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31 août 2023 4 31 /08 /août /2023 11:14

Hotell - John Lees - Librairie La Fureur de Lire

Sur la route 66, un étrange hôtel isolé, l’hôtel Pierrot Courts. Débarque une mère enceinte jusqu’au cou qui fuit un compagnon trop violent. Elle se rend rapidement compte qu’il règne, dans sa chambre d’hôtel, une ambiance pas franchement cocasse, elle sent comme un malaise, fait des rêves étranges de son bébé qui prendrait le pouvoir, elle rencontre un voisin entreprenant et finit par se laisser dominer par son bébé. Un autre client rêve de tuer sa femme, il passe réellement à l’acte en l’empoisonnant avant de la découper en morceaux mais cinq minutes plus tard, elle se présente tout sourire sur le seuil de sa chambre. Il y a aussi ce père qui veut exorciser le démon qui a pris possession de son fils, il est aidé par un prêtre tombé en disgrâce. Les personnages se suivent et parfois se croisent dans cet endroit où rien ne va.

Bon bon bon... j’ai emprunté cette BD avant de réaliser chez moi que c’était un comics mais il faut savoir s’écarter de ses habitudes parfois, n’est-ce pas ? J’ai souvent hésité entre cauchemar et bonne tranche de rigolade (mais, « en vrai » comme disent mes ados, j’ai quand même bien flippé !) j’ai cependant réussi à terminer ma lecture que je n’ai pas trouvée si mauvaise. Les différentes histoires finissent par s’imbriquer intelligemment pour ne former qu’une farandole d’horreurs (yeux crevés, bébé transformé en zombie hilare, étang malfaisant et monstre visqueux, femme découpée en morceaux sanguinolents). Evidemment, le thème d’un hôtel perdu qui fait peur n’est pas sans rappeler certains films de Kubrick ou d’Hitchcock mais il faut avouer qu’ici on est un brin au-dessus dans l’horreur. Il devrait sortir un second tome que je vais m’appliquer à soigneusement éviter.

Paroles de réceptionniste : « Tout le monde affirme avoir un mauvais pressentiment au Pierrot Courts. Parfois, je me dis que cet endroit est l’incarnation même du mauvais pressentiment. Ils prétendent vouloir partir, mais ils ne le font pas. Ou ils en sont incapables. Comme prisonniers d’une gravité malfaisante. »

 

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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 08:00

Une amazone: suivi de Marie eBook : Dumas, Alexandre: Amazon.fr: Boutique  Kindle

J’ai un peu triché pour participer au challenge Les classiques c’est fantastique puisque le défi consistait plutôt à lire un pavé de Dickens vs Dumas ... Ici, il s’agit de « Marie », une nouvelle de jeunesse de Dumas et d’« Une amazone », une autre nouvelle parue la même année que La Reine Margot (1845).

« Une amazone » : Edouard Didier est un jeune homme qui vient d’emménager dans un petit appartement. Lors d’un bal masqué, il se laisse aborder par une jeune fille portant un domino ; très vite séduit par la fine main et la douce voix, il tente de percer l’énigme de son identité. De plus en plus mystérieuse, la jeune fille sème quelques indices : il s’agit d’Herminie, une orpheline qui sait manier les armes et monter à cheval comme un homme et qui, surtout, ne veut pas se marier. Elle fait d’Edouard ce qu’elle veut, et commence par lui ordonner de garder leur liaison secrète et de venir la rejoindre à minuit, dans la maison d’en face, en posant une longue planche entre les deux fenêtres. Une vraie liaison dangereuse...

Passés les deux premiers chapitres dont je n’ai pas compris l’intérêt (une longue partie de cartes, le lansquenet), le récit gagne rapidement en force non seulement grâce à ce personnage féminin énigmatique et attachant mais aussi par le truchement de l’humour. En effet, Herminie mène notre petit Edouard à la baguette, il se demande d’ailleurs ce qu’il représente vraiment pour elle : « un peu plus que sa femme de chambre, un peu moins que son chien, un accessoire, un hochet, un passe-temps ». Mais il ne l’aime pas non, non, non, évidemment. L’autre personnage-clé de la nouvelle, c’est Edmond, le lourdaud de service qui va revêtir une importance cruciale à la fin du texte. J’ai adoré cette nouvelle que j’ai trouvée impeccablement menée avec ce qu’il faut d’humour, de surprise et de suspense.

