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18 novembre 2017 6 18 /11 /novembre /2017 08:06

Résultat de recherche d'images pour "Les vieux fourneaux –dargaud 4"

             Sophie achève sa tournée marionnettes avec son spectacle Le Loup en slip ; pour l’accompagner : sa petite mignonnette Juliette et son grand-père Antoine. Alors que Sophie peste contre des incidents matériels : toit qui fuit et camionnette qui fume, Antoine découvre que le projet d’extension de l’entreprise Garan-Servier, qui permettrait de relancer l’économie de la région, est stoppé net par une bande d’écolo extrémistes qui a trouvé un spécimen rare de sauterelle. Il s’agit de la « magicienne dentelée » qui se trouve donc sur une « ZAD », une Zone À Défendre et les « Zadistes » n’y vont pas de main morte pour sauver cette sauterelle qui ne saute même pas ! Sophie rejoindrait bien l’irritation généralisée des villageois mais le meneur des insurgés s’appelle Vasco et est… terriblement craquant ! La bande de vieux croulants des « Ni Yeux Ni Maître» sème la pagaille à son tour. D’un autre côté, l’acariâtre Berthe reçoit régulièrement de beaux bouquets de fleurs et envoie en retour un Tupperware de lisier… à qui ? on n’en sait rien pour le moment ! Sophie va en apprendre plus sur son père et en révéler un bout aussi sur le père de sa fille. De révélations en confidences, on se marre bien dans ce coin perdu ensoleillé !

           Ahhh, qu’il est bon de lire un nouvel album de nos vieux compères ! Un rayon de soleil dans cette grisaille automnale ! On ne dira jamais assez de bien de ces vieux atypiques, grincheux et loquaces. Sophie n’est pas en reste puisque les fantasmes vont bon train chez cette demoiselle qui pensait avoir mis une croix sur la gente masculine. En plus d’être drôle, légère, vivifiante, la BD lance de petites allusions bien placées sur la société actuelle. Un très bon opus, encore une fois, et je ne peux qu’encourager les récalcitrants à la BD à commencer avec cette excellente série. J’arrête là, je suis à court de superlatifs.

 

Quelques villageois défaitistes pensent que l’extension ne serait peut-être pas aussi bénéfique qu’il y paraît : les employés ne viendraient pas au bistrot de La Chope et les bons coins à champignons disparaîtraient ! Antoine se chauffe d’un autre bois : « Bande d’égoïstes ! Les champignons ! La Chope ! C’est bien la France, ça ! Vous passez votre temps à râler que rien ne change, et quand ça change, vous gueulez que ça sera plus comme avant ! »

« L’artisan, quand il commence son activité, il intègre une société secrète, dans laquelle il doit prêter serment de ne jamais, mais jamais respecter un planning. »

« Elle nous emmerde la magicienne dentelée qui a qu’à aller se faire cloner le fion dans le champ d’à côté ! »

« Mais enfin, ce ne sont pas des zombies, ce sont des personnes âgées, vous voyez la différence quand même ?! »

 

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14 novembre 2017 2 14 /11 /novembre /2017 11:27

 

-Chroniques de la vie des Iraniennes-

            Le hasard m’a amenée à lire le fascinant roman de Zoyâ Pirzâd, à rencontrer une charmante Iranienne exilée en France depuis des années, à revoir le film Persépolis et à m’intéresser de plus en plus à ce pays tellement riche en paradoxes qu’est l’Iran. Je ne sais pas si vous connaissez cette collection des « Pintades » qui consiste à se téléporter dans quelques grandes villes du monde (New York, Londres, Madrid, Beyrouth, et j’en passe…) et à découvrir la vie de cette mégalopole d’un point de vue sociologique, culturel, culinaire et religieux.

