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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 10:24

Résultat de recherche d'images pour "Mauvais coûts de Jacky Schwartzmann lecerclepoints"

 

            C’est le très alléchant billet de Jérôme qui m’a donné envie de lire ce livre et de découvrir cet auteur.

            Gaby Aspinall est acheteur dans une multinationale, son métier est de baratiner et d’escroquer. Côté vie privée, c’est la loose : il multiplie les aventures insatisfaisantes, à 46 ans il se souvient encore de son amour d’adolescence, il se cuite régulièrement au Get 27, il souffre d’aérophagie et écoute Souchon en boucle malgré lui… Quand son père décède, une fille cachée de 16 ans lui tombe dessus et il se retrouve pris en otage dans les toilettes de son entreprise. Une existence chamboulée et alambiquée que Gaby gère avec ses armes habituelles : le mensonge, la vulgarité, la cruauté et le franc-parler. Car oui, Gaby est un salaud de premier ordre, une sorte de champion en la matière qui, l’air de rien, sera même mêlé à une affaire de meurtre, ce qui ne va pas l’émouvoir plus que ça.

               De prime abord, c’est le langage familier et vulgaire qu’on se prend dans la gueule (je m’adapte à ma lecture). Gaby, le narrateur fort en gueule ne passe pas par quatre chemins : il a « envie de baiser » sa supérieure, il « castre » un fournisseur avant de s’envoyer sa femme au « physique d’otarie » dans la chambre de son Ibis. Le lendemain, il croise « une pute d’à peine seize ans » en bas de chez lui, « elle avait le regard si intense qu’elle devait chialer du napalm et elle avait les hanches pas plus larges que deux mains qui tiennent un kebab. »  Le ton est donné et l’on pourrait croire que cet amas de grossièretés n’est là que pour masquer un grand vide. Eh bien, pas du tout, ce roman livre une satire de la société d’une justesse incroyable, en dénonçant les vices du monde de l’entreprise, il appuie aussi là où ça fait mal, il exagère les défauts de l’homme avec ce formidable personnage qu’est Gaby, à la fois anti-héros et héros moderne. J’ai adoré cette histoire complètement amorale et jubilatoire, anti-puritaine, misogyne  et insolente où l’auteur arrive à glisser, ô surprise, des moments d’intense émotion. Mais surtout, on se poile, on se bidonne à n’en plus finir. Oh putain, c’est de la balle !

« Les femmes sont des Play Stations fabriquées en viande. Sauf Oona Parretta. Oona est la plus belle femme du monde. A côté d’Oona, vous me mettez Einstein, Mandela et Jaurès et, pour moi, ça fait rien qu’un sac à la merde. A côté d’Oona, Tchernobyl c’est juste de la tisane. »

Les femmes dominent les hommes… : « On s’est tous fait couper les couilles, on n’a rien dit et le résultat est que ce sont les femmes qui manient le Power Point et nous qui matons leur cul en douce pendant ce temps-là. Misère. Misère… Misère ? Est-ce si grave ? On a moins de soucis. Les femmes ont pris les services en main et elles sont en train de nous montrer que l’égalité des sexes est une réalité puisqu’elles font de la merde exactement comme nous on faisait avant. Elles sont même un peu plus vaches, un peu plus putes. Elles laissent rien passer. […] Elles savent pas discuter de trucs idiots en étant très sérieux, elles savent pas déconner sur des trucs graves. Elles sont chiantes et elles sont connes. Oui, c’est ça : les femmes sont chiantes et elles sont connes. »

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20 avril 2018 5 20 /04 /avril /2018 14:14

Résultat de recherche d'images pour "Paroles sans papiers  - dirigé par Alfred et"

                Cette BD engagée comporte neuf témoignages de réfugiés dessinés par neuf illustrateurs de BD différents (Kokor, Gipi, Pedrosa, Alfred, entre autres). Une femme congolaise volée et violée pendant son douloureux exil, un Marocain errant dans le désert, une femme tchétchène punie d’avoir aidé les autres, une jeune Congolaise contrainte de se prostituer, un petit Brésilien qui rêve d’être architecte, une Sénégalaise devenue esclave en France, un Marocain qui, au bout de presque 25 ans court encore après ses papiers, une Tchéchène malade d’entendre sans cesse « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » et un Algérien pour qui « solidarité » n’est pas un vain mot.