Dans « Marie », le narrateur, lors d’une nuit parisienne, va sauver une jeune fille de la noyade. Enceinte, elle voulait mourir, délaissée par un homme qui n’est autre qu’Alfred, une connaissance que le narrateur haïssait déjà. Le père de Marie va affronter Alfred en duel. Le récit n’est composé que d’une seule lettre, celle du narrateur qui réclame l’aide de son ami Gustave pour une « affaire de sang, une affaire que la mort peut seule terminer. » (tout s’éclaircit à la fin)

Deux jolis moments de lecture agrémentée par des dialogues fort savoureux et un rythme enlevé.

Ah ! ces femmes : « Le jeu avec les femmes a cela de charmant qu'il donne à leur physionomie toutes les expressions d'un chagrin réel ou d'une joie folle, selon qu'elles perdent ou qu'elles gagnent, car elles ne se donnent pas comme nous la peine de cacher ce qu'elles éprouvent. »

Herminie, résolument moderne et assurément très franche : « Je vous aime comme amant mais je vous haïrais comme mari. La seule idée que quelqu'un aurait reçu d'un pouvoir plus fort que le mien, le droit de m'empêcher d'être libre serait un tourment sans fin pour moi. Vous êtes mon premier amour, mais je ne vous dis pas que vous serez le dernier. Moi, je n'ai jamais aimé, je ne sais pas combien de temps on aime et du jour où je ne vous aimerais plus comme aujourd'hui, j'entends que nous redevenions libres tous deux ; que jusque-là il n'y ait pas une indiscrétion de votre part, comme Il n'y aura pas un doute de la mienne, et qu'une fois séparés par ma seule volonté, quoi qu'il arrive, vous cessiez de me connaître et continuiez votre route sans regarder en arrière. »

« Cette femme-là prend un amant comme on prend un domestique, pensa Edouard, voyons les gages ! »

Sinon, de Dumas, j’ai déjà écouté Les Trois Mousquetaires, lu et adoré Le Comte de Monte-Cristo (non chroniqué ici) et de Dickens, je n’ai qu’un petit David Copperfield (en version abrégée - oui, c'est nul).

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25 août 2023 5 25 /08 /août /2023 15:27

Coups de théâtre - Christian Grenier - Leslibraires.fr

L’inspecteur Germain et sa jeune stagiaire, Logicielle, papotent tranquillement du métier mais ils se séparent rapidement parce que bientôt sera diffusée, à la télé, le soir-même, une pièce de théâtre policière inédite. En direct du Théâtre du Crime, la nouvelle pièce de René Brusses est retransmise en direct. L’inspecteur est dans son canapé quand retentissent les trois coups et que se lève le rideau. Le problème est que l’actrice qui gît sur scène avec un couteau dans le dos ne se lève pas, ne bouge pas, elle est réellement morte. Une page de publicité interrompt les excuses maladroites du commentateur. S’ensuit une enquête où nos deux policiers vont suspecter l’ensemble des comédiens, auteur, metteur en scène et techniciens présents ce soir-là car, finalement, tout le monde la détestait, cette Matilda.

Même si la note de l’auteur nous avertit que ce texte est un roman, il est bel et bien présenté comme une pièce de théâtre. La mise en abyme est astucieuse pour un lectorat de jeunes qui pourra, surtout, s’initier au genre d’Agatha Christie. En effet, le huis clos, le suspens, la psychologie des personnages, la chute, ainsi que ce genre policier dépourvu de toute violence sont des ingrédients qu’on retrouve ici. Il est possible de transformer ce roman en pièce de théâtre en raccourcissant ou supprimant certains passages. Même si les portraits des personnages auraient pu être plus aboutis, j’ai apprécié cette lecture qui se veut également un hommage au théâtre. A faire lire aux jeunes férus de théâtre ou de policier.