            C’est Delphine Minoui (plus récemment vue et entendue pour son dernier livre Les Passeurs de livres de Daraya) qui nous raconte ses quelques années vécues à Téhéran à travers des portraits féminins : femme chauffeur de taxi, business woman, voyante, pleureuse, journaliste, esthéticienne, photographe, etc. Difficile de résumer de telles chroniques, je vous livre ce qui m’a le plus marquée :

-          Le port du voile est évidemment indispensable, et c’est même souvent le tchador que les femmes revêtent. Précisons aussi, entre autres, que « les chaussettes sont obligatoires, pour éviter tout signe de sensualité ». A 9 ans, (l’âge de la maturité selon l’Islam… punaise, l’âge de ma fille !) il devient obligatoire. En 1935, il était interdit et, paradoxalement, le port du voile a ouvert les portes des écoles et des universités. La moitié des étudiants sont désormais des femmes.

-          Téhéran détient le record mondial en matière de rhinoplastie : eh ben oui, c’est souvent le seul bout de la femme qui dépasse du tchador, il faut bien qu’il soit parfait.

-          La femme est la moitié d’un homme. Le témoignage masculin, par exemple, vaut celui de deux femmes. L’épouse, désireuse de voyager, doit demander l’autorisation à son mari.

-          Broadway et les Champs-Elysées n’ont qu’à bien se tenir : la principale artère de Téhéran fait 18 kms de long et on y trouve… de tout.

-          Les Téhéranaises adorent se maquiller à outrance, aller chez l’esthéticienne (au moins une fois par semaine !), porter des vêtements moulants et criards (sous le tchador, évidemment). Le prêt-à-porter occidental (vestes cintrées, robes à paillettes, strings) arrive, comme les kalachnikovs, à dos d’âne, à travers les montagnes enneigées du Kurdistan. Ces tenues interdites sont portées lors de soirées privées.

-          Aucun problème pour se faire livrer à domicile, à Téhéran, qu’il s’agisse de sushis ou de pizzas.

-          Des milliards de litres de coca ont déjà été ingurgités au pays où on scande lors de la prière du vendredi « Mort à l’Amérique » !

-          Les séminaires de réussite à l’Américaine (« Apprenez à vous aimer », etc.) ont pignon sur rue !

-          Les Iraniennes adorent faire des blagues. L’une de leurs préférées : Pour son 13è anniversaire, la première chose à faire est de se débarrasser de son monosourcil. D’ailleurs, pourquoi 13 ans ? Merci à Chirine Ebadi, avocate et prix Nobel de la Paix qui a réussi à faire passer l’âge légal de mariage pour les filles de 9 à 13 ans…

-          Il existe des femmes flics mais leur mission se cantonne finalement à la « chasse aux Iraniennes » puisqu’elles n’ont pas le droit d’appréhender un voleur, un malfrat… elles ne peuvent pas toucher un homme !

-          Entre ragots, thé, grignotages et papotages, « on va à la mosquée comme on se donnerait rendez-vous au café si on était à Paris. »

-          La consommation d’alcool est interdite et sévèrement punie mais la vodka coule à flot lors de soirées privées.

-          Dans cette ville de 12 millions d’habitants, les femmes sont toujours accueillantes, elles se distinguent par les multitudes de pâtisseries et confiseries « toujours d’un raffinement incroyable » qu’elles sont en mesure d’offrir à leurs hôtes.

-          Si les écarts et les libertés prises avec la loi et une religion contraignantes sont quotidiennes, la peine de mort existe encore bel et bien et on ne plaisante pas avec certains points : une femme doit arriver vierge le jour de son mariage.

               Finalement Téhéran est LA ville des paradoxes où les femmes sont les championnes de la clandestinité, où elles luttent chaque jour pour vivre un semblant de liberté et de légèreté. « Sexy sous le tchador » pourrait constituer leur mot d’ordre. Elles y réussissent plutôt bien. Ce monde fait d’hypocrisies permanentes m’a fait penser à la France sous l’Occupation, sauf qu’ici, l’ennemi à berner est le mari, la belle-mère, le voisin, le policier. J’ai beaucoup aimé cette lecture enrichissante et parfumée de safran, de rose et de grenade (le fruit ! le fruit !), je regrette seulement que ces chroniques soient déjà vieilles de dix ans… les choses ont-elles évolué depuis ? J’aimerais vraiment le savoir !