             Evidemment louable, cette entreprise a le mérite de mettre en avant la parole de ceux qu’on n’entend jamais, de ce qu’on fait taire (comme le prouve la 1ère de couverture).  De nombreux points communs entre les histoires mettent en avant la réputation de la France vite salie par un accueil dégueulasse, la peur –omniprésente- de se faire arrêter, cet écrasement de l’être qu’on rend inférieur. Si l’album date de 2007, il est on ne peut plus actuel et rappelle douloureusement les défaillances des lois françaises en matière d’immigration.

 Un parallèle qui se passe de commentaires :

"Les personnes juives ou non juives qui hébergent des Juifs à quelque titre que ce soit devront faire au commissariat de police une déclaration spéciale (...) Cette déclaration devra être faite dans les 24 heures de l’arrivée du Juif (...)"
(article 5 de l’ordonnance du 10 décembre 1941 de Vichy relative au contrôle
des Juifs)

"Toute personne ayant signé un certificat d'hébergement et hébergé un ressortissant étranger, dans le cadre d'une visite privée au sens du présent article, doit informer la mairie de sa commune de résidence du départ de l'étranger accueilli (...)"
(article premier du projet de loi Debré sur l'immigration, novembre 1996)"

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17 avril 2018 2 17 /04 /avril /2018 10:57

   

         Fannie et Freddie par Malte

             On dirait que je fais tout pour retarder la lecture du Garçon et que je lis d’autres titres de l’auteur pour me faire languir. Ce n’est pas faux !

            Ce recueil comporte deux longues nouvelles, la première a donné son titre au livre. Fannie envisage de kidnapper un homme d’affaire dans un parking couvert, à New York. Elle l’attire au sujet d’une roue de secours à sortir du coffre et voilà qu’elle l’immobilise avec un poing électrique et le balance dans le coffre. Mission accomplie. Mais pourquoi Fannie a-t-elle enlevé ce Freddie ? Pour l’amour, l’argent, la vengeance ? Sachez qu’il est question de gros sous, d’escroquerie et de parents ruinés. Le beau jeune homme est également un symbole des gagnants dans une société qui compte tant de perdants…

« Elle se tait. Par deux fois le jeune homme ouvre et ferme la bouche mais aucun son n’en sort. Alors le silence retombe dans la pièce comme un rideau de neige, une averse à la fois dense et légère, régulière, monotone, inexorable, et ils restent là tous les deux comme s’il n’y avait rien d’autre à faire que de la regarder tomber. A la fin tout en sera recouvert. Tout sera d’un blanc immaculé. »

              « Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas » nous emmène à La Seyne-sur-Mer, la ville natale de l’auteur qui nous raconte la déchéance des chantiers navals après avoir connu  la gloire. Un flic, Ingmar, a choisi le métier pour retrouver le tueur de son meilleur ami d’enfance. Souffrant de migraines, plus seul que jamais, il revient, des années plus tard, sur cet événement tragique inexpliqué.

« J’ai du mal à comprendre ce qui a forgé notre amitié. Pourquoi nous sommes devenus si proches. Inséparables. Etait-ce ce qu’on appelle l’attirance des contraires ? Nous ne venions pas du même milieu, nous n’avions pas les mêmes goûts, et nos caractères étaient à l’opposé sur bien des points. »

              Les deux textes frôlent le genre du thriller, la vérité se dévoile délicatement et sans en l’avoir l’air pour surgir, nue, insolente et douloureuse. On sent également l’auteur engagé, Marcus Malte vient prendre la défense du petit pauvre, de l’opprimé, de celui qui n’a pas d’armes pour se défendre. Deux très jolies nouvelles, agréables à lire et mystérieuses. Je distingue de plus en plus de ressemblances entre Marcus Malte et Pascal Garnier, quand le premier dénonce tout en douceur, le second tape du pied avec plus de sarcasmes mais les deux se veulent le miroir d’un monde actuel souffreteux.

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13 avril 2018 5 13 /04 /avril /2018 18:31

Résultat de recherche d'images pour "La route de Cormac McCarthy livre"

                Cela fait un moment que je voulais découvrir ce livre (et ce film). Une chose est sûre, je n’oublierai jamais cette histoire !
 