« Le théâtre, Logicielle, c'est le règne de l'apparence. C'est l'univers du décor, du clinquant. Ceux qui pénètrent dans ce monde l'apprennent parfois à leur dépens. Beaucoup abandonnent leur propre personnalité pour adopter celle de personnages factices et provisoires. Certains y trouvent la gloire. La plupart, ils perdent leur âme. Connaissez-vous l'expression : « Il tuerait sa mère pour faire un bon mot » ?  J'ai connu des acteurs qui, pour glaner quelques applaudissements, ont été capables des pires bassesses... »

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21 août 2023 1 21 /08 /août /2023 13:48

John Dos Passos : Manhattan Transfer | John Dos Passos : Man… | Flickr

Il a fallu qu’on me donne un petit coup de coude (merci Yohann !) pour que j’entame enfin cette lecture. Aucun regret.

Au début du XXe siècle, à Manhattan. Bud est arrivé ici parce qu’il a fui la campagne et surtout un père trop violent. Jimmy Herf perd sa mère avec qui il entretenait une relation fusionnelle et il est recueilli par son oncle et sa tante. Gus, le laitier, se fait renverser par un train et son avocat deviendra aussi l’amante de sa femme Nelly. Cassie, la belle danseuse, souhaite que le monde soit gouverné par une « beauté spirituelle » alors que son Morris ne cherche qu’à lui sauter dessus. Emile, sans le sou, s’échine à séduire Mme Rigaud, gérante d’une confiserie, afin de reprendre l’affaire. Ils sont une bonne dizaine à évoluer sous nos yeux, se battre, rire, tromper, pleurer, bouder, mourir.

Quelle fresque ! une fourmilière géante. Des rencontres, des bousculades, des incartades, des partages, des foules, des masses, bref tout ce qui évoque les multitudes ; et ça fourmille, ça foisonne, ça grouille, ça pullule. C’est Zola à New-York, évoquant par le biais de la fiction le capitalisme, le melting-pot culturel, la corruption, l’éclectisme, le racisme, l’insécurité, l’indifférence ... entre autres. On pourrait parler de superpositions ou de juxtapositions dans la construction de ce roman qui nous donne encore davantage une vision remuante de cette ville fascinante. L’usage de l’énumération ponctue allégrement le récit. Les ellipses tendent à rendre ce livre assez complexe dans sa structure, il ne faut pas y chercher une lecture de plage mais je suis contente d’avoir enfin découvert ce monument américain de plus de cinq cents pages. Les portraits m’ont particulièrement plu comme le prouvent les trois premiers extraits ci-dessous, il s’agit d’une véritable comédie humaine qu’on apprend, certes peut-être pas à apprivoiser, mais à observer avec un regard conciliant et amusé.

« Une femme blonde, à longues dents, arrivait, enveloppée dans une sortie de théâtre saumon. Elle donnait le bras à un homme à face de pleine lune qui portait son chapeau haut-de-forme devant lui comme un pare-chocs. Puis venaient une petite femme frisée qui montrait ses dents en riant ; une grosse femme coiffée d'une tiare avec un ruban de velours noir autour du cou ; deux hommes, l'un avec un gros nez en pied de marmite, l'autre avec une longue figure couleur de cigare... »

« Schmidt était un gros homme qui s’était rétréci. La peau pendait flasque sur ses joues hâves. »

« Une femme avachie sous son imperméable demandait un café au comptoir. Son visage rouge et violacé avait des reflets de viande pourrie. »

« De tous côtés, montait un bruissement de vie qui s'éveille. Elle se sentit affamée et seule. Le lit était un radeau sur lequel elle se trouvait abandonnée, seule, sur un océan grondant. Un frisson lui parcourut le dos. Elle rapprocha ses genoux encore plus près de son menton. »

« Ce qu’il y a de plus terrible quand on ne peut plus supporter New York, c'est qu'on ne sait pas où aller. C'est le sommet du monde. La seule ressource est de tourner en rond, comme un écureuil dans sa cage. »

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18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 07:40

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L590xH799/arton31379-cceaa.jpg?1680185520

Solange, dit So, est une infirmière qui rencontre Amir, un réfugié syrien, lors d’une maraude. Le pauvre logement où il vit a été brûlé et So lui propose de l’héberger chez elle, son mari et ses trois enfants. La cohabitation se passe bien mais Amir tient à se rendre utile et il se met aux fourneaux, se souvenant des recettes de bameh, d’atayef, de salade fattouch, ... de sa grand-mère syrienne. Lorsque Marcel, le père de So qui tient un restaurant-traiteur, est immobilisé parce qu’il a contracté un covid long, Amir prend sa place et ses talents de cuisinier sont reconnus par tous les clients. Mais Marcel est un raciste patenté qui a du mal à supporter qu’un Arabe soit dans sa cuisine et, le comble, connaisse un beau succès. Et puis, il y a la belle Héléna, la sœur de So ; entre elle et Samir, ça fonctionne plutôt bien.