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10 novembre 2017 5 10 /11 /novembre /2017 12:25

  

 

            Une première histoire nous emmène en Inde où Smita occupe un poste bien peu reluisant puisqu’elle est une Intouchable et plus précisément une scavenger, c’est-à-dire qu’elle ramasse les excréments et les déchets humains, tous les jours, dans une région où les toilettes n’existent pas. Ce métier qu’elle a appris de sa mère, elle ne veut pas le transmettre à sa fille Lalita qu’elle souhaiterait voir aller à l’école, apprendre à lire et écrire. Le brahmane du village accepte les économies de Smita avant de traiter Lalita comme une inférieure. Mère et fille vont fuir, contre l’avis paternel.

                Dans un second temps, nous partons en Sicile, chez Giulia qui travaille dans l’atelier de son père à récupérer des cheveux pour en faire des postiches et des perruques. Tout déraille lorsque le père et patron de l’entreprise se retrouve dans le coma suite à un accident de la route. Alors que Giulia s’éprend d’un mystérieux inconnu d’origine hindoue, elle comprend aussi que l’atelier est menacé de faillite…

                Quelques milliers de kilomètres plus loin, c’est Sarah que nous rencontrons, au Canada. Working girl à qui tout réussit, Sarah a gravi les échelons dans son cabinet d’avocats pour se retrouver bras droit du patron. Requin prêt à tout, elle a sacrifié ses vacances mais aussi ses deux mariages et bien souvent du temps passé avec ses trois enfants. Elle veut réussir coûte que coûte. Un cancer du sein va changer la donne. La tresse, le cheveu est le fil directeur qui relie ces trois femmes.

                 Lecture fluide, addictive, intéressante, facile… je sais déjà que c’est un roman que je vais offrir autour de moi parce qu’il plaira au plus grand nombre. Charmée au début par l’idée de ces trois femmes éparpillées sur le globe terrestre, engluées dans un univers cruel pour elles, c’est cette même idée que j’ai trouvée, au final, artificielle, surfaite et un peu caricaturale. Les intentions de l’auteur sont excellentes, je n’en doute pas, mais la manière dont elle nous y amène manque peut-être de subtilité, de nuances. En fait, le livre est parfait : trois histoires (pour les trois mèches de la tresse, vous l’aurez compris), une succession régulière des chapitres, une montée du suspense synchrone, une comparaison possible entre trois femmes évidemment complètement différentes et pourtant teeellement semblables. Trop parfait.  Je joue le rôle de la méchante mais tout ce qui lutte contre les discriminations, tout ce qui permet de faire progresser la condition de la femme sur notre petite planète, tout ce qui éclaire notre lanterne sur les injustices sexistes est bon à prendre et, je le répète, j’ai pris du plaisir à lire ce livre (sauf la fin qui m’a vraiment agacée par son caractère archi prévisible !.... ok, j’arrête là !)

 

                Tolérance et égalité sont en Inde des mots apparemment complètement inconnus : deux millions de femmes sont assassinées chaque année : infanticide féminin, filles qu’on tue parce qu’elles sont tombées amoureuses d’un homme qui n’appartient pas à sa caste, épouses que font disparaître maris trop cupides ou belles-familles envieuses… Laetitia Colombani évoque aussi le statut des veuves : « Maudites, elles sont considérées comme coupables de n’avoir su retenir l’âme de leur défunt mari. Elles sont parfois même accusées d’avoir provoqué, par sorcellerie, la maladie ou la mort de leur époux. (…) Leur simple vue porte malheur, croiser ne serait-ce que leur ombre est un mauvais présage. » !!!

