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2 mai 2022 1 02 /05 /mai /2022 09:27

Livre Nous étions les ennemis | Futuropolis

On connaît le visage de George Takei (même moi qui suis une piètre cinéphile) pour avoir interprété le rôle du lieutenant Sulu dans Star Trek. Il raconte ici son enfance et, par la même occasion, un pan de l’histoire nippo-américaine sans doute trop vite oublié.

Quand George est un petit garçon et qu’il vit paisiblement avec ses parents et ses frères et sœur à Los Angeles où il est né, toute la famille se voit sommée de quitter la maison. Ils seront tous transférés dans un premier temps dans les écuries d’un hippodrome. Pourquoi ? ils sont d’origine japonaise (mais les enfants sont tous nés sur le sol américain) et les forces navales nippones viennent d’attaquer Pearl Harbor en ce mois de décembre 1941. Ordre est donner d’arrêter tous les immigrés japonais. Après un séjour dans les écuries, la famille est menée dans l’Arkansas, au camp d’internement de Rohwer. 33 blocs, des miradors, des barbelés et jusqu’à 8500 Nippo-Américains entassés dans des baraques à la chaleur insupportable et aux cloisons archi fines. La famille de George s’est adaptée comme elle a pu, la mère a emporté avec elle sa machine à coudre pour fabriquer des vêtements décents, le père a été désigné « chef de bloc », une sorte de médiateur entre les différentes générations qui a permis à des familles entières de gagner un peu de dignité. George a grandi là, émerveillé par la neige, par une escapade en dehors du camp pour voir des animaux de la ferme, plus tard par des films projetés au réfectoire. C’est seulement en mars 1946 que la famille parvient à quitter le camp, à rejoindre Los Angeles pour d’abord vivre dans un hôtel infect. Un racisme antinippon perdure et le petit George doit subir des injustices provenant de sa maîtresse d’école. Il grandit et arrive à bout d’études de théâtre avant de faire la carrière qu’on lui connaît.

                On appelle Issei ceux qui avaient quitté le Japon pour s’installer aux Etats-Unis, Nisei, leurs enfants nés en Amérique et Sansei, les enfants de Nisei. Tous étaient « punis » de la même manière injuste et tyrannique. Les amalgames me laissent encore une fois sceptiques : comment en vouloir à des Japonais nés en Amérique pour une guerre déclenchée à des milliers de kilomètres ? C’est de la bêtise à l’état pur. Tant mieux si la notoriété internationale de l’acteur a permis de faire connaître ces événements historiques dont les Etats-Unis n’ont pas à être fiers. J’ai beaucoup aimé cette lecture intéressante, les longues discussions après le dîner entre le père et le fils m’ont beaucoup touchée, c’est ce qui a permis à George de devenir l’homme qu’il est. Les dessins sont à la fois originaux tout en restant simples. C’est à lire !

La mère de famille tente d’agrémenter le voyage vers le camp : « J’ai des souvenirs émus de son merveilleux sac de friandises, qui a fait de ce voyage un périple inoubliable. Elle avait généreusement truffé son petit sac de voyage de cadeaux pour nous. Contribuant à forger deux expériences diamétralement opposées : la première, une aventure pleine de découverte et la seconde, un trajet angoissant vers un inconnu terrifiant. »

Nous étions les ennemis, comics chez Futuropolis de Takei, Becker

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1 mai 2022 7 01 /05 /mai /2022 11:15

Faut pas prendre les cons pour des gens - Tome 03 - Faut pas prendre les  cons pour des gens - Emmanuel Reuzé, Vincent Haudiquet, Jorge Bernstein -  cartonné - Achat Livre ou ebook | fnac

Les auteurs nous livrent des réflexions primordiales sur la vie, des conseils absolument indispensables pour survivre dans cet univers âpre et hostile : pour les accros du shopping, n’oubliez pas les magasins de air-shopping, des rayonnages vides où l’on peut faire des air-achats à prix très bas. Amis footballeurs, pensez sérieusement à vous faire coacher pour savoir vous rouler par terre et feindre la douleur de la manière la plus réaliste possible. Le programme télé ne vous satisfait plus ? Optez pour la vidéosurveillance du quartier, peut-être que vous aurez la chance de voir un cambrioleur entrer chez le voisin. Profitez du Black Friday pour vous offrir un ouvrier qualifié mais vérifiez la marchandise, il ne faudrait pas que ce soit un délégué syndical !