                La Terre est dévastée, brûlée, morte, désertée. Pour on ne sait quelles raisons, une cendre recouvre les paysages désolés, faune et flore n’existent plus, le soleil ne brille plus jamais mais le froid, la neige, la pluie, les orages sont omniprésents.  Les maisons ont été pillées depuis longtemps par les derniers survivants dont la plupart sont mauvais tout simplement parce qu’ils mangent de l’humain… Un père et son fils errent dans cet enfer, poussant un caddie avec leurs maigres biens, leurs pauvres trouvailles. Le premier encourage le deuxième, chacun à tour de rôle tombe malade, les deux sont dénutris, rachitiques, traversent ce gris sans vie, croisent des créatures momifiées, des squelettes de maison et souhaitent rejoindre la côte, le sud, dans l’espoir d’un monde plus vivant. Le père vit encore avec des souvenirs d’avant, cette image d’une femme aimée et aimante ; le garçon, lui, fait des cauchemars et a de plus en plus de mal à croire l’optimisme de son père.

                 Jamais un livre n’a aussi bien porté son nom, père et fils se cachant pour dormir, reviennent inexorablement sur cette route qui les conduirait vers un mieux. Lorsqu’ils arrivent à la fin de cette route, que vont-ils devenir ? Jamais je n’ai tourné aussi vite les pages d’un roman qui terrifie et fascine par son réalisme. Jamais je n’ai eu aussi peur en lisant. Jamais cette conviction, -notre Terre est si belle, si riche- n’a résonné avec autant de vigueur dans mon esprit. Ce roman post-apocalyptique tire sa force, et quelle force, de son minimalisme, de cette sobriété qui, alliée à une certaine poésie douloureuse, plonge très efficacement le lecteur dans cet univers glauque et métaphorique. J’aurais bien fait de cette lecture un coup de cœur mais elle m’a valu quelques insomnies (lire seule dans une maison qui craque, la nuit : mauvaise idée !) et l’absence totale de lueur m’a estomaquée. Ça n’en reste pas moins un très très grand roman qu’il faut avoir lu.

« Sur cette route il n’y a pas d’hommes du Verbe. Ils sont partis et m’ont laissé seul. Ils ont emporté le monde avec eux. Question : Quelle différence y a-t-il entre ne sera jamais et n’a jamais été ? L’obscurité de la lune invisible. Les nuits à peine un peu moins noires à présent. Le jour le soleil banni tourne autour de la terre comme une mère en deuil tenant une lampe. »

Fouillant des « ruines carbonisées de maisons » : « Tout était humide. En train de pourrir. Il trouva une bougie dans un tiroir. Pas moyen de l’allumer. Il la mit dans sa poche. Il sortir dans la lumière grise et s’arrêta et il vit l’espace d’un instant l’absolue vérité du monde. Le froid tournoyant sans répit autour de la terre intestat. L’implacable obscurité. Les chiens aveugles du soleil dans leur course. L’accablant vide noir de l’univers. »

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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 17:13

Résultat de recherche d'images pour "Marilyn, de l’autre côté du miroir de Christian de Metter"

               New York, en novembre 1959. Norman Wells, un journaliste et écrivain en devenir, tombe par hasard sur le grand Truman Capote dans un bar de la ville. Timide et rouge d’admiration, il l’épie, lui et sa compagne brune. Lorsqu’elle s’effondre, ivre, quelques heures plus tard, Norman propose de ramener le couple à leur hôtel. Ce n’est que le lendemain que Norman découvre un escarpin oublié dans la voiture, et, par la même occasion, que la jolie brune pompette n’était autre que Marilyn Monroe alors affublée d’une perruque. Quelques jours plus tard, quelle veine, Marilyn appelle Norman et lui propose une virée loin de New York. Coincée dans la neige, la Peugeot 203 ne veut plus démarrer. Perdu au milieu de nulle part, le couple veut rejoindre le village le plus proche quand une petite fille les hèle. Sa petite robe rouge légère surprend Norman et Marilyn mais ils la suivent, elle les mène à une grande demeure au milieu de la forêt puis disparaît. Là, une gouvernante noire les accueille froidement, le garde-chasse ne paraît pas plus aimable : ils ne sont pas les bienvenus mais on leur offre tout de même gîte et couvert. Alors que les deux invités s’installent, méfiants, un horrible cri résonne dans l’ancienne et vaste bâtisse. Norman et Marilyn enquêtent, rencontrent le maître de maison dans des circonstances étranges et quittent une maison finalement vide. Une serveuse d’un café voisin leur raconte que cette demeure est à l’abandon « depuis les événements » …