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7 novembre 2017 2 07 /11 /novembre /2017 21:55

 

             Dans un paysage nocturne et quelque peu fantomatique, une camionnette avec l’inscription « Le Factotum » roule à toute allure et s’arrête devant un hôtel abandonné planté au milieu de nulle part. Un homme à salopette en descend et salue celui qu’il prend d’abord pour le patron, un grand type maigre qui n’est autre qu’un barman. Les deux hommes ont été missionnés pour retaper l’hôtel en un seul mois en échange d’un « salaire plutôt confortable » sans avoir jamais vu le propriétaire. La tâche est rude mais le rondouillard et jovial factotum Ladislas Quint (« Qu’un ? Oui mais le bon ! » est sa blague de présentation !) prend les choses en main alors que son acolyte, Gus Mc Kolette semble plus sceptique. De sceptique, il passe à bouleversé quand il s’aperçoit que, de la boîte aux lettres qui déborde de lettres non ouvertes, surgissent des dizaines d’enveloppes au nom d’Alice Mc Kolette… Le mystère reste entier. Ça bricole, ça peint, ça répare, ça colmate des jours durant dans des jaillissements de couleurs et dans une cohabitation faite de hauts et de bas.

            C’est un album bien étrange qui ouvre les portes de la couleur tout en flottant dans une atmosphère digne de celle de la maison de la Famille Adams. Entre fantastique, onirique et poésie, le lecteur est tout content de se faire manipuler, de grimper l’escalier qui grince, de tester un cocktail réalisé par celui qui est surnommé Shaker, de participer à cette atmosphère désuète mais charmante. Une très belle découverte ; je lis Kokor pour la première fois et j’ai été séduite autant par le dessin que par le scénario.

Le billet tout aussi enthousiaste mais bien plus complet de Mo’

« 18/20 »

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4 novembre 2017 6 04 /11 /novembre /2017 15:32

Résultat de recherche d'images pour "Un bruit de balançoire de Christian Bobin iconoclaste"

              Ça fait quelques années que je me fais la promesse de revenir vers Bobin. Pour la tenir, il me suffisait de chaparder le livre de mon père…

                A travers des lettres adressées à des proches, à des inconnus, à des animaux ou à des objets, Christian Bobin propose, avec des mots simples, de nouvelles définitions de la vie. Il rend hommage au poète et moine Ryokan, il célèbre régulièrement la musique de Bach, il parle aux êtres inanimés et, à la manière de Francis Ponge, redonne de la valeur aux choses. Amitié, amour, lecture, écriture, enfance, vie et mort sont autant de thème effleurés, caressés et revisités par le poète.

             A la fois recueil épistolaire, poésie et récit, cet ouvrage étonne et détone aussi bien par sa forme que par son fond. Impossible à résumer, il offre une nouvelle perspective du monde, s’ouvre vers une possibilité qui ne semble n’avoir été jamais explorée, fouille un univers à part. Certaines phrases - de très nombreuses phrases - sont des pépites qu’il faut se hâter de recopier. Je ne suis pas certaine d’avoir tout compris, je suis certaine qu’il me serait impossible de lire un Christian Bobin toutes les semaines mais je suis ressortie de cette lecture un peu autre, j’ai eu l’impression d’avoir été touchée par l’aile d’un ange, d’avoir pu entrer dans une pièce interdite, d’avoir pu frôler du doigt quelque chose qui s’appelle Vérité… A lire

« je n’ai rien fait de ma vie, rien, juste bâti un nid d’hirondelle sous la poutre du langage. »

« les cailloux rissolaient. »

« je ne crois pas à ce qu’on me dit. Je crois à la façon dont on me le dit. »

" Le grincement d'une balançoire vide résonne jusqu'à la fin du monde."

« La vie écrit au crayon. La mort passe la gomme. »

 Celle-là, je l’offre à ma fille : « Lire quand on est enfant, c’est quitter sa famille et devenir jeune mendiant, tendre la main aux princes de passage. C’est aller en Sibérie, avec loups et cris de neige, si loin que votre mère ne vous retrouvera plus, criant « à table » dans le désert, loin, très loin du petit contemplatif aux yeux brun-vert gelés comme un lac. La lecture est un billet d’absence, une sortie du monde. »

« aucune lumière donnée ne se perd. Nous sommes des paillettes d’or détachées d’une statue vivante. Nous sommes des instants de son souffle, des pollens de sa voix, des petites gouttes de pluie qui prennent le train sans billet jusqu’à l’éternel qui est ceci, ici, maintenant. »

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31 octobre 2017 2 31 /10 /octobre /2017 14:10

 

           J’ai tardé à lire ce livre, j’en ai laissé passer des billets sur les différents blogs ! Finalement, l’époque de la rentrée a été propice à un peu de légèreté.