Derrière l’humour noir et le second degré qui décrivent un monde où un SDF n’accepte que les dons supérieurs à 20 euros , où une école française de tauromachie a ouvert pour les jeunes enfants, où un kamikaze se voit reprendre par un inspecteur du travail parce que sa ceinture d’explosifs n’est pas aux normes, donc derrière ces farces cyniques se cachent de vrais engagements : oui au gigot intelligent qui se met à parler, oui au dopage pour tous, oui aux S.P.A pour les vieux, oui au 100% français quitte à se faire amputer des bras, oui au gymnase pour les classes surchargées (et pourquoi pas, les 4eB au Stade de France !) Evidemment, c’est poilant avec ce qu’il faut d’irrespect et d’impertinence même si on n’est pas si loin que cela de ce monde absurde…

Je n'ai pas chroniqué le 2e opus mais le premier tome est .

« C’est plus difficile d’entrer en Ehpad que de devenir médecin ! »

« Bonjour, on a voulu abandonner notre chien mais notre arbre est déjà utilisé…. Désolée, mais avec les départs en vacances, on a été débordés. Il n'y a plus un arbre de libre, je vous invite à revenir en saison creuse… Mais ça fait 20 ans qu’on abandonne nos animaux au même arbre… regardez, on a même notre carte de fidélité. »

« Si tout le monde se dopait, il y aurait moins d’inégalité entre les sportifs ! »

Faut pas Prendre les Cons pour des Gens (tome 3) - (Emmanuel Reuzé /  Vincent Haudiquet / Jorge Bernstein / Nicolas Rouhaud) - Humour  [L'HYDRAGON, une librairie du réseau Canal BD]

 

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27 avril 2022 3 27 /04 /avril /2022 11:16

Les Refuges, Jérôme Loubry | Livre de Poche

Sandrine est une jeune journaliste qui part sur une petite île normande pour vider la maison d’une grand-mère qu’elle n’a jamais connue. Les rares habitants de l’île sont plus étranges les uns que les autres mais de Sandrine elle-même, nous n’avons que des bribes de son passé qu’on sait douloureux. L’île vit au rythme de souvenirs tragiques puisque des enfants sont morts noyés peu après la Première Guerre mondiale. Ce qui surprend Sandrine, c’est que les occupants de l’île louent la vieille dame qu’était sa grand-mère alors que Sandrine la croyait folle depuis des années. L’inspecteur Bastien intervient quand on retrouve cette même Sandrine, sur une plage normande, à répéter une histoire qui semble n’avoir ni queue ni tête. Est-elle folle ? Ment-elle ?

Quel polar passionnant ! Sans être original de prime abord, le roman dévoile des secrets et des tours de passe-passe qui surprennent le lecteur. J’ai vraiment aimé le contexte spatial, cette île comparable au cadre des Hauts de Hurlevent, mais aussi cette ferme isolée de tout où se déroule l’intrigue principale. Le polar tire surtout sa force de la dimension psychologique assez remarquable : les « refuges » sont ces endroits dans notre cerveau où on s’enfuit en cas de problème, un lieu différent, souvent meilleur qui permet de supporter le pire. Je n’en dis pas plus. Rajoutons que certaines scènes sont assez violentes et que l’adaptation cinématographique du roman pourrait être intéressante.

« Voyez-vous, reprit-il avec une voix douce, cette île est spéciale. Elle est notre refuge, notre gage de sécurité. Comme tout refuge, si trop de monde s’y cache, elle devient caduque et inutile. C’est un équilibre précaire, je l’admets, mais c’est ainsi. Et nous devons le protéger. »

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23 avril 2022 6 23 /04 /avril /2022 22:11

Cendrillon - Joël Pommerat - Babelio

 

Il me tardait de retourner vers le théâtre. Joël Pommerat propose ici une énième version du célèbre conte.

