Cette relation s’épanouira malgré la distance qui les sépare trop souvent, malgré le mariage de Virginia avec Leonard. Mais Vita trompe Virginia qui souffre et se replie sur elle-même. Elle finira par se suicider en se noyant.

Mon résumé est court mais le roman graphique m’a laissé le même effet… il fait trop vite le tour de la vie de Virginia, se concentrant sur cette histoire d’amour au gré des chapitres qui portent le nom de ses livres les plus célèbres mais je n’ai pas appris grand-chose. Dommage car les dessins très colorés aux entrelacs sinueux m’ont beaucoup plu, ils mettent en scène les tourments et l’hypersensibilité de Virginia tout en nous plongeant dans cette haute bourgeoisie qu’a connu l’autrice. Un petit dommage ! donc pour une BD qui aurait pu nous en apprendre davantage. On se console avec quelques morceaux de la merveilleuse plume de la romancière.

« Fébrilement, j'écris ce roman. Le plan se précise, rapide, féroce, fluide. Je suis concentrée, une flèche bien aiguisée, tendue. Un picotement me traverse. Très loin de tout, de Leonard, même de toi, Vita.  les mots élastiques, translucides, colorés, les mots sonores. Ils s'enchevêtrent les uns avec les autres, formant une chaîne, formant une résille et les impressions les plus précieuses renferment tout ce que je dois sauver, ce qui s'échappe, ce qui veut s'éteindre et que je duperai pour toujours. Tu es à moi. Je t’ai capturée. En un jour. Je pleure, je ris. »

Virginia Woolf - broché - Gabriele Liuba - Achat Livre | fnac

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29 septembre 2022 4 29 /09 /septembre /2022 18:50

Les ailes collées - Sophie de Baere - Babelio

 

Paul se marie, il est aux côtés de son adorable compagne, Ana, déjà enceinte d’un garçon. La cérémonie en petite comité s’apparente à une petite fête idéale et dorée. Jusqu’à ce qu’arrive la « surprise » d’Ana : un petit bataillon de copains d’enfance. Parmi eux, Joseph. Le revoir déclenche de fortes émotions à Paul qui se remémore son enfance de garçon délaissé entre deux parents qui s’entredéchirent, un père volage et une mère alcoolique ; son adolescence de bègue mal dans sa peau qui rencontre Joseph, l’ami parfait. Le roman va évoquer cette amitié si forte et si particulière qui, on le sent immédiatement, va tourner au drame.

Je ne veux pas en dire trop même si on pressent certaines étincelles dès les premières pages. L’important, c’est la force de ce roman, sa grande sensibilité offerte par une plume gracieuse. Cette histoire si belle et si tragique m’a complètement attrapée, retournée, bouleversée comme c’est rarement arrivé. Si la thématique n’est pas révolutionnaire, la manière dont l’intrigue est racontée excelle en finesse et en délicatesse. J’ai tout aimé : ces odieux parents qui savent montrer un autre visage dans un monde qui n’est pas manichéen, le narrateur perdu qui tente de se raccrocher au schéma classique de la famille homme-femme-enfant. Et puis ce beau Joseph, attirant et incandescent, plus sensible qu’il ne le montre. Le tout est servi au bord de la Manche, à la sauce des années 80 alors que le monde essaie de s’ouvrir à la tolérance alors qu’il a encore les deux pieds englués dans une boue nauséabonde de mesquineries et de préjugés stupides. Le roman grandit et gagne en force au fil des pages, surprend le lecteur jusqu’à la dernière phrase ; j’ai viscéralement été prise dans les filets de cette histoire merveilleusement torturée, en empathie avec ses personnages lumineux… Et puis ce titre magnifiquement choisi. Oui, c’est un coup de cœur !

« Une fois assis au bord de l’eau, les deux garçons retrouvèrent vite ce parler vrai qui tissait leur lien depuis son commencement. Ces moments suspendus où tout se dit, tout se déclame les lèvres arrondies, où l’on s’étourdit de ses propres mots. »

« La jeunesse peut être une guerre silencieuse, un champ de bataille où des enfants d’à peine quinze ans sont capables de tuer à bout portant leurs camarades. Et cela, sous les yeux des adultes qui sont censés les protéger. »

« Mais c’était une mère et les mères sont convaincues que pour leurs enfants, le sort sera différent.  Elles croient qu’il leur suffit de sauter à pieds joints sur le chagrin de leur fils pour l’écrabouiller. »

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26 septembre 2022 1 26 /09 /septembre /2022 20:23