          Agatha Raisin est une brillante femme d’affaires dans son agence immobilière londonienne, elle sait parfaitement manipuler son monde et obtenir – à n’importe quel prix – tout ce qu’elle veut. Pourtant, à cinquante passés, elle décide de quitter le navire : elle part s’installer dans un mignonnet cottage des Cotswolds. Elle pense s’épanouir dans un monde tranquille et apaisant mais elle se rend vite compte qu’elle s’ennuie comme un rat mort et qu’elle ne s’intègre pas vraiment dans ce village où les esprits sont souvent étriqués. Pour se faire remarquer, elle participe à un concours de quiches. Elle ne sait pas cuisiner ? Qu’à cela ne tienne, elle va acheter une quiche aux épinards chez le meilleur traiteur de Londres. Oui, mais non seulement, cette quiche n’obtiendra pas le premier prix (et Agatha sent l’entourloupe !) mais en plus, elle tue le président du jury qui meurt empoisonné. La police n’accuse pas Mme Raisin et conclut à un accident : la cigüe peut être confondue avec les épinards. Après s’être fait de nombreux ennemis et très peu d’amis, Agatha décide de mener l’enquête au péril de sa vie…

           J’ai apprécié cette lecture même si ce n’est pas ma cup of tea. Il est vrai que les pages se tournent toutes seules et que, même si cette Agatha a quelque chose d’agaçant, on s’attache à elle malgré tout. Cela ne suffira pas à revenir la lire. Le personnage est bien trouvé, pas trop jeune ni trop vieille, Agatha a un bon fond mais sait aussi se montrer insolente, tricheuse, et lunatique. Le cadre -cette région des Cotswolds- ouvre la porte au rêve et au pittoresque. Et finalement, cette dénomination de « comédie policière » sied parfaitement à la série. Par curiosité, j’ai vaguement lu le résumé des aventures suivantes et cela m’a amplement suffit, Mme Raisin n’a aucunement besoin de moi pour vivre sa vie !

          Elle découvre son cottage (Avouez qu’acheter puis le découvrir meublé par quelqu’un d’autre est une sacrée prise de risque !!!) :« Agatha avait laissé carte blanche au décorateur. Tout était parfait, et pourtant… Elle s’arrêta sur le seuil du séjour. Rien ne manquait : canapé et fauteuils assortis recouverts de tissu de chez Sanderson, lampes, table basse avec plateau en verre, faux berceau à bois médiéval dans l’âtre, médaillons de harnais en cuivre cloués au manteau de cheminée, chopes en étain et pichets Toby suspendus aux poutres, pièces de machines agricoles astiquées accrochées aux murs… Et pourtant, on aurait dit un décor de théâtre. »

 

Cela pourrait être le village d’Agatha :

 

 

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28 octobre 2017 6 28 /10 /octobre /2017 16:12

  

 

           J’éprouve toujours une tendresse particulière pour le travail de Will Eisner d’une part parce que son trait est exceptionnel de finesse et de précision, d’autre part parce que je lui dois l'une de mes premières lectures de roman graphique.