Malgré des passages un peu caricaturaux (quoique... ne sommes-nous pas entourés de racistes obtus qui le prouvent si régulièrement lors des élections ?), j’ai adoré cette BD tendre, drôle, joyeuse, positive. Si l’intégration de Samir se passe bien, il exprime le manque de son pays, son mal-être face au rejet de certains cons, face à cette difficulté de se sentir vraiment chez soi. La thématique de l’exil est donc présentée assez subtilement dans un contexte tout de même très positif. Bonus très apprécié par la gourmande que je suis, des planches réservées aux recettes syriennes, bien présentées et bien expliquées. S'il n'est plus nécessaire de présenter Séverine Vidal, autrice jeunesse, le dessinateur espagnol Adrián Huelva est moins connu et j'ai apprécié ses dessins et l'utilisation d'une large gamme de couleurs. Cette idée de BD est née de rencontres liées à des ateliers d’écriture menés en 2021 avec trois classes d’UPE2A dans les Yvelines, et les textes, en fin de BD, écrits par de jeunes réfugiés, sont extrêmement touchants et viennent fermer la boucle de cet album à faire découvrir dès 13-14 ans.

Les Pays d'Amir, bd chez Bamboo de Vidal, Huelva

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14 août 2023 1 14 /08 /août /2023 13:50

Les longueurs de Claire Castillon - Grand Format - Livre - Decitre

Les éloges étaient nombreux à la sortie de ce roman jeunesse, ma belle ado a voulu le lire, elle a été bouleversée et elle n’est pas la seule.

Lili a 7 ans lorsque ça commence. Son père a quitté la famille, même son pays - puisqu’il est allé vivre aux Etats-Unis - sa mère déprime, Lili aussi. Un copain de sa mère vraiment très sympa, Georges surnommé Mondjo, est toujours là pour détendre l’atmosphère ou rendre service. Il initie d’ailleurs Lili à sa passion, l’escalade. C’est comme ça que ça arrive réellement la première fois, cachée derrière un tapis bleu posé à la verticale sur un mur, dans la salle de sport, Lili est rejointe par Mondjo qui adore lui faire des gouzgouz, ces petites gratouilles chatouilles qui font bien rire une fillette. Oui, mais les gouzgouz se feront, au fil des mois, plus insistants, plus envahissants sur tout le corps de Lili. On devine la suite. Tout tourne autour du jeu, de cette relation de confiance réciproque qu’a réussi à établir l’homme adulte avec une proie aussi facile et malléable qu’une enfant. Lili est fière de savoir que Mondjo l’aime, il lui répète souvent et que, même s’il fréquente des femmes adultes (et Lili le découvrira plus tard, des fillettes également), elle reste sa préférée.

La nausée est le premier mot qui me vient à l’esprit. Parce que justement tout est dans la manipulation, la douceur (il ne l’aura presque jamais forcée ! mais que peut dire une fille de 8-9 ans face à un adulte de 45 ?) le chantage, et cette belle complicité qui devrait tout excuser. Lili est persuadée que chaque enfant a un amoureux adulte secret, un « supérieur » qui l’initie à l’amour charnel. Elle n’aime pas toujours les gouzgouz mais peut être jalouse des autres copines de Mondjo et le croit quand il dit qu’ils se marieront. Mais elle grandit et réfléchit davantage et tout change réellement quand Mondjo et sa mère se mettront en couple. J’ai vraiment pensé à cette maman qui ne sait rien des horreurs qui se produisent presque sous ses yeux tous les jours pendant des années, je ne sais pas s’il est possible de se laver de ce sentiment de culpabilité poisseux. Et si une Lili pourra connaître, à l’avenir, une relation saine et équilibrée... Avec simplicité et délicatesse, l’autrice parvient à parler de ces pédophiles, ces monstres qui salissent et détruisent des enfants. Le livre se lit en apnée, son message est nécessaire et vital pour toutes les filles du monde. Profondément émue, j’ai forcément pensé au sublimissime et bouleversant spectacle de théâtre dansé d’Andrea Bescond, Les Chatouilles.