Sandra, la « très jeune fille » a perdu sa mère qui lui aurait dit, avant de mourir, de ne cesser de penser à elle. Mais la fillette n’est pas sûre d’avoir bien compris. Elle mène une vie triste, rythmée par les sonneries d’une grosse montre qui l’empêchent d’oublier sa mère. Ainsi, quand son père et elle emménagent dans la maison de la « belle-mère », de « Sœur la grande » et « Sœur la petite », elle accepte avec résignation les tâches domestiques qu’on lui ordonne d’accomplir. La belle-mère, très sûre d’elle, est persuadée qu’elle fait moins que son âge et, des trois, c’est elle qui s’apprête le plus pour se rendre au bal donné par le roi pour son fils, le « très jeune prince ». A cette soirée, le prince, angoissé à l’idée de manquer le coup de fil de sa mère, retenue depuis si longtemps par les grèves des transports (… depuis dix ans, en fait !) bouscule Sandra. Les deux discutent un moment avant de se quitter. Le roi, sachant qu’une rencontre a bouleversé son fils, va tout faire pour retrouver la jeune femme. Arrivant à la maison des protagonistes, la belle-mère est convaincue que le prince a eu coup de foudre… pour elle.

Si on devait simplifier, on pourrait dire que cette version est à la fois moderne et tournée vers la réflexion sur le deuil. De nombreux passages sont drôles : la belle-mère s’impose de manière ridicule lorsqu’elle croit que le prince est tombé amoureux d’elle ; le motif de la chaussure est repris mais de manière loufoque (c’est le prince qui offre une de ses chaussures à la très jeune fille) ; la fée jure comme un charretier. Les deux jeunes futurs amoureux se retrouvent parce qu’ils ont, chacun de son côté, de grosses difficultés à vivre le deuil de leur mère parce qu’on a commis une erreur de langage et qu’on les a convaincus, pour le prince, que sa mère n’était pas vraiment morte, pour la jeune fille, qu’elle ne devait passer un seul instant de sa vie sans penser à sa mère. J’ai pris du plaisir à lire cette pièce mais un bémol -de taille- m’a dérangée : la langue. Elle est ouvertement familière et fautive (« on s’est pas donné nos coordonnées c’est vrai, on y a pas pensé. »), Pommerat veut capter le réel, il demande aux comédiens d’être le plus concrets et le plus directs possible. Dans la même logique, il privilégie l’improvisation en début de répétition, s’appuie sur les « surprises » qui peuvent en découler pour retoucher le texte initial. Ainsi, comédiens mais aussi techniciens participent à l’écriture.

La belle-mère à la très jeune fille : « T’es encore là toi ! Qu’est-ce que tu fais là comme ça, inerte ? On dirait un poisson crevé qui flotte à la surface de l’eau ! Il est où ton père, il est pas là ? Tu rêvasses ? Faut arrêter avec les rêvasseries, faut entrer dans la vie réelle ma petite fille maintenant ! Qu’est-ce que tu te tiens mal en plus, c’est pas possible ! »

Je crois qu'Hélène a moins aimé que moi.

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20 avril 2022 3 20 /04 /avril /2022 19:11

Les Strates (Édition spéciale) - broché - Pénélope Bagieu - Achat Livre |  fnac

J’aime bien suivre l’autrice sur les réseaux sociaux, il était temps pour moi de lire son dernier album.

Pénélope Bagieu nous raconte une partie de sa vie, en passant de sa petite enfance à des premières fois pas toutes drôles. Il est question de chat qui se colle à elle, de peur de ne pas plaire, de danses endiablées, de coquetteries adolescentes, d’amitiés qui durent, de froid qu’on a en horreur (je suis pareille!) des seins qui poussent, du fonctionnement des tampons hygiéniques découvert bien trop jeune…

J’ai beaucoup aimé cet album pour différentes raisons, d’abord, l’autrice se livre de manière qu’on sent authentique et sincère, comme d’habitude, elle y met un humour non négligeable, enfin, je m’y suis retrouvée puisque Pénélope n’est pas beaucoup plus jeune que moi et que certains passages sont tellement révélateurs d’une époque révolue (quand on appelait ses copains et qu’on tombait sur les parents : « Allô oui bonsoir, excusez-moi de vous déranger, est-ce que je pourrais parler à … », ça n’arrive plus aux ados d’aujourd’hui, plus jamais !!) Le trait est à la fois simple et juste (elle se dessine elle-même très bien) et, même si elle se livre forcément plus dans cet opus autobiographique, elle sait parfois mettre une distance et jouer avec l’auto-dérision, tout à fait appréciable.

