Saint-Allaire est un village perdu en pleine campagne, un de ces endroits où, en 1966, on trouve tout ce dont on a besoin : boulangerie, boucherie, café, épicerie. La jolie Anna Soulette, du haut de ses dix-huit ans, est bien décidée à trouver l’amour, elle a déjà ressenti battre en elle les premiers émois sexuels. Pourtant, Polo, un gars stupide du village, la violente un peu trop et la fait fuir. C’est Aristide que la belle blonde aime beaucoup, il est mitron à la boulangerie et surtout Noir… A une époque où le racisme allait bon train, Anna l’aime pour sa gentillesse et son tact, qualités rares chez les habitants de Saint-Allaire. Entre son père ivrogne, le curé porté lui aussi sur la boisson, des mégères de sœurs, un père irresponsable, les deux amoureux devront faire leur petit bout de chemin tout seuls, entre le lavoir et la place du village, entre le petit bois et la grande à foin. Ou peut-être bien plus loin…
J’ai beaucoup aimé cette BD qui, sous des allures vieillottes, distille une bonne dose d’humour avec un petit air de-ne-pas-y-toucher. Cette plongée dans les années 60 dans un petit village de campagne fleure bon le pain frais et l’herbe coupée. A côté de ça, il va aussi falloir supporter les préjugés, le racisme ambiant et les esprits étriqués mais les auteurs se débrouillent pour terminer l’histoire en beauté. Les dialogues claquent et les personnages sont pittoresques. Alors oui, le scénario est peut-être un peu léger avec un dénouement prévisible mais j’ai bien aimé cette parenthèse d’un autre temps avec un humour parfois un peu potache, ça a accompli sa mission de me divertir un instant. Les dessins sont signés d'un auteur pour moi inconnu, ils ne m'ont pas particulièrement plu mais pas dérangée non plus...
A noter que Franck Bouysse écrit pour la première fois un scénario de BD.
Des forains s’installent pour quelques jours au village – dialogue entre le cantonnier et le cafetier :
- Il faut un sacré bazar.
- Ouais, mais c'est bon pour les affaires.
- Ça se voit que c'est pas toi qui nettoie la place après…
- C'est quand même pas le coup de feu tous les jours, en ce qui concerne.
- Bon je vois que les clichés ont la vie dure.
- Sûr que tu serais souvent sur la photo.
- Je ne sais pas ce qui me retient d'aller dans un autre bar.
- Peut-être parce qu'il y en a pas d'autres.
Un vieil aristocrate désargenté et moins con que d’autres villageois héberge Aristide et son père :
- Pourquoi tu l’as appelé Tolstoï ton chien ?
- En hommage, je parie que vous n'avez pas lu Tolstoï, un écrivain russe ?
- Je l’ai appelé comme ça parce qu'il n'est guère épais. [j’adore !!]