A lire et à faire lire.

Ils sont dans le même lit, Lili a 10 ans : « Tout de suite, Mondjo me fait des gouzgouz, et puis il me demande de lui en faire. Aux chevilles, pour le détendre, et puis aux cheveux, aux joues, et puis où tu veux, il dit, dégageant le drap. Je retourne vers ses pieds pour faire des gouzgouz, puis aux genoux, puis je remonte aux joues. Et je vois son caleçon qui se soulève, une barre qui se tend à l’intérieur. Mondjo ouvre un œil, on dirait qu’il veut voir ma tête, alors je fais celle qui ne remarque rien. Je ne sais pas si je dois remarquer ou pas. « Voilà », je dis, arrêtant les gouzgouz. »

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10 août 2023 4 10 /08 /août /2023 11:43

Les libraires se livrent en 120 livres ! - Mollat

Première découverte de cet auteur à la biographie très romanesque (pour faire court : orphelin très jeune, musicien et photographe, il est emprisonné pour un vol de poules à 17 ans. Ses 22 romans ont été refusés pendant plus d’une dizaine d’années par diverses maisons d’édition, partout dans le monde.)

A Augusta Falls, une petite ville de Géorgie, en novembre 1939, le cadavre d’une fillette est retrouvé : Alice (11 ans) a été violée, battue et étranglée. En quelques années, dix fillettes seront retrouvées mortes, le corps souvent coupé en deux dans des mises en scène effroyables. Joseph Vaughan, petit garçon lorsque les premières tragédies surviennent, vit au rythme de ces nouvelles désastreuses. Sa vie personnelle n’est déjà pas simple, son père est décédé, il découvre sa mère dans son lit avec le voisin marié, elle finira par tomber dans une folie qui deviendra comme un cocon. Au bout de la quatrième fille tuée, un groupe de garçons fait la promesse de surveiller toutes les filles vivantes ; ils seront les Anges Gardiens. Evidemment bien inutiles face à ce tueur en série aussi cruel que discret. Joseph va grandir, s’amouracher de son ancienne maîtresse mais une nouvelle série de drames va le contraindre à quitter sa campagne natale pour rejoindre New-York - en ébullition - où il peut laisser éclater son talent d’écrivain. Pourtant la soif de vérité l’attire irrémédiablement vers Augusta Falls, encore et encore.

Quel roman ! Il est difficile de pointer du doigt ce que j’ai le plus aimé : l’intrigue de ce thriller d’une efficacité admirable (la comparaison avec l’excellent De sang-froid de Truman Capote est tout à fait justifiée), la malédiction qui pèse sur ce garçon poursuivi par une noirceur terrifiante, ou encore cette écriture -entre phrases courtes, style âpre et passages d’une grande poésie qui m’a tellement séduite. Au-delà du polar, j’ai adoré suivre le parcours de vie du personnage principal dans une sorte de roman initiatique noir où les passages qui se situent dans la cambrousse sont tout aussi intéressants que ceux consacrés à la fabuleuse New-York. 602 pages de délice !

Il me tarde de lire d’autres titres de cet auteur mais avant, je veux découvrir l’adaptation BD qui semble être réussie, elle aussi.

-  COUP DE CŒUR -

« à quatorze ans, je voulais seulement comprendre pourquoi ces choses m’effrayaient tant. Je croyais que si je comprenais l’homme alors je n’aurais plus peur de lui. L’homme qui avait fait ces choses terribles à ces petites filles. J’essayais de m’imaginer la vie qu’il avait pu mener, la façon dont il voyait le monde, soi-disant le même monde que celui que je voyais, mais pourtant différent. Lorsque je voyais la lumière du soleil, ne voyait-il que des ombres ? Lorsque je me réveillais d’un cauchemar et que le soulagement m’envahissait telle une écume marine, tentait-il de se replonger dans le cauchemar pour faire durer ? »

« Tout le monde a un livre en soi (...). Certaines personnes en ont deux ou vingt ou trente. La plupart des gens le savent mais ils ne peuvent pas y faire grand-chose. Toi, tu le peux, et donc tu devrais le faire. Si tu ne veux pas avoir de regrets, le genre de regrets qui te harcèleront jusqu’à la fin de ta vie. »

« des feuilles d’automne se recroquevillant sur leurs branches, telles des mains d'enfant, des mains de nourrisson : quelque ultime effort plaintif pour capturer les vestiges de l'été jusque dans l'atmosphère et les retenir, les retenir tout contre soi, car il serait bientôt difficile de se rappeler quoi que ce soit hormis l'humidité maussade, oppressante qui semblait éternellement nous entourer. »

Je participe ainsi avec plaisir au challenge Pavés de l'été de La petite liste.