Pénélope s’incruste à une soirée parce que le mec qui l’attire joue dans le groupe, mais la soirée se révèle être une catastrophe tant elle se sent l’intruse : « Jusqu’ici, je ne m’étais jamais jetée à l’eau. Je l’ai rarement refait, à ce point, par la suite. J’aurais pu ne pas appeler, ne pas y aller, et me demander 20 ans après si je n’étais pas passée à côté d’une grande histoire. Celle que je suis aujourd’hui ne se serait jamais ridiculisée comme ça. Sauf que celle que j’étais à l’époque l’a fait. Parce qu’à 16 ans, j’étais effectivement la fille bizarre, mal à l’aise, pleine de complexes et d’insécurités. Mais j’étais tellement courageuse. »

A lire, évidemment :  Culottées

https://www.avoir-alire.com/IMG/png/les_strates_-_page_1.jpg.png

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16 avril 2022 6 16 /04 /avril /2022 09:56

Les morues - Titiou Lecoq - Babelio

Les Morues, ce sont trois filles : Ema, Gabrielle et Alice. C’est surtout Ema qu’on va suivre, une journaliste people, très libérée sexuellement parlant. Elle a perdu sa meilleure amie, Charlotte, avec qui elle s’était pourtant brouillée quelques années auparavant. Charlotte faisait partie d’un groupe de potes plus large et on retrouve tout ce microcosme à son enterrement. Ema se demande si son amie s’est réellement suicidée comme l’affirme la brève enquête qui a suivi la découverte de son corps. Entre son amant qu’elle ne veut pas voir devenir son petit ami, son copain Fred toujours maladroit et en déveine quand il s’agit de trouver une fille qui lui convient, Ema va tenter d’en savoir plus sur une organisation mystérieuse que Charlotte avait infiltrée et qui vise à mettre en péril l’avenir de la culture en France.

Ce n’est pas du tout le genre de livre que j’ai l’habitude de lire puisqu’il navigue entre chick lit et feel good mais j’avais envie de découvrir cette autrice depuis longtemps. Si ce n’est la longueur du roman, j’ai assez aimé suivre ces jeunes adultes plutôt décomplexés aux prises avec l’alcool, le sexe et le pouvoir. Je n’en lirai pas deux comme ça d’affilée mais le côté léger, parfois drôle, m’a bien divertie. On a qualifié ce livre d’OVNI pour son mélange des genres et c’est vrai qu’il y a une bonne partie consacrée à la politique et au libéralisme (qui tombe à pic n’est-ce pas…), que le polar se confond avec un ouvrage plus social zoomant sur la jeunesse féministe actuelle (enfin celle de 2011 plutôt). C’est finalement ce mélange des genres, des registres et des tons qui m’a plu, quelque chose de décalé sans être complètement stupide – les nombreuses références littéraires sont appréciables. Il y a un petit quelque chose des Chroniques de San Francisco de Maupin… Rajoutons à cela qu’une sympathique playlist à chaque fin de chapitre permet de monter le (très bon) son et de remuer son popotin. C’est pas mal.

Pour en savoir plus sur la mort de son amie, Ema accepte un dîner avec un type pédant et prétentieux : « Elle nota qu’il avait sensiblement changé de ton. Il la prenait presque de haut ce grand con. Sûr de lui, de son charme, ou plus exactement du charme de son compte en banque. Il transpirait le sperme moisi et desséché. Inutilisé et inutilisable. Le fait que ce soit elle qui l’appelle devait signifier pour son ego surdimensionné qu’elle était en position de demande. Donc de faiblesse. »

Ema tente de devenir « normale » avec une vie de couple ordinaire – elle prépare un gigot d’agneau : « A ses yeux, le gigot d’agneau représentait le stade ultime de la normalité. Je gigote donc je suis. »

 

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12 avril 2022 2 12 /04 /avril /2022 18:28

Les abeilles grises – Andréï Kourkov – Éditions Liana Levi – – Blog Page &  Plume