            L’auteur l’explique dans la Préface : il a voulu, dans cet album, réhabiliter un personnage présent dans le roman Oliver Twist (que je n’ai pas lu, honte à moi) : celui de Fagin, ce gars des rues qui vend et se procure des habits d’occasion, celui qui recueille orphelins et paumés, celui qui vole tout en gardant une âme honnête et (presque) intègre, celui qui prendra Oliver Twist sous son aile. Will Eisner ne supporte pas que Dickens ait constamment associé ce misérable hère à la religion juive. Il raconte donc son histoire, celle d’un pauvre gosse issu d’une famille d’ashkénazes qui multipliera les malheurs puisque père et mère décèdent rapidement et l’enfant est livré à lui-même. Lorsqu’il aura un peu de chance (placé dans une famille riche en tant que domestique), le mauvais sort s’acharnera sur lui (entré à l’école, il est surpris en train d’embrasser une fille et sera chassé). Tour à tour receleur, bagnard et tailleur, Fagin a essuyé de nombreuses insultes ayant trait à sa religion. Et pourtant, l’homme ne cherchait qu’à tracer sa route et vivre de manière honnête et sereine.

             Le projet est admirable car pétri de bons sentiments : en comblant le roman de Dickens, Eisner appelle à la tolérance, rejette les préjugés raciaux, religieux et ethniques qui avaient cours (et sont encore d’actualité !) pendant des décennies. Comblée par les dessins (rahhh, ces rues londoniennes sous la pluie, ces visages fanés d’avoir trop souffert, ces regards pleins de bonté… et puis cette magnifique couverture !), j’attendais un petit quelque chose en plus qui n’est pas venu. La BD est à lire, cependant, et donnera envie de lire le roman de Dickens qui a reconnu lui-même sa tendance trop rapide à appeler son personnage « Fagin… le Juif » ! Ma lectrice de fille me l'a chipée et a aussi apprécié sa lecture même si elle a été très impressionnée par la pauvreté et la violence de cet univers (lecture suivie de la merveilleuse question :"C'est quoi un Juif, maman?")

             Dernière chose – j’ai cherché l’info sans trouver la réponse : la police, le lettrage de la signature de Will Eisner est le même que celui de Disney. Coïncidence ? plagiat ? … ou ne serait-ce pas tout à fait le même ? A vos loupes !

 

« 16/20 »

 

 

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25 octobre 2017 3 25 /10 /octobre /2017 22:42

 

           Je n’avais jamais lu ce petit classique et je ne regrette pas d’avoir rattrapé le temps perdu.

           Guillaume, surnommé Guillou, est un petit garçon différent, un peu en retard, malpropre, laid. Sa mère, Paule, le déteste. Roturière, elle a épousé Galéas, un homme dégénéré, pour devenir baronne. Elle ne supporte pas de voir ce fils si « vilain, sale et bête » à tel point qu’elle le surnomme « le sagouin ». Vivant avec sa belle-mère, la baronne de Cernès et Fräulein, la gouvernante, Paule cherche un précepteur pour son fils puisque tout le village a mis une croix sur la famille depuis que des soupçons, infondés, planent sur la vertu discutable de Paule. C’est l’instituteur du village qui va accepter de s’occuper deux heures durant de Guillou. Le petit bonhomme, après des débuts timides, prend du plaisir à la lecture, activité qu’il réalise -pour un « attardé »- avec beaucoup de talent. Il se réjouit déjà de pouvoir commencer Sans famille, le lendemain. Mais l’instituteur décide subitement de se rétracter : Guillou ne viendra plus chez lui. Le garçon, accompagné de son père mettra un point final, à sa manière, à cette vie désolante.

          Drame psychologique qui se termine en tragédie, ce roman se démarque par son efficacité : malgré sa brièveté, il brosse avec une précision d’orfèvre le portrait d’une mère odieuse et d’un enfant malheureux et malaimé. Les mots de Paule sont des couperets qui abîment chaque jour un peu plus l’âme de Guillou et qui rappellent évidemment la dureté de la mère Folcoche de Vipère au poing. Des êtres humains qui n’ont pas grand-chose d’humain… Ce texte est aussi un bon prétexte pour aborder la différence, l’indifférence, la notion d’humanité. A mettre entre toutes les mains !