 

mais aussi au Challenge Les épais de l'été, organisé chez Dasola par ta d loi du ciné 

Challenge Les épais de l'été 2023

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7 août 2023 1 07 /08 /août /2023 22:13

                                                Mattéo tome 4 - BDfugue.com   Mattéo tome 5 - BDfugue.com      

Quatrième époque (août-septembre 1936)

Cinquième époque (septembre 1936 – janvier 1939)

Sixième époque (2 septembre 1939 – 3 juin 1940)

Après la première guerre mondiale, la révolution russe et le Front populaire, c’est en Espagne que se poursuit cette saga historique. Mattéo et son amie Amélie rejoignent les anarchistes pour lutter contre les franquistes dans un petit village non loin de Barcelone. Mais matériel, hommes et armes manquent furieusement à l’appel. Le petit groupe investit la riche demeure d’un notable ennemi et Mattéo prend une maîtresse russe dynamique ... à tous points de vue, Anechka.

Don Figueras, le richard invalide, va finalement se lier d’amitié avec Mattéo. Mais les quelques moments de quiétude et de beuverie sont vite éclipsés par les ravages de la guerre civile ... et les morts, même parmi les personnages principaux.

Si Mattéo, qui a rejoint la France, est recherché par les gendarmes, il bénéficie du soutien d’un vieil ami, Paulin, devenu aveugle lors de la première guerre mondiale. Il retrouve régulièrement Juliette, son premier amour, qui ne se décide pas à admettre que Louis parti à la guerre, est son fils à lui aussi. Apprenant que Louis est emprisonné près de Sedan, Mattéo part le rejoindre pour le sauver sans pour autant lui avouer qu’il est son père.

Après 9 ans d’abstinence, retrouver Gibrat fut un vrai gros plaisir. Le récit palpitant s’accompagne d’un graphisme à couper le souffle, chaque planche est une petite merveille qui s’admire. J’ai aussi beaucoup apprécié la plume de Gibrat, dense, poétique, parfois rugueuse ; il est finalement assez rare de trouver une langue aussi travaillée en BD. Si vous n’avez pas encore découvert cette belle série de six tomes, faites-vous ce plaisir de lire les six opus d’affilée, j’ai tellement regretté de ne pas avoir les trois premiers sous le coude pour me remémorer l’histoire. Le dernier tome est assez extraordinaire même si, évidemment, on est frustrés de savoir que c’est le dernier. La fin n’est pas telle que je l’imaginais, elle est ouverte et belle. Bon, tout est bon là-dedans, foncez !

« A pleines journées, nous mijotions, assaisonnés de poussière, elle recouvrait tout, à commencer par les enthousiasmes. Les silhouettes des hommes, amollies de chaleur, traînaient leur ennui d’une bouteille à l’autre. Nous étions des chiens de ferme en plein midi, recherchant une flaque d’ombre, sans jamais trouver leur place. La fraîcheur du soir les remettait debout, les hommes, la nuit les ravigotait tout à fait, eux et leurs promesses de raclée aux phalangistes, les poings se levaient, bien serrés d’impuissance, puis une bouffée de lucidité sur les maigres probabilités de victoire, alors, de dépit, les poings cédaient à leur vilaine manie, l’étranglement des goulots. » (tome 4)

« Ça m’a plus lâché, cette idée, un totem pour les insomnies... on tourne autour jusqu’au petit jours... on passe de l’ébauche à l’esquisse, et voilà que ça devient un projet, bien têtu, qui prend possession du bonhomme, qui vous gratte sous la peau... la paternité tournait à l’urticaire. » (tome 6)

Mattéo tome 6 - BDfugue.com

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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 15:03

Lys Martagon

Cet été, je lis du théâtre comme j’avale des fruits frais, voracement et avidement, presque tous les jours. Je ne vais pas chroniquer chacune de mes lectures, d’autant plus que le théâtre lu n’a pas forcément le vent en poupe sur la blogosphère mais je ne pouvais pas ne pas parler de cette petite merveille écrite par un dramaturge contemporain que j’aime beaucoup.