Erasme, Stefan Zweig, Alizir Hella | Livre de Poche

Né dans la seconde moitié du XVè siècle, Erasme devient d’abord prête mais, très vite, il s’échappe du « monastère dont l’horizon borné et l’étroitesse d’esprit lui sont devenus intolérables. » Jeune, il vit pauvrement à Paris, devient précepteur chez les riches sans pour autant jamais courber l’échine. A trente ans, il est accueilli les bras ouverts en Angleterre, pays de paix amoureux des arts. D’un naturel réservé, il arrive toujours à ses fins de manière subtile et intelligente. Il dénonce ouvertement l’opulence et certaines pratiques de l’Eglise notamment les indulgences. Il prône un retour aux manuscrits originaux de la Bible et défend ainsi une conception évangélique de la religion sans pour autant renier l’Eglise. Celui qui le fera, c’est Luther, son grand adversaire, avec verve et fracas. Très célèbre, cosmopolite, ouvert et pacifiste, il se heurtera à l’arrogance et au sans-gêne de Luther qui finira par gagner la bataille à grands renforts de violence.

Si le livre n’est pas un joyeux divertissement, il est fort instructif et nous permet de découvrir une personnalité que je connaissais très peu. Il y a des passages que je n’ai pas appréciés mais, dans l’ensemble, l’écriture de Zweig, lumineuse comme d’habitude, rend le tout agréable et intéressant, et le personnage éponyme attachant et remarquable. Erasme apparaît comme le défenseur du génie créateur et artistique, son pacifisme et sa tranquillité sont admirables mais l’ont isolé, à la fin de sa vie, dans un monde « qu’il ne comprend pas et désavoue ». Il aura connu une période de gloire, détenant une « grande puissance grâce à son seul savoir ».  Le portrait fait par Zweig et touchant et donne envie d’ouvrir l’Eloge de la folie d’Erasme.

« cet anachorète qui prêche dans le désert rêve d'une ultime synthèse qui réunirait toutes les formes acceptables de croyances spirituelles, d’un rinascimento du christianisme qui délivrerait à tout jamais l'humanité des luttes et des conflits et qui élèverait véritablement la croyance en Dieu au rang de religion de l'humanité. »

« une ville n’existait à ses yeux que par ses bibliothèques. »

« Pour Erasme, l'humaniste, le Christ est le prophète de l'humanité, l’être divin qui a donné son sang pour que le sang ne soit plus versé, pour que la discorde disparaisse du monde ; de son côté, Luther, le soldat de Dieu, fais sonner bien haut cette parole de l’Evangile : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. »

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25 septembre 2022 7 25 /09 /septembre /2022 09:34

Moon - Cyrille Pomès - Babelio

Une station balnéaire où touristes, animations et activités pullulent à la belle saison, où c’est complètement mort le reste de l’année. C’est pendant cette période creuse qu’on retrouve Luna, Loïc, Tom, Mel et d’autres encore, des ados désœuvrés qui passent leur temps sur leur portable, transportent leurs lots de peine et de souffrance et font des conneries. Le soir où, pour rigoler, Luna envoie une photo de l’intérieur de sa culotte à sa copine Mel et que celle-ci la partage par inadvertance sur Snoop, un réseau social, ça pourrait être le drame. Sauf qu’au même moment, un violent orage a endommagé l’antenne-relais qui alimente le village et rendu impossible toute connexion. Quinze jours sans écran, c’est l’ennui assuré. Les jeux de société sortent du placard, un vieil accordéon se fait entendre, on se promène sur la plage, les tensions s’amplifient et les vérités se disent.

Si j’ai mis du temps à entrer dans ce roman graphique de 160 pages, mélangeant les personnages, je m’y suis sentie bien une fois à l’intérieur. Dans un no man’s land original, les ados tentent laborieusement de combler le vide, vide qui devient encore plus abyssal sans leur chère connexion internet, à moins que ce soit le contraire ? Toujours est-il que ces jeunes m’ont fait penser à des bêtes perdues, impulsives et violentes, parfois attachantes, sans adultes sur qui compter véritablement, rejetant d’ailleurs tout autre repère que les réseaux sociaux. A la fin, on ne sait s’il faut pleurer ou espérer. Certaines planches sont magnifiques, une grande piscine vide qui se remplit petit à petit, un coffre plein de canards en plastique au fond de la mer, trois jeunes qui s’essaient à une chorégraphie improbable sur une plage déserte, un camping fermé… Un bel album sur la période de l’adolescence qui aurait cependant gagné en force s’il avait eu quelques pages de moins.

https://www.bdgest.com/prepages/thb_planche/3522_P2.jpg

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