 « Ce que  Paule voyait quand elle pensait à son fils, c’était des genoux cagneux, des cuisses étiques, des chaussettes rabattues sur les souliers. A ce petit être sorti d’elle, la mère ne tenait aucun compte de ses larges yeux couleur de mûres, mais en revanche elle haïssait cette bouche toujours ouverte d’enfant qui respire mal, cette lèvre inférieure un peu pendante, beaucoup moins que ne l’était celle de son père, – mais il suffisait à Paule qu’elle lui rappelât une bouche détestée. »

« Comme on dit «faire l’amour», il faudrait pouvoir dire «faire la haine». C’est bon de faire la haine, ça repose, ça détend. »

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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 20:18

 

          Je me demande vraiment où j’ai pu chopé cette idée de lecture (j’ai plusieurs LAL dont une fourre-tout sur mon portable et je m’en inspire pour emprunter à la bibliothèque municipale, plus ou moins à la va-vite). Je m’attendais simplement à lire un bon polar…

           Carl Streator, journaliste, enquête sur la mort subite du nourrisson, survenue dans cinq foyers, où il décèle vite un point commun : chaque bébé est décédé après avoir entendu la même comptine d’origine africaine, la fameuse « berceuse » qui se révèle être, pour celui qui l’écoute, un aller simple vers le trépas. Carl détient ce texte maléfique, il est bien tenté d’en faire un usage outrageux mais il n’est pas le seul à cacher ce secret : Helen Boyle, une agente immobilière spécialisée dans les maisons hantées (ça rapporte un max !) ainsi qu’Oyster un vegan extrémiste accompagné de sa copine délurée, Mona. Les quatre hurluberlus vont, à travers un road trip déjanté et psychédélique, partir à la recherche de tous les tomes comportant cette berceuse tueuse.

            Je n’avais jamais rien lu de Chuck Palahniuk, je savais qu’il était l’auteur de Fight Club. Son style est vraiment particulier, il se promène insolemment entre les frontières du fantastique et du polar, tout ça sur un mode cynique et grinçant qui fait parfois sourire (de ces sourires démoniaques …) Sans avoir totalement détesté, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans cet univers sinistre et farfelu flirtant sans cesse avec l’absurde. Je crois que le point de départ, ce sortilège via la lecture d’un texte, m’a d’emblée désarçonnée parce qu’il nous a été balancé à la figure sans que cela puisse être crédible. Pourtant, malgré mon mécontentement quasi permanent et mes nombreux grommellements, il n’est pas exclu que je prenne un autre bouquin de cet auteur allumé, hanté par Big Brother !  L’écriture excelle dans la simplicité et s’épanouit dans une verve satirique indéniable... mais il faut s'accrocher, ça roule à toute blinde !

 

« Le livre appelle ça une chanson d’élimination. Dans certaines cultures antiques, on la chantait aux enfants pendant les famines ou les sécheresses, chaque fois que la tribu avait épuisé les ressources de ses terres. Ça se chante aux guerriers estropiés à la bataille et aux gens frappés par la maladie, tous ceux qu’on espère voir mourir bientôt. Pour mettre un terme à leurs souffrances. C’est une berceuse. »

« Imaginez une peste que l’on peut attraper par les oreilles. »

« Quelqu’un marche sur le pied de Helen, elle le retire et me fait comme ça : « Je trouve que le nombre de personnes que je tue importe peu, ce n’est jamais assez. » Je lui réponds : ne parlons pas boutique. »

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19 octobre 2017 4 19 /10 /octobre /2017 22:40

 

 

              J’avais découvert l’auteur avec les fascinants Falsificateurs. Voici son dernier roman.

