![Le ciel ouvert | Actes Sud](https://www.actes-sud.fr/sites/default/files/couvertures/9782330185497.jpg)
Notre narrateur-auteur a trouvé l’amour, l’Amour, celui qu’on éprouve à quarante passés, celui qui est interdit parce que la belle (princesse ?) n’est pas (encore) libre, celui qui fait écrire n’importe quoi. Pas n’importe où puisque tout se passe par Instagram où Nicolas Mathieu a, publiquement ou en privé, posté des messages destinés à son amoureuse. Il y parle de cette relation, de ce couple qui n’en est pas tout à fait un, de ces rencontres trop éphémères, du manque et de l’absence, de la vie, de la décennie, du temps qui passe.
Pour tout vous dire, je suis du genre rapide pour écrire un billet, je termine le livre et j’écris ma petite bafouille dans les 24h qui suivent en général. Là, j’ai retardé l’affaire... et pour cause, comment dire d’un de ses écrivains préférés qu’on n’a pas du tout du tout aimé son livre ? Argh, ça m’arrache les doigts du clavier mais du début à la fin, je suis restée à côté de cette pseudo déclaration d’amour à laquelle je n’ai pas cru une seconde et qui m’a terriblement agacée. D’abord, Nicolas Mathieu passe un temps fou à parler du cul de sa maîtresse ou de ses cuisses lisses (peut-être suis-je un brin jalouse !), il nous répète aussi à peu près 23 fois qu’elle fume beaucoup et tout le temps en s’occupant de ses gosses. Ensuite il prouve par A+B que (ô scoop), l’amour à 40 ans n’est plus aussi insouciant que l’amour à 15 ans. On ne se l’explique pas trop mais, au bout d’un moment le sujet dévie complètement (heureusement, en fait), et là, les réflexions sur la vie dans les bars, la notion de voyage, les villes, la détresse des amants liée au confinement, son fils, ces digressions-là ont quand même un peu plus de gueule que la mièvrerie poisseuse du début. J’y ai même retrouvé la plume que j’aime tant, emplie à la fois de poésie, de réalisme et d’âpreté... mais ça ne dure que quelques paragraphes. Au bout du compte, le texte est si court qu’on a envie de dire « tout ça pour ça ? » une fois la dernière page tournée. Nicolas, Nicolas, il ne faut plus me faire de mauvaises blagues comme ça. Soit t’es aveuglé par cet amour pour cette princesse et tout ça va vite passer, soit tu ne sais vraiment plus quoi écrire et il faudra songer, comme le commun des mortels, à une reconversion (parce que ce livre est quand même un gros foutage de gueule). Mais ne me fais plus un coup pareil, ça m’a déprimée quatre jours pleins, reviens-nous avec de bons gros romans sociologiques, organiques et terriens.
(Telerama parle d'une "ode palpitante à la vie" et les Inrocks trouvent le récit "somptueux"...)
« Parfois, je me réveille, je constate le vide à côté de moi et je pense à toi, précise dans ta cuisine. Le lait chaud, les tartines, France Inter, tes pieds nus sur le sol froid, tes cheveux vite noués, les enfants qui boivent leur chocolat. Je t'imagine rapide comme un colibri, chaque chose à sa place, un monde à refaire à l'aube, l'école et les informations, tu as déjà envie de fumer et tu regardes le jour qui se forme, le vaste ciel recommencé, en buvant ton café. Ta moue de sept heures, cet appétit d'exister qui est déjà là. »
« J'écoutais ta voix, tes hanches, j'écoutais ta nuque et tes mains, et la laine sur ta peau, le crépitement du tabac, j'écoutais ton sang qui du cœur à la tête va si fort et dont tout dépend. Il faisait bon ici, et le ciel ouvert n'offrait pas la moindre prise. Alors je te disais des mots possibles, des aveux, des bêtises. Mais surtout, j'écoutais le souffle entre chaque parole, ce qui n'est pas dit, le secret qui vient du ventre, ce mystère entre nous qui grandit. Tu sais, le globe terrestre tient tout entier dans les mailles de nos désirs, ce filet que tissent les gens en s'appelant d'un bout à l'autre du monde, de Hong-Kong à Sydney, de Bar-le-Duc à Épinay. »