               Christian de Metter a un talent incroyable ! Jamais aucune de ses BD ne m’a déçue mais là, il frappe encore plus fort. Non seulement, il arrive à capter tout le charme et le mystère de Marilyn dans ses portraits parfaitement exécutés mais son intrigue, entre romanesque et fantastique, tient le lecteur en haleine du début à la fin. La personnalité de Marilyn, entre candeur, craintes et séduction renforce cette intrigue finalement passionnante. On a presque l’impression que cette histoire de fantômes ne pouvait seoir qu’à cette jeune femme étrangement si belle, paradoxalement si seule. Un très très bel album que je vous conseille vivement !

« Ce que j’apprécie chez toi, c’est que tu me regardes vraiment. Je veux dire, les autres hommes me dévorent des yeux. Toi non. J’ai l’impression d’être à nouveau Norma Jane et pas Marilyn. »

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6 avril 2018 5 06 /04 /avril /2018 12:46

 

                Emma, jeune enseignante en primaire a d’abord été bringuebalée à droite et à gauche,  à chaque jour son niveau, son école, avec des élèves totalement différents de ceux de la veille. C’est le lot des débutants. Puis elle a été mutée à l’école des Acacias, située dans la banlieue de Toulouse. Non-enseignants, sachez que lorsqu’on obtient un poste fixe, on y reste au moins 7-8 ans. C’est donc aux Acacias qu’Emma va enseigner et découvrir une classe complètement à part. Entre le gamin qui se fait régulièrement caca dessus pendant les cours, celui qui essaye de se pendre dans son jardin, celle qui écope par hasard d’une barre de shit qu’elle prend pour du chocolat moisi, celui qui vole tout ce qu’il est possible de voler dans les vestiaires, celui qui se cache systématiquement dans les toilettes, la maîtresse en voit de toutes les couleurs et lorsqu’elle rencontre les familles (rarement, la plupart se défilent), elle arrive à saisir toute l’ampleur de la misère, de l’abandon ou du désamour que subissent ces enfants. Sans vouloir les sauver, elle essaye de les faire ranger dans le calme, de ne pas s’agiter constamment sur la chaise, de ne pas s’exprimer que par des gros mots ou des insultes, d’apprendre un petit quelque chose et surtout de grandir dans un contexte de respect et d’égalité qui, généralement, n’a jamais été donné à ces gosses. Elle ne vit que par et pour ses élèves et, pourtant, va rencontrer cette année-là, un certain Mathieu avec qui elle va construire sa vie. Avec Ryan, cet élève arrivé après la rentrée, elle sent un rapport particulier, elle ne sent trop quoi en penser, il est calme sans être heureux, sage sans participer au cours… jusqu’à découvrir l’horreur absolue.

             Généralement, je ne suis pas une grande adepte des livres qui évoquent le métier d’enseignant, je ne trouve pas spécialement de plaisir à retrouver mon boulot dans mes lectures. Ce roman est différent. Tout d’abord parce que, fort heureusement, mes élèves semblent être des anges par rapport à la masse de cas extrêmement difficiles que rencontre Emma et, ensuite, parce que le récit est raconté de telle manière qu’on ne lâche pas le livre du début à la fin. Rachel Corenblit réussit à faire grimper la tension, à créer un suspense là où on ne s’y attend pas. Ne nous leurrons pas, le livre est très dur, j’étais parfois au bord des larmes et pas loin de la nausée notamment quand on apprend ce qui est arrivé à Ryan. Alors oui, c’est un amas des cas les plus difficiles, non, ça ne se passe pas partout comme ça mais ce roman tire la sonnette d’alarme : des enfants, on n’en fait plus rien, on les maltraite ou les soudoie, on les rabaisse ou on les corrompt et l’école a la tâche immensément compliquée de combler les lacunes et les vides, et remplacer le parent négligent, de rattraper le retard et d’accomplir tout ce qui aurait dû être fait à la maison.