                Walker a tout réussi : chef d’une entreprise de transports qui n’a fait que grandir et prospérer, il est un homme d’affaires à la fois coriace et généreux. Dans son ménage, c’est sa femme Sarah qui élève leurs trois enfants mais il n’est pas absent, il emmène l’un au cours de sport, aide l’autre à faire ses devoirs, partage avec l’aîné sa passion du cinéma. Bref, il est sur tous les fronts. A quarante ans passés, cette situation ne le satisfait plus. Il aimerait avoir du temps rien que pour lui, mais, à cause de son incapacité à déléguer, il ne connaît plus ni moments futiles, ni instants légers faits de loisirs et de choix personnels. L’achat d’une résidence secondaire au bord de la mer orchestré par son épouse sera peut-être la goutte d’eau : il ne veut pas se sédentariser pour les vacances, il a besoin d’espace, de « plus de temps pour lui, sans avoir de comptes à rendre. » Face à cette angoisse d’un « avenir tout tracé », l’idée de fuir émerge doucement dans son esprit et il s’y réfugie à chaque fois qu’il est à bout. Il achète un sac à dos et ça le calme, il se procure des manuels bourrés de conseils pour disparaître et ça lui fait du bien. Il va plus loin et s’achète un téléphone prépayé, un kit de survie, un ordi portable sécurisé…  Jusqu’au moment où il décide de mettre ces rêves d’escapade en action. Il va crasher son petit avion dans les montagnes et sauter en parachute. Son plan a fonctionné, vu l’état de la carcasse du turboprop, le pilote est rapidement déclaré mort même si son cadavre demeure introuvable. Quant à Walker, il s’est blessé dans la chute, il a froid, il a faim mais il a réussi son pari, il est libre ! Evidemment, il doit se cacher quelque temps, ne pas être reconnu, de pas tenter d’avoir des nouvelles de sa famille, changer régulièrement de ville, d’apparence, oublier ses anciennes habitudes…

              Si vous comptez lire le roman, arrêtez-vous ici ; je trouve que la quatrième de couverture en dit déjà un peu trop. Un détective nommé Shepherd s’empare de l’affaire et explique à la veuve qu’il doit être sûr que Walker est mort pour faire jouer les assurances. C’est un détective brillant qui reconnaît Walker sur les caméras de surveillance d’un supermarché. Une traque infernale commence mais  nous avons affaire à deux hommes très intelligents et extrêmement rusés et ce duel les mènera loin sous l’œil de l’épouse qui sait que son homme n’est pas mort.

             Avec ce thème romanesque par excellence et l’écriture fluide de Bello, cette lecture m’a procuré beaucoup beaucoup de plaisir ! J’ai dévoré le roman en deux jours et je regrette de ne pas avoir su prolonger ce régal ! Je trouve ce genre d’histoire extrêmement excitante et j’ai, je le répète, adoré lire cette fiction. Pourtant, des défauts, on peut en trouver en pagaille et j’avoue avoir été surprise de trouver un ton finalement si léger par rapport au roman Les Falsificateurs qui semblaient si bien documenté, tellement étoffé. Sans rien connaître de Bello, on pourrait même imaginer que L’homme qui s’envola est une œuvre de jeunesse, une sorte de brouillon maladroit de la série qui suivrait. Le roman est truffé d’incohérences et d’invraisemblances : Walker adore ses enfants mais il est prêt à les quitter pour toujours sans plus jamais avoir un seul contact avec eux. Les personnages sont souvent caricaturaux, la fin peu crédible. Et d’ailleurs, être richissime, adulte et intelligent et choisir une vie de quasi mendiant toujours traqué, est-ce crédible ? Et puis, est-ce si difficile de vivre dans l’anonymat le plus complet sans se faire repérer par un détective ? Là aussi, je doute. Quand Walker commet une erreur, c’est l’erreur la plus grossière, la plus visible, la plus flagrante. J’ose espérer que tous ces éléments faisaient partie des choix de l’auteur, d’offrir à un lectorat plus large, une lecture divertissante et attrayante. J’ai été bon public mais je m’en vais lire Les Eclaireurs, la suite des Falsificateurs pour me remplir un peu plus la panse…

« Bonne journée, très bonne journée même. Je crois n’avoir commis aucune erreur. Quitté ma tanière à 3 heures du matin. Elle ne me manquera pas. Les dernières nuits étaient glaciales, je n’aurais pas pu tenir beaucoup plus longtemps. Je suis arrivé à Las Vegas à l’aube. Attendu l’ouverture du Safeway où j’ai rempli mon caddie en un temps record, sans lever la tête. »

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