         Dans la zone grise, un no man’s land entre la Russie et l’Ukraine, un petit village est déserté par ses habitants… pas tout à fait puisque deux hommes sont restés. Sergueïtch, le personnage principal et, dans la rue d’à côté, non loin de l’église bombardée, Pachka, qui, depuis l’enfance, est son ennemi juré. Pourtant les deux hommes sont bien obligés de communiquer et de s’entraider dans cet univers hostile troublé par les bruits des détonations et des explosions, quelques kilomètres plus loin. Sergueïtch, apiculteur à ses heures perdues, cherche un endroit tranquille pour ses abeilles, il décide donc de se réfugier en Crimée avec ses ruches. Le voyage, semé d’embûches, le conduira d’abord chez une jeune vendeuse sympathique, Galia, qui fera de lui son amant pendant quelques jours, puis chez un vieil ami apiculteur tatar. En Crimée, il ne voit pas son ami, enlevé pour d’obscures raisons mais sa famille l’aide à installer ses ruches et lui procure à manger. Après une pause dans les prairies ensoleillées et paisibles, Sergueïtch devra affronter la méfiance des autorités et les conflits entre les différentes ethnies et religions. Il poursuivra son bonhomme de chemin tel, au choix, un type un peu naïf ou un anti-héros flegmatique.

         On comprend aisément que ce roman, publié en France début février, connaisse aujourd’hui un grand succès. Mais, si c’est encore « l’avant-guerre » qui est décrit, on saisit immédiatement que la vie en Ukraine n’était pas un long fleuve tranquille avant le déclenchement des hostilités. Le roman m’a beaucoup appris, ignare que j’étais, notamment sur les Tatars, ces musulmans d’origine turque, victimes des discriminations de plus en plus violentes depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Planent également sur ce road trip étrange, la propagande russe, les non-dits, la méfiance omniprésente, les incohérences qui rendent parfois le roman cocasse par ses absurdités. Certains passages m’ont paru un brin longuets mais le style de Kourkov sublime le tout, rendant ce petit village perdu et déserté plus proche de nous. Le roman, poétique, prend des allures de fable. J’ai écouté l’auteur parler de son roman et de la situation de son pays début février alors qu’il ne croyait pas une guerre possible, c’était émouvant sachant qu’aujourd’hui, il a dû fuir Kiev avec sa famille et qu’il accueille régulièrement des réfugiés.

Si ce n’est pas déjà fait, lisez Le Pingouin du même auteur.

« Quand on vit longtemps dans un endroit, on a toujours plus de famille en terre qu’en bonne santé à côté de soi. »

Une vendeuse : « Poutine ne me ment pas. »

Un thème cher à l’auteur, le silence : « Le silence ici était comme une énorme bouteille en verre épais. En approchant l’oreille du goulot, on pouvait néanmoins le décomposer en menus bruits à peine perceptibles, non sans mal, certes, et à condition d’être attentif, mais c’était possible. »

« Cinq jours passèrent, tous identiques, tels des corbeaux. Pareille comparaison ne serait pas venue à l’esprit de Sergueïtch si au cours de ces journées tranquilles et monotones, le seul bruit à emplir de temps à autre les alentours n’eût été le croassement de ces oiseaux. »

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9 avril 2022 6 09 /04 /avril /2022 20:52

Divine - Vie(s) de Sarah Bernhardt

Enfant déjà Sarah se distinguait par son fort caractère et sa combattivité, et le « Je ferai toute ma vie ce que j’ai envie de faire ! » est devenu son hymne personnel. Comédienne, elle n’hésite pas à ouvrir les portes du Théâtre de l’Odéon pour accueillir les blessés lors du siège de Paris en 1870. Elle entre à la Comédie-Française et rencontre ensuite Victor Hugo avant de jouer avec succès son Ruy Blas. L’écrivain la surnommera la « Voix d’or ». Elle démissionne de la Comédie-Française et part en tournée aux Etats-Unis où elle rencontre Oscar Wilde. Elle joue souvent des rôles d’hommes et prend la décision de créer son propre théâtre. A partir de 1894, sa collaboration avec Mucha va être une réussite. Jules Renard, Edmond Rostand ou encore Zola figurèrent également parmi ses nombreux admirateurs. Une tuberculose osseuse la contraint au repos mais elle veut continuer à jouer et réclame elle-même à se faire amputer d’une jambe. Elle poursuivra ses spectacles avec vaillance optimisme, s’isolant de temps en temps à Belle-Île.

