Thomas a perdu son fils de 10 ans, Gabriel, noyé sous ses yeux, un jour de tempête, alors que le garçon butait sur un anneau d’amarrage. Il tente, des mois plus tard, de vivre avec – de survivre à cet accident tragique avec sa femme Anna. C’est à la juge d’instruction Dominique Bontet qu’on demande de clore le dossier. Pourtant, elle se refuse à le faire, sans trop pouvoir l’expliquer. En parallèle, c’est Iris qui vient porter plainte contre son mari qui la bat et l’humilie au quotidien ; pourtant, comme elle donne des coups elle aussi, la juge cherche à en savoir plus sur cette famille en souffrance.
Deux familles liées par un personnage central, cette femme juge, humaine et faillible elle aussi. Le voile est levé très doucement sur des mensonges, des apparences qui ne reflètent pas la réalité. C’est avec beaucoup de sensibilité que l’auteur évoque les différents parcours : celui de Thomas qui n’a jamais vécu comme il l’aurait souhaité mais demeure très amoureux de sa femme, celui d’Anna qui est, depuis des années, restée dans l’ombre de son mari puis dans celui de son fils sans jamais véritablement penser à elle. Dans cet excellent roman noir psychologique d’une grande sensibilité, la tragédie de la mort d’un enfant soulève les coins obscurs de vies frustrées, elle gratte là où ça fait mal et fait la part belle aux femmes, ce trio Anna-Dominique-Iris. Je me suis glissée dans ce roman sans vraiment en être sortie encore, charmée par l’écriture, happée par la tension omniprésente et ce dénouement qu’on ne devine pas avant les dernières pages. C’est un de mes romans préférés de cette rentrée littéraire et j’en fais un coup de cœur.
« Que faire de cette histoire « Gabriel Sénéchal », par exemple, dont le petit visage, en première page du sous-dossier orange rangé dans le dossier bleu, est illuminé par un rayon de soleil ? Onze mois, déjà, que ce garçon de dix ans s'est noyé dans le port alors qu'il se promenait avec son père. Ce soir-là, un samedi, Dominique était la magistrate de permanence et avait été immédiatement appelée sur les lieux par les gendarmes, eux-mêmes avertis par le père. « On aurait dit qu'il venait de voir la fin du monde », avait lâché un militaire. Dominique venait de lancer Jules et Jim, bien calé dans les bras d'Antoine lorsque son portable avait sonné. »