               Je ne peux que vous recommander cette lecture absolument bouleversante et percutante. J’émettrais un seul bémol lorsque Rachel Corenblit évoque la vie privée d’Emma, son besoin insatiable de raconter ses journées et cette histoire d’amour à laquelle je n’ai pas du tout réussi à croire mais il fallait sans doute adoucir les tourments vécus à l’école…

On me décrit ! « A force d’être plongée toute la journée dans le brouhaha des gamins, elle avait développé une sorte d’intolérance au bruit et le soir, particulièrement, il lui fallait du silence. Un drôle de paradoxe, de ne pas vouloir être seule mais ne pas supporter le vacarme des autres. Elle avait donc replié son bras et plongé sa tête dedans. »

« l’homme parfait est un orphelin »

Une belle conclusion : « Ne pas s’attacher aux gens. Simplement les aimer. Les supporter. Les accompagner. Et les laisser partir. »

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3 avril 2018 2 03 /04 /avril /2018 13:51

          Marco, un type un peu simplet est enfermé dans un asile psychiatrique après avoir perdu la vue à la suite d’un accident. Sa sœur et son mec profitent de la fortune subite qu’il a acquise un peu par hasard. Entre moments présents - la volonté de Marco d’aller le plus souvent au bord du fleuve, les chassés-croisés avec les autres pensionnaires - et le passé - l’épouse de Marco, profiteuse elle aussi, la rencontre d’une propriétaire d’un chien sur roulettes qui lui lègue tout son héritage, Marco tient le rôle de la victime, du pion qu’on déplace sur un plateau de jeu.

           Voilà une courte histoire aux phrases simples qui prend tout de suite aux tripes. La quatrième de couverture évoque un « humour désespéré » et je trouve que les mots conviennent à merveille. Il y a quelque chose de poétique dans le cruel et le sordide de la vie quotidienne de ce type. Un rapprochement avec une infirmière, cette passion pour l’eau (d’où le titre) rendent le bonhomme attachant et son entourage monstrueux. J’ai apprécié ce renversement des clichés, cet absurde intelligent qui propose une vision de la vie tout autre. Et décidément, j’aime beaucoup beaucoup le style de M. Garnier…

           Il pleut depuis des jours et des jours, la crue du fleuve inonde le rdc de l’asile, patients et soignants sont relégués au premier étage où un bal s’improvise : « Seul le personnel soignant était inquiet. Lorsque les premiers accords de la toccata succédèrent à la chorale des anges, on entendit un énorme fracas en bas, des bris de verre et le ruissellement incontinent d’une monstrueuse chasse d’eau. Alors, Isabelle se leva, s’approcha de Marc, lui prit les mains et l’entraîna dans une valse lente autour de la table. A leur exemple, d’autre couples se formèrent, et un bal s‘improvisa tandis que le fleuve ivre de lui-même dévastait le rez-de-chaussée. Qu’avaient-ils à craindre de lui, tous ceux-là, n’étaient-ils pas d’insolubles énigmes ? »

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31 mars 2018 6 31 /03 /mars /2018 14:14

 

           Je crois que je ne serais pas tombée sur ce roman graphique si on ne me l’avait pas offert pour mon anniversaire. Merci à elle ;)

           Catel, dessinatrice d’origine alsacienne rencontre Benoîte Groult lorsque Libé lui donne carte blanche pour une double page et lui permet de choisir son héroïne. Le coup de foudre entre les deux femmes que 44 ans séparent est évident.  Catel fait la connaissance d’une dame qui a déjà  88 ans, une pêche admirable mais qui ne connaît, de l’univers de la BD, que Bécassine ! Tout en douceur et en sincérité, Benoîte Groult va se livrer à celle qui passe ses journées à dessiner.