C’est une biographie quasi complète, intéressante et rythmée que nous proposent les deux auteurs. J’ai appris pas mal de choses parce que j’en ignorais beaucoup au sujet de cette « Divine », son tempérament frondeur et pugnace ne peut qu’impressionner : elle aurait chanté la Marseillaise en partant se faire amputer. Sa liberté d’esprit est remarquable également pour cette époque de fin XIXème, elle choisit pour amants aussi bien des hommes que des femmes, elle promène un guépard en laisse mais souhaite aussi faire d’un crocodile son animal de compagnie. La dessinatrice Marie Avril nous rend cette comédienne attachante et, avec des couleurs qui nous rappellent l’œuvre de Mucha, nous plonge dans cette époque de la fin XIXè au début du XXè siècle. C’est encore une bonne pioche que ce roman graphique !

Un soir, après une représentation : « Ce soir, j’ai compris que mes forces vitales sont au service de mes forces intellectuelles. Je me suis trouvée, ayant donné plus que de raison, et parfait équilibre et cela a fait naître en moi le sentiment d’être invulnérable ! »

« Il vaut mieux mourir en plein combat que de s’éteindre avec les regrets d’une vie manquée. »

1ère guerre mondiale, devant les tranchées : « J’espère voir un jour la victoire de l’esprit sur la matière défaillante ! »

« Les heures qui ont pris leur envol, emportant ma jeunesse, m’ont laissé ma vaillance et mes souvenirs. Mon existence m’a menée dans le foyer incandescent de toutes les passions réelles ou rêvées. »

Divine - Vie(s) de Sarah Bernhardt

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6 avril 2022 3 06 /04 /avril /2022 09:26

Monument national - Julia Deck - Babelio

Je découvre pour la première fois cette autrice qui a son style bien à elle, c’est indéniable.

Le « monument national », c’est Serge Langlois, un acteur français très célèbre, vieillissant, vivant avec son épouse beaucoup plus jeune que lui, Ambre, sa fille Joséphine adoptée en Asie, son chauffeur, sa gouvernante, d’autres domestiques. Tout ce beau monde habite un château « bâti sur le modèle du Petit Trianon » en lisière de la forêt de Rambouillet, et, il faut bien le dire, l’argent coule à flot. Mais un certain virus, en 2020, vient briser ce fragile équilibre fait de pacotille, de poudre de perlimpinpin et d’illusions. Des personnes extérieures ont pu faire leur entrée au château, Abdul, ancien acteur devenu coach sportif en deux trois mouvements, c’est le cas de le dire, et cette mystérieuse Cendrine qui s’improvise nurse et qui, seul le lecteur le sait, a changé d’identité après avoir elle-même orchestré sa disparition. Des événements dramatiques vont chambouler le quotidien de ces braves gens riches dans un huis clos où même Monsieur le Président et son épouse Brigitte vont faire une brève incursion. D’emblée, le lecteur sait que tout se terminera mal et que ce pauvre château, jadis majestueux et triomphant, se retrouvera délaissé et décrépit, à l’instar de ses occupants.

Vous l’aurez compris, Monument national est un roman à clef où l’on peut facilement reconnaître dans les personnages principaux des personnes vivantes ou mortes : Johnny Hallyday, Belmondo ou encore Alain Delon. C’est aussi une satire sociale, épinglant cette caste particulière des célébrités pour qui l’argent et le m’as-tu-vu sont des principes de vie. Se rajoute à cela un esprit Cluedo bien prononcé puisqu’il s’agit de trouver le coupable d’un meurtre parmi les résidents du château. La narratrice est Joséphine, la fillette adoptée, bien plus mûre et intelligente que tous les adultes qui l’entourent. Le tout est servi par une écriture fouillée, élégante, incisive et efficace. Alors pourquoi diable n’ai-je pas aimé ce roman ? Sans doute parce que les vicissitudes des gens très riches et inintéressants ne m’ont amusée qu’un très court moment et m’ont donc vite lassée. Mais ce roman vaudevillesque reste divertissant et plaira sans doute à un grand nombre de lecteurs.