Lys Martagon a 17 ans. Sans doute positivement influencée par son nom de fleur, elle est à part, originale parce qu’elle parle tout le temps, partout. Elle parle des fleuves, des étoiles, des pays, des îles, des continents, des planètes. Elle parle pour contrer la misère qui l’entoure, la fatigue de sa mère qui l’a toujours élevée seule, elle parle pour voir plus loin. Elle parle à son « géant » aussi, cet arbre de trente mètres de haut devenu son ami. Elle cavale toute la journée, montant la colline pour la descendre aussitôt, elle marche pieds nus pour sentir « le léger du chemin ». A la manière du « Voyant » de Rimbaud, elle voit mieux et plus que les autres, au-delà des immeubles de la ville, le regard tourné vers la chaîne de Belledonne. Et elle va emmener Démétrio, un ado qui ne fait que regarder la télé, dans son monde fait de rêveries, de fleurs et d’exploration où tous les sens sont exploités.

Cette pièce a été écrite lors d’une résidence de Sylvain Levey à Grenoble en 2011. J’espère que les Grenoblois sont tous bien conscients de la chance d’avoir ce texte écrit dans l’écrin qui a conçu le bijou. D’une rare poésie, Lys Martagon est un peu la nymphe Écho de Grenoble, elle est partout, virevoltante et joyeuse, emplie de la belle nature qui n’est vraiment pas si loin des hautes tours laides de la ville quand on daigne lever les yeux. Un texte poétique qui se dévore avec plaisir, Lys est accompagnée d’un « chœur de la vallée », de sa mère et de Démétrio mais c’est bien elle seule qui constitue la lumière, le soleil de ces mots et qui va tenter, telle une alchimiste, de transformer le laid en beau. A lire à tout âge.

Coup de cœur

« On devrait construire plus de phrases et moins d’autoroutes. »

« Je collectionne le vent comme d’autres les cuillères en argent. [...] Je collectionne aussi la pluie comme d’autres font sécher les papillons. »

« Quatre-vingt-une pulsations fois des millions de femmes, d'enfants et d'hommes. Ça fait du bruit, ça, je te promets, ça fait du bruit. Si on éteignait toutes les télés, les radios, tous les téléphones, les ordinateurs, si on arrêtait toutes les voitures du monde entier, tous les avions, tous les trains qui traversent la France et les paquebots qui traversent les océans, si on fermait toutes les usines, ne serait-ce qu'une heure, si on bâillonnait la fée Électricité ne serait-ce que quelques instants, si tous les bébés qui naissent acceptaient pour une fois de ne pas hurler comme ils le font pour protester contre l'injustice et la torture dans le monde et si moi, moi, Lys Martagon, cent cinquante-sept centimètres de bas en haut, je décidais un jour de me taire pour de bon on pourrait écouter la symphonie des cœurs qui battent à l'unisson ici où nous habitons, mais tu pourrais aussi entendre les palpitations, des coeurs de Calcutta, de Rio de Janeiro, de Karachi, de Reykjavik, tu pourrais entendre le cri de l'ours polaire à la dérive sur son bout de banquise, tu pourrais entendre le dernier souffle de la vieille femme qui vient de s'éteindre dans un lit d'une clinique sur les bords de la mer Caspienne, tu pourrais entendre les milliers de voix qui s'élèvent un peu partout sur la planète, les voix de ceux qui ont faim, simplement faim, tu pourrais entendre le je t'aime murmuré par la bouche de l'homme dans l'oreille de la femme, tu pourrais entendre la fonte des neiges dans les montagnes rocheuses de l'Est américain [...] »

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21 juillet 2023 5 21 /07 /juillet /2023 14:54

      Ce blog va très exceptionnellement faire une pause, je lis moins et je ne suis plus le rythme que je m'impose depuis des années. Je m'en vais me désaltérer, me baigner et je reviens tout bientôt !

Photo libre de droit de Mojito Cocktail Sur Bois Frais banque d'images et  plus d'images libres de droit de Mojito - Mojito, Plage, Cocktail - Alcool  - iStock

 

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