           Benoîte Groult est la fille de Nicole Poiret, femme séductrice et extravertie, amante de Marie Laurencin pendant la Première guerre, et d’André Groult célèbre pour ses créations de meubles.  Enfant et ado, Benoîte se sent incomprise de sa mère qui est aux antipodes de la fille disciplinée, intellectuelle et soumise qu’elle est. Elle se sent plus proche de son père : latin, discrétion et pêche sont leurs points communs. Veuve à 24 ans, Benoîte se dégage petit à petit de la pression familiale et épouse Georges de Caunes avec qui elle aura deux filles. Elle le quittera parce qu’il « est juste resté un homme de son époque », macho et possessif. Avec Paul Guimard, c’est différent : il la pousse à écrire sur le féminisme, partage avec elle le goût de la poésie et de la liberté conjugale. François Mitterrand deviendra un ami fidèle et fera de Paul son conseiller.

            La BD retrace ce passé tumultueux sur fond d’Années folles mais évoque aussi le présent d’une dame qui continue à écrire dans les années 2000, qui voyage et rencontre un succès mérité, évidemment surtout auprès des femmes qu’elle a aidées à émanciper. Le titre rend hommage au roman Ainsi soit-elle publié en 1975 et vendu à plus d’un million d’exemplaires.

             J’ai beaucoup apprécié cette lecture passionnante et instructive. J’ai adoré les passages évoquant le féminisme et la famille de Benoîte, ses parents valent déjà un livre à eux seuls ! Benoîte, par sa liberté, son absence de complexes, son hédonisme et son franc-parler devient un modèle de femme. La réhabilitation d’Olympe de Gouges par les deux femmes ne peut qu’inviter à lire leur livre respectif. Je ne sais pas si certains l’ont remarqué, j’ai toujours été réfractaire à la féminisation des noms, je ne suis pas une professeure mais un professeur, je n’aime pas qu’on modifie cette sacro-sainte orthographe que j’enseigne et que j’aime pour ses rigueurs et ses inepties. Et pourtant, je dois bien admettre que Benoîte Groult n’est pas loin de m’avoir convaincue, lorsqu’elle nous explique que Frédéric Mitterrand la nomme « commandeure » de la Légion d’honneur, la féminisation du mot prend tout son sens.

 

Benoîte Groult sceptique mais authentique au début de la collaboration avec Catel : « Tu vas écrire mes textes dans des petites bulles ? Tu vas réduire ma pensée dans des cases ? »

Petit rappel d’un extrait du Code civil de Napoléon : « La femme et ses entrailles sont les propriétés de l’homme » !

« Quand on pense que les Françaises n’ont eu le droit d’avoir leur propre compte en banque, d’utiliser leur chéquier et d’exercer une profession dans l’autorisation de leur mari qu’à partir de 1965, on réalise combien les progrès pour l’égalité sont lents ! »

« La maternité, c’est comprendre quelque qui ne nous ressemble pas. Nous nous apportons et nous éduquons réciproquement

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28 mars 2018 3 28 /03 /mars /2018 15:42

 

            Depuis  Le Baron perché et Si par une nuit d’hiver un voyageur, j’ai toujours une tendre pensée pour l’écriture de Calvino, et, par cette lecture, j’allège (doucettement !) ma PAL.

            Charlemagne sillonne le royaume des Francs accompagné de ses paladins. Agilulfe en fait partie, c’est le « chevalier inexistant » : son armure, d’un blanc surnaturel, est vide. C’est un détail pour l’empereur qui, pourtant, ne l’aime pas, et s’en débarrasse en lui donnant Gourdoulou comme écuyer, ce jeune homme complètement fou qui se prend tantôt pour un canard, pour un poirier ou pour l’empereur lui-même. Raimbaut, une jeune homme qui veut venger la mort de son père, lui, voue une admiration sans bornes à Agilulfe qui, agacé par son impatience et sa fougue, lui montre qu’être paladin c’est aussi vérifier cuisine et rationnement, enterrer les morts et contrôler la coupe et l’approvisionnement du bois. Lorsque Raimbaut rencontre Bradamante, c’est le coup de foudre mais cette belle femme chevalier à l’armure pervenche n’a d’yeux que pour Agilulfe. Eh oui, les histoires d’amour sont compliquées, même au Moyen-âge. La narratrice, ça paraît étonnant avant la révélation finale, c’est sœur Théodora, elle rédige, depuis son  couvent, cette histoire rocambolesque écrite « pour faire pénitence. » L’épopée mènera Agilulfe en Ecosse ou encore au Maroc.