Cendrine vient d’être embauchée : « Sauf en cas de pluies torrentielles, il nous était interdit de lire : nous étions bien trop jeunes pour nous abîmer les yeux sur des pages imprimées. Cendrine admira le lustre immense, les pampilles ruisselant de lumière sur le dallage crème. Puis elle s'arrêta sous le buste de Serge.

- La classe, estima-t-elle en levant le bras vers la mâchoire de bronze.

Ambre sourit. C'était normal d'être épatée la première fois qu'on entrait dans un château. Elle-même avait grandi dans des villas beaucoup plus modestes, à Saint Tropez, à la Martinique. Elle convoquait souvent des souvenirs de jeunesse pour se rappeler le sort des moins fortunés. »

 

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3 avril 2022 7 03 /04 /avril /2022 09:25

Le journal de Nisha - Veera Hiranandani - Librairie Mollat Bordeaux

C’est ma fille de 13 ans qui m’a sommée de lire ce livre qu’elle a tellement adoré.

Nisha est une jeune Hindoue qui vit sa vie d’adolescente, en 1947. Son père est médecin, sa mère est décédée à sa naissance et elle a un frère jumeau, Amil, qui l’énerve souvent et ne lui ressemble en rien. Ils sont hindous et leur cuisinier, Kazi, que Nisha aime beaucoup, est musulman. L’annonce de l’indépendance du pays est liée à une rumeur qui enfle : on diviserait le pays en deux, une partie pour les musulmans, une autre pour les hindous. Vivant dans l’actuel Pakistan, les enfants sont en danger, ils ne vont plus à l’école après qu’Amil a été agressé. Quelques jours plus tard, il est question de fuir pour rejoindre la Nouvelle Inde, le pays des Hindous. La longue marche est dangereuse, partout des combats opposent les musulmans et les hindous. La famille doit rejoindre le frère de la mère que Nisha n’a jamais connu mais l’eau vient à manquer et chacun perd un peu plus de forces chaque jour. Lorsqu’elle arrive enfin chez l’oncle Rashid, Nisha s’y sent bien. Elle retrouve des souvenirs de sa mère mais se sent attirée par l’extérieur, une petite fille qui joue et aimerait certainement une compagne de jeu… les enfants n’ont pourtant pas le droit de se côtoyer. La route jusqu’à Jodhpur, la destination finale, ne va pas se faire sans heurts ni drames.

Nisha tient son journal en s’adressant à sa mère qu’elle n’a jamais connue. Avec l’innocence d’une enfant, elle s’étonne de devoir faire une différence entre un musulman et un hindou, elle a du mal à quitter ce qu’elle a toujours connu et cet exil contraint fait dans la douleur va la faire grandir d’un seul coup. Ma fille avait raison, le roman est bouleversant et gagne en vigueur et en émotions au fil des pages ; il permet une première approche de cette page d’Histoire effrayante et sanglante puisque plus de douze millions d’Hindous ont été contraints de fuir leur foyer. La romancière s’inspire de la véritable histoire de son père, contraint à l’exode, lui aussi. Je suis contente d’avoir pu lire ce livre qui fait l’éloge de la tolérance ; ma fille et moi avions repéré le même passage si touchant (c’est le 3e ci-dessous).

« Je parie que c'est pour ça que tu aimais peindre, Maman. Parce que, comme Amil, tu voyais les choses que personne d'autre ne pouvait voir. J’aimerais être comme vous. Mais je vois exactement ce qui est devant moi. Parfois de manière si nette que ça me fait mal aux yeux. »

« Le mois dernier, nous appartenions tous au même pays, tous ces gens et toutes ces religions vivaient ensemble. Maintenant, nous sommes supposés vivre séparés et nous détester. »

Kazi est musulman, Dadi (la grand-mère) est hindoue : « [Kazi] fait toujours ses prières sur un petit tapis que Papa lui a trouvé. Quand je l’entends psalmodier doucement, ça me remplit d’émotion. Parfois, en arrière-plan, la voix aiguë de Dadi qui chante ses chansons hindouistes derrière les prières musulmanes de Kazi, produisant une musique riche et douce. »

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