              Burlesque, absurde, intelligent, subtil et drôle, ce texte surprend et fait réfléchir, il n’est pas sans rappeler Don Quichotte et dénonce l’ineptie de la guerre tout en apportant une jolie réflexion sur l’écriture par le truchement de cette sœur Théodora, si délicieusement singulière ! A lire, vraiment !

« La guerre, en définitive, c’est moitié boucherie, moitié train-train ; pas la peine d’y regarder de si près. »

« Chaque page ne vaut que lorsqu'on la tourne et que derrière, il y a la vie qui bouge, qui mêle inextricablement toutes les pages du livre. »

Gourdoulou en traînant son mort :

" - Tu souffles certains vents cent fois plus infects que les miens, cadavre ! Il y a une chose que je ne comprends pas : tout le monde te plaint ; pourquoi ? Qu'est-ce qui te manque ? Avant, bon, tu te donnais du mouvement ; à présent, le mouvement, c'est toi qui le donneras aux vers que tu vas engraisser. Tu poussais, de tous tes ongles et de tous tes cheveux : désormais tu couleras, lymphe, et les herbes de la prairie monteront plus hautes dans le soleil. Herbe tu deviendras, puis lait des vaches qui viendront brouter l'herbe, sang de l'enfant qui aura bu le lait, et ainsi de suite. Tu vois bien que tu sais vivre mieux que moi, cadavre ! »

« La guerre durera jusqu’à la consommation des siècles, il n’y aura ni vainqueur ni vaincu, nous resterons là, plantés les uns en face des autres, pour l’éternité. »

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 08:35

          Découvrir cet auteur faisait partie de mes résolutions 2018, en voilà au moins une de tenue !

          La Tamassee est une rivière impétueuse et sauvage qui sépare la Caroline du Sud de la Géorgie. Une fille de douze ans s’y noie sans que ses parents parviennent à la sauver. La Tamassee est une rivière protégée par une loi fédérale. Or les parents de la petite Ruth voudraient repêcher le corps de leur fille, les plongeurs n’y parviennent pas, il faudrait installer un barrage amovible, le temps d’une journée pour détourner le cours d’eau. Deux clans s’opposent : la famille et ses alliés qui veulent pouvoir faire décemment leur deuil et les habitants de la région, âpres défenseurs de la rivière, qui ne souhaitent pas qu’on y touche.  Au cœur de cette guerre devenue très vite médiatisée : Allen un journaliste qui a perdu femme et fille dans un accident de voiture et Maggie, la narratrice, photographe et native de la région de la Tamassee. Chacun arrive sur place avec son passé douloureux, un avenir titubant. Allen met en scène une photo du père de la victime, Maggie excelle à rendre l’image poignante. En partie grâce ) cette photo, le premier clan l’emporte : le barrage sera installé même si l’opération reste très dangereuse.

          J’ai été surprise par cette histoire difficile à lire émotionnellement parlant qui débute sur la mort d’un enfant, qui remue d’autres morts et d’autres accidents (le frère de Maggie a été un grand brûlé), qui évolue par, grâce et à cause de la culpabilité –des culpabilités- des personnages. La réussite de ce roman tient au fait que la Tamassee occupe toute la place : tantôt grande et belle dame séduisante, elle peut aussi dévorer les humains à la manière d’un monstre. Cette omnipotence de la nature qu’on peut vérifier chaque jour a adouci les malheurs et les conflits humains même si j’ai souvent ressenti une tension oppressante dont je me serais bien passée. Ron Rash reste en dehors de cela, ne prend pas parti, observe et relate ; cette distance et cette sobriété font toute la force du roman. Evidemment que j’ai envie de lire tous les autres livres de cet Américain !

« …le corps de la fillette appartient désormais à la Tamassee, qu’à l’instant même où elle s’est avancée dans les hauts-fonds elle a accepté la rivière selon ses conditions. C’est ça, la nature sauvage – la nature selon ses conditions, pas les nôtres, et il n’y a pas d’entre-deux. »

« Autrefois j’étais assez présomptueux pour croire que je pourrais sauver le monde, mais ça y est, j’ai compris. Le mieux qu’on puisse faire c’est trouver une bonne cause, une seule, si infime soit-elle, et y consacrer toute son énergie. »

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